La catastrophe que déclencha Henri eut lieu pendant la deuxième semaine des vacances scolaires de février. Ce fut par une folle journée trop ensoleillée et chaude pour ne pas être exceptionnelle et noire. Mais cette catastrophe avait, en fait, débuté la veille, dans l'après-midi.
Ce jour-là, vers les deux heures, Henri, profitant du soleil qui pointait enfin son nez après un début de vacances pluvieux, se rendit chez son ami Jack. Ce dernier et lui se connaissaient depuis l'âge de trois ans, ils habitaient le même quartier depuis leur naissance et usaient leurs fonds de culotte sur les mêmes bancs d'école depuis toujours. Ce qui ne faisait pas beaucoup d'années en somme, mais à leurs yeux, cela leur paraissait une éternité.
Ils se chamaillaient énormément, même plus que la moyenne des enfants de leur âge, mais ces disputes ne duraient jamais plus de deux à trois jours. Sauf une année, pour l'anniversaire de leurs six ans, où, après une brève bagarre, ils ne s'étaient plus parlé pendant presque un mois.
Ils étaient nés à quatre jours d'intervalles, tous deux étant du mois de septembre, un du dix-sept et l'autre du vingt et un. Henri se trouvant être le plus vieux. Mais, c'était le dix-neuf qu'ils faisaient le traditionnel soufflé de bougies et la, si attendue, distribution de cadeaux. Ce jour-là, leur engueulade commença justement après la distribution et l'ouverture des cadeaux. Jack avait reçu un garage Majorette alors qu'Henri n'avait eu que le camion grande taille et transporteur de voitures. Certes, il contenait douze autos sur trois étages et était peint en vert bouteille, comme il le voulait, mais le garage semi-automatique, qui fonctionnait avec des piles ou sur le secteur et qui pouvait se transporter facilement, car après l'avoir plié il ressemblait à une valise, lui plaisait encore plus. Alors la jalousie le fit devenir agressif et il lui dégota une gifle. La suite se passa en tirages de cheveux, en griffures et en morsures, puis le camion, lancé par la main d'Henri, atterrit en plein milieu du garage qui éclata dans un jaillissement de plastique. Enfin les deux gamins, en pleurs et en sangs, furent séparés difficilement par leurs parents qui les punirent sévèrement après les avoir calmés.
Après cela, ils décidèrent de ne plus jamais se parler, mais bien sûr cela ne dura pas et au bout d'un mois ils refirent la paix et tous leurs jeux reprirent comme avant, comme si rien ne s’était jamais passé. Et ce jour de février, avant leurs onze ans, c'était justement ensemble qu'ils traînaient dans le jardin de la maison de Jack. Ils jouaient avec les Playmobil neufs qu'ils avaient eus pour la Noël précédente. Il s'agissait de deux motards, un jaune et noir avec une moto rouge et un casque de la même couleur, et un autre vert et bleu montant une bécane noire et portant un casque de même pigmentation. Ils les faisaient rouler sur un circuit improvisé dans la terre fraîchement retournée, car c'était là, l'endroit le plus propice à ce genre d'activités enfantines. D'autres petits bonshommes en plastiques, installés sur les bas-côtés du parcours, faisaient office de publics et d'assistants d'écuries.
Au bout d'une heure, las de ce jeu qui n'avait que trop duré, ils avaient commencé à faire des parties de billes. Jack dût en prêter à son ami qui avait oublié les siennes dans son pupitre, et ce dernier, perdant à chaque fois et prétendant que cela venait du fait que ce n'était pas les siennes, celles qui d'habitude lui portaient chance, fut alors frappé par une idée. Cinq minutes plus tard, après avoir convaincu son ami, ils quittaient le jardin de ce dernier… |