Journal de bord de Nora Booth, dimanche 25 octobre 20h10, ordinateur personnel:

Dans la nuit de ce vendredi interminable, je décidais d’aller chercher Emy moi-même. Je ne savais pas trop comment j’allais mis prendre mais j’étais déterminée. En pyjama, j’arpentai les couloirs silencieux de la Station, jusqu’au laboratoire. La salle des scanners était la plus lumineuse à cause du scanner d’Emy qui tournait toujours. J’ajustai les données et m’installai dans le mien. Malgré tout le boucan qu’il faisait, je fermais les yeux, persuadée que si je me concentrai suffisamment, je pourrais contacter Emy. Petit vertige coloré et j’ouvrai les yeux, mais ne reconnu pas du tout l’endroit au premier abord. Ensuite, je devinais qu’il s’agissait des petits bungalows. Sauf que, dans mes souvenirs, j’avais laissé mon avatar dans la salle de repos, dans la Station-Mère…

Journal de bord d’Emy Booth, dimanche 25 octobre ,21h00, ordinateur du foyer:

Après quelques bonnes heures de sommeil, je me réveillais. Quel plaisir de retrouver son corps et sa taille normale. Un instant d’adaptation fut nécessaire mais mes pieds se dégourdirent relativement vite. Le labo était vide à cette heure-ci, mais peut-être que Ty  ne dormait pas encore ? Une envie soudaine de le voir, de me blottir contre lui me vint. Je me mis à courir à travers les couloirs de la Station à une allure excessivement rapide pour une scientifique non sportive tel que moi. L’influence de l’adrénaline, peut-être ? Pensais-je. Arrivée à la porte de sa chambre, je frappai deux petits coups timides, espérant de tout cœur que ce ne sera pas son colocataire qui m’ouvrira. Une voix grave lançant un « j’arrive » las se fit entendre de l’autre côté. La porte s’ouvrit violement sur un Ty que je venais de réveillé ; torse nu, les cheveux ébouriffés et pieds-nus. A ce moment, j’oubliai toutes mes barrières de bonne conduite et lui sautai au cou pour l’embrasser. Après quelques secondes, il me repoussa brutalement et me considéra avec un mélange de colère, de confusion et d’effroi.

-          T’es devenue folle, ma parole ! Pourquoi t’as fait ça ?!

-          Bah, quoi ? Tu n’es pas content de me revoir ?

-          Nora, on s’est vu toute la journée, c’est quoi ce nouveau délire ?

Nora ? Mais que voulait-il dire, je lui ressemblais à ce point là ? Je le bousculai pour me voir dans le miroir accroché à sa porte : devant moi se tenait Nora, pas mon image, mais celle de ma sœur. J’étais dans son corps ! Mais pourquoi ?! Et le mien ? Serait-il encore dans le scanner ? Oh mon dieu ! Je viens d’embrasser Ty en étant Nora !

-          Euh… ma foi… Je ne sais plus quoi dire, là…

-          Emy ?

-          Oui…

Ty étais en état de choc, visiblement. Il s’affala sur son lit, un air grave sur le visage mais la mâchoire abaissée de stupeur. Son cerveau devait être un peu embrumé à cause du sommeil, bien que ce ne soit qu’un état psychologique qui mettait son corps dans un état second. Il est vachement craquant quand il est confus.

-          Attends… J’te crois pas, si t’es vraiment Emy -comme tu le dis- où est-ce que je t’ai fait ton suçon quand on s’est vu vendredi matin ?

-          Derrière le trapèze gauche et aussi… A l’intérieure de la cuisse droite.

-          Ouais, mais non. Une autre, où as-tu fait le mien ?

Il commençait sérieusement à me mettre mal à l’aise avec toutes ses questions sur un interdit qu’on avait bravé pour pouvoir être ensemble, alors qu’il était de corvée matinal et alors que jétais sensée étudier… Bon dans mon cas ce n’est pas comme si c’était grave, mais s’enfermer dans le foyer pour avoir ce genre de relation, ça ne se fait pas, pire, ça pourrait être prit comme de l’exhibitionnisme. Et ça ferait tâche sur mon C.V. Maintenant que j’y repense, si quelqu’un était entré à ce moment là… Je crois que je serais morte de honte, même si c’est encore dû à un état psychologique et que par conséquent ça n’aurait put mettre fin à mon système nerveux, provoquant la mort. Le regard de Ty est comme un braisier à mon égard… à moins qu’il ne l’ait tout le temps. Je soupirais et bafouillais :

-          Je ne t’en ai pas fait… Je t’ai mordu, sans le faire exprès, la clavicule. Et arrête un peu de poser des questions si intimes, comme ça… ça ne se fait pas.

Il avait tout gagné, j’étais sûre à quatre-vingt dix-neuf pourcent que j’étais rouge cramoisi car mon cœur faisait de la tachycardie, provocant un affut de sang sur mon visage, je tremblais et ma peau me picotait aux endroits désignés plus haut, remémorant ce matin de délicieux délit que j’avais commis.

-          D’accord, j’arrête. De toutes façons, je t’avais reconnue à partir du « ma foi ». Mais c’était trop marrant de voir ta tête gênée. Je ne pensais pas que tes souvenirs étaient si précis, tu as dus aimer…

-          Ty ! Tu abuses !

-          Bon, plus sérieusement, comme ça se fait que tu sois dans le corps de Nora ?

En à peu près une bonne demi-heure, je lui avais expliqué que Nora et moi étions reliées, que mes parents travaillaient pour le FBI (enfin, à moitié pour ma mère) et que, pendant une de leur enquête en Louisiane, ils arrêtèrent une vieille sorcière aux pratiques vaudou et douteuses leurs jeta une malédiction alors que ma mère se trouvait enceinte de nous. Après quelques années, nous nous rendîmes tous compte que l’imprécation marchait pour de vrai… J’ai dus citer deux exemple sans quoi mon histoire ne passait pas pour crédible ; un jour, à un entrainement de Volley Ball, Nora reçut une balle en pleine tête et fut légèrement assommée et moi, à cinq heures du gymnase où elle pratiquait son sport, je fus touchée de même. Un autre jour, j’étais sous la douche quand soudain je ressentis une douleur lancinante dans ma paume droite. Une longue entaille s’était ouverte avec que je me rinçais les cheveux. Ce n’est qu’après que j’appris que Nora s’était coupée la paume droite en voulant cuisiner. Nora et moi sommes reliées au point que si l’une se blesse, l’autre aussi, et pire, si une de nous meurt l’autre aussi, à part si le sang de l’une et injecté dans l’autre dans les plus brefs délais. Donc nous avons toujours dans notre trousse de secours deux voire trois seringues de sang, moi de Nora et elle de moi. Ce n’est malheureusement pas un phénomène scientifique explicable, mais bien quelque chose de complètement incontrôlable, comme le fait qu’on puisse communiquer par télépathie. Ty avait suivit patiemment. A la fin, cependant, il éclata de rire.

-          Pourquoi tu rigoles ? C’est si impossible que ça ?

-          Ah, parce que tu ne plaisantais pas, là ?

-          Non, c’est très vrai… regarde, je peux te dire que mon avatar c’est Nora qui l’a. Et que mon corps et toujours dans le scanner de vendredi.

-          Bon, là, j’avoue que je ne sais pas trop quoi faire... On pourrait demander au doc, elle pourra sûrement nous aider.

-          Surtout pas ! Personne ne doit le savoir. Il faut qu’on règle ça tout seul. Et avant midi si possible.

Journal de bord de Nora Booth, dimanche 25 octobre 20h10, ordinateur personnel:

J’ouvrai les yeux et découvrais avec horreur un endroit inconnu. Enfin, pas si inconnu que ça vu que les toits de chaume rouge pâle je connaissais. Oui, c’était avec ça que les Menyanes faisaient le toit de leurs petits bungalows, comme ceux dont les équipes de scientifiques se servent pour bivouaquer. Je sortais de l’abri et découvris un tout autre monde ; le ciel violet parsemé de dizaines d’amas d’étoiles recouvrais une jungle luxuriante au teinte rousse et orangés, toute fluo et chaude de la journée. Un village était construit autour d’une grande maison centrale, aux décorations surchargées mais c’était la seule avec un balcon aussi grand. Sur l’immense perron de bambous cramoisis étaient étendues des ponchos de feuille rouge transparentes que des veines roses phosphorescentes zébrées régulièrement. Je retournais à l’intérieur pour comprendre ce qu’il m’arrivait quand j’aperçus le sac de Emy dans un coin de la pièce. Un échange d’avatar ? C’était plausible, d’autant plus que je portais les vêtements d’Emy et que ce sac à dos contenait ses affaires (en gros des fioles, une trousse de premiers secours ainsi qu’un porte-carte entièrement plastiquer où étaient une photo des nos parents et une de moi. Je le fouillais à la recherche d’un quelconque objet de défense. Le revolver ASPM que je lui avais donné était tout au fond de son sac, à croire qu’elle n’avait peur de rien. Machinalement je le portai à ma ceinture, mais voyant que je n’avais pas de holster je poussai un soupire exaspéré avant d’enclencher la sécurité. Après un cours instant de réflexion, je vérifiai le nombre de cartouche dont je disposais. Six.

Emy ! Bon sang, jamais une charge pleine, toujours deux !

 Même si je doutais qu’elle puisse m’entendre je lui expliquais malgré tout. Je le glissai dans mon short au niveau de mes reins. Le deuxième élément qui m’était indispensable : une boussole. Tous les sacs à dos en était équipées. Alors pourquoi je ne trouvais pas la sienne ?! La colère commençait à monter, mais la chaleur de la nuit était déjà assez étouffante comme ça. Il fallait que je me calme. Inspiration. Expiration. Inspiration. Et puis zut. Je farfouillais le seul meuble présent dans la pièce (hormis le lit) à la recherche d’un bout de métal. Mais à part quelques vêtements froissés, un truc qui ressemblait à un carambar déjà mâché, de l’huile pour les frites durcie et un flacon rempli d’eau violette. Que du bio, jamais je ne trouverais quoi que ce soit en métal ici... sauf peut-être dans les cheveux de ma sœur. Je me tâtais le crâne à la recherche d’une épingle que seul les danseuses et Emy savaient utiliser. Bingo ! Je la glissais dans ma poche, pris le sac et tout doucement, sur la pointe des pieds, je descendis le petit escalier sur la droite de la terrasse du bungalow. J’avais bientôt atteint la rivière quand une voix sombre me fit sursauter.

-          Où tu crois t’en aller ?

-          Sowaell… vous m’avez fait peur. Je rentre chez moi voyons.

Ce Menyane que je trouvais si séduisant en début de journée me parut soudain moins attirant. Un éclat effrayant faisait vibrer ses yeux ambrés. Une lumière furtive attira mon attention vers sa main droite ; il tenait un poignard. Je glissais doucement ma main vers mon dos. Il fit un pas en avant et je reculai vivement, par reflexe.

-          Il n’est pas un peu tard pour chasser ?

-          ça dépend du gibier…

Il fonça sur moi en brandissant le couteau. Je sortais le revolver et tira une balle qui ne l’effleura même pas ; je n’avais plus aucune coordination œil-main. Il me bloqua contre un arbre qui se trouvait dans mon dos, le couteau sous la gorge.

-          Vous les étrangers vous ne savez que profaner, tout ce que touchez se brise.

-          Dois-je le prendre comme une menace ?

Mais avant qu’il ne puisse répondre, je lui enfonçais un coup de poing dans les côtes. Le couteau me trancha vaguement la clavicule lorsqu’il recula, plié en deux. J’en profitais pour ramasser le revolver et filer en direction de l’amont de la rivière. Je n’avais couru qu’une dizaine de mètres que je me trouvais déjà essoufflée.

Emy, mais sors de ton labo !

En plus, je crois que j’ai cassé sa main… Je m’arrêtais derrière un énorme rocher qui bloquait le courant, créant ainsi une courte cascade. L’érosion avait formée dans la roche un creux pas plus grand qu’un bol où de l’eau stagnait. J’en profitais pour y fabriquer ma boussole de fortune. La Station mère se trouvait au nord-est de la zone de recherche, mais le bivouaque plus au sud en suivant la rivière. Si j’arrive à rejoindre les bungalows pour pilote d’avatar je pourrais envoyer un message à la base. Je pris l’épingle et la cassai en deux. Dans un premier temps, je frottais cette épingle dans mes cheveux pour la magnétisée pendant que je cherchais une petit feuille à placer dans ma cuvette. Je plaçai ensuite le morceau de barrette sur la feuille en question et celle-ci tourna doucement pour me donner une ligne nord sud, sachant que j’avais placé le fer dans une position stratégique pour me donner uniquement le nord. Maintenant que je savais où aller, je devais remonter la rivière, tout en restant le plus possible sur la rive gauche.

Journal de bord d’Emy Booth, dimanche 25 octobre ,21h00, ordinateur personnel:

Vers 7h35, alors que j’étais en train de m’attacher les cheveux dans la salle de bain, comme j’avais l’habitude de faire, c’est-à-dire une queue de cheval haute, mais avec les cheveux blonds de ma sœur, quelqu’un frappa à la porte. Ty ouvrit et Daemon entra en trombe. Il parlait vite et parfois butait sur les mots.

-          Nora à disparut ! Elle n’est pas dans sa chambre et…

A peine je sortais la tête de la salle de bain il s’arrêta net. Il ne comprenait visiblement pas la situation. Soudain il se mit à hurler dans tous les sens, « Comment as-tu me faire ça ? » ou encore « J’aurais dû le voir venir » enfin, les phrases de ces feuilletons pour femme au foyer que regardais Angela. A force,  l’envie de lui en coller une montait en moi, mais à la place, je préférais attendre qu’il s’essouffle. Bon en même temps, il n’avait pas tout à fait tort, de nos jours, trouver un homme et une femme dans une même chambre le matin c’est dire qu’il y a eut relation sexuelle, pourtant, il y a pleins d’autre scénario envisageable. Mais là, dans le corps de sa petite amie, j’imagine combien il a dût être difficile d’imaginer qu’elle est juste venue lui dire bonjour.

-          Tu m’as brisé le cœur ! Je pensais pas que…

-          Je t’arrête tout de suite, le cœur est un muscle qui ne peut en aucun cas se briser, mais on peut… l’écraser.

Ça le stoppa net dans son monologue. A son expression incrédule que formaient son muscle… mince, je ne sais plus. Je dois avoir le cerveau de Nora ? Ou alors je suis sur la pente de l’irréversible. C’est fou ce que Daemon est craquant en colère… Oh non !

-          Je suis Emy ! Pas Nora ! Emy ! Moi et Nora avons échangé de corps sans le vouloir,  je ne sais par quel moyen. Mais on n’a pas de temps à perdre.

-          Quoi mais c’est impossible…

-          On n’a pas le temps !

Il marmonna alors quelques mots sur ma coiffure avant de reprendre son sérieux. Je lui expliquais brièvement notre lien avec Nora. Ty était assis sur son lit, imperturbable,  et Daemon écoutait, hochant la tête de temps à autre avec toujours ce sérieux inscrit sur son visage, ce qui me déconcentrait assez je dois dire… En plus il avait les bras croisés sur son torse et je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer que malgré le costard il était plutôt pas mal taillé. Si Ty surprenait mes pensées je sens qu’il me ferait la même scène, mais je n’y peux rien, c’est le cerveau de Nora après tout ! Après ce petit topo, il sembla réfléchir quelques peu.

-          Et si tu essayer de retourner dans ton avatar en même temps que Nora reviendrait dans son corps ? Ca me semble tellement irréel comme résonnement…

-          Mais ça peut marcher !