Warning : L’histoire que vous allez lire décrit TRES précisément des relations amoureuses et sexuelles entre hommes. Si cela vous dérange, merci de quitter cette page. Pairing : HPxDM
Disclaimer : L’univers de HP appartient à JKR et le titre est à Vincent Delerm.
Dédicace: Pour Delphine (Raya) et Elizabeth (Lemoncurd).
Résumé: Potter m’a fait venir chez lui pour reconnaître mon rôle dans la guerre qu’il vient de gagner. L’orage qui m’empêche de repartir ne durera pas toute la nuit, n’est-ce pas?
Note: Ce texte a été publié en EXCLUSIVITÉ dans le numéro un du Fanzine HP "Le Troisième Oeil".
Note 2: Cette histoire a déjà été mise en ligne sur ffnet, il y a plusieurs années.
Bonne lecture à celles et ceux qui découvrent ou redécouvrent cette (vieille) histoire.
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Titre : L’heure du thé
Part I :
La première impression que je ressens lorsque je traverse la porte me confirme une fois de plus l’intelligence dont j’ai fait preuve en me rangeant du coté de Dumbledore lors de la Guerre Contre le Seigneur des Ténèbres.
En effet, le salon où je me trouve est de très bon goût. On est réellement loin des couleurs criardes de sa maison d’origine. J’ai beau détailler les meubles contemporains, passer d’un œil critique le tissu satiné du canapé et me plonger dans les tableaux accrochés aux murs ; je ne trouve aucun fantôme rouge et or.
Une vieille rengaine de Dumbledore m’agrippe l’esprit.
La guerre change les gens.
La guerre m’a-t-elle changé ? Peut-être. Je chasse ces idées de ma tête et je retourne à mon observation des lieux.
Sur les étagères il n’y a rien qui ne puisse révéler que je me trouve dans la demeure du plus célèbre sorcier du monde. Le salon de Harry Potter est d’une banalité effrayante. Rien même ne rappelle l’univers auquel il appartient : l’univers magique.
Je ne vois que des artefacts moldus et ça me fait sourire. A une époque, je n’aurai pu approcher un tel lieu. Tout ceci m’aurait paru sale, obscène voire… contagieux.
Oui, à cette époque, j’aurais relevé mon nez pointu et fait apparaître un air méprisant sur mon visage diaphane pour alors tourner les talons, ma cape flottant derrière moi comme le témoin éclatant de la société d’où je provenais. Société dont je proviens toujours d’ailleurs.
Ce temps me paraît lointain maintenant.
« Bonjour Mal… heu Drago. »
Je me retourne vers le propriétaire de la voix hésitante. Je souris le plus cordialement que je peux. Cela m’a demandé des heures de travail depuis la fin de la guerre. Depuis que Dumbledore essaie de me faire reconnaître comme résistant à part entière en me faisant rencontrer des tas de personnes influentes.
Bonjour, je dis d’un ton parfaitement maîtrisé.
Je ne préfère pas l’interpeller. L’appeler ‘Potter’ serait revenir au temps révolu de Poudlard. Mais si je l’appelle ‘Harry’, il risque sérieusement de ne pas apprécier. Et moi-même je ne sais si je saurais le nommer ainsi.
Je ne connais pas Harry.
Je ne connais que Potter, stupide Gryffondor et Survivant de son état.
Potter, ordre de Merlin Première Classe pour service rendu à la Communauté Magique.
Potter, éternel vainqueur.
Vainqueur au quidditch, vainqueur de Voldemort, vainqueur devant la vie.
Et Drago Malefoy, éternel second.
Cette réflexion qui surgit du fond de mon cerveau appartient à mon feu père et je redoute d’en appréhender la lamentable exactitude.
Je sens mes lèvres s’incurver vers le bas : je n’ai jamais réellement apprécier devoir quelque chose à quelqu’un. Et je lui dois la vie. A mon père, je veux dire.
Quoique d’une certaine manière je dois aussi la vie à Potter et je crois que c’est encore plus terrible.
S’il n’avait pas détruit Voldemort, j’aurai certainement péri un jour ou l’autre.
« Tu… tu peux m’appeler Harry. » bredouille justement sa voix d’un ton qui se voudrait léger.
Ok.
J’hausse tranquillement les épaules tout en acquiesçant brièvement.
Au fond de moi, je sens les répliques cassantes affluer. Je ressens le vieux Drago me chuchoter des insanités et ma langue s’échauffe devant la personne qu’elle a le plus haï.
C’est difficile de s’affranchir des vieilles habitudes. Des bonnes vieilles habitudes.
Le silence nous enveloppe.
Je le vois très mal à l’aise. Il déglutit dans sa gorge serrée, ses yeux parcourent les alentours et ses doigts jouent distraitement avec le bas de chemise.
Aussitôt, je me rends compte qu’il est vêtu comme un moldu. La pièce est moldue et lui aussi est moldu dans sa chemise débraillée et son pantalon large.
Cette situation me paraît irréelle. J’ai l’impression répugnante d’être moldu moi aussi. J’ai certes surpassé ma haine pour ces individus mais de là à vouloir leur ressembler, il y a tout un monde. Mon seuil de tolérance n’est pas infini, loin de là.
J’effleure involontairement ma cuisse droite où se dissimule ma baguette alors qu’il se racle nerveusement la gorge.
« Je… je suis content que tu sois venu » fait-il alors.
Je trouve amusant qu’il soit un aussi piètre comédien. Sa voix sonne faux. Et il vient de le remarquer puisque son visage forme une expression dépitée.
Je sais pertinemment combien ça doit l’embêter de me savoir là. Là, chez lui, dans son salon, dans son territoire exempt de magie.
Je joue son jeu en lui répondant tranquillement que je ne pouvais pas décemment refuser son invitation.
Ses yeux montent au ciel. Il est exaspéré. Il est agacé de voir que je ne suis plus totalement le connard de nos années d’adolescence. Il doit pourtant bien sentir combien je me retiens, combien je me maîtrise, combien je me contrôle.
J’ai toujours su me contrôler. C’est bien pour cela que j’ai fait un espion si profitable.
« Et bien si tu es ici uniquement par politesse, il n’y a aucune raison pour que tu y restes. »
Sa réplique me fait rire intérieurement même si je n’ai pu reconnaître le sentiment qui enveloppait cette phrase. Une chose est sure, je n’y ai entendu aucune amertume.
C’est vrai, je dis, je pourrais partir. Le ton est plat et assez traînant aussi nous plonger de nouveau dans le passé.
Je plante mes yeux gris dans ses yeux verts et je me permets d’hésiter un instant avant de poursuivre ma réponse.
Oh oui, comme je pourrais rejouer le salaud du collège et m’en aller sans un mot. Je pourrais le laisser se débrouiller avec toutes les choses qu’il a me dire. Je pourrais mais je ne le fais pas.
C’est trop tard pour que je redevienne exclusivement l’arrogant Malefoy de mes quinze ans. J’en ai cinq de plus désormais et des expériences sans nom derrière moi.
Je ne bouge pas et je le vois danser d’un pied sur l’autre.
« Tu restes. »
Ce n’est pas une question. Je lui réponds doucereusement pour titiller son self-contrôle :
Je n’ai jamais eu l’intention de partir, Harry.
Je l’ai senti se crisper à la mention de son prénom et je m’en félicite tout en occultant le sentiment inconnu qui vient de m’envahir.
Il remonte nerveusement ses lunettes rondes sur l’arête de son nez. Je me dis vaguement qu’il aurait pu en changer depuis le temps. Il a lui même changé. Son visage et sa silhouette sont quasiment méconnaissables. Il est toujours à peine trop petit mais son buste s’est élargi au niveau des épaules qui recueillent les dernières mèches rebelles un peu longues de sa chevelure sombre. Mais ce qui m’intrigue vraiment, c’est les modifications qui ont remodelés son visage.
La peau légèrement brunie de ses joues est parsemée de cicatrices blanchâtres et celles-ci sont les compagnes malheureuses de la plus célèbre d’entres-elles.
Mes yeux se glissent sur son front recouvert d’une frange noire et je me demande si ce que racontait la Gazette après la mort du Seigneur des Ténèbres est vrai. En effet, il y avait eu quelques rumeurs sur l’incroyable disparition de la cicatrice du Survivant et personne n’avait confirmé ni infirmé cette déclaration.
Personnellement, je n’y ai jamais cru. Cependant, en cette seconde je suis assez curieux mais la frange est si dense que je ne peux vérifier mon opinion.
Dense.
L’adjectif saute subitement dans mon esprit.
Je pense alors que c’est le mot parfait pour qualifier Potter. Il est trop dense. Dense de vie, d’émotions lourdes, de souvenirs douloureux.
Il lui manque la légèreté du gamin que j’avais rencontré chez Madame Guipure sur le Chemin de Traverse. Il lui manque la folie et l’insouciance. Il lui manque aussi l’émerveillement qu’il y avait autrefois dans ses yeux naïfs.
Comme il manque chez moi l… Que manque-t-il véritablement chez moi ?
Je m’interroge une fois de plus. Je sais que je suis différent. Mais je ne sais pas sérieusement ce que j’ai perdu.
Peut-être est-ce mon arrogance ? ou mon orgueil ?
A moins que ce ne soit mon obscurantisme et ma méchanceté.
Non, ce n’est rien de tout ça. Ou alors pas tout à fait.
Il me vient furtivement l’idée que je pourrais avoir gagner quelque chose, mais je laisse échapper rapidement cette pensée sans sens.
Je remarque un mouvement à coté de moi et je découvre que Potter vient de me faire signe de prendre place sur le canapé.
« Tu peux t’asseoir si tu veux. Je vais chercher le thé. »
J’hoche simplement la tête et je me pose négligemment sur le canapé. Je m’appuie sur le dossier et à demi sur l’accoudoir de gauche. J’observe d’un œil amusé les biscuits impeccablement alignés dans l’assiette de porcelaine qu’il amène.
« C’est des petits-fours » dit-il d’un ton neutre.
J’hoche la tête à nouveau. Je veux qu’il s’enlise. Qu’il se perde. Qu’il s’abaisse.
Je me reproche de penser une telle chose mais il m’en a trop fait voir pour que je me plie docilement devant lui. Il n’a pas voulu voir le rôle essentiel que je jouais dans la résistance, il n’a pas voulu voir que j’agissais pour lui, il n’a pas voulu comprendre que c’était les informations que nous fournissions Rogue et moi qui permettaient les actes héroïques de l’Ordre du Phénix.
Non, il n’a rien vu jusqu’à ce que je le demande à Dumbledore. Dumbledore qui lui a parlé et l’a lentement contraint à organiser cette rencontre. Il fallait faire croire à Potter que l’idée venait de lui. Dumbledore a très bien compris ce que je voulais et son don de persuasion est incroyable.
Mon rôle d’espion… Mon absolue nécessité… Mes trop nombreuses prises de risques…
Je voulais que Potter le sache. Qu’il se l’avoue. Qu’il me voit. Qu’il se prenne la vérité en pleine face au lieu de m’ignorer comme il le faisait si bien depuis sa victoire.
Oui, il était victorieux et il snobait tout le monde. Tout le monde dont moi.
Moi, qui voulait lui montrer comment j’avais été capable d’être aussi saint que lui. Si la sainteté est de sauver des vies en jouant le modeste.
Jouer le modeste.
Non, pas vraiment. Je n’ai pas réussi cette partie là puisque j’ai une envie impérieuse de reconnaissance.
Et pas n’importe quelle reconnaissance.
La sienne.
Je veux la reconnaissance de celui qui a enflammé ma haine six années durant, je veux la reconnaissance de celui qui avait fait interné mon père à Azkaban, de celui pour lequel aussi j’avais risqué ma vie.
Je me rappelle qu’il y a quelques mois, cette simple pensée m’écœurait encore. Je risquais ma peau pour un type que j’avais abhorré et que j’avais insulté. Je risquais ma peau pour le camp que j’avais appris à haïr depuis ma petite enfance.
Je voulais lui montrer que j’étais intelligent et que j’avais compris où se situait mon intérêt.
Intérêt. Oui, je reste un Serpentard malgré tout.
Je suis certain que cette réplique aurait fait rire Dumbledore. Il trouve que je ressemble à Rogue. Moi, je ne trouve pas. Nous avons peut-être fait le même boulot durant les années de guerre mais je ne suis pas autant aigri qu’il l’était.
Et Severus Rogue n’aurait jamais accepté une invitation venant de Harry Potter. Il aurait préféré brûler en enfer.
Je secoue mes pensées en me disant insolemment que c’est vraisemblablement ce qu’il est en train de lui arriver si l’enfer existe. Sa mort héroïque n’a pu pas probablement compenser tout le reste sur la balance divine.
Mon cynisme me fait sourire.
Rogue ne croyait pas en Dieu. Moi non plus puisqu’Il m’aurait fait un peu trop d’ombre avec Sa toute-puissance…
Je me reconnecte au monde des vivants pour stopper ce genre de réflexions stériles.
Je remarque que deux tasses d’eau chaude me font face et que Potter s’est installé à mes cotés.
Du coté droit du canapé. Les coussins qui ploient sous nous font qu’il penche un peu vers moi.
« Tu veux quel parfum ? » fait-t-il ses mains sagement posées sur ses genoux.
Vanille, je dis tout en me reculant vers l’accoudoir d’un mouvement discret.
« Tu prends du lait ? »
Je décline poliment.
Je le vois se lever sans un mot et il se dirige vers une porte que je devine comme ouvrant sur la cuisine. Mon regard se porte sur une large fenêtre qui laisse voir un jardin d’un vert éclatant rayé de pluie. Ce n’est pas vraiment étonnant avec le ciel chargé de nuages noirs qu’il y a eu durant tout mon trajet pour venir ici.
Je me dis que ce sera moyennement agréable de voler sous la pluie mais je ne pourrais pas réellement faire autrement. Je ne peux pas transplaner à cause de l’arrêté ministériel l’interdisant à tous ceux ayant porté la Marque des Ténèbres. Et ce, même dans le cas d’espionnage. Le Ministère a dressé une toile magique dans ce sens pour traquer tous les mangemorts et ce, sans aucune dérogation même pour les espions.
« Il pleut »
Je sursaute imperceptiblement et je m’interdis de fusiller Potter du regard avant d’assimiler l’absurdité de ce qu’il vient de dire.
Très observateur, je dis.
Il hausse les épaules et dépose une carafe de lait sur la table. D’un geste négligent de baguette, il tapote nos deux tasses et une odeur sucrée envahit mes narines.
Un lourd silence gagne alors le salon de Potter. Ses traits sont durs malgré l’air détendu qu’il essaie de se donner.
Je l’observe verser du lait velouté dans sa tasse et y rajouter deux sucres. J’arque un sourcil lorsqu’il fait cliqueter sa petite cuillère à thé contre les parois de porcelaine.
Ma tasse brûlante ébouillante la peau de mes paumes de mains mais je n’y prête pas cas. J’ai l’habitude de la douleur. Je porte le liquide chaud à mes lèvres et je savoure la saveur étrangement amère du thé à la vanille qu’il m’a servi.
Je remarque qu’il rajoute un sucre et je me retiens de lui faire une réflexion désagréable. J’ai la déplaisante impression qu’il veut trop sucrer son thé comme il sucre trop sa vie avec les bons sentiments de sa cour d’admirateurs.
De nouveau le mot DENSE me saute à l’esprit alors qu’il commence à boire son thé. Je m’autorise à me demander quel parfum le Saint Potter a-t-il choisi.
En même temps que je me demande ceci, la vapeur d’eau embue ses lunettes. Je trouve ça immédiatement ridicule. Il est ridicule et je suis en train de m’impatienter.
Combien de temps allons-nous demeurer dans ce silence ? Aussi longtemps qu’il ne fera pas le premier pas.
J’entends alors quelque chose croquer à ma droite et c’est seulement le bruit des dents de Potter contre un biscuit.
Il est ridicule.
Mon thé est bon et j’ai laissé le visage muet de Potter pour la fenêtre recouverte de pluie.
Je suis ridicule. Nous sommes ridicules. J’ai vraiment l’impression de perdre mon temps.
Je le lui dis froidement alors qu’il se retourne vers moi avec détermination. A moins que ce ne soit de la lassitude.
« C’est maintenant que je dois m’excuser alors… » souffle-t-il.
L’humilité de sa voix m’aurait fait hurler de plaisir jadis. Jadis.
Je savoure pourtant le son du verbe excuser dans sa bouche. Je voudrais qu’il le conjugue en baissant les yeux. Je voudrais qu’il reconnaisse mon pouvoir et mes actes. Qu’il me reconnaisse comme un individu ayant permis sa victoire. J’ai bien réussi à l’accepter moi-même. J’ai accepté qu’il ait permis ma survie et que j’ai personnellement permis sa victoire et accessoirement sa propre survie. C’est assez complexe, mais nous sommes… nous étions deux des acteurs principaux de cette satanée guerre.
Oui c’est cela, Harry.
Lorsque j’ai parlé, je me suis à peine attardé sur la prononciation de son prénom.
Il pose sa tasse encore pleine sur la table basse. Je devine que ses mains sont moites puisqu’il les essuie sur son pantalon avant de me faire face.
« Bien. Mais je ne le dirai qu’une fois, Drago »
Lui n’a pas fait traîner mon prénom. Les deux syllabes ont seulement roulé dans sa bouche. Je me surprends à remarquer qu’à ce jour personne ne m’appelle par mon prénom à part Dumbledore et j’écarte rapidement ce que cela pourrait supposer, c’est-à-dire une sorte… d’intimité.
Dieu comme je hais ça.
Je me cale contre le dos du canapé, je croise mes jambes et relève la tête. Je dois afficher une expression trahissant mon impatience et je ne tente pas de l’éloigner de mon visage.
Je t’écoute, je dis et je sens que les secondes qui vont suivre vont être les plus intenses de mon existence.
Et il le dit.
Il le dit.
Un simple mot puis un autre tout aussi simple. Et encore un autre.
L’écoulement lent des phrases qui jaillissent de sa bouche est magnifiquement dégradant pour lui.
Je suis fasciné devant ses lèvres roses qui caressent et enrobent les excuses du plus grand sorcier du monde. Juste avant Dumbledore bien sûr.
Je suis fasciné devant Harry Potter. Et ce n’est pas la première fois.
Je me souviendrai toute ma vie de Potter étalé à terre sur le corps inerte de Voldemort.
J’ai toujours haï cette fascination entremêlée à de la jalousie.
Saint Potter. Survivant parmi les misérables mortels que nous sommes…
Le bourdonnement de sa voix s’éteint soudain et je comprends qu’il a fini. Je n’ai même pas entendu les mots précisément, j’ai seulement gravé en moi son visage fermé et ce qu’il disait sur sa bêtise.
Il se lève du canapé, modifiant l’équilibre des coussins et me faisant un peu osciller. Je remarque alors qu’il fait sombre. Je n’ai pas vu l’heure passée. Je me doute que mon thé est froid entre mes mains.
Potter allume d’un geste de la main les torches moldues et je n’interdis de m’étonner à ce sujet.
« Voilà tu as eu ce que tu veux, Malefoy. » fait-il.
Du calme affolant dans lequel il se trouvait il y a deux secondes, il passe à la colère.
Comme s’il s’était déjà que trop retenu.
Le voir furieux m’ennuie. J’ai l’impression dans ces moments qu’il oublie de grandir. J’ai presque tourné la page et le Drago d’autrefois parle assez rarement désormais. Je suis plus cordial et plus social.
Je me lève de son canapé et je le toise.
Oui, je murmure, je t’ai vu t’humilier, Harry.
La phrase sonne délicieusement et j’avais failli oublier combien c’était jouissif. Je recueille au fond de mes oreilles son prénom qui vibre encore dans ma gorge.
« Humilié ? » répète-t-il. Je ne remarque pas la sincère surprise qu’il y a dans ses mots.
J’ai une envie insidieuse d’être arrogant. D’être méprisant. D’être comme avant.
Oh, j’aurai dû savoir que tu ne connaissais pas ce verbe, navré...
Il recule d’un demi-pas face à ma voix traînante mais il n’est pas effrayé. Je ne lui ai jamais fait peur. Il a vu des choses pires qu’un Malefoy. Je me suis d’ailleurs déjà avoué qu’il avait bien triomphé de la mort… Comment pourrait-il donc craindre un Malefoy ?
Le demi-pas qu’il concède marque juste sa propre lassitude. Je me sens faible d’avoir replongé dans le Drago que je ne suis plus. J’arrive tellement à me maîtriser d’habitude. D’habitude, quand je suis face aux autres dont le nom complet n’est pas Harry James Potter.
Je suis pathétique. Je me félicite d’avoir grandi et deux secondes après je redeviens un gamin.
Ressentait-il réellement de la colère tout à l’heure, ou faisait-il seulement preuve de… d’une sorte de pondération ?
Je déteste cette question que se pose mon cerveau embrouillé.
Je décide de partir maintenant que j’ai eu ce que je voulais. J’amorce un mouvement vers le hall et il me suit de son pas irrégulier.
Pour le thé…, je commence à dire d’un ton à nouveau poli.
« Ce n’était rien » fait-il d’une voix tranquille que je viens d’apprendre à détester. Je déteste l’indifférence qu’il mime car il est nerveux au fond de lui-même.
Je me retourne et je lui tends la main pour le saluer. Autant me montrer aussi serein que lui au sujet de nos rapports.
Le geste est purement symbolique évidemment ; mais après l’immaturité dont je viens de faire preuve, je n’en espère pas grand chose.
De toute façon, je n’ai rien à espérer, n’est-ce pas ?
Les yeux verts de Potter tremblent sous des paupières mi-closes alors qu’ils fixent ma main tendue.
C’est vrai qu’il y a beaucoup de souvenirs. De douleur. De haine. Mais nous sommes sensés être cordiaux l’un envers l’autre désormais.
La propre main de Potter met du temps à se mettre en mouvement puisqu’il sait que ce geste sera plus une nouvelle de MES victoires qu’un des signes de sa grandeur, de sa sainteté.
Et finalement sa main cogne la mienne. Je vois sa peau d’un brun clair heurter mon épiderme presque transparent. C’est la première fois que je touche Harry Potter après la guerre, après la victoire. Sa victoire.
Sa peau est rugueuse, calleuse, dure.
Il ferme ses doigts sur le dos de ma main et je crois que j’ai arrêté de respirer.
Sa paume est chaude mais ses doigts sont gelés.
Je ne réalise pas vraiment que Potter me serre la main. Que Potter s’avoue vaincu. Que Potter vient d’accepter tangiblement de me compter parmi ceux à qui il doit quelque chose
Parce que, bien sur, je ne veux voir que cela dans ce geste et non pas un commun accord entre deux personnes raisonnables.
Je ne le regarde pas. Il ne me regarde pas.
J’ai pourtant pleinement conscience de ses doigts contre les miens, de sa chaleur mêlée à la mienne et de l’échange magique qui est en train d’avoir lieu.
J’ai l’impression étrange que Potter s’imprime en moi ou que je m’imprime en lui. C’est curieux et je crois que mes yeux se sont écarquillés. Je ne sens plus trop le reste de mon corps, j’ai le sentiment de n’être qu’une peau, qu’une main, qu’une paume, qu’un doigt.
C’est comme s’il m’appartenait. Je me sens grisé et ça me rend perplexe. J’ai presque envie de le remercier… De le remercier de m’accepter.
Quelque chose en moi est en effet en train de se demander s’il n’était pas temps d’être raisonnable et intelligent pour du bon.
Je reprends subitement conscience de ma gorge et de l’amertume qui l’agresse.
J’inspire d’un mouvement brusque de la poitrine et mes doigts bougent dans sa poignée de main qui les retient.
La pièce où nous nous trouvons s’éclaire sous un éclair soudain, et un roulement de tonnerre fait vibrer les murs. Je sens alors ma main retomber contre mon corps.
Et j’ai l’envie furieuse de l’essuyer sur ma robe. Je n’ose pas me demander parmi toutes les pensées que j’ai eues, celle que je voudrais consciemment effacer…
« Il y a de l’orage » dit Potter quand un deuxième éclair illumine le hall. « Tu es venu en balai ? »
Si je suis venu en balai ? Evidemment puisqu’il m’est impossible de transplaner ! Je ne dis rien de tout cela à Potter et je me contente d’étirer un rictus dédaigneux.
Vraiment, qu’est ce que ça peut lui faire que je sois venu en balai ?
« Ce n’est pas un temps pour le vol. »
Cette réplique confirme que Potter a manqué une carrière d’expert météorologue alors que je demeure silencieux.
Je vois ses lèvres former une fine ligne alors qu’il ouvre la porte d’entrée. Cette dernière se retrouve bruyamment projetée contre le mur du hall où je me situe. Le vent s’engouffre dans ma robe. C’est vrai qu’il y a de l’orage.
Devant moi, un rideau de pluie brouille les alentours et la pluie tournoie en rafale. L’eau ruisselle sous le porche qui n’abrite plus grand chose et je sens que la pluie n’hésite pas non plus à voler jusqu’à mon visage rapidement constellé de gouttes. Je sens que l’humidité agrippe ma coiffure et mes cheveux impeccablement plaqués en arrière se retrouvent ballottés dans ce vent glacial.
Sans un mot, je vois Potter attraper la clenche de la porte et peser de son poids pour la refermer.
Mes cheveux retombent comme un soufflet mal fait sur mon front recouvert d’une fine pellicule d’eau et je me rends à l’évidence.
Je ne peux pas voler avec cette météo.
Je me rends compte que j’ai pensé tout haut quand c’est au tour de Potter de faire un sourire goguenard.
Un nouvel éclair illumine la maison et le tonnerre résonne quelques secondes après.
« Et bien, il ne nous reste plus qu’à préparer le dîner. » fait-il en me passant devant comme si j’étais n’importe lequel de ses… amis.
La comparaison m’aigrit l’œsophage. Seigneur, que je ne puisse jamais être assimilé à un ami de ce Gryffondor !
Pour ma part, je suis profondément énervé. Je ne m’étais pas préparé mentalement à partager plus qu’un thé basique avec Potter. Je ne voulais qu’entendre ses excuses. Je voulais seulement qu’il accepte enfin que j’avais peut-être une meilleure place que lui dans le domaine de la résistance active. Je voulais uniquement qu’il m’avoue que CETTE FOIS j’étais le meilleur.
Meilleur que lui.
Je n’ai vécu que pour ça. Et pour recouvrer l’influence honnête du nom Malefoy. Dumbledore y œuvre mais je n’ai pas encore reçu l’autorisation officielle de transplaner à causes des restes de ma proximité avec Voldemort.
Mes pas me ramènent au salon. Le dos de Potter me fait face et il est en train de fermer magiquement les rideaux.
La pluie martèle la maison et j’imagine qu’un tel temps ne peut durer toute une nuit puisque je me refuse à envisager l’idée de dormir ici.
Ici, chez Potter…
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Merci d'avoir lu jusque là.