Je ne suis pas mort, je dors (Michel Sardou – 1979)
Comment je vais ? Je ne sais pas. Je ne sais plus où je suis, il fait noir, je n’y vois rien. Je ne sens vide… Qui suis-je ? Je devrais au moins savoir ça, non ?
Ne m'enterrez pas encore. Je n'suis pas mort : Je dors.
Et n'encombrez pas ma mémoire De vos regrets de vos histoires : Je dors.
Rangez-moi dans vos souvenirs Mais j'n'ai pas fini d'en finir : Je dors, je dors.
Gardez vos larmes et vos cris, Que l'on m'ait aimé ou haï : Je dors.
Si par hasard, sait-on jamais, J'avais un ami qui m'aimait, Tant pis. Qu'il m'oublie : Je dors.
Maître des ombres et des lumières, Combien dure une éternité ? Combien de fois faudra-t-il faire La même route pour arriver ? Combien de lunes à disparaître ? Combien d'hommes encore à renaître ? En attendant, je dors.
Je n'veux pas qu'on m'ensevelisse. Je n'veux pas être piétiné. Je dors.
J'aim'rais qu'un océan rugisse Tous ses chevaux sur des rochers. Je dors, je dors.
Et ne couvrez pas ma mémoire De chrysanthèmes, de femmes en noir : Je dors.
Si quelque part, sait-on jamais, J'avais un ami qui m'aimait, Tant pis. Qu'il m'oublie. Je dors ! Je dors… je dors.
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Epilogue
La cérémonie était achevée, elle avait été belle et sobre, même pour un hommage national. Les différents intervenants s’étaient exprimés avec chaleur et tendresse, mais leur peine les forçait parfois à s’arrêter avant de reprendre, la gorge nouée, leurs discours. L’émotion était immense car celui qu’on enterrait aujourd’hui n’avait pas seulement sauvé le monde sorcier, non, il avait écarté une menace bien plus terrible, et pour ce faire, avait donné sa vie. Les gens se dispersaient à présent, certains, conviés au vin d’honneur, transplanaient directement au Ministère.
Les Dursley, pourtant invités, n’avaient pas fait le déplacement, complètement indifférents à la mort de leur neveu. Si au moins il avait été enterré à l’Eglise, peut-être auraient-ils fait un effort… mais de toute façon, pour eux, ce mécréant dégénéré ne le méritait pas, son âme était damnée.
Les principaux amis du défunt avaient survécus et se retrouvèrent donc tous dans une salle aux ornementations funèbres. Le premier ministre y alla de son petit speech puis laissa les convives se débrouiller. La réception ne traina pas en longueur, chacun préférant digérer ces dernières heures tranquillement, dans l’intimité. Un groupe d’adolescents en particulier se dirigea vers la sortie une heure à peine après être arrivés, ils avaient déjà assez donné. Ils marchèrent en silence jusqu’à la zone de transplanage.
- On se retrouve tous au Terrier ? Demanda soudain Ron, brisant le silence.
Les autres acquiescèrent et tous disparurent à tour de rôle.
M. et Mme Weasley étaient encore au Ministère, ils devraient y rester tant que le ministre y serait, aussi la maison était-elle vide.
- Tu viens Ron, on va chercher à boire. Décréta Ginny quand ils furent tous au salon.
- J’arrive.
La guerre était terminée depuis 2 semaines et Harry, plongé dans le coma, mort au début de la deuxième. Ils étaient tous fatigués et tristes, l’Elu n’ayant pas été le seul à mourir. Ginny et Ron revinrent avec des bièreaubeurre et du whisky pur feu. La jeune rousse se blottit contre Drago qui passa son bras autour de ses épaules. Ron en fit autant avec Hermione qui l’avait enfin laissé prendre la place à laquelle il aspirait depuis si longtemps. Ils discutèrent, évoquant des souvenirs heureux, puis doucement, les conversations se tarirent et ceux qui ne logeaient pas là rentrèrent chez eux.
Molly et Arthur revinrent et rapidement, tous se mirent à table, l’atmosphère était morose, aussi le diner ne s’éternisa pas.
Le blond vivait au Terrier en attendant son procès, car, bien qu’il ait rejoint l’Ordre et que cela fut déterminant lors de la bataille finale, il était un Mangemort et l’appui du clan Weasley contribuerait à faire pencher la balance. Ses parents faisaient de même au manoir.
- J’en peux plus ! Gémit Ginny. Je monte, tu me rejoins ?
- Dans quelques minutes. Répondit Drago plantant un bisou sur la pommette parsemée de tâches de rousseur.
La jeune fille sourit et disparut dans les escaliers.
- J’vais prendre une douche. Annonça Ron. Bonne nuit !
- C’est ça à demain.
Il ne resta plus que Drago et Hermione. Cette dernière semblait nerveuse. D’un signe de tête, elle fit lui comprendre de la suivre dans le jardin. Une fois dehors, ils marchèrent quelques minutes en silence, puis elle se mit à parler.
- Je… j’ai fais une découverte à propos d’Harry. Tu te rappelles quand nous étions à l’hôpital, ce que nous a dit ce médicomage ? Je sais pourquoi. C’est quelque chose d’hallucinant, qu’aucun de nous, qui étions pourtant ses amis, n’avons vus. Je me sens très mal depuis cette découverte, je culpabilise… j’aurais dû comprendre, j’aurais pu l’aider, mais il a tout gardé pour lui.
Elle se tourna vers lui et sorti quelque chose de son sac.
- J’ai énormément hésité quand j’ai trouvé ça dans ses affaires, il m’avait laissé la clef de sa malle au cas ou, c’est très dur, mais je crois que tu as le droit de savoir, même s’il ne le voulait pas, de son vivant… c’est trop important je crois et ça explique beaucoup de choses. Le parchemin était roulé en boule, je pense qu’il a dû vouloir l’envoyer dans la cheminée ou à la poubelle, mais qu’il a rebondi pour atterrir dans la malle sans qu’il s’en aperçoive… Quant au carnet, il contient des résumés de vos entretiens et il te sera utile pour ton procès.
Hermione lui tendit le carnet et une lettre froissée. Elle retenait difficilement ses larmes.
- C’est pour toi, fais en ce que tu veux, j’ai confiance en toi.
Hésitant il prit les objets et la regarda s’éloigner sans dire un mot de plus. Il se laissa glisser sur l’herbe au pied d’’un petit arbre. Quel était donc ce si terrible secret qui rongeait son ami au point de le tuer et qui, apparemment, le concernait aussi ? Les mains tremblantes, il déplia le parchemin et l’émotion qui l’étreignit à sa lecture lui fit monter les larmes aux yeux, lui qui les avait gardé secs tout au long de la journée. Ainsi c’était ça… la surprise était si forte qu’il en avait du mal à respirer. Il comprenait que cela ai pu être difficile pour lui puisque sans espoir, mais pourquoi se considérait-il comme une erreur ? Apparemment c’était ça le cœur du problème, il ne supportait pas ce qu’il pensait être une anomalie. Mais qui avait pu lui mettre des idées pareilles dans la tête ? Il ne connaissait pas Harry si bien que cela… peut-être y avait-il un rapport avec ses moldus ? Ca l’avait choqué qu’ils ne viennent même pas à l’enterrement, ils étaient sa seule vrai famille. Il était révolté. Une colère sourde l’envahissait : l’obscurantisme et l’intolérance avaient encore fait une victime, pas besoin de mage noir pour cela... les hommes seraient-ils un jour capable de vivre sans juger ?
Il frissonna malgré l’air doux du soir. Il parcourut à nouveau les quelques lignes avant de se lever et de regagner la maison et Ginny, il était trop tard à présent, rien ni personne n’y changerait plus quoi que ce soit.
Mais il se fit une promesse ce soir là, celle de tout faire pour que le droit à la différence soit un jour une réalité et que cesse ce genre de tragédie…
°oOo°
Drago…
Que ne donnerais-je pour que tu permettes à ma bouche de murmurer ton prénom à ton oreille, contre tes lèvres, sur ta peau si pâle…
Te souviens-tu de cette nuit dans la salle sur demande ? Oui, bien sûr que tu t’en souviens… mais pas pour les mêmes raisons que moi. Je t’ai vraiment regardé ce soir là, pas que je ne te voyais pas avant, mais c’était différent.
Tu m’as fait prendre conscience d’une chose terrifiante, si terrifiante que je ne peux en parler à personne, que ça me ronge et que j’en crève à petit feu. Je ne suis pas normal. Ce que je ressens pour toi n’est pas normal.
J’ai lutté et je lutte toujours contre ça, mais c’est si fort que ça m’écrase. Je voudrais ne plus te revoir, mais ton absence me torture, quand il s’agit de toi, je veux tout et son contraire. Je souffre mais le mérite, mes sentiments impurs te souillent.
Tu m’as donné ton amitié sans savoir ce que je suis, que dans mes rêves, je me donne à toi sans pudeur, que tu fais exulter mon corps et fondre mon cœur , que tu chuchotes ou cries tous ces mots interdits qui mettent le feu à mon âme…
Jamais tu ne connaitras mon répugnant secret. Je t’écris des lettres que tu ne recevras pas, les brule pour la plupart ou les déchire, celle-ci ne fera pas exception.
Je ne te dirais donc pas ces 3 mots infâmes qui me condamnent, je ne les écrirais pas non plus… je les garderais en moi cadenassés à jamais. |