Un crac! retentit dans l'air glacé, résonna quelques secondes entre les arbres, et le silence retomba. Tom Jedusor qui venait de transplaner fut saisit par le froid, la robe de sorcier qu'il portait n'était pas assez épaisse pour le garder des températures polaires du nord de la Russie. Il resta immobile quelques instants et regarda autour de lui. Il venait de transplaner au milieu d'une forêt enneigée, d'immenses sapins s'élevaient à perte de vue si bien qu'il ne distinguait rien d'autre que les arbres, et la lumière bleue crépusculaire n'aidait pas à se repérer. Tom pointa sa baguette sur sa propre robe, murmura quelques mots et elle devint chaude comme s'il avait marché longtemps au soleil. Puis avec une impatience agacée il dit "lumos" à haute voix, pointa la lumière que projetait sa baguette droit devant lui et commença à avancer entre les arbres.

Au bout de quelques minutes il trouva un sentier à moitié effacé par la neige et le suivit. Indifférent à l'atmosphère moribonde et au silence étouffant entrecoupé des sinistres craquements de la neige, Tom marcha pendant près d'une heure, certain qu'il approchait de son but. La nuit était complètement tombée quand la vibration magique vers laquelle il se dirigeait s'intensifia. Les arbres commencèrent à s'éclaircir et droit devant lui, se dressa la silhouette effrayante d'un énorme manoir dont la façade sombre se découpait sur la neige. Tom poussa un soupire de soulagement : il venait de voir une lumière briller à l'intérieur du manoir. Il avait eu peur qu'il ne soit plus habité. C'était ici que s'arrêtait la piste, et s'il n'avait trouvé personne, toutes ses recherches auraient été vaines.

Il abaissa sa baguette et mis fin au sort de lumière pour ne pas être vu de l'intérieur du manoir. Il marcha jusqu'au portail, une grande grille de métal noir. Il avança sa main mais la grille s'ouvrit d'elle-même dans un vacarme terrible de grincement et de raclement. Il avança avec prudence le long d'une allée pavée extrêmement glissante, monta les marches usées d'un petit escalier et s'arrêta devant une large porte de bois sombre. Un grand anneau de métal doré représentant en serpent qui se mordait la queue faisait office de heurtoir. Tom sursauta lorsque ses doigts entrèrent en contact avec le métal, il n'était pas glacé comme il s'y attendait mais tiède, presque chaud et il fit un bruit mat contre le bois de la porte. A l'instant même la porte s'ouvrit, Tom lâcha le heurtoir et baissa les yeux sur un petit elfe de maison crasseux.

- Bonsoir, dit Tom avant que l'elfe ait pu dire quoi que ce soit, je cherche Vladislav Nikolaïevitch Serpentard.

L'elfe agita frénétiquement sa lourde tête en signe d'acquiescement et ouvrit grand la porte pour le laisser entrer. Lorsqu'il posa ses pieds sur le tapis rouge et or de l'entrée, la chaleur le surprit, tout le manoir avait du être ensorcelé pour qu'il y règne une agréable chaleur. L'elfe referma la porte derrière lui et couina quelques mots à l'adresse de quelqu'un qui devait se trouver dans une pièce adjacente. Il entendit alors des pas lourds et vit un grand homme apparaître dans l'encadrement d'une porte à droite de l'entrée. Il était plus vieux que lui de quelques années, de longs cheveux blonds et épais tombaient sur ses épaules, il avait un regard bleu acier très dur, une mâchoire carrée, des pommettes hautes, un nez très droit et il dévisageait Tom en gardant les lèvres serrées. Tom s'était attendu à ce qu'il pose une question mais l'homme en face de lui ne dit rien. Il lui fit alors son sourire le plus charmeur, essaya de chasser tout empressement de sa voix et pris le ton le plus aimable qu'il pu:

- Bonsoir, je m'appelle Tom Jedusor, je viens d'Angleterre, je recherche la branche de la famille Serpentard qui vit en Russie.
- Et peut-on savoir ce que vous nous voulez?

Tom ne s'était pas attendu à ça. La voix de l'homme était dure et froide mais son accent anglais était parfait. Les descendants de Salazar Serpentard qu'il recherchait étaient censés vivre en Russie depuis plusieurs siècles. Avait-il fait une erreur?

- Je suis le dernier héritier de Salazar Serpentard en Angleterre et je suis à la recherche de quelque chose qui lui aurait appartenu, expliqua Tom en décidant d'aller droit au but.

Le sorcier fronça les sourcils et réfléchit quelques secondes.

- Salazar Serpentard? Il a surtout vécu en Angleterre, je ne pense pas que vous pourrez trouver quelque chose à lui ici... Mais il faut demander à ma sœur, elle s'intéresse plus que moi à ces vieilles histoires. Venez.

Vladislav le conduisit dans un grand salon au plafond très haut et dans lequel il régnait la même chaleur inexplicable, un feu paisible brûlait dans une cheminée, de grandes tentures colorées représentaient des scènes de la vie d'illustres sorciers, et dans toute la pièce des livres et des parchemins s'amoncelaient sur les fauteuils et les tables en bois vernis. Le sorcier s'approcha d'un des fauteuils dans lequel dormait une jeune fille, recroquevillée dans une position inconfortable, les mains crispée sur un livre à la couverture épaisse et élimée. La manche de sa robe de velours vert effleura la joue de la fille et il posa sa main sur sa tête.

- Altena, dit-il à mi-voix, il y a un visiteur...

Elle émergea rapidement, semblant rassembler ses esprits, elle chercha entre les pages du livre un long cordon rouge avec lequel elle marqua la page et posa l'ouvrage sur la table devant elle. Puis elle leva les yeux vers Tom.

- Peut-être devriez-vous expliquer à ma sœur ce que vous chercher exactement.

Tom ne fut pas surpris par l'absence de politesse ou de présentations, de nombreuses vieilles familles de sorciers se montraient hautaines, c'était presque la marque des sang-purs songea-t-il en dévisageant la jeune fille qui le regardait. Elle ressemblait beaucoup à son frère, il avait la même dureté froide dans son expression, ses cheveux étaient blond vénitiens et bouclés et ses yeux du même bleu acier que ceux de son frère étaient un peu rougis par le brusque réveil.

- Si mes informations sont justes, commença Tom, Salazar Serpentard est né en Angleterre d'une mère anglaise et d'un père russe. Et il serait venu ici vers la fin de sa vie...
- Plusieurs années près avoir quitté l'école qu'il avait contribué à construire chez vous en Angleterre, acheva la fille. Il semblerait en fait que Salazar soit venu mourir ici, dans le château de ses ancêtres. Il n'y a passé que quelques mois.
Tom fut agréablement surpris de voir qu'elle connaissait si bien le sujet.
- Je pense qu'il pourrait y avoir laissé un livre. Je suis à la recherche d'un très vieux grimoire écrit par Salazar Serpentard lui-même, la trace du livre s'arrête ici, Salazar ne se serait pas séparé de ce livre et l'aurait conservé avec lui jusqu'à sa mort.

La jeune fille eut une expression gênée.

- Je crains que trouver un livre précis soit une tâche ardue... Nous avons trois bibliothèques, dont une en sous-sols et il y a des livres presque dans toutes les pièces. On pourrait construire un deuxième manoir en empilant tous les livres qui sont ici. Alors si vous cherchez un livre en particulier, ça va sans doute prendre du temps. Quel est le sujet de ce grimoire?
- C'est un grimoire de magie noire.

Le frère et la sœur échangèrent un regard. La fille sourit. Le garçon tourna les talons et s'assit dans un fauteuil près du feu.

- Sur les infertis? Sur les maléfices mortels? Sur la résurrection?
- Non, sur l'immortalité.
- Hm, je vois. Je ne sais pas si le livre que vous cherchez se trouve ici, mais je vous propose de jeter un œil à nos bibliothèques demain. Si vous connaissez le titre ce sera plus simple, on pourrait utiliser un sortilège d'attraction. J'ai beaucoup de livres sur le sujet, si on essaye maintenant on n'obtiendra peu de résultat.
- Non malheureusement je ne connais pas le titre... En fait je ne pense pas que ce livre en ait un. C'est une sorte de recueil.
- Oui ça ne m'étonne pas. C'est souvent le cas en magie noire. Les livres sont manuscrits et n'ont pas de titre. Il doit malheureusement y avoir plus d'une centaine de livre ici qui correspondent à cette description.
- Et que nous devrions brûler, intervint soudain Vladislav avec colère.
- Nous en avons déjà discuté Vlad, répliqua la jeune fille irritée, brûler tous ces livres serait criminel. Et puis regarde, tous les sorciers intéressés par la magie noire n'ont pas comme but de créer une armée d'infertis. Ce garçon veut des renseignements sur l'immortalité. Il y a des sorciers très bien que ce sujet intéresse.

Vladislav se leva et s'approcha de sa sœur, il était plus grand qu'elle de presque deux têtes et Tom lui-même du reconnaître que sa stature était impressionnante et qu'il dégageait une aura de puissance; ce qui n'avait pourtant pas l'air de déstabiliser la jeune femme.
- Si ce garçon est vraiment un Serpentard, ce que tu devrais quand même vérifier, dit-il entre ses dents sans même regarder Tom, il est le bienvenu ici et il pourra rester autant de temps qu'il lui sera nécessaire pour retrouver ce maudit livre. Mais je ne veux plus entendre parler de magie noire, tu ferais mieux à t'intéresser à des choses plus saines!
- Comme quoi? S'exclama-t-elle d'une voix perçante. Me trouver un mari?

Elle avait mis une telle rage et une telle amertume à prononcer le dernier mot que Tom devina que quelque chose lui échappait... dont il se fichait éperdument puisqu'il allait pouvoir mettre la main sur le livre de Serpentard! Vladislav lui avait l'air de très bien comprendre le sarcasme de sa sœur, son visage se déforma de colère, il traversa la pièce en quelques enjambées, sorti, et transplana aussitôt sans rien ajouter d'autre.

- Je te demande pardon, je ne me suis pas présentée. Je suis Altena Nikolaïevka Serpentard. Comment t'appelles-tu?

Tom la dévisagea quelques instants, son visage était redevenu parfaitement calme, il n'y avait pas la moindre trace de colère.

- Tom Jedusor.
- Et as-tu une preuve que tu es de la famille Serpentard?

Elle avait parlé fourchelang. Tom porta la main à son cou, tira sur une petite chaîne d'or fin et en sortit le médaillon de sa mère, volé à une vieille sorcière opulente qu'il avait séduit et assassinée.

- C'est le médaillon de Salazar Serpentard, il porte ses armoiries, répondit-il en fourchelang.

Altena s'approcha de lui et se pencha sur le médaillon.

- Oui, c'est bien le "S" des Serpentard, dit-elle en désignant d'un geste le même "S" représentant un serpent gravé au dessus de la cheminée. En russe le "S" s'écrit "C". Mais notre famille a toujours utilisé le S de l'alphabet latin. En plus du russe, nous parlons fourchelang, anglais, allemand et français. Notre famille est très vieille et il y a des branches de la famille des Serpentard un peu partout en Europe. Je pensais que les Serpentard d'Angleterre s'étaient éteint avec les Gaunt. Je te montrerai notre arbre généalogique si ça t'intéresses. Je te propose de rester au château quelques jours, le temps de trouver le livre que tu cherches. Qu'en dis-tu?

En tant normal, Tom n'aurait pas franchement été emballé par ce genre d'invitation, il songeait même à une manière de tuer le frère et la sœur et de récupérer le château. Puisqu'il était un héritage des Serpentard, il lui revenait de droit. Mais il fut lui-même surpris d'accepter l'hospitalité avec un certain plaisir. Altena, dans sa longue robe de velour rouge, lui fit visiter une partie du château, dont deux bibliothèques très imposantes, sa chambre à l'étage des invités et des salons où étaient entassés de nombreux livres. Il pu constater par lui-même que le nombre d'ouvrages traitant de magie noire et de nécromancie était considérable, il lui faudrait donc rester plusieurs jours et une aide serait là bienvenue.

- Pourrais-tu me montrer l'arbre généalogique? interrogea Tom en posant ses couverts.
Il venait de terminer un excellent repas qui lui avait été apporté dans sa chambre, Altena était restée lui tenir compagnie en hôtesse agréable, elle lui avait longuement parlé de ce qu'elle connaissait de la vie de Salazar Serpentard et de la branche d'Angleterre, elle lui raconta comment son père avait refusé d'entretenir des relations avec les Gaunt parce qu'ils manquaient à toutes les règles de bienséance, étaient grossiers et violents, sa mère de plus trouvait intolérable la façon dont était traitée la jeune fille de la famille; la mère de Tom. Ce dernier ne trouvait pas particulièrement intéressantes ces vieilles histoires. Il avait assassiné tous ceux qui n'étaient pas digne de son sang et le dernier Gaunt moisissait à Azkaban Mais il voulait maintenant voir l'arbre généalogique afin d'être assuré qu'il était issu d'une prestigieuse famille.
- Oui, avec plaisir, répondit Altena en se levant de sa chaise. Suis-moi, l'arbre a été dessiné sur le mur d'un des plus grands salons du château.

Elle le guida un chandelier à la main à travers les interminables galeries du manoir qui paraissait encore plus grand de l'intérieur. Au bout d'un escalier en colimaçon qui montait dans une tour, ils arrivèrent dans un grand salon plongé dans le noir et où il régnait un froid glacial.

- Le sort de chaleur n'a pas été jeté ici depuis longtemps, remarqua Altena en soufflant la poussière des candélabres de la pièce pour en allumer les bougies. L'arbre est peint sur ce pan de mur là, entre les deux grandes fenêtres. Utilise ta baguette le temps que j'allume les bougies.

Tom s'approcha du mur, alluma sa baguette et observa, le souffle coupé, les ramifications d'un grand arbre, monter jusqu'au dessus des fenêtres et frôler le plafond. Il chercha Salazar Serpentard et finit par le trouver, aux côtés d'Emilia Serpentard, sa femme. Il leva le bras et posa ses doigts sur les lettres d'or du nom de son ancêtre, le plus illustre des fondateurs de Poudelard. Derrière lui Altena les yeux fermés murmurait des formules à une vitesse folle en agitant sa baguette comme un chef d'orchestre. Ses incantations semblaient fonctionner car la pièce se réchauffa doucement.

- Aurais-tu du parchemin et une plume? demanda Tom quand elle laissa retomber ses bras et rouvrit les yeux.

Elle ouvrit le tiroir d'un bureau et en sortit plusieurs feuilles de parchemin qui sentaient la poussière et la fumée de cheminée, puis fouilla dans une grande armoire et en sorti une grande plume usée et un pot d'encre noire. Tom s'assit sur un fauteuil en face du grand mur et entreprit de redessiner l'arbre entier, appuyé sur gros " dictionnaire des termes magiques et leur évolution à travers les époques".

Altena s'assit devant un énorme piano à queue dont elle répara les cordes à l'aide de formules. Elle en joua pendant tout le temps où Tom recopiait l'arbre, sans s'interrompre, ni se tourner vers lui, ni montrer le moindre signe de fatigue ou d'agacement. Elle joua de merveilleuses mélodies tristes et graves, qu'elle ne semblait destiner qu'à elle-même. Tom fut heureux qu'elle l'ignore, elle le laissait ainsi à sa contemplation de l'arbre, au plaisir farouche qu'il éprouvait à chaque fois qu'il découvrait un illustre nom auquel il était lié par le sang. Pour la première il n'était pas seulement fier d'être un descendant de Salazar Serpentard, toute cette famille avait de quoi l'impressionner. Tout en recopiant sur une nouvelle feuille de parchemin la partie de l'arbre consacré à la famille de Russie il se demanda quelle aurait été sa vie s'il était né ici au lieu de naître dans ce sordide orphelinat de Londres.

Il était reconnaissant à la jeune fille derrière lui de se tenir tranquille et de se contenter de jouer de si apaisantes musiques. Il était vraiment loin de la façon dont ses amis le traitaient en Angleterre, avec cette crainte et ce respect, cette admiration même. Tom se demanda comment se comporterait Altena si elle connaissait l'étendue de ses pouvoirs, la grandeur de ses projets. Serait-elle ébahie, horrifiée? Le craindrait-elle? Ou au contraire se mettrait-elle à le vénérer comme Bellatrixe? L'observerait-elle avec insistance et adoration comme cette dernière?

Une idée lui vint que même si elle savait tout de ses projets et du terrible secret contenu dans le livre qu'il recherchait, elle resterait assise à lui tourner le dos et à jouer cette mélodie triste sans rien changer de son comportement ou de ses sourires énigmatiques. Tom sourit pour lui-même. Non c'était impossible qu'elle soit indifférente. D'ailleurs chacun plierait sous son règne un jour. Chacun tremblerait et le regarderait avec respect. Il ne demeurerait plus rien de l'enfant de l'orphelinat. Plus jamais il n'aurait peur. C'était aux autres d'avoir peur. Aux autres de se sentir insignifiants. Un jour cet arbre généalogique dessiné sur les quatre feuilles de parchemins qu'il était en train de rouler, serait peint dans la salle du trône de son palais. Un jour il serait immortel. Et ce château allait lui livrer la clef de son immortalité.

Tom se leva et la mélodie du piano mourut.

- Allons-nous coucher, suggéra Tom sans se départir de son sourire. D'après ce que j'ai pu voir, nos recherches seront longues demain.

Altena lui sourit, se leva, éteignit les bougies et le reconduit à sa chambre, avant de regagner la sienne. La mélodie du piano résonnait encore dans la tête de Tom lorsqu'il sombra dans le sommeil.

A suivre...

Ecriture achevée le 15/07/2009