Le Jour suivant, Henri se leva vers huit heures et s’installa devant la télé pour regarder ses dessins animés préférés, puis à dix heures il regagna sa chambre pour jouer. Occupation classique d’un enfant de son âge en somme. Il s’amusa donc en faisant en Lego des véhicules roulants ou volants voir les deux en même temps, histoire d’épater un peu son copain cet après-midi.
Il avait une montagne de ces petites briques emboîtables offertes par ses nombreux oncles et tantes, mais aussi par ses parents et des amis. Il en assembla une dizaine de ces engins aux allures de concepts abstraits et en était plutôt fier. Il lui tardait de retrouver Jack pour lui montrer, et quand sa mère l’appela pour le repas du midi, pour une fois elle n’eut à le faire qu’une seule fois, tellement il était pressé d’être à l’heure de rejoindre ce dernier. Comme si manger allait faire passer le temps plus vite.
En plus de lui, ses parents avaient fait l’erreur, selon lui, de se reproduire deux autres fois. Une fois avant sa propre mise au monde, et sous la forme d’une fille (berk !) alors âgé de quatorze ans (double berk !) et après lui, d’un autre garçon (cool !), mais de six ans son cadet (Mer... !), et donc trop jeune pour pouvoir jouer avec lui. Surtout que leur mère ne le voulait pas, elle n’avait pas confiance en l’aîné pour prendre soin de son frère, et elle avait bien raison. La seule fois où cela s’était passé, ce dernier était revenu en pleurant et les genoux et les paumes des mains en sang, car Henri l’avait poussé, alors qu’il était sur son petit tricycle, dans la pente de leur garage. Il s’était alors fracassé sur le goudron de celle-ci et avait glissé jusqu’en bas, soit sur environ trois mètres, déchirant ses pantalons et se râpant les mains et les genoux jusqu’au sang.
Ce jour-là, ils avaient eu droit à un couscous maison comme seule leur mère savait le faire aux yeux d’Henri qui, à chaque fois, s’en goinfrait jusqu’à s’en faire péter la panse. Et cette fois-là, il ne dérogea pas à la règle, et jusqu’à deux heures, heure où il se mit en route pour chez Jack, il en eut mal au bide. La semoule était prête à lui ressortir par tous les orifices, comme aimait à le dire sa soeur se moquant de lui. Elle lui en voulait toujours, parce qu’un an plus tôt, il lui avait pincé et tordu violemment ses prémices de seins qui commençaient tout juste à pointer le bout de leurs tétons sous ses vêtements.
Quand enfin il quitta son domicile, il portait sur son dos un sac où il avait entassé délicatement tout son fourbi de constructions en Lego, faisant bien attention de ne pas les désassembler pendant le transport. Dans sa poche de blouson, comme la veille, son sac de billes faisait entendre son bruit de crécelle, mais d’un ton plus calme, son allure n’étant pas, cette fois-ci, celle d’une course éperdue. Arrivé chez son copain, il l’épata, comme il l’avait espéré, avec ses étranges véhicules, dont un seul avait souffert du voyage, mais de façon si superflue qu’il fut très vite remis en état. Ensuite, ils allèrent jouer avec dans le jardin, Jack ayant en vitesse construit ses propres engins avec ses propres Lego. Très vite, ils ressortirent les catapultes et les canons pour faire un jeu de massacre avec les constructions comme cibles. Les chefs-d’oeuvre qui avaient pris plus de deux heures de temps à Henri le matin pour les assembler minutieusement furent détruits et éparpillés dans le jardin en moins de cinq minutes. Entre chaque bataille, ils se dépêchaient de rénover les appareils suffisamment en état pour l’être et, avec les débris des autres, trop endommagés, ils en remontaient à la va-vite des nouveaux, qui bien souvent n’égalaient pas en solidité et en beauté les originaux. À la fin, ils en construisirent un immense avec toutes les pièces des petits qu’ils mirent huit minutes à détruire entièrement. |