Chapitre 4 : Une aide précieuse
Harry s’accommodait très bien de sa vie dans la rue, il était parfaitement heureux, les jours de douche il allait, avec Ted, au centre de survie, environ une fois par mois même si Ted voulait absolument qu’il y aille plus souvent. Au moins maintenant, Harry mangeait un peu plus régulièrement que lors de ses premiers mois dans la rue et surtout, il était beaucoup plus heureux et épanoui, il n’avait qu’un seul regret de son ancienne vie, c’était de ne pas avoir gardé sa maîtresse pour qu’elle lui apprenne à lire. Mais il ne perdait pas espoir, il savait qu’un jour il apprendrait à bien lire et pour s’en convaincre par ses froides journées de février, Harry passait son temps à regarder son petit livre d’école. Il regardait encore et encore chaque page, il connaissait son alphabet par cœur et répétait chaque lettre lorsqu’il la reconnaissait mais il n’arrivait jamais à faire les associations de lettres.
Harry avait grandit un petit peu et les émeraudes de ses yeux avaient retrouvé cette petite étincelle d’innocence qu’il avait perdu depuis bien trop longtemps.
« Tu ne comptes quand même pas rester enfermé dans cette ruine encore toute une journée Harry ?! lui dit Ted lors du dîner. -Je sais pas, il n’y a plus grand monde dans les rues tu sais… c’est triste, tout le monde préfère rester chez eux au chaud. -Tu pourrais aller au centre de survie pour te laver, tu es tout sale, tu es à faire peur je dirais, rigola-t-il. -Même pas vrai… ça fait que… pas longtemps qu’on y est allé d’abord. -Ca fait deux semaines Harry, tu sais qu’on doit se laver tous les jours… -Tous les jours ? Mais on va fondre après. -Non, explosa Ted, on ne va pas fondre… tu en as de bonnes toi. -Arrête de rigoler de moi, bouda Harry. -Jamais je n’oserais, tu me connais quand même. -Tu n’es pas gentil d’abord, dit-il en tirant la langue. -Eh… je crois que je viens de voir une langue. »
Harry explosa de rire lorsque Ted commença à le chatouiller.
« Alors, tu promets que tu vas te laver demain ? -D’accord, dit Harry des larmes de joie au coin des yeux. -Bien… je vais peut-être enfin revoir un visage tout propre sous cette crasse qui te couvre. Tu devrais peut-être même laisser Morgane te couper les cheveux. -Ah non alors, pas ça, dit Harry en posant ses deux petites mains sur sa tête. -D’accord garde ta tignasse, peut-être que tu arriveras à cacher des objets dedans, dit-il. -Pas vrai… ils sont justes en bataille. -Je suis sûr qu’on casserait tous les peignes du monde sur ta tête. -Eh bien comme ça, moi au moins, je n’ai pas besoin de me coiffer. -Tu trouves que j’ai les cheveux emmêlés ? -Oui, dit Harry en passant ses mains dans les cheveux de Ted, regarde c’est bloqué. -Tu as raison, je vais tenter de les coiffer, si tu vas te laver. -J’ai déjà dit oui, répliqua Harry. -C’est vrai mais je voulais être sûr. »
Bien contre son gré, le lendemain matin, Harry prit tout son temps pour aller vers le centre de survie. Ce n’est pas qu’il n’aimait pas prendre de douche… seulement il n’aimait pas prendre sa douche avec tout le monde… c’était gênant de voir les autres hommes nus. Mais prendre une bonne douche était aussi vraiment très agréable.
« Harry te revoilà, où est Ted ? -Il travaille, dit Harry en souriant timidement à Morgane. -Alors que viens-tu faire ici tout seul ? -Prendre une douche murmura-t-il tout bas. -Tu as de la chance, on vient de recevoir du savon, et il n’y a personne dans les douches. -Vrai ? -Oui, la plupart des gens dorment encore à cette heure-là tu sais. -Il n’est pas si tôt que ça. -Pour les sans maisons si. »
Harry se pressa de rentrer dans les douches pour hommes et prit une douche rapide. Il fût même étonné de voir que Morgane lui avait mis des nouveaux vêtements presque neufs à en juger par leur état.
« Pourquoi tu m’as changé mes vêtements ? s’indigna Harry. -Eh bien bonhomme, parce que ça fait déjà deux mois que je te vois dans les mêmes affaires et franchement, ils n’étaient vraiment plus en bon état. -Pourquoi ils sont neufs ? -Ils ne sont pas vraiment neufs tu sais, on récolte les vêtements que les gens nous donnent, ce sont généralement des vêtements vieux, démodés ou tout simplement trop petits et tu es beaucoup mieux habillé comme ça. -Je trouve pas, j’aime bien quand les vêtements sont un peu trop grands… -Oui mais là, ceux-là te vont parfaitement bien. -Si tu le dis… je peux y aller maintenant ? -Que fais-tu Harry toute la journée quand Ted travaille ? -J’apprend Londres par cœur sourit-il. »
Avant que Morgane ne puisse poser une nouvelle question, il partit en courant dans la rue. C’était vraiment un endroit qu’il aimait malgré les dangers, il se sentait libre, aucune limite ne lui était imposée. Il arrivait même à piquer quelques portefeuilles dans les poches des touristes, ils étaient tellement peu méfiants quand Harry arrivait à côté d’eux avec sa bouille d’ange… et propre. Mais plus précisément, il trouvait cela facile, comme si des fois il suffisait qu’il se mette à côté des gens pour que leur argent arrive dans sa poche. Il ne cherchait aucune explication logique, il savait que sa magie faisait cela. Mais il n’en parlait jamais à Ted. Il avait encore en tête la douloureuse conversation qu’il avait eue avec ce dernier, lorsqu’il avait trouvé de l’argent dans les poches d’Harry.
Flash-back
Il se faisait tard en cette soirée de janvier et Ted était prêt à l’envoyer au lit lorsqu’Harry sortit un billet de 5 livres de ses poches.
« Je peux savoir où tu as eu cet argent Harry ? -Je… je l’ai trouvé par terre, tenta le garçon en rougissant et en regardant ses pieds. -Oh Harry, tu n’as jamais su mentir face à moi, je répète ma question, où as-tu eu ce billet ? -Je l’ai pris dans une poche. -Tu l’as volé ? -Oui, murmura doucement Harry. -C’est mal Harry… c’est vraiment très mal, je ne suis vraiment pas content Harry. -Mais… j’avais faim et… -Tu sais que tu peux aller au centre de survie Harry, je ne t’ai jamais permis de voler, c’est mal Harry, on gagne de l’argent en travaillant, pas en devenant un vulgaire voleur. Je suis tellement déçu Harry. »
A ce moment, Harry craqua et pleura à chaudes larmes mais pour la première fois, Ted ne vint pas le consoler, au contraire il le laissa méditer sur son acte.
‘’’ Qu’est-ce que je peux être stupide par moment quand même, comment le garçon pouvait se nourrir si il ne volait pas… j’aurais dû lui donner un repas pour le midi… ou au moins un peu de l’argent que je gagne.’’’
Mais Ted ne gagnait pas assez pour un repas pour deux le soir et un repas pour le midi pour Harry. Il avait été tellement persuadé que Harry venait se restaurer au centre de survie qu’il n’avait même pas demandé à Morgane la confirmation de la présence du petit le midi.
Fin du Flash-back
Les jours qui avaient suivi, Harry n’avait plus volé de nourriture mais sa résolution n’avait pas tenu très longtemps. Mais depuis ce fameux jour, à chaque fois qu’il arrivait à voler de l’argent à quelqu’un, il le rendait après. Il aimait juste pratiquer afin de faire quelque chose de ses journées. Pour manger, il fit comme lui avait demandé Ted, il mangeait au centre de survie mais il lui arrivait tout de même de sauter le repas, surtout lorsqu’il était trop éloigné du centre. Il continuait de visiter Londres dans tous ses recoins.
Il avait repéré plusieurs endroits bizarres où des gens rentraient dans des endroits apparemment fermés définitivement ou encore des endroits que d’autres personnes ne semblaient pas voir. Notamment cet espèce de bar… mais jamais il n’avait eu le courage d’y rentrer. Les personnes qui y rentraient ou qui en sortaient avaient vraiment un air bizarre et Harry avait appris à se méfier de certaines personnes. Un jour, peut-être qu’il allait oser y rentrer.
Tout en réfléchissant, il ne vit pas la vieille personne devant lui et renversa son sac. Le contenu roula par terre et Harry hésita… devait-il voler la belle pomme ou aider la vieille dame ? Mais il n’hésita pas très longtemps, ramassant la pomme il la replaça dans le sac avec toutes les autres courses.
« Tenez madame, je suis désolé de ne pas vous avoir vue. -Ce n’est rien mon garçon, mais est-ce que tu pourrais m’aider avec toutes ses courses ? Je n’ai plus autant de force que dans ma jeunesse et mes bras me font mal. -D’accord sourit Harry en portant le sac de la vieille dame. »
Le trajet n’était pas très long mais pour un petit garçon de six ans, le paquet devenait franchement lourd à la fin du voyage. Plus il se rapprochait du porche de la maison, plus il lui sembla reconnaître la maison en particulier. Il lança un regard à la dame et celle-ci lui sourit.
« C’est vraiment très gentil de ta part, je peux t’offrir quelque chose à manger en compensation ou quelqu’un t’attend peut-être ? -Ca veut dire quoi compensation ? -Ca veut dire en échange du service que tu m’as rendu. -Oh… d’accord sourit Harry. »
Il rentra dans la maison et posa les courses dans la cuisine qui se trouvait directement sur sa droite.
« Je range mes courses et je t’offre un peu à boire et à manger d’accord ? -D’accord sourit Harry en sentant son ventre gargouiller. -Tu ne te rappelles pas de moi n’est-ce pas ? sourit la vieille femme. -Non dit Harry confus. -La première fois que je t’ai vu, c’était l’année dernière à Halloween, tu semblais plus pâle et bien plus faible qu’aujourd’hui, sans parler de ta propreté. »
Harry se souvint alors de la dernière personne à qui il avait demandé des bonbons, c’était cette vieille femme, voilà pourquoi la maison lui disait vaguement quelque chose.
« Tu sais je t’ai vu repartir après et il n’y avait personne avec toi. -Euh… ma tante était partie finalement. -Je veux bien que tu gardes tes secrets, le principal c’est que tu aies bien meilleure mine, répliqua-t-elle en sachant pertinemment que le petit mentait à propos de sa tante. »
Elle revint dans le salon avec des biscuits et un grand verre de lait qu’Harry s’empressa de boire.
« Tu n’es pas obligé de boire aussi vite, tu vas avaler de travers. -C’est bon dit-il en posant le verra sur la table. -Essuie-toi la bouche, tu as une petite moustache blanche tout à fait adorable. »
Harry prit un bout de son pull et s’essuya la bouche. La vieille dame fit comme si elle n’avait rien vu. Elle retourna dans la cuisine et Harry en profita pour jeter un coup d’œil au salon qui l’entourait. Il y avait une très grande bibliothèque, une télé, un gramophone, des disques vinyle et une cheminée. Sur le dessus de cette dernière, on pouvait admirer plusieurs photos qui devaient être la famille de la vieille dame.
Harry fut tout de suite attiré par la bibliothèque et admira tous les livres qu’il y vit. Certains avaient une couverture rouge avec un texte écrit en doré sur la tranche, d’autres avaient une couverture noir et un texte blanc. Tous étaient de taille et de volumes différents. Harry passa un doigt sur chaque livre, savourant le contact sur ce qu’il ne possèdera jamais.
« Les livres t’intéressent ? »
Harry sursauta et se retourna vers la vieille dame avec un air coupable sur le visage.
« Tu n’as rien fait de mal, je vois juste que tu as l’air d’aimer beaucoup les livres. Tu sais, je suis une vieille personne et on vient rarement me tenir compagnie donc si tu veux venir passer un peu de ton temps ici pour lire, il n’y a aucun problème. -… -Tu n’es pas d’accord ? -Je… j’aimerais beaucoup, sourit Harry, mais… -Il y a un problème, tu fais peut-être autre chose de tes journées, je suis vraiment d’une impolitesse. -Non… c’est pas ça, je… je sais pas lire, murmura-t-il. -Mon petit garçon, si tu veux que je t’entende, il va falloir que tu parles un peu plus fort, mes oreilles ne sont plus ce qu’elles étaient. -Je ne sais pas lire, dit Harry un peu plus fort. -Eh bien dans ce cas-là, je me ferai une joie de t’apprendre à lire à condition que tu veuilles bien apprendre. -Oh oui, s’exclama Harry ravi de pouvoir enfin apprendre à lire. -Dans ce cas-là, nous pourrions commencer demain, tu viens dans la matinée et tu me tiendras compagnie pendant la journée… ou au moins une partie de la journée. Je n’aimerais pas t’empêcher de vadrouiller dans les rues. -Je serai un bon élève et je ferais même mes devoirs si vous m’en donnez, vous savez j’ai un cahier et un livre d’école. -C’est vrai ? demanda la vieille femme étonnée. -Oui, la maîtresse nous a donné un livre et un cahier. -Alors pourquoi n’es-tu pas à l’école ? -… -Je veux bien que tu gardes des secrets, mais il va quand même falloir que tu me parles un peu de toi, je suis une vieille femme bien curieuse tu sais. -Je ne vais plus à l’école parce que j’ai changé de maison expliqua vaguement Harry. -Oh, tu as déménagé, mais pourquoi ne pas t’avoir inscrit dans une autre école dans ce cas… ? -Je n’ai pas pu, répondit simplement Harry à court d’imagination. -Alors jeune homme, je vous vois demain d’accord ? -D’accord, à demain madame. -Ne m’appelle pas madame, pour toi ça sera Isabelle d’accord ? -D’accord, moi c’est Harry. -Alors à demain Harry. »
Tout content et fier de lui, Harry sortit dans la rue et se promena dans les rues de Londres. Il fut surpris par le froid qui y régnait et se décida bien vite à rentrer à la maison. Il prépara son sac à dos en prenant soin de bien mettre son livre d’école, ainsi que le livre qu’il avait trouvé dans une poubelle, son cahier et un stylo dans son sac et ferma celui-ci. Il posa le sac à l’entrée de la pièce bien en évidence pour ne pas l’oublier le lendemain. Lorsque Ted rentra, il vit tout de suite à la mine réjouie d’Harry qu’il lui était arrivé quelque chose de bien aujourd’hui.
« Alors Harry, comment s’est passée ta journée ? -Je suis allé me laver aujourd’hui tu sais. -Oui, je vois que tu as des nouveaux vêtements, les derniers étaient vraiment trop usés, Morgane a eu raison. -Eh bien quand je suis rentré, j’ai renversé une vieille femme et je l’ai aidée à porter ses courses… parce que j’étais désolé. Et tu vois… elle m’a dit qu’elle voulait m’apprendre à lire. -J’ai du rater un épisode… tu l’aides pour porter ses courses et elle te propose de t’apprendre à lire ? Comment savait-elle que tu ne savais pas lire ? -Parce que j’ai regardé ses livres. -Tu es entré chez elle ? -Oui, pour poser les courses dans la cuisine et elle m’a même offert à manger. -Tu es tombé sur une charmante femme Harry. -Elle m’a même dit que je pouvais l’appeler Isabelle tu savais. -Euh non, je ne savais pas, mais maintenant si. -Te moque pas de moi. -Jamais je n’oserais, tu me connais bien mal, dit-il en éclatant de rire. -Tu vois, tu te moques. -Mais non Harry, je t’aime beaucoup… surtout quand tu boudes. -Moi aussi je t’aime Ted. »
Harry plongea sa tête dans la chevelure folle de Ted pendant que ce dernier le berçait doucement.
« Allez, je t’ai apporté de quoi manger, je vais allumer un petit feu pour qu’on puisse manger chaud. -D’accord, je suis content tu sais, je vais pouvoir lire, comme ça je pourrais même lire les panneaux dans la rue. -Tu sais c’est long d’apprendre à lire, ce n’est pas aussi facile que tu le penses. -Eh bien je vais beaucoup beaucoup m’entraîner pour être un bon liseur et… -On ne dit pas liseur Harry mais lecteur. -Ah… alors je serai un bon lecteur et je deviendrais très fort et je pourrais lire tout ce que je veux. -Tu sais Harry, le savoir est la clé, plus tu sais de choses, plus tu pourras éviter de te faire manipuler… la connaissance est très importante dans ce monde. -Je veux pas me faire manipuler, dit-il en pensant aux Dursley, alors je vais être la personne qui a le plus de connaissance. -Eh bien, je ne savais pas que tu étais aussi ambitieux que ça mais pour pouvoir tout connaître Harry, il faut d’abord savoir lire. Et entre nous, tu ne pourras jamais tout connaître, ce n’est pas possible mais le plus important est d’en connaître le maximum. -D’accord sourit Harry. »
Ils mangèrent en silence et allèrent se coucher tous les deux sur le matelas. Harry ne rêva que de livres… ils étaient tous ses amis et lui parlaient de ce qu’ils contenaient et Harry, avide de savoir, écoutait religieusement chacune de leurs paroles. Ted, quant à lui, dormit très mal cette nuit-là, les ennuis commençaient à pointer et il ne pouvait définitivement pas laisser tomber Harry maintenant, qui allait s’occuper du petit si il venait à disparaître ?
Le lendemain matin, Harry se réveilla plus tôt que d’habitude et constata avec regret que Ted était déjà parti, il savait qu’il était très tôt mais il était tellement impatient d’enfin réaliser l’un de ses rêves. Il regarda pendant de longues minutes son sac à dos puis finalement, le mit sur ses épaules et sortit de la maison un grand sourire collé aux lèvres. Il était à peine sept heures du matin et il était déjà devant le porche de la maison d’Isabelle, mais pour rien au monde il n’aurait eu le courage de sonner. Il prit donc son mal en patience et attendit devant la porte.
Ce ne fût que vers huit heure qu’Isabelle ouvrit la porte pour sortir sa poubelle et vit avec stupéfaction un petit Harry grelottant de froid sur le pas de sa porte.
« Harry, ça fait longtemps que tu es là ? -Pas tant que ça, sourit le gamin. -Tu as les lèvres toute bleues, rentre, je vais te faire boire quelque chose de chaud, tu n’as pas de manteau ou quelque chose de plus chaud ? -Non, murmura timidement Harry. -Tu habites quelque part dans une maison Harry ? demanda soucieusement Isabelle. -Oui, j’habite avec Ted, sourit-il. -Ted ? -Oui, un sans maison comme moi, mais en fait on a une maison. »
Isabelle regarda le petit garçon de quatre ans qui se trouvait devant elle… il ne devait pas être plus âgé vu sa taille. Elle n’avait pas compris grand-chose à tout le charabia qu’il lui avait dit à propos de Ted, mais elle éclaircirait cela plus tard.
« Bon, je vais donc t’apprendre à lire, tu seras en avance sur ceux de ton âge, mais je suis étonné qu’à quatre ans tu sois déjà allé à l’école. -Mais je n’ai pas quatre ans, s’exclama Harry la mine boudeuse, j’ai six ans et je suis un grand garçon. -Eh bien, tu fais plus jeune que ton âge, je suis désolée de ma méprise. Tu es motivé pour apprendre à lire j’espère. -Oh oui alors, s’écria joyeusement Harry. »
C’était la première fois qu’Isabelle voyait un tel entrain chez un enfant pour apprendre à lire. D’habitude, les enfants préféraient jouer ou courir dehors, mais très peu voulaient apprendre à lire avec cette passion que semblait avoir Harry.
« Bien, tu as apporté le cahier et le livre dont tu m’avais parlé hier ? -Oui et j’ai même ramené un livre que j’avais trouvé et qui est très joli. »
Harry sortit ses deux livres et son cahier, Isabelle grimaça un peu en regardant l’état dans lequel les affaires d’Harry étaient. Il y avait des tâches partout sur les livres et le cahier… on ne mentionnera pas l’état du deuxième livre d’Harry qui était bon pour être brûlé. Isabelle partit du salon sous le regard étonné d’Harry.
« Tu pars ? Demanda Harry avec une petite pointe de tristesse dans la voix. -Non, je reviens avec des feuilles et un stylo, attends-moi là j’en ai pour quelques petites secondes. »
Effectivement, peu de temps après, Isabelle revint avec un fin paquet de feuilles et deux stylos.
« Que la leçon commence. Est-ce que tu sais déjà écrire toutes les lettres de l’alphabet ? -Oui, c’est la seule chose que je sais faire dit-il souriant. - Alors montre-moi toutes les lettres et je te reprendrai si ce n’est pas bien, d’accord ? -D’accord. »
Harry s’appliqua du mieux qu’il pût et mit presque une heure pour recopier toutes les lettres. Une fois que tout fût fini, il tendit la grande feuille blanche, maintenant remplie de lettres, à Isabelle.
« Bon, c’est bien, les premières lettres sont vraiment très belles. -Oui, le A et le B je les avais faits avec ma maîtresse mais je connaissais mon alphabet et j’ai appris à dessiner les autres tout seul. -C’est vraiment bien, mais on va reprendre certaines lettres… »
La matinée passa à une allure folle, Harry ne voyait plus du tout le temps passer, Isabelle lui offrit le déjeuner et ils passèrent l’après-midi tous les deux à réécrire encore et encore toutes les lettres de l’alphabet. Harry y mettait toute son énergie, tant et si bien qu’à la fin de la journée, il se sentit complètement exténué.
« On va arrêter là Harry, tu n’arrives même plus à te concentrer, ton ‘X’ ne ressemble du plus tout à une croix. -Mais… on a fait que redessiner les lettres, je croyais que j’allais apprendre à lire, dit-il les larmes aux yeux. -Mais on ne peut pas apprendre tout en une seule journée Harry, apprendre à lire et à écrire peut mettre beaucoup de temps. Pour un petit garçon aussi motivé que toi, je pense qu’il te faudra au moins sept mois pour y parvenir et encore, ce ne sera pas parfait. -Mais c’est très long sept mois, s’écria Harry horrifié. -Ce n’est pas très long, dans sept mois Harry, nous serons en septembre, je te promets d’ici là que tu sauras parfaitement écrire et lire… enfin presque. -Pour de vrai ? -Oui, pour de vrai si tu viens tous les jours. -Oh d’accord, sourit Harry, très heureux à la perspective de revenir très souvent chez Isabelle. -Allez, file, amuse-toi un peu en cette fin d’après midi, détends-toi un peu, quand on travaille trop après, on n’y arrive plus du tout au bout d’un moment. -D’accord, je vais aller m’amuser à la place des lions alors. -A la place des lions ? Tu veux dire au zoo ! -Non, je ne suis jamais allé au zoo. -J’espère qu’un jour tu pourras y aller, je suis sûre que tu adorerais. Allez, à demain Harry et tu peux venir à la même heure que quand je t’ai ouvert d’accord ? »
Harry acquiesça de la tête et partit en courant, son sac à dos sur l’épaule. Il alla directement à la place des lions et comme d’habitude, il regarda le peu de touristes qu’il y avait monter sur ces grands lions. Prenant son courage à deux mains, il alla au pied de la colonne et tenta de monter dessus mais la bordure était vraiment trop haute pour lui. Il allait abandonner quand il sentit que quelqu’un le soulevait. Il se retourna et tomba dans un beau regard bleu qu’il connaissait depuis plus de deux mois.
« Alors bonhomme, tu cherchais à monter ici depuis tout ce temps. -Oui…sur les lions lui confia Harry. - Alors vas-y maintenant. »
Harry marcha sur la bordure et alla vers le lion le plus proche, il monta sur le bout de queue qui dépassait et tenta de sauter… mais le lion était vraiment très haut pour un petit bout de chou comme lui. Après cinq bonnes minutes d’effort sous les éclats de rire de Ted, Harry décida que ça suffisait.
« Il ne faut jamais abandonner Harry, aujourd’hui je t’aide à monter dessus, mais un jour il faudra que tu y arrive tout seul, je suis sûr qu’à force de persévérer tu vas finir par y arriver. »
Ted monta à son tour sur la bordure, plusieurs enfants reculèrent devant l’apparence misérable du clochard, et il porta Harry jusque sur le dos du lion. Harry était enfin dessus, à force de voir des enfants toujours dessus à prendre des photos il avait pensé que ça ne lui arriverait jamais, mais cette fois c’était bien lui qui était dessus. Il ne pouvait pas être plus heureux qu’à ce moment-là, son sourire montait jusqu’à ses oreilles.
« Monsieur s’il vous plaît, pourriez-vous descendre, demanda l’agent de police. -Je faisais juste plaisir à mon fils, je descends. »
Ted pris Harry dans ses bras, et descendit du rebord.
« Merci monsieur, déclara l’agent mal à l’aise. »
L’agent repartit, non sans jeter de fréquents regards vers Ted.
« Pourquoi nous, on doit descendre mais pas les autres ? -Il n’y a que les enfants qui peuvent monter dessus j’imagine, mentit Ted. -C’est pas vrai, j’ai vu des adultes monter ici et le monsieur en orange ne leur avait rien dit. -C’est parce qu’ils sont bien habillés Harry, pas moi. -Alors pourquoi tu vas pas t’habiller bien ? -Parce que je n’en ai pas les moyens. Les ‘sans maisons’ comme nous, on ne les accepte pas dans les lieux publics comme celui-ci. -On ne m’a jamais rien dit à moi. -Parce que tu es jeune Harry, ils n’ont pas de remords quand ils me chassent, mais face à toi c’est plus dur. -Et pourquoi ? -Parce que tu es le plus mignon de tous les petits garçons. -Pas vrai, rougit Harry. »
Harry et Ted s’éloignèrent de la place sous le regard gêné et fuyant de plusieurs touristes ou simples passants.
« Pourquoi on nous regarde toujours comme ça ? -Parce qu’ils ne veulent pas avoir à nous donner de l’argent, certains par pitié, d’autres par pudeur… d’autres ne veulent pas qu’on existe tout simplement. -Pourquoi ? -Parce que nous représentons la classe la plus basse et la plus pauvre de la société et que certains ne veulent pas avoir affaire à nous. -Parce qu’on n’a pas d’argent ? -Oui, parce qu’on les dégoûte aussi pour certains. -Les gens sont méchants alors. C’est pas juste. -La vie n’est pas juste Harry, il faut savoir ruser pour survivre dans ce monde. Être rusé et avoir la connaissance, il faut que tu gardes toujours cela en tête Harry, ne jamais foncer tête baissée, ça ne peut nous apporter que des ennuis. -Des ennuis comment ? -Des ennuis comme la police pour nous, et donc la prison… quoique je ne suis même pas sûr qu’ils prennent la peine de nous mettre en prison. -La prison c’est pour les méchants tu sais. -Oui je sais Harry, pour les gens qui ont fait quelque chose de mal. »
Ils rentrèrent doucement à la maison, en chemin Ted acheta des sandwichs consistants et en dessert, pour la première fois, ils achetèrent des pâtisseries. Ce fût Harry qui alla chercher les trésors dans la boulangerie, vu qu’il était le plus présentable des deux.
« Alors Harry tu as fait quoi pendant toute la journée ? -J’ai recopié toutes les lettres de l’alphabet. -Tu as fait ça pendant toute la journée ? Mais tu ne t’es pas amusé alors… -Oh si s’écria Harry, regarde, dit-il en sortant les feuilles et en montrant son travail. -Elles sont drôlement bien faites tes lettres Harry, je suis vraiment fier de toi tu sais, dit Ted. -Pour de vrai ? -Oui. -De vrai de vrai ? -Oui, rigola Ted. »
Harry sauta sur Ted et mit ses mains autour de son cou en plongeant sa tête dans la chevelure désordonnée de Ted.
« Allez bonhomme, une longue journée t’attend demain si tu veux continuer à apprendre. -Je file au lit, dit Harry en embrassant Ted sur le front. »
Un long mois s’écoula dans cette petite routine, Harry retournait tous les jours chez Isabelle, il apprenait au fur et à mesure toutes les premières associations de mots, tels que ‘ba, be, bi bo, bu’ afin de pouvoir commencer à reconnaître ces sons dans chaque mot. Harry était un petit garçon avide d’apprendre et Isabelle en était d’autant plus ravie, son enseignement lui plaisait.
Cela faisait maintenant quinze ans qu’elle n’avait plus enseigné à des élèves et voilà que ce petit se montrait bien plus motivé que ses meilleures élèves. Et pourtant, elle en avait vu de bons élèves en quarante ans d’enseignement.
A la fin du mois Harry était déjà capable de déchiffrer les différents mots que contenait un livre. Enfin, l’un de ses livres parce qu’il doutait franchement de pouvoir lire un des livres de la bibliothèque.
« Tiens regarde cette phrase-là, il faudrait que tu arrives à la déchiffrer. »
Harry regarda la phrase et se concentra dessus, il plissa légèrement les yeux et tira un peu sa langue, Isabelle rigolait toujours quand elle le voyait ainsi.
« Le…fru…it, le fruit, s’exclama joyeusement Harry. -Oui continue la suite. -Le fruit…euh…ça fait quoi un ‘e’ et un ‘s’ ? -Ca fait es. -Alors, le fruit es…t, le fruit este ? -Le fruit est. -D’accord, le fruit est…mu…re. J’ai trouvé, le fruit est mûr. -Oui Harry tu vois c’est facile, il faut que tu t’entraînes comme ceci tous les jours. Tu me lis la phrase suivante. -D’accord. Le ca…to…est…gr…a…nd. Euh…le cato est grande ? -Pas tout à fait Harry, quand on a un ‘c’ avec un ‘h’ ça fait un son ‘che’. -Donc…chato ? Ah oui un château. -Tu vois que tu peux y arriver. -Le château est grande. -Non, on dit ‘grand’ parce qu’on dit un château et pas une château d’accord ? -Le château est grand. -Oui, je vais te donner des phrases à lire pour ce soir et tu me les diras demain matin d’accord ? -Oui. -Maintenant que tu connais les sons, on va apprendre à bien les écrire parce qu’on a fait que lire pour le moment. Mais tu verras, tout viendra au fur et à mesure. -Mais je me débrouille un peu n’est-ce pas ? -Oui tu te débrouilles même très bien Harry. Allez file, tu peux aller jouer. -A demain Isabelle, dit Harry en souriant. -A demain petit ange. »
Depuis le nouvel an, Remus avait constaté que l’attitude de Severus était beaucoup moins agressive même si il restait toujours lui-même. Il avait même pris l’habitude de venir pendant son cours, uniquement avec les septième années, afin d’apprendre à ces têtes vides l’art du Duel, ce qui n’était pas gagné d’après lui. Plusieurs fois, Remus avait fait en sorte de conjuguer le cours de potions avec celui de Duel afin de protéger les étudiants en leur fournissant un bouclier ou une potion pour guérir les plaies. Heureusement, il n’y avait jamais vraiment eu de gros problème de ce côté-là. La plupart des accidents arrivaient étrangement entre les étudiants de Serpentard et de Gryffondor. Remus faisait tout pour arrêter cette petite guerre mais ce n’était définitivement pas gagné d’avance. Severus, lui, ne pouvait pas faire gagner ou perdre de points quand il était dans le cours de Duel, mais il ne pouvait pas s’empêcher d’encourager ses Serpentards. Le plus drôle avait été le moment où l’un des Serpentard avait jeté un serpent grâce à un sort particulier, le Gryffondor en face avait presque failli s’évanouir… un courage remarquable avait pensé amèrement Severus. Lorsqu’il l’avait fait disparaître, le Gryffondor avait poussé un soupir de contentement. Remus avait quand même donné 10 points à Serpentard pour le sort.
L’année se déroulait tranquillement et Remus craignait même d’arriver un peu trop vite à juin, il n’avait aucun lieu où aller pour se reposer, il avait vendu son petit appartement, il ne se voyait pas vraiment rester à Poudlard pendant l’été, même si il y avait toujours Severus. Il ne voulait pas être un poids pour l’école, il songeait à faire un voyage, sortir un peu, arrêter de remuer des histoires du passé. Cette école lui avait rappelé tellement de moments que ç’en était presque insupportable, il se sentait étouffer.
Severus, quant à lui, bénissait cette période tellement bénie des vacances d’été, il pouvait enfin rester enfermé dans son cachot, loin du monde, sans gamins écervelés tournant autour de lui. Les repas allaient de nouveau être calmes, sans bruit ou bagarres. Severus comptait avec envie le nombre de jours qui le séparaient du trente juin, c’était ce jour-là que les élèves partaient. Le plus drôle cependant était les examens, il adorait préparer les sujets des BUSE ou des ASPIC. Hélas, peu de personne étaient vraiment recalées de la première à la quatrième année. Les cinquième années par contre… c’était l’hécatombe en potion, rien ne lui faisait plus plaisir de constater qu’il n’avait qu’une seule classe de potion au niveau de la sixième année. Après, tout était beaucoup plus simple, il ne restait que les meilleurs, c’était presque un plaisir d’enseigner à partir de cette année-là, enfin presque parce qu’il y avait toujours des miraculés… il ne savait pas comment certains pouvait avoir eu Optimal en potion avec ce qu’ils faisaient en cours.
Mais bien sûr, la joie de Severus fût complètement brisée quand son grand ami depuis toujours vint lui rendre visite.
« Que me vaut la visite du grand Lucius Malfoy dans mon petit cachot insignifiant de Poudlard ? Demanda cyniquement Severus. -Severus, toujours aussi sarcastique et en forme à ce que je constate. -On est en avril Lucius qu’est-ce qui peut bien t’amener ici ? Je n’ai pas que ça à faire moi de recevoir des aristocrates. -Mon cher Severus… -Ca ne veut dire qu’une chose quand tu es poli avec moi, que veux-tu cette fois ci ? -Mais rien de spécial, je voulais savoir si tu pouvais garder Draco pendant l’été, nous partons Narcissa et moi en voyage et je ne veux pas m’encombrer de lui. -Voyage d’affaire ? -Je ne vois pas en quoi cela te concerne, je t’enverrai Draco le premier juillet. -Je n’ai pas le choix à ce que je constate. -Tu es son parrain. -Tu es son père. Mais je vais faire un effort, je prendrai Draco pendant l’été. -Qu’il en soit ainsi, on se reverra le premier septembre j’imagine. »
Sans plus de cérémonie, Lucius Malfoy disparut dans la cheminé.
« Et moi qui pensait que j’allais enfin pouvoir me reposer… »
A suivre... |