Le 25 septembre 1930 Paul. Je m'en vais. Ne me demande pas pourquoi par pitié, comme si tu ne le savais pas. Evelyne ne m'aime pas beaucoup, et je dois bien dire que c'est réciproque. La voir avec son ventre un peu rond à mon arrivée m'avait déjà choqué. Apparemment la lune de miel avait été productive, même si je ne t'en ai jamais tenu rigueur. Déjà 6 mois de grossesses et je ne me sentait pas de voir les trois derniers. J'écris cette lettre dans la chambre d'amis de ta maison, que je n'appelle pas ma chambre. Tu avais raison, tu ne peux pas quitter ta femme, ton travail... ta vie. Je vais aller vivre la mienne. Après cette journée du 6 juin, où nous avons passé la journée en campagne, à nous faire l'amour, je n'étais plus sûr de rien. J'en étais presque à me dire qu’une vie comme celle là me conviendrai, mais dès notre retour, à peine avions nous passé la porte que le regard accusateur de ta femme est venu se planter dans mes certitudes. Je préfère te le dire Paul, je pense qu'elle se doute de quelque chose, (et j'aurais pour ma part été ravi de le lui confirmer mais par amour pour toi je me suis retenu.) Alors voilà! Je pars en voyage, mes billets de train sont devant moi, pour Paris, puis de là, je partirais aux Havres. Londres m'appelle. Je t'enverrais une lettre pour chaque escale mon amour. Une fois à Londres, je te communiquerais l'adresse de mon logement, pour que je puisse continuer de te savoir à mes cotés, peut importe la distance. Ne doute jamais de mon amour absolu. Ne pleure pas, ne t'en fait pas pour moi. Attends mes lettres avec tant d'impatience que je te voulais en moi. Je t'aime, tout simplement. A toi pour toujours, Lou *** Paul. Comme promis, voila ma lettre de Paris. J'ai passé un voyage agréable, plutôt monotone en vérité. J'ai pensé à toi tout le temps. Tu me manques déjà et pourtant, je sais que je n'ai pas fait le mauvais choix. Je préfère partir plutôt de gâcher d'une manière ou d'une autre ta vie à Niort. Alors voila! Je suis à la maison, Mère hurle à qui veut l'entendre que j'ai perdu l'esprit, mais c'est une vieille femme désormais, elle ne me touche plus. Je suis en train de faire ma valise. J'ai hâte de partir de cette maison. Robbie m'avait proposé il y a longtemps de venir loger chez lui, mais je crois que je préférerais plutôt vivre en ville, à Londres. Et puis je n'ai jamais beaucoup aimé la fille qu'il aime. Voila. A bientôt depuis le Havre. Lou. *** Le 17 Octobre. Le Havre. Paul. Je t'aime, je t'adore. Tout va bien pour moi jusqu'ici. Mon bateau part demain matin pour l'Angleterre. Il me faudra cependant un ou deux jours de voyage (je ne sais pas encore si je prends le train ou la voiture) pour arriver à Londres. Je te donnerais de mes nouvelles, sitôt arrivé à la capitale anglaise! Je t'embrasse. Lou *** Le 24 Octobre 1930. Londres. Hello! Me voici à Londres mon amour. Cette ville est merveilleuse, je l'aime déjà. J'espère que pour toi tout se passe bien. Tu auras sans doute trouvé mon adresse écrite au dos de l'enveloppe. Tu peux m'écrire à cette adresse. Ma logeuse est adorable et l'appartement extrêmement correcte! Je m'y sens bien, sauf que tu n'es pas là. Tu dois sans doute être en colère. Ou plutôt, comme je te connais, déçu et malheureux. Ne le soit pas mon amour. Je suis plus heureux qu'à Paris, puisqu'il me faut vivre sans toi de toutes façons. Mon cœur est avec toi, tout près du tient, tu ne l'entends pas car ils battent au même rythme. Si l'occasion se présente, viens! Viens à moi, je serais ravi de te recevoir chez moi, de te voir tout simplement. Ne m'en veux pas mon frère. Ne me refuse pas le droit d'être paisible, comme je ne t'ai pas refusé le droit d'être heureux avec ta femme. Avec tout mon amour. Ton frère Lou. *** Le 2 novembre 1930 A Niort Je suis désolé de ne pas avoir répondu à tes lettres, plus tôt. Je n'y ai pas eu accès... Deux jours après ton départ, Evelyne a ouvert le courrier et a lu ta missive. Elle m'a dit qu'elle l'avait toujours su... Elle a crié, m'a traité de tout les noms, t'a injurié. Elle dit que nous avons renié nos croyances, que nous sommes odieux mais également que nous méritons d'aller en enfer. Elle pense que nous sommes égoïstes et narcissiques. Je crois qu'elle n'a pas tord, mais il m'est impossible d'y remédier. Je ne peux rien n'y faire ... je t'aime. Depuis ce jour-là, elle surveille le courrier. Je ne sais même pas si tu m'as écrit. J'aime penser que les jours où elle était d'humeur plus morose, c'était parce qu'elle avait ouvert une de tes lettres... Etait-ce le cas? M'as-tu écrit? Je te demanderai de ne pas écrire, à la maison. Cela va sans dire... Tu peux, cependant, m'envoyer de tes nouvelles, à mon bureau. Je crois qu'Evelyne n'a pas encore prévenu son père, qui comme tu le sais est mon supérieur. Mais à la minute où Mr Olib saura, je n'aurai plus qu'à rentrer chez Mère ou te rejoindre. Mais il me semble qu'Eve ne le fera pas. Quelle honte ce serait d'avoir un mari qui la déshonore avec son propre frère jumeau! De plus, elle va bientôt donner la vie à un enfant. Je me demande si il aura nos yeux. J'ai appris par Adélaïde que tu étais arrivé à Londres. Je suis heureux de savoir que tu t'y plais. Comme j'ai besoin de tes bras et de ton souffle dans mon cou. J'ai tant besoin de toi. Mais tu es .... Si loin Pense à moi et n'aie pas peur, le soleil brillera a nouveau Ton Paul. [ Comme tu peux le voir, j'ai écris sur du papier a lettres sur lequel est tamponné le cachet de la maison d'édition "Editions Olib", tenue par la famille Olib depuis 1874 et dont le propriétaire est Mr Denis Olib, le père d’Evelyne. Parce qu'il semble que ma femme n'aime pas trop le fait que je puisse entretenir une relation extraconjugale avec mon propre frère et que je lui écrive des lettres sous notre toit !] *** Le 20 novembre 1930. Londres. Paul. Permet moi de te dire que je pense le plus grand mal de ta femme. Oui je t'ai écrit. De Paris, du Havres et de Londres. Comme je bénis Adélaïde de t'avoir donné mon adresse. Elle est vraiment merveilleuse, je ne sais ce que nous aurions fait tout les deux sans elle. Jusqu'ici, elle à été un constant réconfort pour moi. Reprenons donc les nouvelles. Je me plait vraiment dans cette grande ville froide. (Ne panique pas, j'ai un poêle qui marche et de bons vêtements d'hiver. Je fais bien attention à ne pas refaire la même erreur qu'il y a quatre ans. Déjà quatre ans. Ça fait longtemps. Dire que cette année nous aurons 26 ans. Nous voilà vieux et indigents! J'ai hâte que cet enfant naisse, je ne crois pas encore pouvoir être oncle. J'aimerais que ce soit une petite fille, qui nous ressemblerait, avec de magnifiques boucles brunes. (Nous pouvons au moins accorder ça à Evelyne, ses cheveux sont très beaux.) Comme je m'en veux parfois de certaines de mes pensées. Je ne peux nier que l'envie de prévenir ton beau père m'a effleuré l'esprit. Tu aurais été libre enfin de revenir vers moi, mais... Non. Je ne suis pas encore assez fou pour cela. J'ai rencontré des gens charmants, qui m'ont fais visiter la ville d'une autre manière, comme si Londres avait sa propre cour des miracles, que personne ne soupçonne. Je commence à y être connu comme le loup blanc, après tout, je suis le seul français de la troupe. Je suis allé au cinéma! C'était un film parlant, rend toi compte. Les américains ont réussi cette prouesse l'année dernière et je n'en savais rien! Le cinématographe est bien une science fascinante. J'aurais voulu que tu voies cela! Tu me manques tellement. Dans moins d'un mois ce sera notre anniversaire. Je t'enverrais un cadeau à cette occasion. Je t'aime. Lou. ________________ Et voila. Toutes les lettres suivantes étaient consérvées sans aucun sens chronologique, il a donc fallut que je les classe. J'ai effectué des coupures pour vous presenter les lettres en plusieurs chapitres, mais toutes sont d'un même bloc à l'origine. A bientôt. |