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au 31 Mai 21 :
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La terre de chagrin
Par miss-temperance
Originales  -  Romance/Fantaisie  -  fr
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Auprès des dieux

NdA : Je continue donc mon récit...
Vous voici à présent transportés auprès de la glaciale Caitleen, à Ilona, la cité de la frontière avec le royaume Youlee, très loin à l’est de Leonness. Et c’est en même temps qu’elle que vous apprendrez ce qui est arrivé à Pavel et ses sœurs.

Caitleen releva vivement la tête de son ouvrage : un messager de Léonness venait d’être annoncé…Intriguée, elle fixa l’entrée de la grande salle dans laquelle elle se trouvait, confortablement installée dans un large fauteuil près de l’immense fenêtre donnant sur le balcon. Son père s’était levé à cette annonce, afin d’accueillir le messager. Celui-ci apparut rapidement, trempé jusqu’aux os en raison de la pluie torrentielle qui s’abattait à l’extérieur depuis plusieurs jours déjà.

« Eh bien, qu’est-ce qui vous amène donc jusqu’ici ? », demanda courtoisement la voix grave de Wilfried.

Un lourd silence s’abattit soudain sur la grande salle. Caitleen fronça les sourcils en même temps que son père. Rapidement, ce dernier fit sortir les quelques domestiques présents dans la pièce. Son regard bleu acier se posa sur elle mais il interrompit son geste dans sa direction, lui permettant ainsi, comme souvent, de rester là où elle se trouvait.

« Mauvaises nouvelles ? », questionna-t-il à nouveau lorsque la porte de l’immense salle se fut refermée sur le dernier domestique dans un grincement sinistre.

Le messager paraissait affreusement gêné et se balançait nerveusement d’une jambe sur l’autre. Sous le regard inquisiteur de Wilfried, il laissa enfin s’échapper son message d’une voix hachée et craintive :

« La famille royale…décimée… »

Caitleen laissa échapper un hoquet d’horreur.

« Le roi…les enfants…assassinés…tous les cinq…On a retrouvé le corps du roi, mais pas ceux des héritiers…Il était atrocement mutilé et… »

« ASSEZ ! », tonna Wilfried, en abattant violemment son poing sur la table, faisant sursauter Caitleen et le messager d’un même mouvement. « QUI ? QUI A OSE ? »

Le messager, visiblement effrayé, lui tendit une missive d’une main tremblante. Dès que Wilfried s’en fut saisi, l’homme s’inclina rapidement et s’éclipsa aussitôt.

Caitleen se leva alors précipitamment, répandant sur le sol les flèches qu’elle était en train d’orner de plumes de paon. Elle se plaça derrière son père qui, sans lui prêter la moindre attention, déroula lentement le parchemin marqué du sceau royal. Wilfried parcourut rapidement la missive en étouffant plusieurs jurons puis la replia brusquement et s’avança vers la cheminée dans laquelle il la jeta en tremblant de rage. Faisant volte-face, il tomba sous le regard interrogateur et choqué de sa fille. Cette fois, il ne put se défiler comme il avait coutume de le faire…

« Les Youlees… »

Caitleen resta coite devant cette révélation et exprima tout haut le cheminement de sa pensée :

« Quoi ??! Les Youlees… Comment est-ce possible ? Filipo et le roi Sahalladin ont toujours été en bons termes…On peut même dire qu’ils étaient plus ou moins amis…Je me refuse à croire que Sahalladin puisse avoir commandité tout cela… Mon oncle en disait tellement de bien… »

« Il faut croire alors que nous avons tous été bien naïfs à son sujet… », rétorqua sèchement Wilfried en se dirigeant vers la sortie, la laissant seule dans l’immense pièce sombre.

Caitleen n’arrivait pas à y croire. En quelques minutes, elle venait de perdre tout un pan de sa famille…En quelques minutes, son monde venait de basculer…En quelques minutes seulement…

Plus jamais elle ne reverrait Myldi, sa chère Myldi…et la petite Tina, si douce… Qui avait pu être aussi cruel ? Des 5 amies des cités meathoises, elles n’étaient désormais plus que 3… Elle s’adossa au mur de pierre et frissonna violemment à ce contact glacé le long de son dos. Puis, elle se laissa glisser au sol dans un gémissement. Se recroquevillant sur elle-même, elle fixa le sol d’un œil vide, attendant des larmes qui ne viendraient jamais…

 

-°O0O°-

 

Malgré le soleil éclatant de cette fin d’après-midi, Caitleen frissonna lorsque 4 chevaliers refermèrent le cercueil dans un craquement sinistre. Plus que l’enterrement de son oncle, elle songeait qu’elle assistait également d’une certaine manière à celui de ses cousins et de ses cousines, et au-delà même de cela, à l’enterrement du monde tel qu’elle l’avait connu jusqu’à présent…Plus rien ne serait jamais comme avant…Son deuil avait à peine commencé, et il s’annonçait long et difficile…

Elle prit la tête, au sein de la famille royale, ou plutôt de ce qu’il en restait, et aux côtés de son père, de la longue procession vers le cimetière royal. Juste devant elle, elle pouvait voir le dos de Dya, soutenue par ses tantes Isabel et Lucilla, secoué de gros sanglots théâtraux. Caitleen ne pouvait s’empêcher de songer, parmi les nimbes de son cerveau embrumé que l’attitude de sa tante n’avait décidément rien de plausible…

Puis elle repensa malgré elle à l’horreur qui l’avait saisi lorsque comme tous les membres de la famille, elle était passée devant le cercueil de son oncle pour un dernier adieu. Elle s’était alors dit que cette image la hanterait jusqu’à la fin de ses jours. Ce visage si beau autrefois n’avait alors plus rien d’humain…Elle déglutit péniblement et se serra un peu plus encore contre son père tandis que les 4 chevaliers faisaient descendre le cercueil dans la fosse prévue à cet effet. Dya tomba à genoux, étouffée par ses sanglots bruyants et fut entraînée rapidement vers le palais par ses belles-sœurs. Caitleen la regarda s’éloigner d’un œil morne et incrédule devant tant de théâtralisme.

Les membres de la famille royale s’avancèrent lentement, un par un, et jetèrent, tour à tour, une poignée de terre dans la fosse avant de s’éloigner vers le palais à leur tour. Cette terre ocre et épaisse que Filipo avait tant aimé…Caitleen la laissa glisser doucement de ses doigts avec un sentiment de vide total…

 

-°O0O°-

 

Caitleen embrassa Megghan, Lucia et sa tante Lucilla, les seules ayant pu se libérer pour les adieux…Puis elle monta à cheval en jetant un coup d’œil à son père qui patientait quelques mètres plus avant. Ils étaient les premiers à partir, 2 jours seulement après la mise en terre…Leur cité d’Ilona était certes la plus éloignée de Léonness…mais Caitleen soupçonnait plutôt son père d’en avoir eu assez, tout comme elle-même, des jérémiades et lamentations incessantes de Dya...

La jeune fille passa l’arc et le carquois que lui tendaient Megghan en bandoulière, et, après un dernier sourire vers sa cousine, son amie et sa tante, poussa sa monture auprès de celle de son père.

« Soyez prudents ! », lança Lucilla dans leur dos.

Wilfried lui fit un signe de la main tandis que Caitleen gouttait la présence rassurante de son épée à sa ceinture, et ils se mirent en route.

Lorsqu’ils atteignirent la frontière de la ville, Caitleen soupira en observant la plaine qui s’étendait devant eux à perte de vue. La route serait longue jusqu’à Ilona…mais également dangereuse…A présent que les Youlees étaient parvenus à s’aventurer aussi loin dans Meath, personne ne se sentait plus en sécurité sur le sol meathois…D’autre part, Filipo étant mort, les répressions qu’il avait mis en place ne seraient plus en activité pendant un certain temps et les brigands de toutes sortes allaient s’en donner à cœur joie… Malgré tous cela, Wilfried avait refusé l’escorte offerte par Dya.

 

FLASHBACK

« Je vous remercie, Dya, mais ce ne sera pas nécessaire… »

« Voyons, Wilfried, c’est ridicule ! Vous serez incapable de défendre la vie de votre fille en plus de la votre si par malheur vous êtes attaqués… »

« C’est exact, mais je n’aurai nullement besoin de le faire…Caitleen n’a pas besoin de moi pour sauver sa vie…Elle sait se défendre… »

« Je vous rappelle cependant, cher Wilfried, que votre frère savait également se défendre…et qu’il était en outre accompagné de ses 6 meilleurs chevaliers… », avait objecté Dya d’un ton si bas qu’il leur avait fallu tendre l’oreille pour l’entendre.

Le visage de Wilfried s’était fermé et il avait lancé un regard si glacial à sa belle-sœur que Caitleen se demandait encore comment elle ne s’était pas instantanément changée en statue de glace…

« Nous n’avons pas besoin d’escorte », trancha sèchement Wilfried. « Nous sommes tous deux d’excellents guerriers…J’ai été formé par les meilleurs maîtres d’armes…Quant à Caitleen, elle s’entraîne à l’épée depuis plus de 10 ans, et je ne connais point de meilleure archère…En outre, nous serons plus discrets à 2 qu’à 15… »

FIN DU FLASHBACK

Ainsi avait été tranchée la question…

-°0O0°-

 

Caitleen sentait le sommeil la gagner comme le jour baissait…Cela faisait 3 fois qu’elle se redressait brusquement en se sentant glisser dans une douce torpeur…Et ils n’étaient même pas en vue des immenses tours de Minas Terdeth. Elle soupira et se massa doucement les reins, lasse.

« Père… », tenta-t-elle.

« Nous ne serons pas à Minas avant 4 heures, Caitleen… », répondit-il, implacable.

Elle étouffa un gémissement, grogna et s’étira. Que n’aurait-elle donné en cet instant pour se déplacer en calèche comme Meg et Lucia ! Il était hors de question de dormir ailleurs qu’à Minas Terdeth. Il allait falloir qu’elle prenne son mal en patience…

Il lui tardait d’arriver tant pour trouver le lit confortable qu’on lui aurait sans nul doute préparé mais également pour revoir la magnifique cité de Minas…Cela faisait une éternité qu’elle n’y avait pas mis les pieds ! Cette cité où régnait Hylda, sœur cadette de Filipo et son mari Senna, était surtout l’antre de ses cousins Will et Pérez…Minas était au nord de Léonness, à l’ombre du mont Varas, où plutôt littéralement sculptée dans la roche qui se trouvait au pied de la montagne… D’ordinaire, son père et elle passaient par le sud et contournaient la tumultueuse rivière Ungan par Pendarane…Mais au vu des évènements récents, ils s’étaient accordés tous deux pour de ne pas passer par la forêt. Il avait donc était décidé qu’au lieu de la contourner, ils traverseraient l’Ungan. Or, il n’existait qu’un seul endroit où les eaux tourbillonnantes de la rivière avaient permis de construire un pont : à Minas Terdeth, la ‘ville de roc’…

A nouveau, la jeune fille soupira et poussa son cheval à hauteur de celui de son père.

« Père… »

Elle hésita un instant puis se lança :

« Père, croyez-vous vraiment que les Youlees soient les auteurs de ces meurtres ? »

« Que vous a-t-on dit à Léonness, Caitleen ? »

« Que c’étaient eux… », souffla la jeune fille.

« Vous ne mettriez tout de même pas en doute la parole de notre nouvelle souveraine ? Car vous l’ignorez encore mais ceci sera sous peu considéré comme crime de lèse-majesté et condamné par l’emprisonnement… Alors écoutez donc ce que l’on vous dit et ne faites pas de commentaires… »

« Mais la reine ne peut pas faire cela ! Elle condamne la liberté de penser ! »

« Vraiment ? Je crains fort qu’elle n’en ait cure… »

Son père la gratifia d’un regard énigmatique.

« Mais, vous… », insista-t-elle. « Vous, est-ce que vous y croyez ? »

L’espace d’un instant, elle crut voir passer un léger sourire sur le visage de son père.

« J’ai bien entendu ce qu’il m’a été dit à Léonness et je ne le renie pas », commença-t-il prudemment. « Cependant, je règne sur Ilona, cité de la frontière avec les Youlees, et de ce fait, j’ai connaissance de certains éléments à leur sujet…Par exemple, que leur culture et leur religion exigent d’eux le plus grand respect envers les défunts…Or, je sais également que mon frère a été atrocement mutilé après sa mort… C’est tout… »

La discussion était close. Mais son père confirmait ce qu’elle pensait déjà. Les Youlees semblaient avoir été accusés à tort…Dans ce cas, qui était réellement coupable de ces horreurs ?

Elle secoua légèrement la tête, pour en chasser toutes ses suppositions et jeta un coup d’œil distrait dans son dos, observant rêveusement les lumières du village qu’ils venaient de contourner. C’était le mot d’ordre de son père : voyager discrètement…Autrement dit, éviter les villes, villages, maisons, routes, chemins, sentiers…bref tout ce qui se rapportait à une trace humaine de près ou de loin… Ils ne se ravitailleraient qu’à Minas Terdeth…

Elle tressaillit en apercevant au loin un détail qui attira son attention et lui fit plisser les yeux.

« Père ! » appela-t-elle aussitôt.

 

Ce dernier lui jeta un regard interrogateur par-dessus son épaule et elle pointa du doigt ce qui l’avait intrigué : un nuage de poussière se dirigeait vers eux à toute vitesse. Or, ils savaient tous deux que, à moins d’une manifestation divine, une seule chose pouvait se déplacer aussi rapidement tout en soulevant autant de poussière : un groupe de cavaliers.

« Combien d’après vous, Caitleen ? » questionna calmement Wilfried.

Pourtant, la jeune fille observa une artère qui palpitait violemment au niveau de sa tempe droite.

« Au vu de la poussière qu’ils soulèvent, je dirai une quinzaine… », estima-t-elle.

« Loin ? »

Elle jeta un coup rapide au sol du chemin qu’ils avaient jusqu’ici longé. Des petits cailloux commençaient à tressaillir imperceptiblement dans un rythme régulier…

« 800 mètres, 900 au maximum…Ils seront là dans quelques minutes… »

« Bien ! » lança Wilfried, toujours aussi calme. « Vous voyez ces rochers, Caitleen ? »

Il désignait une espèce de canyon sur leur droite constitué de pierres blanchâtres, à une dizaine de mètres. Elle acquiesça.

« Ils sont farcis de grottes… », poursuivit-il. « Nous allons galoper jusque là, nous trouverons une grotte assez vaste pour nous et nos chevaux, et nous attendrons…Qui que ce soit, nous attendrons en silence…Des questions ? »

« S’ils nous trouvent ? »

« Votre épée est à votre ceinture… », répondit-il d’un ton badin comme s’il lui annonçait ce qu’ils allaient manger le lendemain. « Allez !!! »

Caitleen enfonça ses talons dans les flancs de sa monture et la dirigea sur sa droite. Quelques minutes plus tard, ils s’engouffraient dans une grotte depuis laquelle ils pouvaient voir la route. Le groupe de cavaliers arriva quelques instants plus tard et s’arrêta sur le chemin, à quelques mètres seulement de l’endroit où ils s’étaient trouvés auparavant. Caitleen écarquilla les yeux de surprise et d’incompréhension en reconnaissant leurs tenues : des chevaliers de Léonness… Que faisaient-ils ici ?

« Alors ? » lança celui qui semblait être leur chef d’une voix forte.

« Je ne comprends pas… Je les avais aperçut ici même… »

« On a intérêt à les retrouver ou on va passer un sale quart d’heure ! »

Caitleen fronça les sourcils.

« Ils ont peut-être un message pour nous… », chuchota-t-elle à son père qui apaisait les chevaux.

« Un message bien important pour priver Léonness de 15 chevaliers », ironisa Wilfried dans un murmure.

Caitleen faillit s’étrangler en entendant un nouveau chevalier prendre la parole :

« En ce qui me concerne, je n’ai guère l’intention de les laisser filer…Je tiens bien à toucher ce qu’on m’a promis en échange de leurs cadavres… »

« Moi aussi ! », renchérit un autre.

« Eh ! Regardez ces rochers ! Ils auraient pu s’y cacher… »

Caitleen retint un cri et porta la main à sa bouche tandis que quinze paires d’yeux se braquaient dans leur direction.

« Non…Inutile de se déplacer…Nous les verrions d’ici. Marco a dû se tromper, il devait s’agir de chevaux sauvages… Poursuivons vers Minas ! »

Il éperonna son cheval qui partit au galop vers le nord, aussitôt suivi des autres. Lorsqu’ils eurent totalement disparu, elle poussa un long soupir de soulagement.

« Et maintenant ? » demanda-t-elle en se tournant vers son père.

« Nous ne pouvons de toute évidence plus continuer vers Minas… »

Caitleen se retint de ricaner de dépit à ses paroles.

« Nous ne pouvons pas non plus contourner l’Ungan par le sud, comme nous avions l’habitude de le faire…Cela nous ferait repasser trop près de Léonness, ce qu’il nous faut d’autant plus éviter à présent que nous sommes traqués par ses chevaliers… Il ne nous reste donc plus qu’une seule solution : traverser la rivière… »

« Nous n’y arriverons jamais ! », rétorqua-t-elle aussitôt.

« Nous y arriverons ! Nous sommes dans le 8ème mois…Le niveau de l’Ungan est au plus bas…Il faut que nous regagnions notre cité coûte que coûte ! Une fois là-bas, nous serons en sécurité ; personne n’osera nous y attaquer…Nous allons vers l’est, à Edoras…Nous y trouverons des alliés…Ne voyageons que de nuit, rapidement et discrètement ; continuons à éviter les chemins…En route ! » lança-t-il en montant à cheval.

 

-°O0O°-

 

Caitleen entrouvrit les yeux et les referma aussitôt, éblouie par un flot de lumière éclatante. Elle goutta l’odeur de la terre ocreuse sous son corps et rouvrit les yeux délicatement, s’acclimatant peu à peu à la lumière. Elle se redressa en grimaçant : son corps tout entier n’était que courbatures. Un bruit dans son dos la fit se retourner brusquement et elle fut infiniment soulagée de constater qu’il ne s’agissait que de son père qui s’occupait des chevaux…

Elle s’étira en baillant dans une attitude féline. Durant la nuit, ils avaient imposé à leurs montures un train d’enfer pour finalement s’arrêter à l’aube entre ces deux petits monticules de terre qui leur assuraient un abri. Mais un tel abri était-il réellement nécessaire dans une région si totalement et désespérément désertique ? De la où elle était assise, Caitleen pouvait apercevoir au loin les eaux agitées et tumultueuses de l’Ungan.

Son regard revint vers son père. Ce dernier s’aperçut alors qu’elle était réveillée et lui adressa un léger sourire auquel elle répondit en grognant de sentir au même instant son estomac se tordre douloureusement. Elle jeta un coup d’œil affamé dans sa besace : deux fruits et trois fines tranches de viande séchée. Caitleen soupira de dépit…Et dire qu’il allait falloir tenir avec ça jusqu’à Edoras…Voilà qui promettait de merveilleuses crampes d’estomac tout au long du chemin… Elle mâchouilla distraitement une tranche de viande séchée et leva les yeux vers le soleil…Il avait à peine amorcée sa descente…La journée serait décidément très longue…

 

-°0O0°-

 

Caitleen contemplait l’eau noire de la rivière d’un œil morne. Depuis que la nuit était tombée, une seule phrase occupait son esprit et le martelait : « Nous n’y arriverons jamais… » Elle caressait machinalement les naseaux de son cheval et pinçait tellement les lèvres qu’elle ne les sentait plus. La voix de son père la fit sursauter.

« Nous allons devoir abandonner nos chevaux… », annonça-t-il sans préambule.

« Quoi ? » s’étrangla-t-elle.

« Enlevez-leur leurs rênes et leurs selles afin que l’on croie qu’ils sont sauvages et faîtes les partir… », ordonna Wilfried sur un ton n’admettant aucune réplique.

Résignée mais complètement paniquée à l’idée d’exécuter ce que son père lui ordonnait, Caitleen obéit néanmoins à contrecœur. Elle rangea les rênes dans la besace qui était accrochée à sa selle, et la passa en bandoulière. Elle déposa les selles sur le sol, et donna deux grandes claques sur les croupes des chevaux, la gorge nouée. Elle les regarda s’éloigner rapidement…Désormais, il leur faudrait marcher…Elle soupira de dépit en se saisissant des selles qu’elle jeta dans la rivière, les observant disparaître à une vitesse effrayante dans les eaux tourbillonnantes.

« Caitleen ! » appela Wilfried.

Elle l’interrogea du regard.

« Nous allons traverser », annonça-t-il.

 

Il interrompit toutes ses protestations d’un geste de la main et lui désigna une corde épaisse d’une quinzaine de mètres de long qu’il avait déniché elle ne savait où.

« Je vais accrocher cette corde autour de ma taille, et vous allez accrochez l’autre bout à l’une de vos flèches. Puis, vous tirerez cette flèche sur l’autre rive. Il faut qu’elle s’enfonce le plus possible au sol. Vous traverserez en vous accrochant avec vos bras et vos jambes à cette corde. Vous êtes légère et vous possédez les meilleures flèches du royaume, ça devrait tenir. Une fois de l’autre côté, vous nouerez la corde à l’un des arbres sur l’autre berge et je traverserai à mon tour, à la nage… »

« Mais... »

 

Elle n’eut pas le temps d’articuler un mot de plus que son père nouait déjà la corde autour de lui et lui tendait l’autre bout. Ravalant ses objections, elle s’en saisit et l’attacha solidement à une flèche. Puis sortant son arc, elle visa la rive opposée et tendit sa corde au maximum. La relâchant brusquement, la flèche alla se ficher violement dans la terre sèche de l’autre côté de la rivière. Elle repassa aussitôt son arc en bandoulière.

Elle s’avançait vers la berge lorsque son père la retint fermement par le bras. Il vrilla son regard au sien et pour la première fois de sa vie, elle put y lire une lueur d’inquiétude.

« Caitleen…quoi qu’il arrive, vous ne lâchez pas cette corde… »

Elle acquiesça, et plongea avec dégoût dans les eaux sombres de l’Ungan, se cramponnant à la corde de toutes ses forces. Elle y noua ses jambes et commença sa traversée, la tête à l’envers, à quelques centimètres à peine de l’eau. Etourdie par le vacarme de l’eau sous son corps, elle avançait doucement et prudemment. Enfin, au bout d’un temps qui lui parut infini, son corps butta sur une surface solide. Aussitôt, elle rampa sur la terre ferme et arracha la flèche plantée au sol, la détachant de la corde. Elle noua ensuite cette dernière autour de l’arbre lui paraissant le plus solide, puis fit signe à son père. Ce dernier se jeta aussitôt dans la rivière, nageant du mieux qu’il le pouvait. Mais très vite, il devint évident qu’il se fatiguait en vain. Dans un accès de désespoir, Caitleen se saisit de la corde et tira dessus de toutes ses forces. Elle avait l’impression que ses efforts ne servaient absolument à rien lorsqu’elle s’aperçut que son père se rapprochait progressivement d’elle. Redoublant d’efforts, elle tira encore plus sur la corde. Enfin, il atteignit à son tour la berge et s’y hissa. Immédiatement, Caitleen se précipita à ses côtés. Il toussait et recrachait l’eau qu’il avait du avaler durant la traversée.

« J’avais dit que c’était une mauvaise idée… », s’exclama-t-elle, furieuse, en le soutenant.

« J’avais dit que nous y arriverions », rétorqua-t-il en se redressant.

Il ramassa la corde et la flèche de Caitleen et se remit en route d’un pas décidé. Caitleen soupira d’appréhension et le suivit.

 

-°0O0°-

 

4 nuits… 4 interminables nuits de marche ininterrompue… Caitleen mourrait de faim. Elle se laissa tomber au pied d’un rocher, dans les herbes hautes qui entouraient la lisière nord de Pendarane sur des kilomètres et des kilomètres. L’aube pointait. Son père grimpa sur le rocher et scruta l’horizon. Lorsqu’il redescendit, il avait le sourire aux lèvres.

« J’aperçois la cité… », déclara-t-il.

« Edoras ? », s’exclama Caitleen, incrédule.

Wilfried acquiesça.

« C’est pour la nuit prochaine…Il faut élaborer un plan pour pénétrer dans la cité…Il nous faut être très prudents…La sécurité doit être renforcée depuis les meurtres…Nous pourrions peut-être intercepter un chariot de provisions…mais c’est très risqué et peu discret. »

Caitleen l’écoutait parler, incrédule. Elle-même n’avait jamais mis les pieds à Edoras mais savait parfaitement comment y pénétrer en toute discrétion. Sa cousine Megghan lui avait si souvent décrit sa cité adorée…

« Edoras est farcie de souterrains ! », s’exclama-t-elle. « Je pensais que vous le saviez ! »

Wilfried s’interrompit dans ses hypothèses et la regarda, ébahi.

« Vous êtes sûre de ce que vous avancez ? »

« Certaine ! Megghan m’a décrit Edoras dans les moindres détails. Je pourrais presque m’y retrouver les yeux fermés ! »

« Que les dieux bénissent votre cousine ! Par où peut-on entrer ? »

« Il y a un passage sous les remparts sud de la cité. Une pierre différente des autres à l’exact milieu du mur…C’est tout ce que je sais. Je n’ai pas demandé plus de détails à Meg…A l’époque, je ne pensais jamais mettre les pieds à Edoras. Encore moins y entrer par un passage secret ! »

 

-°0O0°-

 

Megghan avait raison de ne pas tarir d’éloges sur sa cité, songea Caitleen. Edoras était réellement magnifique. Construite sur une butte de terre, la cité guerrière était ceinte d’un double rempart de pierres grises des Eridus. Les habitations, harmonieusement agencées, y étaient d’un blanc lumineux. Ca et la, des chaumières étaient encore allumées mais dans son grand ensemble, la ville était endormie.

Dès la nuit tombée, Caitleen et son père avait longé l’enceinte de pierre jusqu’au milieu du rempart sud. A présent, ils scrutaient attentivement le mur rocheux, à la recherche de la pierre différente des autres. Ils devaient avoir l’air si ridicule !!

« Caitleen ! », lança Wilfried d’une voix étouffée pour ne pas attirer l’attention des sentinelles effectuant leur tour de garde sur les remparts.

Aussitôt, elle se précipita vers lui. Il lui désigna une pierre à peine plus claire que les autres. Peu convaincue qu’il s’agissait de celle qu’ils cherchaient, elle approcha néanmoins son visage tout près du mur. Et ce qu’elle fit faillit lui arracher un cri de joie : un cheval y était grossièrement gravé. Le cheval…L’emblème des anciens grands guerriers d’Edoras…

« Et maintenant ? », questionna son père dans un murmure.

Elle haussa les épaules dans une mimique de parfaite ignorance. Elle n’avait strictement aucune idée de ce qu’ils devaient faire à présent. A vrai dire elle n’y avait jamais réfléchi…et elle n’avait pas cru un seul instant qu’ils trouveraient cette fameuse pierre…

Distraitement, elle caressa la gravure du bout des doigts, en suivant machinalement les contours. Soudain, elle sentit le mur vibrer doucement sous sa main. Elle jeta un coup d’œil à son père qui n’avait visiblement rien remarqué. Elle lui saisit la main et la posa contre le rempart. Il fronça les sourcils et se recula, l’entraînant avec lui. Et sous leurs yeux ébahis, une entrée se dessina en silence dans la muraille de pierre, laissant place à un passage.

« Et maintenant ? » murmura-t-elle à son tour.

Son père ne prit même pas le temps de lui répondre et s’engagea immédiatement dans l’ouverture qui venait d’apparaître. Elle étouffa un juron et s’engagea à sa suite avec appréhension. Dès qu’elle en eut franchi le seuil, le passage se referma derrière elle en un léger craquement. Aussitôt, ils furent plongés dans le noir le plus profond.

« Nous ne sortirons jamais d’ici… », gémit Caitleen.

« Bien sûr que si », rétorqua son père, apparemment agacé. « Megghan ne vous aurait jamais indiqué ce passage s’il était sans issue ! »

Caitleen aurait aimé partager cette certitude…Mais Meg était parfois si insouciante…La jeune fille commença tout de même à longer le mur à tâtons, juste devant son père. Ses doigts rencontrèrent une surface visqueuse et humide, lui arrachant une exclamation de dégoût.

Ils avancèrent prudemment dans l’obscurité totale durant de longues minutes. Soudain, sa main rencontra une surface différente devant elle.

« Père ! », appela-t-elle.

 

Wilfried grogna derrière elle.

« On ne peut plus avancer, il y a quelque chose…On dirait du bois… »

« Une porte ? »

« Je ne sais pas… »

« Voyez si vous pouvez l’ouvrir… »

Elle fit courir ses doigts sur le bois humide avant de rencontrer ce qui pouvait ressembler à une poignée. Elle tapota dessus avec ses ongles, ce qui produit un léger son métallique. Elle suivit le métal et s’aperçut qu’il formait un cercle. Elle se saisit de l’anse et la tira doucement vers elle. Le bois bougea aussitôt.

« C’est bien une porte ! Elle s’ouvre vers l’intérieur… »

« Bien ! Ouvrez-la très peu et jetez un coup d’œil sur ce qui se trouve derrière… », ordonna Wilfried.

Caitleen s’exécuta aussitôt, et déplaça le bois pourri avec difficulté. Puis, elle observa ce qu’elle avait sous les yeux.

« Nous avons traversé les remparts…Il y a une ruelle pavée, je suppose que nous sommes à l’intérieur de la cité… »

« Parfait ! S’il n’y a personne, sortez. Vous marcherez vers la droite et m’attendrez au prochain carrefour. Rabattez votre capuchon sur votre visage ! Edoras est farcie de voyageurs de toutes sortes, on pourrait vous reconnaître… »

Caitleen rabattit sa cape, prit une profonde inspiration et sortit rapidement, refermant la porte derrière elle. La rue était déserte. Elle se força à marcher calmement jusqu’au croisement avec la ruelle suivante. Là, elle se plaça dans l’ombre et attendit. Son père arriva quelques minutes après. Elle jeta un coup d’œil au ciel. Les étoiles commençaient à disparaître une à une.

« Père ! L’aube pointe… », chuchota-t-elle. « Nous n’aurons bientôt plus la faveur de la nuit. Je suppose que vous avez un plan valable pour nous faire courir pareil risque ? »

Il resta silencieux un instant, puis lui exposa son projet.

« Nous allons attendre que la ville s’éveille. Lorsque les gens commenceront à sortir de chez eux, nous nous mêlerons à la foule. Nous sommes mercredi…Tous les mercredis matins, ma sœur Lucilla se rend au temple de Dana avec vos deux cousines… Nous allons nous y rendre et nous les attendrons devant le temple… »

Caitleen acquiesça. Elle n’aurait jamais imaginé que regagner sa petite cité d’Ilona puisse ressembler à un tel périple…

 

NdA : Voila pour ce chapitre 4…J’espère qu’il vous a plu…et que vous n’êtes pas trop déçus de la disparition de Myldi, Pavel et Tina…

Des suggestions pour la suite ?

Dans le chapitre 5, nous retrouverons la douce Megghan, princesse d’Edoras.

 

 
 
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