Piste04_Des pleurs « Eiri ? » Je relève la tête. Je fais une légère moue contrariée qui disparaît vite. Tohma Seguchi se tient devant nous. Enfin, au dessus de nous. J'essaie encore de me relever, quand je sens les mains ce cher écrivain s'accrocher à mes hanches. Pourquoi j'ai si chaud d'un coup ? Je regarde l'homme en dessous de moi, il a un sourire en coin. Je déglutis difficilement, j'ai la gorge sèche. Inconsciemment, je me mords la lèvre inférieure. J'essaie une nouvelle tentative. Bizarrement, il ne me tient plus. Je me lève tant bien que mal, mes jambes tremblotent un peu. Je vois mon reflet sur les lunettes noires de Seguchi. Hum... Je suis tout rouge. La honte. Je me tourne vers la table, et vois tous les regards, comment dire, amusés. Oui, ça les amuse. Tss. Je me rassois, dignement. Enfin, j'essaie. Tous. Je dis bien tous, sont prêts à me faire des remarques. Quand je vois la lueur de malice dans leurs yeux, je me méfie. Non, j'ai peur. Que vont-ils raconter ? Kristal prend la parole. Pourquoi faut-il que ce soit toujours elle qui lance les hostilités, j'ai rien demandé moi. « Shû, tu devrais te rhabiller. Tu es un peu débraillé. » Je plisse les yeux. Je ne suis pas... Ah si. La chemise que j'avais enfilée est un peu déboutonnée. Ouais, non. La moitié des boutons sont enlevés. Comment c'est possible ? Ma chemise blanche ne s'est pas accrochée quelque part... Je deviens tout rouge. Ne me dites pas que... Je sens son regard. Non, je ne me retournerai pas. Je reprends ma fourchette d'un air hautain, et recommence à manger. Seguchi et Yuki partent dans une direction. J'espère de tout mon cœur qu'ils iront loin. Et bah non. J'ai la poisse. Ils se sont installés à deux tables de nous. Et comme par hasard, l'écrivain s'est mis en tête d'être en face de moi. Enfin, je veux dire, il est placé de façon à pouvoir me regarder. Donc, je vois Seguchi de dos. Misère. Ça l'amuse. Il me lance des coups d'œil, et à chaque fois, je rougis. Bêtement. Hiro l'a, bien sûr, remarqué et se permet de me lancer des piques. Du genre « T'as trop chaud ? » ou « C'est la nourriture qui est trop forte, ou le regard d'une certaine personne... » Je voudrais le tuer. Parce qu'après, le groupe me regarde, et cherche où peut être la personne. Puis Kristal qui s'approche doucement de moi, pour me parler à l'oreille. « Hey, je crois avoir deviné. » J'écarquille les yeux. Je ne veux pas qu'elle sache. Je réponds faiblement. « Deviner quoi ? » Elle me regarde malicieusement, et me montre discrètement, si c'est possible, ce blond d'écrivain. Je ne sais pas quelle tête je fais, mais elle a l'air d'avoir compris la chose. Je vois briller dans ses yeux de la moquerie, mais aussi de la... joie ? Tout d'un coup, un poids énorme s'envole de mes épaules. Je n'avais pas remarqué que j'étais tendu. Je lui souris, elle fait de même. Sauf que, voilà, on était mais alors pas du tout discret. Et tout le monde sait pour ma petite attirance. Hum. Rick me parle, de sa voix étonnement sérieuse. Ce n'est pas souvent que je peux l'entendre. « Shû, tu es sûr, que c'est ce que tu veux ? » Je fronce les sourcils, perplexe. Je ne vois pas le problème... « Tu sais, la première fois c'est assez douloureux... Tu es plutôt fragile, et lui, dit-il en me montrant Yuki, est plus... Bestial, je pense. » Je ne comprends toujours pas. Les autres n'arrêtent pas de pouffer, et Rick a bien du mal à s'empêcher de rire. Et là, c'est comme si tout s'éclairait dans ma tête. Comme si d'un claquement de doigts, la vérité m’apparaissait. Je crois avoir battu le record du rougissement le plus rouge en dix minutes. Et en plus, il est sérieux ! Pourquoi sont-ils tous pervers, hein ?! Déjà, Hiro et l'autre qui se tripotent sous la table, Thomas qui n'arrête pas de reluquer ma sœur, Rick qui fait des clins d'œil suggestifs au serveur qui nous sert, et Kristal qui s'extasie sur mon choix de proie. Gné ? Je pense plutôt être la proie. Ils me regardent tous, surpris. Qu'est-ce que j'ai raconté encore... Je crois que j'ai parlé à voix haute. C'est devenu une habitude. Les mots traversent ma pensée. « Tu sais, Shû, je te croyais prude. », dit Hiro avec étonnement, et continue, « mais à ce que je vois, tu es plutôt dans des trips sado-maso. » Je croasse un « Quoi ? » trop fort et tout le monde se retourne vers notre table. La honte. Même Seguchi et Yuki nous regardent. L'un avec des envies de meurtres, et l'autre avec des envies... De quoi ? J'arrive pas à comprendre cette lueur dans ses yeux, mais je vois clairement sa langue passer discrètement sur ses lèvres. Kami-sama ! Il me drague ! Kristal a dû penser à la même chose. « Oh ! Tu as vu ça ? C'est un petit pervers celui-là. » Elle laisse échapper un rire très obsédé, pour une fille. Je suis entouré de pervers ! Même les filles ! Même Kristal ! Enfin, c'est bizarre non ? Elle fantasme sur un mec qui fantasme sur un autre... Je reste bouche bée. J'ai compris. Elle fait partie des filles qui aiment voir deux hommes s'embrasser ! Je pousse un couinement apeuré, j'espère qu'elle ne va pas me demander d'assister... ? « Pourquoi ? T'as décidé de le faire ? Avec lui ? » Elle me regarde avec un grand sourire et des étoiles dans les yeux. Flûte ! J'ai encore dit ce que je pensais à voix haute. Et là tout le monde m'a entendu. Ils ont tous des sourires plein de sous-entendus. Je suis dans un monde de fous ! Je regarde une nouvelle fois l'écrivain, il me fixe toujours. À croire qu'il veut ma photo. Je me dépêche de finir le repas. Je ne resterai pas une minute de plus avec ces pervers. Jamais de la vie. J'ai pas envie d'être contaminé. Hu ? Thomas se lève et s'avance vers ma sœur. Qu'est-ce qu'il lui veut ? Il se baisse à sa hauteur, vu qu'elle est assise. J'aime pas du tout la façon dont il se penche vers elle. C'est trop... trop... Je ne trouve pas de mot. Thomas, Thomas, fais gaffe à ce que tu fais... Il tourne son visage vers moi, juste un sourcil. Je suis surpris, dans son regard on peut voir de la... supplication ? Non, je dois m'inventer quelque chose. En tout cas, ma sœur semble bien l'apprécier. Elle a un grand sourire, surtout quand il lui parle. Ah bah, mince alors ! C'est la soirée des couples ou quoi ? D'un signe de tête, j'accepte ce que Thomas me demande. Faire amplement connaissance avec ma sœur. Il me regarde, soulagé, puis retourne à sa conversation avec son sourire enjôleur. Je plisse les yeux. Il ne perd pas de temps celui-là. Bon, faisons un rapide calcul... J'suis parti, j'avais dix ans et elle six. On a quatre ans de différence. J'ai dix-neuf ans, et donc... elle a quinze ans. Oula... Elle est jeune par rapport à Tom ! Faudra que je les surveille. Je me repose sur mon dossier, et scrute les alentours. Ce restaurant est chic, sans paraître 'riche'. Toutes sortes de personnes sont ici, à partir d'un certain milieu. Je fais le tour de la pièce pour revenir à une table spéciale. À chaque fois, je reviens à lui. Yuki Eiri, l'écrivain de romans à l'eau de rose, adulé d'un public féminin de plus en plus nombreux et exceptionnellement, par moi. Bien que je n'ai lu aucun de ses livres. Se sentant observé, le blond tourne la tête vers moi. Je sursaute, je ne m'attendais pas à croiser ses yeux dorés. Sans le vouloir, j'ai un petit sourire, que j'essaie de cacher. Il hausse un sourcil. Il l'a remarqué, je me détourne feignant d'être absorbé par une tache inexistante sur le sol. « Grand frère ? » Je regarde Maiko. Thomas est, étonnant, proche de ma sœur. Limite s'ils ne se tiennent pas la main. Je grogne intérieurement. Même s'il est mon ami, Maiko est ma sœur. S'il lui fait du mal, il aura de mes nouvelles. Maiko continue : « Thomas m'a proposé de me ramener à la maison et, » elle hésite un moment, « je voudrais savoir si tu voulais venir. » Elle dit la fin de la phrase dans un murmure. J'ai dû me concentrer pour l'entendre. Je me renfrogne. Retourner à la maison après toutes ces années n'est pas la chose que je veux faire. Revoir mes parents, quelle idée ! Beaucoup de personnes seraient heureuses de revoir leurs parents, après plusieurs années. Je fais exception. Je ne veux pas les revoir. Ce serait encore plus difficile, que de revoir Seguchi. Même si, à cause de lui, ma vie a été détruite. Il ne l'a, comment dire, pas fait directement. Certes c'était lui qui avait donné les ordres mais bizarrement, cela me confirme juste que c'est une personne horrible et hypocrite. Même avec sa famille. Là, c'est complètement autre chose. C'est ma famille qui m'a fait du mal, en prenant cette décision. La décision de se séparer de moi. Je ne leur pardonnerai pas de si tôt. Je n'ai vraiment pas envie de voir mes parents. Comme si ma sœur avait lu dans mes pensées, elle me dit que les parents sont à une soirée et ne rentreront sûrement pas avant minuit. Je regarde, alors, l'heure sur mon portable: 22:35. Hum, il nous restera une ou deux heures ensemble. Je leur dis que je viens. Le visage de Maiko s'illumine. Je lui souris. On se lève, on dit aux autres que nous partons et qu'ils devront rentrer tous seul. Cela ne semble pas déranger Rick, vu qu'il n'est plus là. Je demande à Hiro de ramener Kristal et – s'il le faut, Rick. Il acquiesce. Je prends ma veste et l'enfile ainsi que tout le reste. Je sens un regard dans mon dos. Je me tourne pour croiser un regard doré et m'en vais en compagnie de Tom et Maiko. Il fait froid ! Beaucoup plus froid que quelques heures plus tôt. On prend l'une des voitures prêtées. Comme par hasard, Maiko a décidé de se mettre à côté de Tom, qui conduit. Je suis donc relégué à l'arrière. Le chemin se fait en silence peu perturbé pas les indications de ma petite sœur. Vingt minutes plus tard, nous arrivons à destination. J'observe la maison devant nous. Ce n'est plus la même. Ils ne sont même plus dans l'ancien quartier. Ils ont tout changé. Je sens une tristesse infinie me prendre. Je soupire, las. Je sors de la voiture et Maiko vient se blottir contre moi comme pour m'encourager à avancer. Thomas voit que nous avons besoin d'intimité et pars. Mais sans oublier, au préalable de prendre le numéro d'une Maiko toute rougissante. Je crois que c'est de famille. Il me dit que c'est « Au cas où » j'éteindrais mon portable. Je n'éteins jamais mon portable, à part quand je dors. Je ne bronche pas. Finalement, il s'en va, nous laissant seuls. Nous avançons vers la porte d'entrée. Elle l'ouvre et j'entre à sa suite. Pour la première fois depuis longtemps, je pose les pieds dans la maison de mes parents. J'ai une sensation bizarre. Je suis mal à l'aise. Je ne comprends pas. Nous montons les escaliers vers sa chambre. Arrivé à l'intérieur, je contemple, faisant glisser mon regard sur tous les meubles. Le lit occidental, une imposante armoire de bois foncé, son bureau, ses livres, ses photos. Je m'arrête sur l'une d'elles. Maiko est avec ses amis, dont Fujisaki – le gamin. Elle a l'air heureuse. Je poursuis mon observation, jusqu'à m'arrêter net devant une autre photo. J'ai la gorge nouée, et les larmes me montent aux yeux. Sur la photo, il y a une petite Maiko, sur les genoux d'un petit garçon brun plus âgé. Tous deux ont la même couleur d'yeux. Deux Améthystes. Maintenant je sais ce qui me rendait mal à l'aise. Il n'y a aucune photographie de moi. Ou en tout cas, il n'y en a plus. La seule qui reste, c'est celle sur le bureau de Maiko. Je la sens venir me serrer par derrière, elle pose sa tête contre mon dos. Elle me dit doucement : « Je ne voulais pas t'oublier. Pas comme eux. Même si tu étais parti trop tôt pour que je te connaisse vraiment, je ne voulais pas perdre le maigre lien qu'on avait. » Je ferme les yeux et laisse les larmes couler. De joie, de tristesse, de rage. Mes parents ont fait comme si je n'existais plus. Alors que c'est à cause d'eux que j'en suis là. Mais je suis heureux qu'une personne dans ma famille ait voulu se souvenir de moi. Remarque : ma famille, n'est plus de mon sang. Elle est Kristal, Rick, Thomas, Hiro, mon manager... Maiko. Et un petit peu Fujisaki. Juste parce qu'il est avec Hiro et ami avec ma sœur, sinon... Je souris malgré les larmes, et me tourne. Je prend Maiko dans mes bras et la serre fort. Je ne veux plus la quitter. Plus jamais. X. « Non ! Tu rigoles ? J'y crois pas !! » Maiko est écroulée de rire. Depuis notre arrivée dans la maison, je lui raconte toutes les anecdotes qui me passent par la tête sur le groupe, et plus particulièrement Thomas. Je vois bien qu'elle l'apprécie beaucoup. Peut-être plus. Je dois avouer que ce satané italien a un charme certain, vu le nombre de filles qu'il a eu dans son lit... J'espère juste qu'en approchant ma sœur, il se calmera. Je donne pas cher de sa peau s'il la fait souffrir. Enfin, j'ai pu apercevoir dans son regard de la sincérité. Je ne pense pas qu'il la fera souffrir... Il sait qu'il aura à faire à moi de toute façon... héhé... « Ah, je comprends mieux pourquoi ils m'ont dit de me méfier. » Hu ? Qu'est-ce qu'elle raconte ? Elle me regarde du genre « Va te faire soigner, ça devient grave ! » « Aaaah, j'ai compris, » je réplique, « j'ai encore parlé tout haut ? » « Non. » Je hausse un sourcil interrogatif, je vois pas l'problème alors... Elle reprend : « Tu vois pas le problème ? Tu sais, me dit-elle sur le ton de la confidence, les autres m'ont dit que ta santé... mentale, en prenait un coup. » J'ouvre la bouche d'étonnement, et la regarde bizarrement. Je la somme de s'expliquer d'un signe de tête. Elle continue : « Surtout depuis ta rencontre. » Là, je dois dire que les bras m'en tombent ! Quand je ne pense plus à lui, quelqu'un me le rappelle, ou alors il apparaît devant moi. Comme par magie. Je prends un air vexé. Maiko ricane, fière de son effet. Je vais pour répliquer quand un bruit de porte me fait écarquiller les yeux. Une sourde peur s'insinue en moi. Maiko semble stressée et me fixe, craignant ma réaction. Des voix, des pas qui crissent sur le gravier, une clé qui s'introduit dans la porte, celle-ci s'ouvre, des éclats de rire... Je décide de me lever, prendre mes affaires, et – d'essayer – de reprendre ce masque qui s'était fissuré en arrivant au Japon. Maiko fait de même et me suit. On descend les escaliers tous les deux. Une voix s'élève, féminine, douce, pleine d'amour... Celle de ma mère. « Maiko ! Tu es là ? J'ai vu que tu avais une amie, ou un ami ... » Elle ricane. Elle doit me prendre pour un pseudo petit ami. Elle doit être aussi un peu éméchée. Nous arrivons dans le salon, dans leur champ de vision. Mon père, qui dans mes souvenirs était vieillissant et triste, semble avoir une nouvelle jeunesse. Il semble heureux. Ma gorge se noue. J'en ai les larmes aux yeux de voir que sans moi, leur vie est plus belle. De voir que sans moi, ils profitent de la vie. C'en est accablant. J'attends leurs réactions. Ils ne me reconnaissent pas, je pense que mes cheveux jouent un rôle important. J'ai peur. Et là, c'est comme si je voyais tout au ralenti. Le visage souriant et bienveillant de ma mère se décompose, pour laisser place à une expression qui me fait mal. Le dégoût. De son regard, elle pourrait me tuer. Elle ne voulait pas me revoir. J'en étais certain. Je tourne mon visage vers papa. Il est abasourdi. On dirait qu'il ne comprend pas pourquoi sa femme fait cette tête. Il n'arrête pas de faire des allers-retours entre sa femme et moi. Une lueur de compréhension s'allume dans son regard. De la surprise, puis de la... peur ? Il ouvre la bouche pour parler. Son visage est redevenu celui de mes souvenirs. Malheureux et vieillissant. Terne. Il bégaie : « Depuis quand es-tu ici ? » Je ne réponds rien. Il continue sur la lancée : « IL sait que tu es revenu ? IL sait que tu es ici, chez nous ?! » Son visage est crispé de terreur et de rage. Mes larmes coulent doucement. C'est un rejet pur et simple. Ça ne m'a jamais fait autant de mal. Ma mère, qui n'avait pas repris la parole, dit d'un ton hargneux : « Va-t-en espèce de chien galeux !! Tu n'es plus de cette famille ! Tu n'es plus rien ! Je ne veux plus te voir dans cette maison ! » Je m'enfuis en courant, ma vue brouillée. Maiko m'appelle et essaie de m'empêcher de partir en m'attrapant le bras. Je baisse la tête et m'excuse. « Je ne peux plus supporter ... », je murmure. Elle me lâche, les yeux brillants de peine. J'ouvre la porte, mon sac sur l'épaule – de vieilles affaires à moi que Maiko avait récupérées, et sors. Avant de quitter cette maison, la femme qui me sert de mère me crie : « Ne t'approche plus de Maiko ! Meurs, vermine ! » Mon cœur est brisé. Je n'aurais jamais pensé qu'ils auraient une telle haine envers moi. Je commence à courir. Je ne connais pas les rues. Je cours n'importe où, du moment que je suis loin de cette maison. J'ai l'impression de mourir. Mon cœur saigne, comme si plusieurs lames s’étaient enfoncées profondément à l'intérieur. Ces mots ont ravivé les cicatrices. Certaines blessures se rouvrent. J'ai mal. Je serre ma veste au niveau de mon cœur. Je suis essoufflé et m'arrête quelques secondes, les mains sur les genoux. Quelques instants plus tard, je relève la tête pour voir où j'ai atterri. Un parc surplombant une partie de Tokyo. Finalement de ce côté-ci, avec les lumières, Tokyo est une belle ville. Je me dirige vers un banc, et m'y assoie. Je ferme les yeux, et laisse le vent me bercer. Ma douleur s'est un peu calmée. La douleur a laissé place à une immense tristesse. Je reçois dans la figure de la fumée de cigarette. Ne supportant pas cette odeur, je me mets à tousser. J'ouvre les yeux, pour hoqueter de surprise. Deux yeux ambrés me fixent. Qu'est-ce qu'il fiche là lui ? Son visage est impassible, avec sa cigarette au coin de la bouche, les mains dans les poches de sa longue veste noire. Sa chemise blanche déboutonnée en haut lui confère un charme et un charisme incroyables. J'ai une envie folle de l'embrasser. Hein ?! L'emb... Mais c'est un homme !! Je ne peux pas ! J'ai chaud, je crois que je rougis. Heureusement, qu'il fait nuit... La honte. Il a un sourire en coin, et dit de sa voix grave et sensuelle à souhait : « Qu'est-ce qu'un gamin de ton âge fait là ? » Je tique. Il me traite de gamin alors qu'il me drague. L'est pas un peu barjot, c'mec là ? Il a un rire dédaigneux. « Je ne crois pas que je te drague. » Oh mon Dieu ! Je l'ai dit tout haut. « C'est toi qui as commencé à me sauter dessus. » Je vais l'étriper ! Il me fait passer pour un pervers ! « En plus, d'un gamin pleurnichard, qui en voudrait... » Cette phrase est la goutte qui fait déborder le vase. Il n'a pas le droit de me parler comme ça. Il ne me connaît pas. Cette phrase m'a fait mal. Comme mes parents. Pendant un moment, je les avais oubliés. Ma mâchoire se crispe. Je me lève brutalement, mon sac tombe et je vais empoigner ce cher écrivain. Il est surpris. Tellement qu'il en lâche sa cigarette, à moitié consumée, mais il se reprend bien vite et prend un air narquois. « Ouh... C'est qu'il mordrait le chiot. » J'ai une envie de lui envoyer un coup de boule dans la tête. Il comprendrait qu'il ne faut pas m'énerver, bien que je sois plus petit et plus menu que lui. Je vais lancer mon attaque quand il m'arrête de ses mains douces. Douces ?! Promis, plus de pocky ! Je me sens rougir, je ferme les yeux, intimidé par ce regard pénétrant. On est tellement proches, j'en ai le cœur qui bat la chamade. Tout d'un coup le vent est remplacé par quelque chose de chaud et humide. J'ouvre subitement les yeux. Il m'embrasse ! Yuki Eiri m'embrasse ! Par pur réflexe, je lui écrase le pied. Il étouffe un juron, et une plainte. Je me tourne précipitamment, prends mes affaires et m'en vais. MAIS ! Bien sûr, ma malchance revient en force ! Je trébuche sur une pierre. Deux bras m'encerclent la taille et me serrent contre un torse musclé. Un souffle chaud dans mon oreille me fait frissonner. La voix s'élève : « Assume ce que tu as fait, et viens avec moi. » Non, il ne veut tout de même pas que je vienne chez lui ?! Il est fou ! Des larmes recommencent à couler. « Je n'ai pas envie de revivre ça... » murmuré-je. Je n'ai plus de force. Et il m'emmène vers sa voiture. A suivre... |