Chapitre 5 Je suis allongée. Je suis dans le brouillard. Mais que m’est-il arrivé ? Une main me frôlant la joue me fait reprendre mes esprits. Par réflexe, je saisis vivement la main baladeuse et la tire à travers le lit pour immobiliser l’inconnu. Une faible plainte et une main posée sur mon torse me fait ouvrir les yeux. Abasourdit, je fixe pendant quelques secondes un océan vert où je remarque un air offusqué et gêné, qui me fait lâcher la main. Je me mets à rougir tandis que la jeune fille se redresse. « Désolé, je n’ai pas… - … l’habitude que l’on vous touche. J’avais compris ! me coupe-t-elle avec un air énervé. Vos réactions sont tout de même excessives ! » Je soupire et ferme les yeux. Toute mon enfance, j’ai craint le moment où mon père poserait les mains sur moi. Il avait même réussi à me faire oublier les caresses que mes nourrisses et ma mère me donnaient enfant. Avec un frisson, je rouvris les yeux. « Où suis-je ? - A la clinique Saint-François. C’est le centre hospitalier le plus proche du square Grimmaurd. Votre tante aussi a été amenée ici. Les médecins sont en train de la soigner. - Que m’est-il arrivé ? - Les médecins ont dit que vous aviez une légère baisse de tension et que vous aviez fait une crise d’hypoglycémie. - Hypo… quoi ? C’est quoi ça ? - Un manque de sucre, me dit-elle sérieusement. Vous avez mangé aujourd’hui ? - Non, je n’ai pas eu le temps ce matin, dis-je un peu honteux. Mais ce n’est pas parce que j’ai sauté un repas que je me suis évanoui ! - Personnellement, je pense que la course que vous avez faite, lié au manque de nourriture et au stress de voir votre tante inconsciente a dû vous fatiguer. - Oui… Peut-être… » Je suis loin de penser comme elle. Après ce que j’avais vécu durant mon errance, ce n’était pas un repas de sauté qui pouvait me terrasser ainsi. Je regarde la jeune fille en coin. « Comment vous appelez-vous ? » Elle me fait un sourire resplendissant et je ressens le vertige qui m’a effondré. Je cale ma tête sur l’oreiller afin de reprendre mon souffle. « Je m’appelle Anthéa Collins. Et vous ? » Je faillis lui donner mon nom mais je me reprends à temps et fait mine de réfléchir. Bon sang, il fallait que je trouve quelque chose et vite ! Bon le prénom, c’est facile. Ce sera Dray, le surnom que me donnait ma mère lorsque j’étais enfant. Oh, pour mon nom, je vais reprendre celui de Ann. C’était Sauvage, si je me souviens bien. Cela me faisait rire, à l’époque, ce nom prononcé à la française qu’elle avait héritée de son mari. Hop, et une nouvelle identité en quelques secondes ! « Dray Sauvage, dis-je d’une voix morne et basse. - André Sauvage ? Vous êtes français ? Ca ne s’entend pas… » dit-elle, sceptique. Je décide de ne pas la contredire dans l’erreur du prénom qui est loin de Drago, contrairement à Dray. « Mon père était Français. Mes parents sont morts lorsque j’avais 2 ans et c’est ma tante qui m’a élevé. - Je ne vous avais jamais vu dans le coin… » Décidément, cette fille est sacrément curieuse ! Rien ne lui échappe ! « Nous habitions à Liverpool et nous avons déménagé il y a deux semaines. Mon oncle a trouvé un meilleur emploi sur Londres », répondis-je en allongeant les mensonges à la vitesse d’un vif d’or. Un sourire énigmatique aux lèvres et une lueur malicieuse dans les yeux de Anthéa m’interpelle. J’ai la désagréable impression pendant quelques secondes qu’elle sait que je viens de tout inventer. A ce moment, un homme en blouse blanche rentre dans la chambre. Il doit bien mesurer deux mètres et me regarde comme si j’étais un enfant. Ce doit être une sorte de médicomage. « A ce que je vois, notre jeune homme est réveillé ! Je suis le docteur Mc Flair. Comment vous sentez-vous ? - J’ai la tête qui tourne un peu. Mais sinon ça va. Comment va Molly ? - Votre tante ? » J’acquiesce. « Elle est toujours inconsciente. Nous avons repéré un hématome sur l’arrière de sa tête. Elle a dû se cogner en tombant. Cela risque de provoquer un cas d’amnésie. Mais nous ne le saurons que lorsqu’elle se réveillera. Y-a-t-il quelqu’un à prévenir que vous êtes là ? -Oui, mon oncle mais… Quelle heure est-il ? - Il est 18 h 20. - Il rentre tous les jours à 19 h. Je dois rentrer tout de suite le prévenir ! Je peux sortir ? - Utilisez plutôt le téléphone, ce sera plus pratique ! » Je ravale un juron. Comment leur expliquer que l’on n’a pas cet objet moldu ? - Ils n’ont pas encore de ligne chez eux, intervient Anthéa. Ils viennent d’aménager. Le médecin hoche de la tête et se tourne vers moi. « Bien, jeune homme, vous pouvez sortir. Je vais signer une autorisation de sortie. Je suis de service jusqu’à 21 h. Nous pourrons parler de l’état de santé de votre tante avec votre oncle. » J’acquiesce et me lève, le vertige toujours présent. Je prends sur moi et suit Anthéa jusqu’à la réception. Après les formalités d’usage (qui disparaîtront quand le Ministère sera au courant), je sors de l’espace aseptisé et prend quelques secondes à respirer l’air frais. A suivre... |