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Le repas du soir fut tout ce qu’il y avait de plus barbant. D’ailleurs si Draco Malfoy avait eu une barbe, il l’aurait caressée et entortillée entre ses doigts tout le repas durant. A défaut de se tourner les pouces… Geste trop voyant pour en jouir sans recevoir de regards noirs de tout côtés. Les conversations des plus vieux étaient… Vieilles. Cousues et recousues d’un tissu vieillot, passé, terne et sans vie. Comme à chaque fois. Pas un repas de passait sans qu’on ne parle de Dumbledore, de son divin enseignement, de sa mort tragique. Et tous les regards convergeaient vers lui ou Severus. Comme à chaque fois. Alors aucun d’eux ne s’empêchait le moins du monde de cracher la vérité sur ce suicide, un regard glacial en prime. Et Draco se faisait un bonheur de rabaisser ses interlocuteurs à l’état de vieilles larves impuissantes qui osent placer leur rancœur et la responsabilité de cette mort sur un gamin de dix-sept ans qui n‘avait pas d‘autre choix. Comme à chaque fois. Mais à dire vrai, même si son mordant ne prenait pas une ride malgré les années, il sentait en lui monter cette lassitude. Il en avait assez de se justifier, de devoir sauver son honneur seul. Comme à chaque fois. Cette envie d’abandonner. De tout laisser, de disparaître. Combien de fois l’avait il souhaité? Combien de fois avait-il été près de le faire réellement? Les laisser le piétiner jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se relever… Mais un souvenir le retenait. Un faible espoir, aussi maigre qu’un rayon de soleil hivernal qui peine à traverser les nuages, que l‘on attend, que l‘on attend mais qui n‘arrive jamais. Aussi maigre que l’imagination d’un auteur lorsqu’il sort une métaphore ridicule, niaise, vue et revue comme celle du rayon de soleil faiblard d’ailleurs… Une personne disparue qu’il attendait. Il ne savait plus pourquoi. Au départ c’était pour recouvrer son statut, son argent, son manoir. Ensuite après un an, c’était pour récupérer son honneur. La vérité sur ses actes. Pour que ceux qui l’avaient malmené soient couverts de honte. Pour que… Mais à présent c’était pour le revoir. Le revoir, lui cracher à quel point son absence avait eu des conséquences nocives sur sa vie. Pour le faire culpabiliser. Pour le frapper. Peut-être même le tuer de haine pure, pour toutes les horreurs qu’il avait vécu à cause de lui. Et puis aussi peut-être pour lui dire ce qu’il n’avait jamais osé dire. Pour être enfin libéré de ce fardeau. Draco soupira, et remonta une mèche de ses cheveux sur le sommet de son crâne, avec l’espoir qu’elle y reste collée. Du regard il fixa l’assemblée d’élèves, tous bruyants, penchés sur leurs assiettes à se goinfrer comme de vulgaires moldus… Leur maintient était à peu près correct, soit béni Severus et ses punitions exemplaires, mais le reste, leurs discutions, leur mental… Tout ça était si trivial… Il soupira à nouveau. Le jeune professeur s’ennuyait ferme, et la nostalgie qui l’habitait depuis maintenant cinq années ne le quittait qu’à de rares moments. Notamment lorsqu’il parlait à Seamus lorsqu‘ils se rencontraient. Or ce soir Seamus était occupé à discuter avec le professeur de défenses contre les forces du mal. Ce même professeur si étrange qui ne semblait absolument pas au courant de l’après guerre, et qui écoutait l’irlandais lui en parler avec hargne, haine, et rancœur. -…les combats avaient duré huit jours de suite, ceux qui ne mourraient pas en pleine bataille le faisaient de fatigue. Le moral était au plus bas, toutes nos grandes figures s‘effondraient les unes après les autres. Gonagal, Hermione, Zabini, Lupin, Parkinson, et Weasley qui a montré à tous son véritable visage, et vers qui allait sa loyauté. Au septième, Harry a eu son face à face avec Tu-Sais-Qui. Enfin, c’est Draco qui en a témoigné. Seamus tourna la tête vers le blond qui fit mine de ne rien entendre de la conversation pour ne pas avoir à parler de sa dernière entrevue avec le grand Harry Potter et l’irlandais pu reprendre, un ton plus bas: -Mais malgré tout ce qu’à fait Draco pour notre cause, renié sa famille, son maître, certains de ses amis, obtenu des renseignements qui nous ont amené à la victoire, le ministère a refusé de l’entendre lorsqu’il a voulu dire ce qu’il avait vu. Je te passe les détails scabreux, on en discutera plus tard, chuchota-il. -Ils l’ont littéralement démoli, sa parole n’avait pas de valeur à cause de ses parents et de son passé. D’après certains au ministère, Harry aurait fuit avant la bataille. D’après d’autres il serait mort, mais le ministre actuel, Percy Weasley aurait réussi à blesser suffisamment Jedusor pour qu’il disparaisse cinq années, et d‘après lui, il n‘y avait que lui-même et Tu-sais-qui dans la zone de combat final. Pas de Potter. Il aurait disparu bien plus tôt. D’autres encore disent que lors de leur combat ils ont disparu tous les deux dans une autre dimension, destinés à se battre jusqu’à la fin des temps. Mais lui il sait. Draco sait Seth. Il a vu le Lord et Harry se battre, il a même prit un sort perdu qui a failli le tuer. D’après lui Harry l’a tué et est parti ensuite. Il en est sur et certain. Et moi j’ai l’espoir qu’il dise vrai… Même si Harry n’était qu’un enfant qui se battait contre un monstre… Et puis tu sais, je continuerais à le défendre même s’il ne l’a pas vraiment… -Il l’a tué, cracha un Malfoy jailli de nulle part, les yeux plus brillants que jamais, de colère retenue, de haine et de douleur, ses cheveux encadrant son visage comme une auréole divine, la sainte parole sans aucun doute. Il était apparu devant eux en une fraction de seconde, les faisant tous deux sursauter. -Il l’a tué, répéta-il. Ha… Potter l’a tué. J’en suis sur. Il n’y avait personne mieux placé que lui pour le faire tu entends Seamus? Il avait la volonté et le courage. Jamais il n’aurait pu renoncer ni échouer. Même moi qui le haïssais je le sais. Alors toi qui le connaissait bien tu dois le savoir et lui faire confiance. Toi plus que quiconque. C’est clair?! Le professeur s’était levé à présent, ses poings serrés étaient posés sur la table et lui s’était penché dessus, approchant son visage de Seamus et Seth pour qu’eux seuls l’entendent lors de sa tirade. -Il l’a tué puis s’en est allé, car plus rien ne le retenait ici. Ses amis sont morts, et les dernières personnes pour qui il compte il ne les connaît pas, ne s’est jamais aperçu de leur affection parce qu‘il a passé sa vie à traquer le mal. C’est tout. Le blond se redressa, fusilla du regard ceux qui osaient le fixer, apprécia un instant leur façon de piquer du nez dans leur assiette ou de trouver un point imaginaire à regarder dans la salle, et se tourna pour descendre de l’estrade. Severus, assis à l’autre bout de la table l’arrêta d’un mouvement discret de la main et chercha à capter son regard. « Ça va Draco? » « Ça va Sev’… Merci. Je suis épuisé. Je sors.» Le legilimens s’extrait de l’esprit de son filleul sans essayer de connaître la vérité. Il la devinait aisément à cette lueur de nostalgie dans les billes de mercure du jeune homme. Il retint un soupir et le blond reprit sa marche comme s‘il n‘avait fait qu‘une simple pause pour réfléchir, toujours aussi beau, toujours aussi intouchable. Seamus semblait figé par la scène qui venait de se dérouler. Seth lui, usait d’un flegme factice et se remit à manger, soufflant entre deux bouchées: -Il m’a l’air chatouilleux ce Malfoy quand même… L’irlandais soupira et imita son collègue: -C’est le sujet tabou de la maison… -Pourquoi ça en fait? -Et bien… On va dire que… -Pour faire simple, coupa Severus d’une voix acide, le professeur Malfoy a tout perdu par la faute de Potter. S’il n’était pas parti, ou s’il était au moins revenu, il fixa méchamment Seth, Draco aurait récupéré ses biens, son titre et son rang. C’est tout. Et il n’aurait pas eu tous ces problèmes… Evans était sidéré par ce changement de comportement à son égard, et ne pouvait qu’écouter le dialogue sans intervenir de peur de se trahir. -Il est trop tard de toute manière… murmura Seamus. Ce qui est fait est fait. C’est irréversible. -Rien n’est irréversible monsieur Finnigan, tonna Snape en haussant le ton tout en tournant le regard vers Harry qui se tenait immobile, stoïque. Il suffit de le vouloir. Et de se donner les moyens de réussir. Sur ces paroles plus que vagues, il retourna à son assiette. La mine inexpressive comme à son habitude. Donnant à la tablée l'effet de voir un coucou d'une pendule se manifester, faire un boucan pas possible, pour ensuite rentrer dans la petite baraque comme si de rien n'était... Mais franchement qu'étaient-ce donc que ces paroles dignes du vieux fou?!
A croire que c'était le poste qui changeait le mental... |
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