Tes yeux sont clos.
Tu fais semblant de dormir.
Sa respiration te berce, pourtant… Mais ce n’est pas à elle que tu penses.
Même si c’est Asteria qui dort à tes côtés, tes songes ne l’effleurent même pas.
Tes ongles s’enfoncent dans tes paumes. Tu ne t’en rends pas vraiment compte.
Tu ne dois pas penser à Elle, c’est interdit ! Pourtant, tu as l’impression de sentir ses lèvres sur les tiennes, encore. Comme dans ce rêve… Ce rêve maudit, un de ceux qui ne devraient même pas hanter tes nuits, mais qui reviennent, encore et toujours. Un de ceux qui font que tu te réveilles heureux, et qu’un sourire flotte sur tes lèvres tant que le brouillard de ta nuit ne s’estompe pas tout à fait.
Bien entendu, Elle n’est pas la seule qui parvienne à te faire sourire. Scorpius aussi te rend heureux, à chaque instant… Pas Asteria. Asteria, elle, ce n’est que la mère de ton fils. Ou une amie, peut-être… une petite sœur, plus probablement. Mais tu ne l’aimes pas comme tu le devrais.
Tu n’envisages pas le divorce, bien sûr ; tu es Draco Malfoy. Ta situation semble trop précaire, de toute manière, pour que tu y songes autrement qu’avec un sourire amer, teinté de mélancolie. Le divorce, c’est une douce utopie, qui ne t’attire même plus. Tu y perdrais trop, pour ne rien gagner au fond. Et puis Scorpius mérite d’avoir ses deux parents. De vivre avec un papa et une maman qui, faute de s’aimer, jouent très bien la comédie romantique.
Tandis que les derniers lambeaux de ton rêve s’effacent de ton esprit et se perdent dans l’obscurité qui t’entoure, tu observes ton épouse endormie. Pourquoi ne parviens-tu pas à l’aimer ?
Elle est belle, pourtant, avec son visage délicat, ses longs cheveux d’un beau blond doré, ses yeux bleus, son sourire lumineux… Elle est désirable, aussi. Son corps mince et féminin attire les regards lorsqu’elle se promène sur le chemin de Traverse.
Ta mère aurait été heureuse de ton choix dicté par la vie, sûrement. Elle aurait aimé Asteria, elle l’aurait considérée comme la fille qu’elle aurait tant voulu avoir… Mais elle est morte. Les morts n’ont pas d’avis.
Et les vivants, ils abusent de l’humour noir pour éviter de pleurer…
Quant à ton père…
Tes poings se crispent. Tes ongles s’enfoncent encore plus dans ta peau et tu grimaces. Tu n’avais même pas remarqué que tu étais tendu à ce point. A cause de ce rêve, sûrement. Encore.
Tu respires, doucement, et ouvres les mains. Dans la pénombre, tu discernes à peine les quatre marques fines qui se dessinent sur chacune de tes paumes. Tu t’en fous un peu, aussi. Ce n’est qu’une fois de plus. De trop, peut-être ?
Mais tu t’en fous, oui. Votre vie semble parfaite, alors tout va très bien, n’est ce pas ?
Un sourire amer se peint sur tes lèvres.
Quelle connerie, ce précepte…
Comme si les apparences étaient toujours le reflet de la réalité. Que tu sois malheureux, toi, ce n’est pas le problème. Tu peux gérer cela. Après tout, tu n’as jamais vraiment connu le bonheur, le <i>vrai</i> bonheur, alors un peu de tristesse de plus ou de moins, qu’est ce que cela change, dis ?
Quant à Scorpius, tu t’es juré qu’il ne souffrirait pas. On ne fait pas souffrir un ange, on le protège et on l’aime. Alors vous l’aimerez, votre ange, vous l’aimerez et, pour lui au moins, tout ira bien. Vous jouerez encore mieux vos rôles, Asteria et toi…
Non, ce n’est ni pour ton fils, ni pour toi-même que tu t’inquiètes. C’est pour elle, justement. Pour Asteria. Parce qu’elle est trop gaie, trop affectueuse pour devoir passer sa vie à côté de toi. Ce mariage était une erreur. Vous étiez trop jeunes. Sûrement. Ou, juste, pas assez amoureux.
C’est joli, les euphémismes… Inutile, mais joli…
En effet. Vous ne vous aimiez pas. Ce n’est pas le mariage, votre erreur, c’est l’amour que vous avez fait, ce soir-là.
Avec souplesse, tu te lèves. Asteria soupire, ramène vers elle les draps que tu viens de repousser. Tu t’immobilises auprès du lit. Silence. Ça y est, tu peux t’éloigner, tu es sûr qu’elle dort. C’est amusant, un peu… Ironique plutôt. Tu te comportes comme un grand frère avec elle, maintenant que tu la connais bien. Elle semble tellement enfantine, parfois, tellement innocente. Si douce… Et pourtant elle est mère. Déjà.
Tu secoues la tête comme pour chasser ces pensées importunes. A quoi bon ressasser tout cela, au milieu de la nuit ? A rien. Cela ne sert à rien et tu préfères t’en tenir à cette absence de mots, de pensées. C’est tellement plus simple…
La porte se referme derrière toi en silence, tes pas te conduisent d’eux-mêmes là-bas…
La chambre de Scorpius.
Comme chaque nuit depuis que tu es père.
Comme chaque nuit depuis près de trois ans.
Comme chaque nuit, tout simplement…
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