Journal de bord d’Emy Booth, vendredi 23 octobre ,6h50, ordinateur personnel, chambre 309.
Une fois, ne serait-ce qu’une fois, je voudrais que Nora se calme avec son psychologue, car la bouffée d’hormones à peine sortie de la douche, et en rentrant dans mon lit je m’en passerais bien.
Aujourd’hui, je ne dirais pas que c’est une bonne journée qui commence, mais une sale journée. Peut-être même une de ces journées pourries où vous avez envie de vous pendre dans la douche. Justement, ce matin en me levant je suis allée la prendre, mais froide. Vous penserez que c’est encore la faute de ma sœur mais pas ce coup-ci. C’est ma colocataire. Je la hais ! Mon moral aussi bas que l’eau chaude dans le ballon de notre salle de bain, je m’habillais pour une fois comme je le voulais ; à savoir Jean, converses, top marron et cheveux tenus par une magnifique pince. Je sais ce que vous vous imaginez. Que ça n’a rien de compliqué de se vêtir comme on veut, mais ici, le port d’une tenue réglementaire est de rigueur (je suis donc en pleine infraction d’une « règle »). Je me dirigeai ensuite vers le self-service, où je pris mon plateau et le repli de fruits en tous genres, d’un grand, très grand verre de jus de pomme et d’un énorme mug de café au lait. Je ne pris que quelques secondes à trouver Nora : la table la plus bruyante du réfectoire, au petit matin et saturée de monde, des chaises avaient même été rajoutées. Dommage, je me mis en direction de la seule table abandonnée de vie. Elle était près des baies vitrées et bien éclairée par les rayons matinaux de Wateydactus 51, tout ce qu’il me faillait. Je dégustais lentement mon déjeuner en regardant d’un œil vagabond l’activité déjà bourdonnante des pilotes d’hélicoptères et d’avatars et des militaires, quand un autre plateau se posa sur ma table… je relevais les yeux de mon petit-déjeuner tutti frutti et ils retombèrent dans un magnifique regard vert, qui à ma connaissance, une seule personne possédait, le beau militaire Menyane, dont le corps d’origine était, à ma grande surprise, succulent… pardon je voulais dire parfait.
- Enchanté !
Ne savant que répondre –surtout parce que ma voix connaissait sur le moment un disfonctionnement- je lui souris. Comme il ne disait toujours rien d’autre, je pris ma respiration, en espérant me rappeler comment respirer, et réussis à dire :
- De même ! Je m’appelle Emy. Emy Booth.
- Moi c’est Tyler Deuce mais on me surnomme Ty. Je peux me mettre avec toi ?
- Euh oui bien sûre ! Je t’en pris.
Mais il se croyait où ? On n’était plus au lycée, là ! Ty s’assit en face de moi, un sourire flottant sur des lèvres qui aurait tentées la Vierge elle-même (pardon Papa !) et se mit à déjeuner lentement ses tartines, toujours en me regardant. Je ne trouvais pas de conversation assez intelligible pour entamer le repas alors je décidai donc de plonger à nouveau dans ma contemplation de mon chef d’œuvre Tutti Frutti.
- Mais idiote ! Si tu sais pas quoi dire, souris lui, fait lui les beaux yeux ! Je sais pas, moi, agies !
La voix qui résonnait dans ma tête était celle de Nora…
- Comment tu fais ?!
Pour toute réponse, elle m’envoya des raisins secs dans la tête, qui volèrent à travers la grande salle et au dessus des tables.
- Voilà comment je fais, moi !
Elle se leva et pris le visage de Daemon en coupe dans ses mains et y posa un baiser rapide. Mais au moment où elle voulut repartir, il ne voulait pas la lâché et leurs bouches s’écrasèrent l’une contre l’autre dans un hument collectif de la part des gens attablés autour d’eux. Une fois qu’elle eut réussi à ce « décollée » dans un mouvement de recul qui la fit presque tomber, elle quitta le réfectoire, la grosse tresse blonde se balançant dans son dos. Je souris malgré moi, pensant qu’en fin de compte, on ne se comprenait pas si bien que ça. Je commençais ensuite l’opération Extraction de raisin de mes cheveux.
- Un coup de main ?
Ty venait de glisser ses doigts dans mes cheveux, sans attendre une quelconque réponse de ma part. Je ne bougeais plus, de peur que mon rêve éveillé s’évapore. Quand il eut fini, il laissa retomber la mèche qu’il tenait et se rassit, plongeant ses yeux dans les miens. Je dus batailler contre mon envie de l’embrasser. Je réussi néanmoins à articuler un « merci ». Engloutissant mon café au lait et mon jus pomme d’une traite, je pris mon plateau et partie sans lui accorder cette fois un regard.
Arrivée dans les couloirs de la Station Mère, je respirai de nouveau convenablement, mon cœur c’était mit à battre à un rythme frénétique anormal, « danger » m’avait dit mon cerveau.
- Danger ? Et où était le danger, dis moi ?
Nora !
- Je ne sais pas ! Partout… Nulle part…
Pour une fois, dans ma vie, je ne savais pas quoi faire face à ma sœur. Je n’avais pas prévue de tomber sur un canon sublimissime, et encore moins de le trouver sublimement canonissime !
_ Je dois faire quoi, à ton avis… Oh, allez aide moi s’te plait, Nono !
C’était elle l’expert en Amour, pas moi. Moi je suis forte seulement dans les domaines scientifiques et mathématiques, et l’amour s’appuie sur un fait purement subjectif qui ne fait pas parti de mes calculs.
- Là, je ne peux rien faire pour toi, à part te donner quelque petit coups de main par ci par là pour t’aider mais ne penses pas que je vais tous faire à ta place ! Compris ?
- Euh… Je crois oui…
Le début de la journée se passa sans problème, études dans ma chambre en pensant à Ty, travaux pratiques avec le Dr. Stuart en pensant à Ty, un peu de repos au foyer en pensant à Ty mais l’après midi fut, en revanche, une autre paire de manche. La sortie scientifique était bien partie et jusque là, j’avais réussi à ne pas trop penser à une certaine personne dont je tairais le nom pour ne pas évoquer son image à mon esprit et l’infliger à mon pauvre petit cerveau qui n’a pas put se focaliser sur autre chose de la matinée. Mais je cherchais tellement l’état de concentration que je m’éloignais peu à peu du groupe, suivant la piste d’un Edkaïade, mais lorsque j’entendu au loin mon nom se propager dans la jungle cramoisie environnante, je relevé la tête et vit du coin de l’œil du mouvement un peu à ma droite. Un organisme vivant venait de surgir du buisson en criant.
- Oyunamia, kyshki luyana !
Si vous ne comprenez rien à ce qu’il a dit, sachez que je suis dans votre cas. En revanche, j’étais sur que c’était du « Mirnya » (la langue officielle de cette planète) et qu’il s’était adressé à moi –qui d’autre ?
- … Je ne suis pas de votre peuple…
Je disais ça en lui montrant mes vêtements, pour me faire comprendre. Le Menyane me dévisagea, il paraissait plus jeune que moi, il devait avoir entre 15 et 16 ans… Il était plus musclé et plus mature que son âge, surprenant. Je ne bougeais plus d’un pouce, de peur qu’il ne me saute à la gorge, mais il n’en fit rien. Il s’avança vers moi, posa sa main sur ma tête et se mit à regarder mes cheveux dans tous les sens. Puis, il prit sa queue articulée et l’observa.
- Tuio vahary lihunio ?
Sa question était arrivée à mon oreille mais était également ressortie par l’autre. Il avait l’air très gentil et un peu effrayé. Il m’avait demandé si « poliment » que je fis signe que oui, sans savoir de quoi il pouvait bien parler. D’un coup, son visage se décomposa et il lâcha mes cheveux brusquement et commença à reculer lentement. Arrivé au niveau d’un arbre courbé, il sauta, attrapa la branche au dessus de sa tête et disparut dans les feuillages roux. Je me retournai et vue le beaux militaire, (bon « Ty »), son revolver pointé dans la direction qu’avait pris le Menyane. Il le désarma et le rangea dans son holster pendant que je le regardais, incrédule.
- Tu vas bien ?
- Bien sûre que je vais bien ! Il ne me voulait aucun mal ! Il n’avait pas d’arme ! Pourquoi pointer la tienne sur lui ?!
- Si, il avait un couteau à sa ceinture et il tenait un de tes points vitaux dans sa main ! Tu voulais que je fasse quoi, hein ? Que je le laisse fouiller ton cerveau à sa guise ?
- Mais j’hallucine ! Il n’allait pas le faire. Et ne commence pas à crier sur moi ! Seuls les adultes savent le faire et il n’était pas adulte !
- Et est-ce que j’le savais, moi ?! Je prends pas des cours sur les animaux !
- Et entre lui et toi, qui était le plus animal ?
Je lui répondais cette dernière phrase d’un ton plus calme. Ty se tut aussi, les lèvres serrées, il détourna les yeux et finalement, me tourna le dos et se mit à marcher. Bien, si c’était comme ça, il pouvait bien aller se faire voir pour la prochaine extraction de raisins secs ! Je ne le louperais certainement pas dans mon prochain rapport au Dr. Stuart et on verra ce qu’il en dira. Nora m’a dit que retirer ses armes à un militaire était la pire et la plus déshonorante façon de le punir. Comme je suivais Ty de près, obnubilée par la sentence que je ferais pleuvoir sur lui, je lui rentrer dedans alors qu’il s’était arrêté. Il se retourna et me regarda sévèrement de ses yeux vert émeraude. Il me clouait sur place, je ne bougeais plus. Peut-être attendait-il quelque chose, comme des excuses de ma part. Mais si c’était le cas, j’estime que je n’ai rien fais pour. Tout en réfléchissant au motif du pardon, je fixais ses lèvres avec une telle concentration que je ne me rendis pas compte qu’elles se rapprochaient pour finalement se déposer sur les miennes. Il fut doux puis il devint de plus en plus dangereux, fougueux, et très empreint de plaisir. Doucement, je fondais en lui et rien ne pus m’en empêcher. Pourtant les raisons étaient on ne peut plus nombreuses. Une de ses mains glissa de mon épaule pour atterrir dans le creux de mes reins. Je gémissais au contacte de ses doigts sur ma peau qui remontaient vers l’agrafe de mon sous-vêtement quand Daemon arriva en criant, à bout de souffle. Ty et moi nous séparâmes d’un coup brusque, lui toussant, en se passant la main dans ses cheveux bruns tandis que j’arrangeais mes cheveux et rabaissais mon tee-shirt.
- Nora a un problème ! Elle s’est mise à crier ton nom et elle a commencé à avoir chaud et devenir rouge …
- Ne t’en fais pas, c’est sûrement passé maintenant.
Je suivis Daemon jusqu’au point de rassemblement, près de l’hélicoptère. Nora m’attendais de pied ferme, elle était assise par sur un petit rocher avec sa gourde d’eau en main. Elle me jeta un regard assassin, mais celui-ci ne dura pas longtemps quand elle vu Ty sur mes talons, les cheveux légèrement ébouriffés… Ses lèvres formèrent un sourire entendu, comme si elle était le chat qui avait piégé la souris, moi.
- Pas mal ! Mais la prochaine fois, préviens.
Je n’en revenais pas. Elle qui ne se gênait pas avec son psychologue…
- C’est un Xéno-psychosociologue.
Ce midi, j’avais trouvé ça génial, l’histoire de la télépathie, mais maintenant, plus trop, surtout que Nora à l’air d’avoir bien saisie comment ça fonctionner et qu’elle s’en donnait à cœur joie. Sur le retour à la Station-Mère, elle s’était choisie une place à côté de moi pour me crier des questions sur ce que Ty et moi avions fait ; avec un peu de chance, ce dernier n’avait pas tout entendu. Une fois nos avatars couchés, toujours en m’assommant d’interrogation sur ma « bavure amoureuse », nous défilions dans le couloir du dortoir pour regagner nos chambres quand une tête apparut d’une porte sur notre droite. Ce devait être Erica, la colocataire de Nora. Elle ne pouvait pas la sentir tandis qu’Erica était persuadée d’être la meilleure amie de ma sœur. Je lui souhaitais bonne chance par télépathie puis je partie en direction de ma chambre. Un bruit étrange se fit entendre dernière moi, dans le couloir. Il était là, au fond, à me regarder comme s’était de la chose la plus insignifiante au monde. Il me considéra encore un instant et disparut dans un vague flou. Ce n’est que quelques secondes plus tard que je compris enfin de qui il s’agissait ; le Menyane de tout à l’heure. Enfin, plus exactement une perception visuelle étrangère à toute existence réelle du Menyane de tout à l’heure. Mais cette hallucination m’avait tout de même arrachée un frisson. Dans ma tête errée une voix fantomatique me disant « Bonjour, tu es bien plus jolie comme ça, n’ait pas peur, je ne vais pas te manger, je suis plutôt végétarien. Qu’elle est ton nom ? Moi, c’est Mérhive…». Je restais un long moment silencieuse, dans le corridor, à me demander « qu’est-ce que c’est que ce binz ? ». Arrivée dans ma chambre, je passais outre le monologue de ma colocataire et m’étalai sur mon lit, fermant les yeux.
La sonnerie du repas me tira de mon demi-sommeil. Je mis un peu de temps à me remémorer mon atterrissage prématuré sur le lit avant d’aller au self ; celui était tellement plein que j’aurai facilement pu dormir encore dix bonnes minutes. Par chance, quand j’arrivais, plateau en main, dans le réfectoire à la recherche d’une petite place, les gens assis sur ma table du matin été en train de partir, laissant derrière eux quelques miettes et serviettes sales. Je mangeais encore seule. Il fallait vraiment que je me fasse des amis car Nora avait avec son « gang » et m’oubliait complètement… Même Ty était là bas. Je finis mon repas en vitesse, passai devant leur table, quelques bribes de conversation me parvient : « petite mais coriace », « agressive et pas très gentille, elle a du mordant », « Tais-toi sinon je te mords vraiment », « Et toi, Ty, t’as une copine ? » « Elle n’est pas ici avec moi, elle est toujours sur terre. » Ces mots me glacèrent le sang, je renversais mon plateau et ne fis rien à part le regarder tomber dans un éclat de métal et de porcelaine. Toute la grande pièce –y compris la tablée de Nora- se retourna vers moi. Je les ignorai et me mis à ramasser les restes de ce qui avait été une assiette et un tasse avant que la loi universelle de la pesanteur ne les réduises en morceaux (bon, d’accord, j’étais un peu fautive aussi). Je me coupai à plusieurs reprises, Nora émettait des gémissements à mesure que les petites lacérations lui zébraient également les mains. La bouche de Daemon formait des mots que je ne compris pas, je repris mon plateau rempli de morceau de tasse et d’assiette et allai le poser. Puis, je pris le chemin de ma chambre en laissant le sang coulait de mes mains. Lorsque je saisis la poignée de la chambre, une douleur fulgurante le traversa toute entière. Je frappais à la porte, espérant que Pam soit la.
- Hoooo ! Y’a quelqu'un ! Je voudrais entrer.
La porte s’ouvrit sur ma colocataire : Pamela Jones, originaire de Floride, d’où la peau mat et luisante, elle faisait des recherches en musicologie et avait accepté de s’exilé sur une autre planète car elle avait été déçût de son dernier copain Zak, qui l’avait quitté pour une petite blonde plus en chair et mieux sapée (ce ne sont pas mes termes). Je lui souris et lui montrais mes mains. Elle ne tomba pas dans les pommes, mais était bien au bord de l’évanouissement. Je voyais leur état en même temps qu’elle et il était vrai que ce n’était pas du joli-joli… je me dirigeais dans la salle de bain où je les ai passées sous l’eau froide. Elles me brulaient mais je me mis à enlever délicatement chaque petit bout qui était resté coincé dans les plaies. Pam entra dans la salle de bain, armée d’une trousse premiers soins et me désinfecta les mains, mit plusieurs compresses et un bandage souple à chaque main. Je ne dis rien jusqu’à l’extinction des feux, où je murmurais un « merci » ensommeillé en guise de bonne nuit, puis je sombrais avec délice dans le sommeil.
Vers cinq heures du matin je me réveillais sans trop savoir pourquoi et sans plus aucune blessure. Sur mes mains il ne restait que quelques rayures de peau brillante, là où il y avait eu les coupures. Je décidai de me dégourdir les jambes et sortais dans le couloir vide de la station. Arrivée au niveau du hall, une silhouette sombre attira mon regard. Un frisson d’horreur me secoua l’échine avant que je ne reconnaisse l’homme assis sur un des petits divans du hall… Ty. Je m’avançai doucement, craignant quelque chose, mais quoi ? Je m’arrêtai à deux pas de lui. Dormait-il ? Son visage baissé vers son torse je ne pus le voir. Alors que je tendais une main timide vers lui il leva les yeux vers moi et je sursautais. Il se leva et me serra dans ses bras. Au bout de quelques secondes, il me lâcha pour me regarder droit dans les yeux. Avec la faible lueur verte du panneau de sortie de secours, ils paraissaient encore plus verts, d’une couleur d’émeraude néon.
- Tu m’as fais peur ! Tu ressemblais à un zombie. Mais qu’est-ce qui t’es passé par la tête ?
- De quoi ? Ce n’est pas moi qui dors sur les canapés du hall comme un rôdeur. Et pour le compliment je te remercie.
- Et toi tu rôde dans les couloirs comme un zombie. Alors, tes mains, ça va mieux ?
Je lui montrais mes bandages. Il les prit dans les siennes et les observa, comme s’il eut s’agit de la chose la plus fragile au monde et qu’elles risquaient de se briser au moindre faut pas. De son pouce il me caressait le bout des doigts et, même s’il ne devait pas s’en rendre compte, je frissonnais de plaisir. Je sais, ce n’était ni le moment, ni l’endroit, mais pour une fois que ça venait de moi et non de Nora. Voyez-vous, lorsque l’une de nous deux dort, elle est comme éteinte et la connexion se met en veille. Attention, je n’ai pas dis qu’elle s’arrêté complètement. Juste que là, Nora devait aimer son rêve…
- Emy…
Continua-t-il sur le ton des aveux. Je ne vais pas aimer ce qui va suivre…
- Pardon, je crois bien que c’est de ma faute. Tu m’as entendu parler d’elle ?
Je hochais la tête, toujours concentrée sur ses doigts et la sensation qu’ils me procuraient.
- Elle voulait se marier mais je n’étais prêt et j’ai étais choisi pour la permission. Je lui ai dit adieu, mais j’ai un peu de mal à oublier tout ça… Mais ne crois pas qu’avec toi je ne suis pas sérieux, au contraire !
- Merci, c’est gentil de te confier à moi. Je vais te dire, moi aussi, j’ai du abandonner quelqu’un qui comptait beaucoup pour moi.
Ty me serra dans ses bras alors que ma vision commençait à se brouiller et déposa un baiser sur mon front, puis il me conduit lentement jusqu’à ma chambre. Il me donna un dernier baiser et parti. Je pris ensuite mon ordinateur et tapa mon journal jusqu’à maintenant. Je vais d’ailleurs m’arrêter là car Pam commence à se réveiller.
Journal de bord de Nora Booth, vendredi 23 octobre 19h50, ordinateur du foyer:
Ce matin, je me levai vers les cinq heures pour aller préparer le petit déjeuner –eh oui, les corvées ne se distance pas avec quatre et quelques années lumières- quand je croisais Ty. C’était lui qui se chargeait de faire cuire les pains et croissants dans le four de la station. Moi j’étais chargé de découpé la charcuterie. Je sais, ça vous fait rigoler, mais sachez que je me débrouille mieux avec un couteau plutôt qu’avec de la farine. En me voyant, il m’agrippa le bras, malgré l’énorme couteau que j’avais en main, et m’entraîna dans un recoin, derrière une énorme grille d’aération. Je me débattais pour qu’il desserre ses doigts, car oui, j’étais certaine qu’il allait me faire une marque. Je brandis le couteau devant son torse –évidement, il faisait deux têtes de plus que moi- et l’obligeai à me lâcher.
- Ola ! Du calme ! Je voulais juste te poser une question.
Quelques secondes s’écoulèrent, son regard était dirigé vers ses pieds. Je le pressai :
- Et bien vas y !
- Ok. Bon, tu vas me prendre pour un mec lourd, mais, il faut que je sache ; qui était le mec qu’Emy à quitter avant de venir ici ?
Je n’aurai pas dis lourd, mais plutôt jaloux, ou possessif. Ou les deux. Tiens, ça me donnait une idée…
- Il s’appelle Eliott, c’est le gars le plus beau que j’ai jamais vu ! han ! Tu aurais du voir ça, ses bras, son torse, tout son corps était musclé et il avait une voix grave et séduisante à couper le souffle ! Je n’ai pu l’essayer qu’une fois mais, waouh ! Qu’est-ce qu’il en jetait ! Emy a eut une chance folle, tout les soirs c’était Partie de jambes en l’air, et à chaque fois ils testaient un truc, genre de la glace au chocolat et de la chantilly, une nouvelle position, un nouveau gadget, un nouvel endroit, un nouveau…
- Oui ça va j’ai compris !
Il se retourna la mâchoire crispée, les poings serrés, rouge de jalousie. Ne me remercie pas Emy, je suis ta sœur, c’est normal, c’est presque mon job. Je me défilais en catimini vers l’intérieur de la chambre froide, où là je décrochais un jambon suspendu pour l’emmener sur son socle et commençais mon travail.
La matinée se déroula à un rythme frénétique, comme d’habitude ; du monde au self, du monde sur le parcours d’entrainement, du monde dans les couloirs, en bref, la cohue. Daemon me suivait à la trace pour me poser ses questions de psychologie à la noix (à moins que ce ne soit des avances, mais comme je ne l’écoutais guère…) puis au moment du repas du midi, je me sentis fiévreuse et comateuse, un peu comme dans un état second, parcourue d’interminables frissons de bien-être, des flemmes léchant mon bas ventre.
- Emy ? Emy, désolée de te déranger mais, tu fais quoi là ?
- Haaaaaaa…
Oups, je repasserais plus tard. Je me déconnectai des pensées grivoises de ma sœur pour me concentrer sur ma corvée (j’étais de service cantinière, mais j’avais réussi à ne pas porter cet immonde filet à cheveux). Sauf que je n’y arrivais pas. Une assiette se tendit vers moi. Mes mains tremblaient tellement que je la fis tomber. Je m’excusais et en pris une autre, la rempli avant de me retourner, tête baisser car mon visage devait être aussi rouge que la forêt alentour, et je demandais à être remplacer, prétextant ne pas me sentir bien. Non, en fait ce n’était pas un mensonge, je n’allais vraiment pas bien. Je manquais de chuter et me rattrapai de justesse à une table métallique de la cuisine. Oh, mon dieu, ce que c’était bon. Courage Nora, m’intimai-je, il y a un placard au bout de ce couloir. Je me dépêchais de m’y rendre et pile quand j’entrai : l’orgasme. Symbolique, vous ne trouvez pas ?
- Emy… Si tu m’entends… Je te hais !
Réussis-je à transmettre avant de refermer la porte à clef et de me jeter sur les paquets de draps (propres, par chance) entassés dans un coin du local. Cessant de lutter, je m’abandonnais au plaisir, essayant de me convaincre que c’était un fantasme irréel, et non une connexion psychique défiant toutes les lois scientifiques terrestres et universelles.
Une fois cet épisode passé et oublié, je rejoignais la section militaire sur le tarmac pour une expédition très poussée sur la culture Menyane. La zone d’exploration de cet après midi était à vingt kilomètres plus loin que la zone scientifique habituel. Cela n’enchantait pas plus Emy, mais au moins, ça m’a donné l’occasion de rigoler un bon coup (et surtout de me venger de l’affaire du placard). Arrivés sur place, nous découvrîmes plusieurs cabanes en bois, que je nommerais aussi bungalow. Le cadre était super, mieux que sur une carte mail. Peut être un peu trop rougeâtre à mon goût. Nous avions laissé l’hélicoptère repartir vers la base et nous avions commencé à installer nos affaires dans une des maisonnettes de bois quand un Menyane déboula dans le petit espace où nous devrions dormir ce soir.
- Les enfants, je vous présente Sowaell, notre guide.
Le Dr. Stuart était éperdue d’admiration devant cet être couleur corail qui nous faisait face. Sa peau était parcourue de stries rouge pâle et il ne portait qu’une sorte de short en Xiliriis, une plante textile qui, une fois tissée, vous donne une texture à mi-chemin entre le coton et la soie. Sur ses pommettes il avait étalé deux traits verticaux orange fluo qui donnaient l’impression de retrouver les indiens d’Amériques. Mais si je critique ses peintures de guerre, en revanche, sa musculature, waouh ! Des épaules dignes d’un champion de boxe et un alignement parfait de ses abdos. Je veux les toucher ! Me suis-je prise à penser, alors que mon petit ami se trouvait dans la même pièce que moi. Mais avec le regard que m’avait coulé Daemon, je me suis vite attelé à la contemplation de mes rangers. Il redressa le buste et s’avança vers le guide.
- Dites moi, pourquoi portez-vous ces peintures sur vos joues ?
- Tu parles trop vite, je n’ai pas compris ta question.
Sur ce, il tourna le dos à Daemon et descendit les quelques marches de la terrasse. Daemon vint se poster à côté de moi. Oh, non, il allait encore faire le psychologue outré !
- Ce gars a de sérieux troubles de personnalité ! Caractérisés en plus par l’absence de honte et de culpabilité auxquels s’ajoute un manque d’empathie.
Il dût comprendre à mes yeux que je n’avais pas compris un traître mot de ce qu’il venait de dire…
- Syndrôme plus connu sous le nom de psychopathie ou sociopathe.
- Alors juste parce qu’il t’a pris de haut ce serait un psychopathe ?
- Mais non ! Et nous n’avons pas la même définissions du terme psychopathe. En plus, il t’a bien examiné…
- Ah, alors, ce n’est pas parce qu’il a été méprisant mais bien parce que tu es jaloux ?
Je reconnais un homme jaloux à des milliers de kilomètres comme je sais distinguer les contrefaçons. Pour en revenir à l’affaire qui nous intéresse, nous sortîmes de la cabane et commençâmes à nous enfoncer au cœur de la forêt. Grâce à mon ouïe de Menyane, je pouvais clairement certifier qu’une rivière coulait pas loin de notre établie. L’envie d’y tremper les pieds ou même de nager me traversa de part en part, et Emy aussi, à en juger son frisson. Un plus loin, après une marche d’environ vingt minutes, nous atteignions un arbre gigantesque, parcourus de plantes s’entrelaçant autour de son écorce. La rivière était maintenant derrières les fourrés, et le bruit était des plus assourdissant. Le guide… Sowaell, avait décidé de nous raconter la vie de l’arbre de sa forme de gland jusqu'à son dernier coup de vent vécut, et la dendrologie très peu pour moi, merci. Je me suis donc sérieusement mise à examiner ma mitrailleuse GA 456. Une fois la biographie du végétal séculaire terminé (vous avez vu ce vocabulaire à la Emy Booth ?), les scientifiques commencèrent à fureter partout, à prospecter chacune des plantes présentent aux alentours, Daemon continuait à tenter de sympathiser avec le guide et moi, bah j’essayais de remonter mon arme. La vie de l’arbre avait duré un peu trop longtemps et j’avais désossé complètement ma mitrailleuse. Ça me rappelait l’époque où j’allais en cours de math et qu’au lieu d’écouter ce que disait le prof je dessinais. Sauf que pour ranger et vite sortir de la salle, c’était facile. Aller remonter une arme de pointe faite par les allemands. Vous comprendrez la douleur. Et comme pour illustrer mes pensées, je me sentis soudain fatiguée, ballotée, j’étouffais, j’allais perdre connaissance. Je me rattrapais de justesse au mollet de quelqu’un avant de sombrer.
Lorsque je repris connaissance, j’avais la sensation d’être à un barbecue. Pourtant, aucun bruit de crépitement de viande, aucune braise. Rien que des draps parfumés à la biceptine. Je me risquais à lever une paupière. Comme dans les films, le décor flou et mouvant m’apparu en premier, puis une tête vint cacher la lumière de la pièce. Elle semblait me parler. De plus en plus nette, ma vision s’adaptait à la blancheur du néon ambiant, les sons prirent un sens.
- Nora ! Tu m’entends ? Aller réveilles-toi maintenant.
- Ne la brusque pas Ty, la vigilance et la conscience sont deux fonctions cérébrales qui sont comme qui dirait éteinte par le coma, et les gens comateux ont du mal à se sortir de l’engourdissement de leur cerveau, qui est en fait du…
- Mon cerveau n’a rien, alors ne cherche pas à le disjoncter avec tes termes de psy !
Rien qu’avec cette phrase je venais de revivre la semaine entière passée au Disneyland Floride l’été de mes treize ans avec la famille. Alors que tous, autour de moi se réjouissait comme pour la renaissance du christ, un sentiment bizarre me noua l’estomac.
- Où est Emy ?
Réussis-je à articuler. Mais leur sourire s’effaça en un instant. Ty baissa la tête, le Dr. Stuart qui venait d’entrer soupira et quand j’interrogeais Daemon du regard il secoua la tête.
- Allô ? Emy ? Ma chérie, tu es là ? Réponds-moi s’il te plait !
Pour seule réponse du silence. Et encore cette odeur de grillades, cette fois plus présente, avec un arôme derrière, comme de la… cannelle ? Je me levais, ignorant les étoiles devant mes yeux et sortis de la pièce. Daemon me retint, en me disant d’aller me recoucher, qu’il était trop tard maintenant.
- Si ça peut vous rassurez, son scanner tourne toujours, ce qui veut dire que son avatar n’est pas encore endormi. Laissons-la se débrouiller. Elle nous reviendra, je vous le promets.
Les mots du Dr. Stuart réussirent à me calmer, mais j’exigeais malgré tout de retourner dans ma chambre. Ty alla dans la salle de départ, où il attendrait qu’Emy reviennent. Quant à moi, j’essayais encore de l’appeler, en vain.
De retour dans ma chambre, je remarquais qu’il n’y avait aucun bruit. Erica n’était donc pas là, et tant mieux. Daemon m’avait suivit. Je me mis au lit et lui ordonnai d’éteindre la lumière en partant.
- Tu sais, c’est bien de tortiller des fesses en jouant les dures à cuire mais quand on ne tient pas la cadence…
- La ferme ! ça n’a rien à voir avec moi !
- Alors quoi ?! T’as vu un animal crevé et t’as tourné de l’œil ?
- Non, c’est Emy…
- Quoi ? Tu as vu Emy morte ?
- Pas vraiment en fait, je l’ai plutôt ressentie. C’est … Je t’en parlerai plus tard, pour l’instant veut dormir.
Journal de bord d’Emy Booth, Dimanche 25 octobre, ordinateur personnel, 19h30, chambre de Nora.
Pendant notre excursion, près de la rivière, alors que je récoltais des échantillons de végétaux, mon pied droit glissa sur un petit rocher couvert de mousse jaunâtre et j’atterrissais la tête la première dans l’eau. Seulement, je heurtais une pierre au fond, un son grave se fit entendre et puis plus rien. Je pense avoir parcourue un bon kilomètre de descente avant de finir dans un piège à poisson, fabriqué par leurs soins. Quand je dis « leurs », entendez les Menyanes. Je repris lentement connaissance dans les bras de Sowaell. La première chose que je vus fut des pectoraux musclés à souhait, de couleur vermeil. Je posais ma main sur le muscle en question et le senti ondoyer sous ma paume. Je refermais les yeux, espérant me réveillé de ce rêve lubrique. Si Ty avait put être la, je n’imaginais pas la scène qu’il me ferait, et Nora dirait certainement… Nora ? Où était Nora ? Si Sowaell est là, l’équipe doit y être aussi, c’est forcé ! Mais mes appelles intérieurs restèrent vain. Je ne sentais plus le contacte avec son esprit !
- Nora ! Tu m’entends ? Je t’en supplie réponds moi, dis n’importe quoi !
Rien ne me revint, mise à part un léger bourdonnement. Je portais ma main vers mon crâne et sentie une belle bosse sur le frontal. Je me mis à bouger fiévreusement, à gigoter dans tous les sens, mais Sowaell resserra son emprise. Il commença à parler un français basique avec un accent à couper au couteau et des infinitifs à la place des conjugaisons. Je crois bien que pour calmer ma nervosité, mon cerveau m’oblige à analyser tout, dans tout les sens.
- Ne pas t’inquiéter, humaine, le village est ici.
Il désigna droit devant lui d’un cou de menton. Ses mots me rassureraient un peu. Après quelques minutes silencieuses (et bienvenues pour mon faire taire mon stresse et vider mes veines de toute adrénaline engendrer par les instants que je venais de vivre), je pus distinguer une odeur de grillades... et de cannelle ! Mon ventre émit un grondement creux et sourd. Bon, je vous l’accorde, ce n’étais pas vraiment le moment de pensée a la nourriture mais pour ma défense... Si, en fait, c’était totalement normal d’avoir faim après ce qui s’était passé. L’odeur devenait de plus en plus forte ; nous entrions dans le village. Je scrutais tous les endroits, coins et recoins mais aucuns vêtements normaux, uniformes militaires, armes ou véhicule humains. En fait, c’était comme un petit village d’Afrique noire… M’avais-t-ils abandonnés une fois de plus ? Non, je ne pense pas, et je ne croyais pas non plus que c’était une de leurs blagues foireuses. Ils étaient certainement à ma recherche. Mais pourquoi je ne recevais plus d’ondes de la part de Nora ? J’avoue que j’ai souvent pensé à ne plus en avoir, mais pas là, pas maintenant, au moment où j’en avais le plus besoin ; mon talkie-walkie avait pris l’eau. Je n’ai même plus ma veste où se trouvait une balise GPS. J’ai dû la perdre en tombant dans la rivière. Et mon sac avait dû filé dans le courant de la rivière.
- Toi avoir faim ? Vouloir manger ?
- Oh oui, avec plaisir. Euh, hum… awsi pxasul… ?
- Bien.
Dit-il avec un sourire. Je crois que je viens de remonter dans son estime. Sowaell me reposa par terre puis se dirigea vers une vieille femme et lui parla avec des gestes énergiques. Il revint vers moi, une feuille ronde, orange vif aux veines rouges dans les mains. Une grosse brochette de légumes (appelons un chat un chat) dessus qu’il me tendit.
- Irayo.
C’est un des premiers mots que j’ai appris en Menyane. « Merci ». Il ne dit rien et sourit. Je portais la brochette encore fumante dans ma bouche. Ce que j’avais pris pour un légume est en fait de la viande. Et sacrément délicieuse en plus (on ne peut plus appeler le chat, chat, mais chien dans ce cas…). J’eus le droit, pendant mon diner, à une danse et un chant traditionnel. Le moment avait été magique, ses hommes et ses femmes, tous de végétaux tressés et de peaux vêtus, dansant avec en fond un grand feu crépitant. Les tam-tams et les tambours faisant vibrer les cœurs et cette chorale de vieilles femmes, chantant un air que j’entendais triste et gai à la fois pulvérisait des frissons dans tout mon corps. Sowaell avait essayé de me traduire les paroles ; une chanson sur le cycle de vie et de mort de la végétation, une métaphore visant les Menyanes. Dans la soirée, deux jeunes filles m’entrainèrent vers un bungalow en bois. Elles me montrèrent mon lit et me prêtèrent tout le nécessaire de toilette dont elles pouvaient disposer : une écorce à mâcher pour les dents, une espèce de savons liquide et même du parfum (enfin, je suppose). J’aperçus également mon sac à dos dans un coin de la pièce. Ouf, sauvée, pensais-je. Ils l’avaient repêché avec moi. Je l’ouvris, pris un le t-shirt de rechange et l’enfilai. Heureusement que ce sac militaire était étanche, je remercie les concepteurs. J’avais emprunté un short en Xiliriis à un jeune Menyane de ma taille et l’ensemble n’était pas trop mal. Le moment de dormir était venu, donc j’allais pouvoir rentrer ! Mais avant je voulais d’abord faire une offrande à la doyenne, à ce que j’ai crus comprendre, il s’agissait de la vieille femme à qui Sowaell avait parlé avant de me ramener de la nourriture. Je lui fis cadeau de la boussole que j’avais retrouvé dans la poche de mon bermuda. Celle-ci faisait aussi office de loupe. Elle apprécia beaucoup, car elle n’arrêtait pas de rire et de me caresser le bras. J’allais enfin fermer les yeux, malgré l’atmosphère fêtarde qu’il régnait encore à quelques pas de mon refuge. Je m’endormis, des images pleins la tête et des émotions plein le cœur.
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