Bonjour à toutes/tous,
Désolée pour le temps que j'ai mis à poster ce chapitre, j'ai conscience d'avoir été un peu longue!
En tout cas je vous remercie de suivre toujours cette fic. Votre patience et votre tenacité sont mes amies
Un grand merci à Lilithc et Elberane, des bêtas exceptionnelles et toujours pleines de judicieuses remarques. Elles donnent leur temps sans compter, pour mes chapitres à rallonge!
Je vous souhaite une très bonne lecture!
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Les ténèbres dans le couloir l’aveuglèrent un instant, mais il continua d'avancer tout de même, le pas incertain. Même avec plus de lumière, il se sentait comme ivre et aurait sûrement vacillé à chaque enjambée.
Il inspira à fond l'air frais du couloir des cachots, essayant de dissiper la langueur qui avait engourdi ses membres, ses pensées, pour ne laisser qu'une copie essorée de Potter.
Il aurait bien vaguement protesté que c'était la chaleur anormale qui régnait dans la salle de potions qu'il venait tout juste de quitter qui le rendait comme ça, mais après avoir senti la langue de Malefoy parcourir toute la longueur de son pénis, il ne pouvait plus rien nier.
S'il était dans cet état, c'était à cause de -putain-, à cause de Malefoy.
Il préférait oublier le fait qu'il s'agissait de la première fellation qu’on lui avait fait, d'ailleurs, en respirant un peu d'air frais, sa raison lui revenait et emmenait avec elle quelques amies: la honte, une sensation de malaise qui lui tordait un peu le ventre, la nausée et l'envie d'oublier cette dernière heure, à défaut de pouvoir l'effacer.
Mais évidemment, même l'obscurité du couloir lui semblait comme un fond noir sur lequel se projetaient bien malgré lui des images- Malefoy lascif, les lèvres de Malefoy, sa chemise déchirée laissant apercevoir son torse lacéré, ses yeux au moment où il s'était mis à genoux devant sa braguette... Harry frissonna et décida de chasser ces pensées, et elles avec les ténèbres.
Sortant sa baguette, il murmura "Lumos" et releva les yeux... Pour croiser ceux d'une MacGonagall échevelée, décoiffée et furieuse.
Oups.
-Potter, venez ici, intima la voix sèche et épuisée de la directrice.
Elle avait vraiment l'air exaspérée, nota l'instinct de survie de Harry, le poussant à faire un pas en arrière. Puis la pensée de Malefoy qui se trouvait à l'autre bout du couloir, échevelé, à moitié nu et les phéromones en folie le stoppa. Il était coincé entre Charybde et Scylla. Et encore, MacGo aurait pu débarquer une dizaine de minutes plus tôt! Il rougit aussitôt en imaginant ce qu'elle aurait pu voir en arrivant à ce moment-là...- ou à ce moment-là... - et se décida à lui adresser la parole, priant pour qu'elle n’ait pas les talents d'occlumencie de Severus.
-Professeur... Il y a un problème?
Sa voix paraissait à peu près tout sauf naturelle. Il passa sa main nerveusement dans ses cheveux pour les remettre en place, avant de se souvenir qu'il avait toujours l'air de s'être envoyé en l'air la minute d'avant, avec cette foutue tignasse.
Il déglutit. Il fallait qu'il pense à autre chose qu'à son professeur de potions à moitié nu.
MacGongall ne devait pas être là pour rien. Slughorn ne s'était peut-être pas remis de son attaque? Il avait peut-être parlé de son agresseur? Pendant le laps de temps qu'il avait passé dans la salle de potions, il avait complètement oublié cette histoire.
Il avait tout oublié, d'ailleurs; si on lui avait demandé son nom au moment où le blond avait commencé à le caresser, il n'aurait peut-être pas pu répondre.
-Potter, venez ici, bon sang!
Cette fois, elle avait crié, à bout de patience. Il fallait vraiment tout expliquer à ce môme? Comment pouvait-on être aussi distrait et avoir battu le Seigneur des Ténèbres? Parfois, Minerva n'y comprenait rien.
Elle se contentait de remercier Merlin, et de tenter de mettre un peu de plomb dans ce crâne touffu. Et alors qu'il hésitait encore, elle explicita:
-Potter, je ne le redirai pas. Mr Malefoy a disposé des protections autour de sa salle de cours...
Elle vit les yeux verts s'écarquiller de surprise -Enfin! Une lueur d'intelligence!- et le brun la rejoignit, l'air particulièrement gêné.
Regardant le garçon à l'air encore si jeune, penaud, elle se calma un peu. Il fallait une fois de plus lui dire qu'il était au centre de l'attention, que quelqu'un avait été blessé à cause de lui, qu'il mettait peut-être l'école en danger.
Peut-être qu'il avait pensé être débarrassé de ce genre de fardeau après avoir défait Tom Jedusor. C'était aujourd'hui son rôle à elle de lui ôter ces dernières illusions, ces miettes de naïveté et d'innocence- les dernières parcelles d'enfance présentes en Potter.
Le rôle ne lui plaisait pas.
Elle remonta machinalement ses manches avant de s'atteler à la tâche, et y alla durement, directement, sans rien cacher. En quelques phrases, l'affaire était bouclée, Potter avait l'air souffrant d'un type qui se réveille d'un cauchemar pour atterrir dans un autre et il tentait tout de même de conserver son air digne et brave- dans son regard, n'importe qui pouvait lire qu'il allait encaisser le coup et se montrer digne de confiance, encore une fois.
Pas que se battre avec Malefoy lui coûterait, estima Minerva qui avait l'impression de lui faire un cadeau de Noël avec cette opportunité; mais le poids des regards, l'impression d'être encore fautif et de porter des responsabilités- la réputation d'une école, l'attaque d'un professeur...- devaient lui peser sur les épaules.
Pourtant, il n'avait pas bronché. Potter avait vraiment ça dans le sang. Un parfait héros-né.
-Pas de problème, je ne reverrai plus Malefoy, annonça-t-il de son air sérieux. Le professeur Slughorn peut très bien me donner des cours de potions...
Ou alors, il était juste un peu stupide? Minerva décida d'être plus précise.
-Potter, il ne s'agit pas de le revoir ou non. Il s'agit de montrer la nature de vos relations à tous les éventuels détracteurs. Continuez à vous battre, reprenez ce que vous avez toujours fait de mieux tous les deux, avant ces histoires de cours de gestion de la colère...
Il n'avait toujours pas l'air de comprendre. Elle s'emporta:
-Frappez-vous, enfin!
Le regard niais qu'il lui renvoya confirma ses pires soupçons. Harry Potter n'était pas courageux, il avait le cerveau ramolli typique des veracrasses.
-Mais, professeur...
-Des coups, des insultes, Potter. Vous ne faisiez pas le difficile, pourtant, le jour où vous avez fait exploser la salle de potions?
-Je n'avais pas fait...
-...Exprès, on l'aura compris, soupira la directrice avec agacement. Mais maintenant, faites-moi plaisir, massacrez-vous suffisamment pour que ça se sache.
L'air interloqué derrière les lunettes rondes aurait pu être amusant si elle n'avait pas de sérieux doutes quant à ses capacités intellectuelles. Après tout, peut-être que l'intelligence qu'il avait montré jusque-là était celle de l'horcruxe en lui?
Espérant que le message soit passé-difficile d'être plus explicite-, elle lui tapota l'épaule et décida d'attendre le lendemain voir ce que ça donnerait.
Faisant demi-tour en direction de son lit, elle laissa planté là leur sauveur à tous, la bouche ouverte à en gober des joncheruines et des yeux écarquillés de strangulot.
Il allait très bien s'en sortir.
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Il avait bien essayé de dormir, mais ça avait été impossible. Tout le savon du monde, tout le dentifrice de Poudlard n'auraient pas pu chasser l'odeur et le goût de Potter.
Ce n'était pas sur son corps, ni sur ses lèvres, c'était pire- inscrit dans sa mémoire, gravé au milieu de toutes les sensations avait connues au long de sa vie. Et il pouvait maintenant en être certain: de toutes les sensations, celle de Potter à moitié nu, celle de sa peau sous ses doigts, contre la sienne, celle de Potter dans sa bouche... étaient les meilleures.
Il était foutu, et Merlin, il était ravi de l'être.
Tant pis s'il avait été trop excité pour dormir, tant pis pour ses cernes, Malefoy se sentait heureux en se préparant ce matin-là.
Il avait définitivement tourné la page de ces années sombres, oublié le stress de devoir être du mauvais côté, il avait un emploi respectable dans une école, et il s'était même tapé le putain de sauveur du monde sorcier.
Il s'était refait une potentielle réputation en une nuit. Magistral, même pour un Malefoy.
Pour la première fois depuis de longues années, il avait de l'espoir- et peut-être quelqu'un à ses côtés. Vu comme les autres professeurs- sans parler des élèves, et encore moins de Ginny Weasley- le traitaient, ce n'était pas du luxe. En commençant cette relation bizarre avec Potter, il réalisait soudain combien il avait souffert de la solitude.
Il fallait avouer que les cachots ne se prêtaient pas aux visites amicales. Ce qu'on pouvait avoir froid, certains jours, dans les entrailles du château! De bonne humeur, prêt à tout affronter- y compris une vie sociale-, Malefoy s'extirpa donc de sa tanière pour aller prendre son petit déjeuner dans la grande salle.
Il ricanait en grimpant les marches, se demandant combien Trelawney allait lui devoir de Gallions, maintenant qu'il avait réellement réussi à ferrer Potter; il aperçut par une fenêtre le long d'un couloir que le temps était splendide et le ciel dégagé; il s'imagina déjà retrouver le brun après leur rencontre de la veille.
Il était absolument certain que Potter, prude comme il était, serait affreusement gêné. Peut-être même qu'il ferait semblant de rien, et cette idée n'était pas pour déplaire au blond qui n'avait jamais été contre un peu de piquant et de challenge.
Les portes de la Grande Salle s'ouvrirent devant lui, et instantanément il comprit qu'un peu de piquant, ça allait, mais que là ce serait probablement trop.
Ginny Weasley, entourée par Michael Corner et Romilda Vane, distribuait des agrandissements du premier titre de la Gazette du Sorcier du jour. Ça aurait encore pu aller si ce n'était pas une photo de lui et Potter en première page; même là ça aurait pu être supportable, si le sous-titre indiqué n'était pas propre à faire s'arrêter le cœur de ses deux parents simultanément.
"Le Sauveur dompte les Mangemorts" n'était peut-être pas le titre le plus flatteur pour décrire leur relation.
Il jeta un regard glacial à Ginny, saisit un des journaux qu'elle distribuait et resta face à elle pour lire le gros de l'article. Autant qu'elle soit à portée de main, pour subir ses réactions en direct. Il nota brièvement qu'il la dépassait largement, et qu'elle ne devait pas faire la maligne face à sa robe sévère de professeur, de laquelle sa baguette dépassait, menace implicite.
"Potter, profondément troublé par la perte de ses amis durant cette guerre, mène une relation trouble qui inquiète même ses plus proches amis..." "Des sources anonymes nous ont déclaré suspecter le jeune et ambitieux professeur Malefoy, ancien mangemort et prodige en potions, d'avoir ensorcelé par des moyens illégaux le très convoité Harry Potter..."
"On dit qu'il n'y avait pas pire ennemis, depuis leur première année à Poudlard ils se détestaient, confie un élève qui a préféré ne pas dévoiler son nom. S'il se passe vraiment quelque chose entre eux, ce n'est pas naturel".
Il blêmit. Jeta un œil à la signature. Skeeter, évidemment. Qui d'autre pour écrire un pareil chiffon? Il avait lui-même témoigné pour un de ses articles, en quatrième année, il savait très bien de quoi elle était capable.
Sauf que pour lui, le vent avait tourné.
"Un mère nous avoue que si les rumeurs sont vraies, que les professeurs de Poudlard accueillent des mangemorts qui se ruent sur les élèves, alors elle retirera ses deux fils de l'établissement..."
"Une jeune fille, en pleurs, avoue ne pas comprendre: comment un homme aussi méritant, et au physique aussi avantageux pouvait-il aller spontanément se jeter dans les bras de l'ennemi? D'autant, précise-t-elle, que l'héritier Malefoy est un homme plutôt laid, maigre et pâle, avec un visage pointu et sournois."
Si ses yeux avaient pu faire flamber sur place la mini-belette, ils l'auraient fait. Elle se ratatina sous son regard, prête à subir un juste courroux. Ayant pitié de ses parents, pas assez riches pour repayer des vêtements à leur fille, il décida néanmoins d'être clément.
Même si franchement, là, c'était trop. Un visage pointu et sournois? Comme si son sex-appeal était discutable! Tandis que cette rouquine, avec son teint brouillé et ses nichons trop petits, comment pouvait-elle espérer récupérer Potter?
Il avait bien envie de la remettre à sa place.
Froissant le journal d'un geste nonchalant de la main, il releva les yeux- pourquoi fallait-il que toute la grande salle le fixe? Pourquoi?- et se pencha vers Weasley qui le regardait d'un air qui se voulait brave, oubliant sans doute que quelques secondes plus tôt, elle tremblait comme une feuille.. Le sourire aux lèvres, il lui murmura à l'oreille, de sorte que même un putain de scarabée ne puisse pas l'entendre:
-Je ne crois pas que Potter se soit senti manipulé, hier soir. Enfin, j'ai bien manipulé certaines parties de son anatomie, mais...
-Mais quand MacGonagall t'aura viré, tu ne le toucheras plus jamais, rétorqua-t-elle.
-Toi non plus, susurra-t-il avant de jeter le journal froissé aux pieds de la Weasley qui avait soudain l'air de vouloir lui sauter à la gorge.
Satisfait, il avança d'un pas tranquille vers la table des professeurs. C'était certain, il devait ce petit article à l'ex de Potter. Elle devait vraiment se sentir menacée... Tant mieux.
Il ne comptait pas lâcher le survivant, maintenant qu'il l'avait attrapé dans ses filets. Alors comme ça, même un sacro-saint de Gryffondor pouvait faire des choses sales, très sales, avec un professeur?
Ce Potter lui plaisait déjà un peu plus. Ça aurait été parfait, s'il avait été Serpentard. Ils auraient pu voler des gâteaux dans les cuisines de Poudlard ensemble.
Il s'installa à la table sous le regard noir de Trelawney et évita de s'attarder trop longtemps sur la vision de Hagrid qui était en train de réduire un cookie en miettes tout en lisant la première page de sa Gazette. C'était un demi-géant, après tout, il fallait s'estimer heureux qu'il ne force pas toute la tablée à manger ces saletés de gâteaux faits maison; même un type réputé increvable comme Potter avait failli en périr, il ne fallait pas les sous-estimer...
Se servant dans les plats disposés sur la table, il lança un sourire radieux à MacGonagall; de ce côté-ci il pouvait espérer du soutien. Elle l'avait employé, avait demandé à ce qu'il fasse une trêve avec Potter, et avait même parié sur leur relation. Une grande directrice, à son avis- avec beaucoup de goût dans le choix de ses nouveaux profs. Mais le regard sombre qu'il trouva derrière les lunettes de la directrice stoppa net tous ses espoirs.
Quoi, elle aussi allait le soupçonner d'avoir lancé un sortilège douteux à Potter, où de lui avoir fait boire Merlin sait quel filtre d'amour?
-Professeur Malefoy, le salua-t-elle sans préambule, peut-être pourrions-nous prendre le petit déjeuner dans mon bureau?
Sa voix ne laissait aucun doute quant au fait qu'il n'avait pas réellement le choix.
La gazette était impeccablement pliée à côté de son assiette vide. Elle devait avoir eu le temps de la lire au moins quatre fois, en l'attendant. Autour d'eux, tous les professeurs avaient baissé le nez dans leurs assiettes- sauf Flitwick, qui devait tout de même lever le sien pour ne pas disparaître derrière la table en bois massif.
Trelawney fixait ses œufs d’un air féroce, Hagrid ne faisait toujours aucun bien aux cookies, Slughorn brillait par son absence, Bibine rougissait- certainement en imaginant tout ce qu'il avait pu faire avec le corps du précieux survivant-, Vector lui glissait des regards coquins en coin comme pour le féliciter discrètement pour cette belle prise.
Ça promettait, niveau conversation, estima le blond qui bondit de sa chaise quand un morceau de cookie le frôla pour s'écraser au sol derrière lui (il n'osa pas vérifier si le cookie avait réussi à briser la pierre). Autant aller dans un endroit où il pourrait prendre son petit déjeuner sans craindre des attaques de Cookies magiquement modifiés.
Un endroit dans lequel les yeux fixes et globuleux de Ginny Weasley ne lui lanceraient pas des éclairs.
Galant, il recula la chaise de la directrice et murmura:
"Après vous".
S'il avait su ce qu'elle lui mijotait pour son petit déjeuner, peut-être aurait-il préféré rester et subir les cookies.
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-Harry, tu devrais vraiment te réveiller...
-Mmmhpphhh...
La voix perçante de Dennis Crivey lui vrilla encore les tympans.
-Harry! Le journal... Et puis des lettres, des tas de lettres bizarres...
Mais de quoi parlait ce foutu Crivey? Il ne pouvait pas le laisser dormir encore un peu? Ces frères étaient une véritable malédiction. Et encore, il n'y en avait plus qu'un, songea-t-il; rendu impitoyable par le manque de sommeil.
-Et une beuglante, aussi...
Le mot l'éveilla d'un seul coup, le cœur battant la chamade. Une beuglante. Bénit soit ce Crivey-là, qui l’avertissait des désastres imminents. Il se souvenait encore de la fois où Ron en avait reçue une. Inoubliable, et terriblement angoissant instant. Heureusement, il avait traîné au lit suffisamment pour que le hibou, ne le trouvant pas dans la grande salle, vienne le trouver dans les dortoirs vides.
Il mit ses lunettes avec des doigts tremblants et aperçut en se redressant le visage inquiet de Dennis penché au-dessus de la montagne de courrier qui envahissait son lit, l'enveloppe rouge fumant par tous les angles posée en évidence au-dessus des autres.
-Ok, ok, je vais m'en occuper, lança Harry d'une voix plus assurée et moins endormie qu'il ne l'était.
Qui avait bien pu lui envoyer cette beuglante? Quelques hypothèses lui traversèrent l'esprit pendant que la fumée s'échappant de l'enveloppe s'épaississait et imprégnait sa couette, au risque d'y mettre feu.
Malefoy? Non, la veille il avait vraiment l'air de vouloir autre chose que de lui crier dessus. Et puis, il ne savait peut-être pas encore que MacGonagall voulait les voir s'entre-tuer à nouveau...
Ginny? Pas son genre, elle préférait agir plutôt que d'user ses cordes vocales en vain. Pas du tout comme sa mère, ni... comme un de ses frères, en particulier...
Ron?
Le ventre noué, il effleura à peine le papier rouge qu'il se mit aussitôt à lui hurler dessus, d'une voix démesurée appartenant effectivement à son meilleur ami. Bingo. Trop occupé à bondir sous ses couettes et à enfouir sa tête sous son oreiller- l'enveloppe essayant de s'y glisser elle aussi, prête à le poursuivre partout- il n'entendit que des bribes du hurlement continu de Ron, bribes qui étaient déjà plutôt significatives et absolument dépourvues de sous-entendus.
"Me dis pas que c'est pour ça que tu as quitté ma sœur! Harry, je sais bien que Skeeter adore raconter n'importe quoi sur toi, mais je t'assure que si c'est plus qu'une simple rumeur... Je vais venir le week-end prochain, vieux, et si jamais je vois la fouine essayer de te toucher...!"
Plus il en entendait, moins il voulait quitter sa couette. Il voyait déjà Ron revenir à Poudlard, taches de rousseur et air léonin, Gryffondor jusqu'au bout des ongles. Une part de lui était vraiment heureuse à l'idée de revoir Ron. Tous les deux, de nouveau ensemble à Poudlard, ils allaient pouvoir rire comme avant le temps d'un week-end. Ça lui manquait tellement. Mais d'un autre côté, il savait que Ron était stupidement buté concernant certains sujets. Il n’accepterait jamais certaines choses, tout meilleur ami qu'il était.
Il ne pouvait donc pas décemment se taper un Serpentard, encore moins un fils de Mangemorts, et surtout, en aucun cas quelqu'un qui ait pu rivaliser scolairement avec Hermione, le nouveau Trophée de la famille Weasley. C'était un véritable suicide.
MacGonagall avait raison, la seule option viable pour lui et Malefoy, c'était malheureusement de continuer à se détester, si possible en s'amochant de manière voyante et répétée.
Qu'est-ce qui lui avait pris, de penser qu'il pouvait y avoir autre chose? Il n'aurait pas dû laisser faire le blond... Mais ces dernières semaines, le voir si seul, harcelé par Ginny, et pourtant de si bonne volonté quand Slughorn leur avait demandé de se serrer la main...
De s'enlacer...
Bon sang, ce n'était pas le moment de commencer à fantasmer sur Malefoy! La voix de Ron s'était finalement éteinte, la lettre s'était consumée et il sentait la présence de Dennis à côté de son lit. Il sortit doucement la tête de sous son oreiller et jeta un oeil à toutes ces missives. Il y en avait trop. Ce n'était pas normal.
Qu'avait dit Ron, déjà, à propos de Rita Skeeter?
Pris d'un affreux doute, il leva les yeux vers Dennis Crivey qui le couvait d'un regard plein de compassion.
-Dennis, tu aurais la gazette?
L'autre lui tendit directement le journal qu'il déterra de la pile de courrier, d'un air désolé.
Le titre lui sauta aux yeux. Puis les photos. Une de lui, certainement une de celles prises par Dennis et qui étaient en circulation dans toute l'école: pris en contre-plongée, illuminé par le soleil, on aurait dit une photo de propagande. Il nota mentalement de la conserver pour le jour où il voudrait se faire un CV.
Et accolée, une misérable et sombre photo qui ne rendait pas un dixième de justice au physique de Malefoy; décoiffé et transpirant au-dessus d'un chaudron, il avait tout du savant fou, maigre comme si une fièvre atroce le dévorait.
Harry sentit une boule se former dans sa gorge. Il n'avait pas vu comme le blond avait minci, il n'avait pas remarqué ses cernes avant ça. La vie de professeur ne devait vraiment pas être facile pour lui.
Sentant le regard de Crivey peser sur lui, il ne s'attarda pas plus sur la photo du maître de potions et passa directement à l'article, qui le décrivait allègrement comme un gentil mais profond crétin qui serait tombé dans le piège et les griffes acérées d'un cruel mangemort, le tout arrosé de témoignages amers de tous les élèves qui se seraient bien tapé le survivant.
Un sacré ramassis de conneries, pour changer.
Mais c'est surtout les phrases des parents d'élèves qui lui glacèrent les sangs. Pour la deuxième fois en quelques minutes, la sagesse de la directrice lui sauta aux yeux. Évidemment, que ce serait un scandale. Ils perdraient des élèves. Des donateurs. Leur réputation.
Poudlard ne serait plus aux yeux du monde qu'un repère de mangemorts et de professeurs pédophiles.
Ravalant sa salive avec difficulté, et il demanda à Dennis de le laisser seul un instant. Seul? Avec tous ces courriers empilés sur son lit, pour lui rappeler que personne ne voulait entendre parler du Sauveur avec un Malefoy?
La lassitude engourdit ses épaules, il balaya les missives d'une main et se renfonça sous sa couette pendant que Dennis quittait la pièce sur la pointe des pieds.
Tant pis, il allait éviter Malefoy autant que possible, et se battre avec quand il ne pourrait pas faire autrement que de le croiser. La bonne nouvelle, c'est qu'il n'avait plus de retenue le soir. Il allait pouvoir se préparer à la venue de Ron- préparer quelques mensonges, se préparer à nier qu'il pouvait être attiré par le corps du blond.
Il avait l'impression qu'en à peine quelques mois, un véritable fossé s'était creusé entre lui et son meilleur ami.
Ces dernières 24 heures avaient été plus particulièrement éprouvantes; il avait déjà eu son compte en émotions rien qu'avec la soirée de la veille et s'en serait parfaitement contenté.
Il n'était pas sûr de ressentir de l'attirance pour Malefoy il y a encore deux jours, mais maintenant que MacGonagall lui avait posé ses conditions et qu'il ne pouvait plus toucher, embrasser ce corps qu'il avait passé des années à amocher, regarder, jalouser, détester, admirer, il ressentait au fond de lui se lever tout un monde de frustration et de mécontentement.
Pour lui, l'idée était presque naturelle. D'une certaine manière, ce type était à lui. C'était son ennemi, de manière incontestée; sa cible, le seul qui osait l'emmerder; le premier homme qu'il avait combattu, bien avant Voldemort; et maintenant le seul à avoir le droit de le toucher.
Et on l'en privait, alors qu'il sentait en lui qu'il était le seul à en avait le droit légitime?
En ajoutant à cela sa haine réveillée pour Skeeter, et le sentiment de trahison en lisant les "témoignages" d'élèves... Sa journée commençait mal, et il était hors de question qu'il quitte son lit.
Il se ferait porter pâle, tant pis, il en avait assez de se donner en pâture à ceux qui l'entouraient. De toute façon, il avait dormi tellement tard qu'à l'heure qu'il était, il avait déjà sûrement raté son premier cours.
C'est pourquoi en entendant des pas monter les escaliers, grincer près de la porte puis entrer dans le dortoir, il grimaça et s'enfonça encore plus profondément sous sa couette. A tous les coups, Crivey revenait voir comment il se portait après avoir encore une fois fait la une de la Gazette.
Ou pire. Pour proposer ses services comme petit-ami remplaçant.
Agacé par avance, il s'apprêtait à geindre une phrase sur une maladie promptement inventée pour sécher les cours- il n'avait jamais eu la Dragoncelle, peut-être qu'avec un sort chauffant, ça passerait?- quand il sentit un poids nouveau sur le bord de son lit.
Quelqu'un de plus lourd que Dennis s'était assis juste à côté. Qui?
Le cœur battant, il souleva le rebord de sa couette pour regarder.
Évidemment. Malefoy.
-Les professeurs ne sont pas censés aller dans les dortoirs, tu sais.
D'ailleurs, il ne voulait même pas savoir comment un professeur de potions, ancien élève de Serpentard, pouvait pénétrer dans la Tour Gryffondor.
Il espérait simplement que la Grosse Dame n'avait pas encore été agressée.
Ses yeux gris. Son air hésitant. Son corps fin. Il avait envie de passer ses bras autour de la taille du blond et de l'entraîner sous les draps, juste pour le plaisir de sentir la chaleur de sa peau. Pour oublier sa matinée pourrie. Pour voir sur le visage fin l'expression de bonheur qu'il avait pu y lire la veille- une expression surréaliste, qui lui transformait complètement le visage.
C'était comme s'il avait découvert un autre Malefoy.
-Je sors juste du bureau de la directrice, Potter.
Ah. Alors il savait.
-Pour un type qui a dézingué Voldemort et qui supporte Crivey tous les jours, je te trouve un peu frileux, d'ailleurs, ajouta le blond avec un sourire en coin.
Harry se raidit imperceptiblement sous ses draps. C'était une blague? Comment ce type pouvait sereinement blaguer avec ce genre de sujet?
Il passa outre parce que le sourire du blond semblait sincère. Presque détendu. Pas du tout ce à quoi il se serait attendu de la part d'un vieil ennemi à qui on aurait ordonné de lui mettre sur la tronche à coups de sectumsempra.
-Frileux?
-Elle m'a dit que tu avais accepté sa proposition.
Harry sentit quelque chose d'étrange tordre ses boyaux. Quoi, MacGonagall n'avait pas réussi à le convaincre de retourner à leur vieille et éternelle bataille?
Est-ce que quelque chose avait vraiment changé, avec Malefoy?
-Tu n'as pas accepté, énonça-t-il calmement. Ce n'était pas une question, c'était une évidence. Même prof, Malefoy était infoutu de faire ce qu'on lui demandait. Ou alors à sa sauce.
-Potter, rien que pour emmerder Weaslette, je pourrais te prendre en plein cours de potions.
Harry manqua s'étrangler. Bordel, ce n'était pas le sujet! Plutôt Serpentard, le Malefoy. Est-ce qu'il avait dit ça par provocation ou juste pour le faire rougir?
Est-ce qu'il se divertissait de ses réactions? Le sourire qui s'épanouissait au fur et à mesure sur son visage laissait penser que oui.
-Tu devrais penser à autre chose qu'à toi, Malefoy. C'est ce que font les professeurs. Ils doivent veiller sur l'école et sur les élèves.
-Oh, mais je compte bien veiller sur les élèves. Sur l'un d'entre eux plus particulièrement...
Cette fois, Harry ne put s'empêcher de sourire aussi. Il avait du mal à y croire. En-dehors du dortoir, c'était l'école prise de folie, la gazette qui le faisait passer pour un abruti, les parents d'élèves qui écrivaient des lettres de protestation, c'était son meilleur ami qui lui envoyait des Beuglantes.
Et lui, au milieu de ce brouhaha, était dans une petite bulle, dans son lit, avec Malefoy. À plaisanter.
Ça ne durerait pas. Il faudrait bien qu'ils retournent à la normale. Pour l'école, pour Ron, pour Ginny qui commençait à sérieusement divaguer et à l'inquiéter, ils devraient revenir en arrière.
-Pourquoi est-ce que tu as refusé d'aider MacGonagall?
-C'est qu'il y a encore quelques paris en cours concernant notre relation, et un paquet de Gallions à se faire...
-Je suis sérieux, Malefoy.
Il avait mis tout ce qu'il pouvait de menace, de sérieux et de gravité dans sa voix. Le blond, comme toujours, avait l'air de se soucier des conséquences comme de son premier balai volant et fixait sa manucure parfaite d'un air hautain.
-Et moi je sentirais vexé si tu me jetais maintenant. Je ne suis pas un coup en passant, Potter. Tu ne peux pas espérer mettre ta queue dans ma bouche et t'en sortir comme ça, comme une fleur...
Le message était passé, Malefoy avait repris tout son sérieux. Et sa colère pointait aussi dans sa voix, s'installait lentement entre eux deux, s'épaississait, palpable. Il pouvait les voir, la colère et la peur, dans le regard gris.
Et lui était coincé. Évidemment, qu'il ne pouvait plus faire marche arrière. C'était trop tard, pour lui. Il ne pouvait déjà plus regarder le Serpentard sans avoir envie de le toucher. De caresser sa peau. Sans que des images obscènes lui viennent à l'esprit. Il se détestait, détestait aussi Malefoy pour ça, pour le pousser à se remettre en question, pour le tourmenter.
Alors, le jeter? Essayer tout de même?
C'était peut-être un sacrifice qu'il devait faire. Il pourrait essayer de contrôler ses pulsions... Ce n'était pas comme si la compagnie de Malefoy avait toujours été agréable, ce mec était un connard accompli et s'empressait toujours de le prouver en lui pourrissant la vie. Même en se débrouillant pour envahir ses pensées et mettre le feu à son corps.
Malefoy attendait à côté de lui. Une réponse, un geste. Mais la réflexion de Harry devait lui sembler trop longue, alors il se pencha vers le corps allongé du brun, ôta un peu la couette de son corps pour saisir un de ses poignets, il se concentra pour sentir le sang pulser rapidement juste sous ses doigts pâles; il humait l'odeur du brun et scannait du regard le garçon débraillé, à demi réveillé qui reposait près de lui.
Et Harry ressentait chacun des gestes du blond, presque instinctivement; devinait aux narines rosées qui s'écartaient délicatement que son vieil ennemi tentait de respirer ses effluves; sentait aussi le sang dans la pulpe des doigts pressés contre ses veines battre à un rythme irrégulier. Comme dans un rêve, il était devenu hypersensible et aurait pu noter le moindre mouvement des cils translucides du blond.
Malefoy était un connard, un mec pourri, et surtout un type dont chaque cellule l'attirait comme un aimant.
Probablement la petite ordure la plus sexy de la planète.
-Je pense que maintenant, on ne sera quittes que si tu me prenais en entier dans ta bouche, Potter...
La voix susurrait, serpentine.
Dire qu'il avait failli penser que Malefoy était romantique. Qu'il ne voulait pas être seul. Qu'il se sentirait abandonné.
Remis à sa place, Harry sentit son poignet se figer contre les doigts qui l'enserraient. L'autre voulait une pipe. Une foutue pipe, parce qu'il avait pris soin de le sucer en premier. Ce n'était qu'une question de baise, depuis le début.
-Je vois pas en quoi ce serait incompatible avec ce que demande MacGonagall, répliqua-t-il froidement. Je peux très bien te casser la gueule en société et m'occuper de ton cul quand les bons sorciers auront le dos tourné.
-Quelle vulgarité, Potter...
-L'idée est là, non?
-L'idée est là, admit le blond dans un soupir. Alors, j'imagine qu'on se reverra en cours?
-Prépare tes chaudrons les plus solides. Je compte bien tout faire exploser.
Il le pensait sincèrement.
-Je doute que tu puisses venir à bout de ceux en argent. En étain, peut-être... Si tu es en forme...
Le jeune professeur lâcha son poignet pour se relever, et Harry ne put s'empêcher de regarder la silhouette auréolée de blond s'éloigner doucement.
-Malefoy!, l'interpella-t-il. La silhouette s'arrêta.
-Pas d'impardonnables.
-Pas d'impardonnables, acquiesça le Serpentard sans se retourner.
Soulagé, Harry se rallongea complètement. Concilier la guerre et de la baise avec Malefoy. Il n'était pas au bout de ses peines, songea-t-il en regardant l'autre quitter la pièce. Mais peut-être que ça vaudrait le coup.
Peut-être même que ça fonctionnerait, pourvu que l'autre ne lui fasse pas de sales coups, comme mettre des Veracrasses dans son assiette et du jus de chaussette dans son verre à dents.
Pourvu que lui-même se contrôle et ne l'envoie pas à Sainte Mangouste dès que l'autre le traiterait comme un objet dans le privé.
Pourvu qu'il résiste à la tentation de casser la gueule pour de bon à ce type qui s'infiltrait dans sa vie comme un poison. Ce type qui lui avait fait ressentir, de force, des choses qu'il n'était pas censé ressentir avec un homme.
Et encore moins avec cet homme.
Oui, ça irait, s'ils ne se tuaient pas pour de bon. Soupirant, Harry s'enroula dans sa couette. Il avait besoin de temps, maintenant. Du temps pour réfléchir.
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Dennis, affalé dans un fauteuil de la salle commune des Gryffondor, l’œil torve propre aux végétaux préférés de Neville, ressassait sans cesse sa culpabilité et la conscience de sa propre impuissance à aider son héros.
Tripotant sans relâche le velours des bras de son fauteuil, il cherchait à comprendre comment cela avait pu lui échapper.
Il avait vu Ginny dans le parc, parler dans ce qu'il croyait être le vide; il lui avait même souri le soir, alors qu'elle lisait la prépublication de la Gazette qui risquait d'être fatale à la relation de couple de l'homme qui, à ses yeux, méritait le plus d'être heureux.
Tous les signes étaient là, sous ses yeux, et lui n'avait rien vu venir; comme un véritable boulet. Qui sait? S'il avait réagi, il aurait peut-être pu empêcher... Retarder... Enfin, au moins essayer d'arrêter cet immonde complot!
Le velours rouge bordé d'or du fauteuil se déchira sous la crispation de ses doigts.
Quel imbécile, maintenant voilà qu'il dégradait le matériel de Poudlard! Il commençait à comprendre pourquoi les Elfes de maison se punissaient sans arrêt, et voyait sous un autre angle les tisonniers reposant à côté du feu de cheminée ronflant. Il examina l'idée de se punir un instant, mais estima que ça n'aiderait en rien Harry.
Au moins avait-il pu annoncer la nouvelle à Harry avant les autres, pour qu'il ne soit pas surpris; et il avait pu ménager au couple un peu de tranquillité la veille en posant des sortilèges autour de la salle de potions.
Ces pensées le soutenaient un peu, et il lâcha enfin le pauvre fauteuil aux bras torturés par des dizaines d'élèves plus angoissés les uns que les autres pour sortir de la salle commune. Il lui fallait agir.
Pour commencer, Ginny Weasley devait payer pour ce qu'elle avait fait. Elle avait forcément ses points faibles, ses secrets, quelque chose qu'il puisse utiliser contre elle..?
Où avait-elle cours, déjà? Il s'arrêta, bras ballants, devant la grosse Dame qui lui décocha un regard furieux- maudits élèves, toujours à la déranger pendant qu'elle dévorait une boîte de chocolats tranquille!
Où aller pour retrouver la rouquine? À gauche, à droite? Il avait pourtant poursuivi Potter assidûment quand il était encore avec elle, il devrait conserver des souvenirs de son emploi du temps...
Mais non, rien.
Et soudain, il réalisa. Harry n'allait jamais voir Ginny à la sortie de ses cours. Il ne l'accompagnait pas jusqu'à sa salle de classe. En fait, s'ils n'avaient pas partagé la même maison, il y aurait eu très peu de chance qu'ils se croisent. Tandis que dès que Malefoy entrait dans la donne...
Un bruit de pas, à sa gauche, vint interrompre sa réflexion. Allons bon, il n'y avait pas moyen de méditer tranquillement devant la salle commune des Gryffondor. Il choisit le chemin de droite, peu désireux de croiser qui que ce soit, prit tout de même le temps de tirer la langue à la grosse Dame qui soupirait "Pas trop tôt!" en le regardant partir, et continua sa route d'un pas rapide. Jusqu'à l'angle du couloir où se retourna.
Ce n'était pas sa faute, il était né curieux. Un peu trop, prétendaient certains- dont Harry, le jour où il avait trouvé un appareil photo orienté vers son lit. Mais qu'y pouvait-il?
Et puis, la curiosité n'était pas toujours un défaut; il espérait qu'un jour cette grande qualité lui serve enfin, et il pourrait répondre fièrement à ceux qui l'accuseraient d'être trop inquisiteur.
Et pour Dennis Crivey, ce jour était arrivé. Malefoy était apparu à l'autre bout du couloir, comme la pluie en plein désert, et semblait plutôt ennuyé face au personnage vaguement féminin et franchement boudiné de rose qui s'empiffrait de chocolat dans le tableau face à lui.
Enfin, il serait un héros! Enfin, sa curiosité paierait! Enfin, il allait pouvoir agir et servir à Harry!
N'écoutant que son vaste cœur, il rebroussa chemin et sautilla plus qu'il n'avança vers le professeur de potions, qui avait déjà eu le temps de charmer la Grosse Dame pour rentrer en douce.
Dennis n'en était pas certain, mais il lui semblait avoir entendu le blond glisser entre deux gloussements du tableau "Vos charmes vénérables", "Vos nobles appâts" et autres niaiseries surannées.
Au moins, on ne pouvait pas accuser le jeune professeur de manquer d'éducation. Peut-être même en donnerait-il un peu à Harry, songea avec espoir Dennis qui se souvenait encore de la manière brutale avec laquelle son héros avait accueilli ses dernières offrandes.
-...Et si je vous chatouille le bout des doigts, ouvrirez-vous?, susurrait Malefoy au tableau tout en caressant délicatement la petite main peinte maculée de taches de chocolat.
-Oh, vous êtes coquin, professeur... Elle gloussait, se trémoussait, rougissait et lui lançait des œillades du dernier vulgaire tout en minaudant.
-C'est que cette robe est si seyante... Si vous me laissiez passer, je pourrais l'admirer de dos!
-S'il n'y a que ça, je peux me retourner...
Et la grosse Dame, empêtrée dans sa robe bouffante et trop serrée, de mettre la parole à exécution. Malefoy verdit et se détourna pour grimacer, croisant alors le regard ahuri de Dennis.
-Professeur, le mot de passe est "chatière"...
La grosse Dame le fusilla du regard, déçue qu'on lui retire le premier soupirant qu'elle ait eu cette décennie alors que le blond lançait le mot de passe avec un soulagement évident. Dennis ne l'avait jamais vu essayer de faire du charme avant cela, et il devait avouer que c'était déstabilisant. Pas d'insultes concernant Gryffondor, pas de sourcils froncés, envolé l'air froid et calculateur: un autre Malefoy. C'est peut-être ça qui le poussa à retenir l'autre; l'air presque humain du professeur l'avait mis en confiance, et il se risqua à lui poser une question.
-Vous allez voir Harry?
L'autre se retourna, une jambe à demi engagée dans le passage vers la tour Gryffondor dans une position qui aurait pu sembler ridicule si son regard n'avait pas été glaçant.
-Pourquoi, vous voulez prendre des photos pour la gazette, Crivey?
Le garçon rougit et regarda le bout de ses chaussures usées. Il aurait pu récupérer les souliers neufs de son frère, mais il n'en avait pas eu le cœur... Harry, lui n'avait même pas de frère. Plus de parents non plus. Et vu la beuglante qu'il avait reçue, peut-être plus de meilleur ami. Son cœur se serra et les paroles lui échappèrent.
-Soyez gentil avec lui.
Malefoy le fixa longuement, le regard impénétrable, comme s'il pesait ses paroles. Au bout de quelques secondes très gênantes pendant lesquelles Dennis se demanda s'il n'était pas finalement allé trop loin, il entendit finalement une réponse avant que la porte de la salle commune ne claque.
-S'il l'est avec moi.
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Daphné Greengrass n'avait jamais été une jeune fille très patiente, mais là, elle avait beaucoup de mal à contrôler ses nerfs fragiles. Serrant convulsivement la main de Dean Thomas sous la petite table ronde du cours de divination, elle scrutait au travers des volutes d'encens Ginny Weasley en train de faire de la propagande dans un coin renfoncé de la classe.
Personne n'ignorait que la rouquine était d'un sang des plus purs, mais cela ne l'empêchait pas de clamer des horreurs sur eux, comme si se battre à côté de sang-mêlés lui avait conféré un statut plus proche des Moldus.
Elle la regardait s'exciter, les joues aussi pourpres que ses cheveux, tenant la Gazette du jour à la main en en citant des extraits comme quelqu'un qui tiendrait des preuves infaillibles de la décrépitude des sang-purs. Dans sa guerre contre leur nouveau professeur de potions- que Daphné jugeait certes un peu jeune mais pas mauvais-, elle avait fini par englober tous ceux qui pouvaient lui être apparentés: par le sang, par la maison, et même ceux qui tentaient de le défendre voyaient leur vie épiée soudainement par ses yeux vindicatifs, à la recherche du moindre indice pouvant laisser penser qu'ils étaient pro-mangemorts.
De sang pur, de la maison Serpentard et de surcroît dans la classe de cette furie, Daphné subissait depuis quelques jours l'attention poussée de la jeune Weasley et commençait à avoir une furieuse envie de planter ses griffes dans ce faciès rubicond.
Sans la patience extrême de son petit ami qui lui laissait planter ses ongles dans la paume de sa main, elle aurait depuis longtemps balancé une boule de cristal ou deux sur cette petite salope, histoire de lui clarifier les idées.
"La précipitation avec laquelle l'héritier de la famille Malefoy s'est amouraché de son pire ennemi après la guerre est l'exemple parfait du brusque retour sur leur position de tous les sang-purs d'Angleterre, certains ayant même prétendu avoir agi sous l'effet de l'impérium..."
La voix fluette et victorieuse de Ginny lui vrillait les oreilles, l'empêchait de se concentrer sur le cours; elle était certaine qu'en relevant les yeux, elle croiserait le regard moqueur de la jeune fille; et là, ce n'était pas une bonne idée.
À vrai dire, Daphné aurait même préféré croiser les yeux de hibou de leur prof de divination qui passait devant les élèves endormis, l'air inspiré des illuminés ancré profondément sur son visage.
Pas étonnant que Ginny soit fan de cette matière.
Comment, après tant d'année, Trelawney avait pu ignorer le fait que personne à Poudlard n'aimait ses cours, malgré la qualité du thé utilisé pour la divination dans les tasses?
Et surtout, comment pouvait-elle vivre dans cette atmosphère surchauffée, envahie de fumée et de vapeurs? Encore cinq minutes, et Daphné allait tourner de l’œil. Heureusement pour elle, Romilda Vane détourna son attention des lourdes senteurs florales qu'exhalaient même les napperons, et ce d'une manière assez radicale pour que toute la classe soit sauvée du sommeil et de l'ennui.
-Pas étonnant, claironnait-elle à côté de Ginny, les Greengrass ont toujours été de la racaille. Daphné, ta sœur ne devait pas se fiancer à ce mangemort de Malefoy, d'ailleurs? Pas trop dur pour elle, de se faire larguer pour un garçon?
Merlin, encore cette stupide histoire de fiançailles. Ce n'est pas parce que leurs parents en avaient rêvé que cette alliance devait se faire; d'ailleurs Astoria s'était fiancée quelques mois plus tôt à une jeune botaniste charmant.
-Tu es jalouse? C'est vrai que les prétendants ne doivent pas se presser devant ta porte... Enfin, sans compter les gnomes qui pourrissent dans votre propriété...
-J'aime mieux les gnomes que les mangemorts, persifla Romilda qui avait tout de même changé de couleur.
-Laisse, les sang-purs se croient tous supérieurs, ajouta Ginny avec un sourire.
-Et depuis quand les Weasley sont des sang-mêlés?
La voix de Dean, calme et profonde, semblait avoir giflé la rousse tant elle semblait hors d'elle. Daphné pressa sa cuisse contre celle du jeune homme, reconnaissante.
-Moi, j'ai au moins la décence de ne pas flirter avec l'ennemi!
Son air hautain, son nez retroussé et ses yeux accusateurs, Daphné aurait tout voulu réduire en bouillie chez elle; lacérer cette chair molle, arracher les taches de rousseur, couper cette langue acérée.
Mais elle se retenait. La guerre avait été assez moche, et elle n'était pas mangemort. En fait, dans ces moments-là, elle se faisait peur.
Elle pensait comprendre les adeptes de celui-dont-on-ne-prononçait-pas-le-nom, elle aussi aurait souhaité maltraiter cette rouquine aveugle et ses amis stupides. La violence montait en elle, et elle devait se contenir, la laisser refluer pour ne pas s'emporter.
Elle aurait très bien pu être mangemort, avec ce genre de pulsions. Est-ce que c'était parce qu'elle avait le sang pur, un sang qui ne se mêlait qu'à celui de ses cousins depuis des générations entières? Est-ce que vraiment, les sang-purs étaient pourris?
La question la taraudait intérieurement. D'habitude, un regard vers Dean la rassurait: elle n'avait rien contre les sang-mêlés, les nés-moldus ou les cracmols; elle était amoureuse d'un Gryffondor qui avait grandi dans le monde moldu. Tout allait bien, c'était simplement Ginny qui l'agaçait prodigieusement.
Mais là, elle eut un léger doute tant sa colère était disproportionnée. Elle avait vu son poing se lever, avait ressenti le bonheur et la joie que lui procurait le contact violent de ses phalanges sur l’arête du nez de Ginny Weasley, elle avait eu envie soudain de plus, de lui mettre le visage en bouillie, de ne plus s'arrêter...
Elle avait presque bondi sur la rousse quand Dean la saisit à bras-le-corps, lui chuchotant des mots à l'oreille pour la calmer.
Ginny était tombée au sol sous la violence du coup, et avait une narine qui saignait; Romilda était penchée sur elle et hurlait en vrac que les sang-purs étaient dangereux, qu'il fallait appeler Pomfresh, que c'est cette furie de Daphné que Malefoy aurait dû épouser, que c'était une honte de soutenir un mangemort...
Mais Daphné n'entendait plus clairement la voix de Romilda. Tremblante, elle ne voyait plus qu'une chose. Ce qu'elle avait fait.
Elle ne savait même pas comment c'était arrivé.
Comment cette bête histoire entre Potter et Malefoy, qui ne la concernait même pas, avait pu passionner l'école au point qu'elle-même s'y trouve étroitement mêlée?
Le souffle de Dean qui voulait la calmer, sur sa nuque; les yeux de Ginny, brûlants et accusateurs sur elle; Romilda hurlant vengeance; les élèves la fixant, ébahis; Trelawney essayant de produire un patronus pour appeler Pomfresh.
Elle englobait le spectacle, l'embrassait d'un coup d’œil et comprenait enfin ce qu'il se passait, elle avait enfin le recul nécessaire pour le voir, pour le sentir enfin nettement.
La guerre n'était pas terminée.
Elle ne le serait jamais.
Daphné Greengrass quitta la classe en courant.
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"Harry,
Ron et moi venons d'apprendre que Ginny a été prise a parti et agressée en plein cours, par des élèves pro-mangemort.
Tu comprendras que Ron veuille être au plus vite auprès de sa sœur, et éclaircir ces rumeurs ridicules que Rita Skeeter a cru de bon goût de faire courir sur toi. Ne te sent pas vexé, s’il a peur qu'elles soient vraies; il a confiance en toi, et se rend compte que c'est impossible, mais il est toujours secoué par ta séparation d'avec sa sœur. J'espère que tu veilles tout de même sur Ginny, elle a l'air d'être devenue la cible de ces fils et filles de mangemort. Je ne veux pas qu'ils puissent se venger de leur défaite sur elle.
Ron viendra donc dès demain; j'espère que tu sauras le rassurer, et que la situation à Poudlard a été exagérée par ce cafard de Rita.
Pattenrond me griffe pour que je le nourrisse. Je t'envoie des chocogrenouilles par le biais de Ron.
Amitiés,
Hermione."
Le lendemain. Ron allait débarquer le lendemain. C'était la seconde missive qu'il recevait de ses amis ce jour, et aucune ne le réjouissait. Harry leva les yeux de la lettre et jeta un œil sur la salle commune.
Pour une fois, ils étaient débarrassés de la propagande folle de Ginny, qui était restée à l'infirmerie après la bagarre ("Tu aurais vu ma Daphné, une vraie tigresse", s'était enthousiasmé Dean), mais on sentait tout de même la division qui s'était glissée jusque chez les Gryffondor.
Finie, la belle entente d'il y avait quelques semaines entre les maisons. Si un élève non Gryffondor tentait d'entrer dans la salle commune, il risquait de se faire raccompagner de suite jusqu'à la sortie.
Romilda Vane et Micheal Corner faisaient une énième lecture publique, et les quelques élèves que cela intéressait posaient un regard insistant sur lui; près du feu, Dennis Crivey énumérait le nom des filles au sang-pur chez Serpentard afin de se choisir une nouvelle petite amie qui lui serve d’étendard et Dean se moquait de lui en se vantant d'avoir déjà pris la plus jolie.
Merlin, il n'avait jamais demandé à ce que les choses aillent jusque-là...
Il avait passé la journée à démentir l'article de la Gazette du Sorcier, mais c'était comme quand il avait promis ne pas avoir mis son nom dans la coupe de feu; personne ne le croyait. C'était d'assez mauvais augure en ce qui concernait la venue imminente de Ron: il avait encore en mémoire l'incrédulité de son ami quand il lui avait annoncé que ce n'était pas lui qui avait proposé son nom pour le tournoi.
La journée avait été rude, mais ce ne serait rien comparé à celle du lendemain. Il avait eu la chance de ne pas croiser Malefoy de la journée- bien qu'il ait entendu dire qu'il avait lancé un sort cuisant sur un élève qui avait osé lui demander s'il avait bien une relation avec le célèbre élève Harry Potter-, mais le lendemain il n'aurait pas le choix.
Il avait cours de potions, et il fallait qu'il se débrouille pour se battre avec le blond, si possible devant témoins, et devant Ron ce serait encore mieux. Il soupira en repensant au nombre de fois qu'il avait pu faire cela, et à quel point les choses lui semblaient naturelles, alors. Un crétin blond arrogant quelques provocations, quelques sorts pour le remettre à sa place, ses amis près de lui pour l'encourager.
Si seulement on lui avait dit que les choses n'étaient pas si bien déterminées, si seulement on l'avait averti qu'une personne ne pouvait pas être entièrement mauvaise.
Si seulement il n'avait pas été vérifier ce qu'il pouvait y avoir de bon en Malefoy... Il essaya de penser à autre chose qu'au goût de sa bouche, et il sentit presque sur sa langue le sel de la peau du blond.
Harry n'avait même pas songé à dire la vérité à Ron et Hermione. Déjà parce qu'il était persuadé que cette relation, qui n'en était à vrai dire même pas vraiment une, ne durerait pas; ensuite parce qu'il tenait à conserver ses amis. Il avait décidé de ses priorités. Il n'allait pas fiche en l'air sa vie parce qu'il avait laissé le blond le tripoter un peu.
Ça arrivait à bien des gens, et personne à sa connaissance n'avait jamais laissé pourrir sa vie pour un coup d'un soir. Surtout si le coup d'un soir était Malefoy.
Harry en était là, en apparence calmement assis devant un bon feu de cheminée, à somnoler une lettre à la main; et intérieurement son ventre se tordait d'angoisse à l'idée du lendemain.
Et s'il blessait vraiment Malefoy en voulant bien faire? Ils avaient convenu de ne pas lancer d'impardonnables, bien sûr, mais qui savait comment sa magie réagirait? Il ne la contrôlait même pas toujours... Surtout quand ce soi-disant prof de potions le provoquait. Il n'y pouvait rien: c'était devenu un réflexe. L'autre ouvrait la bouche, et instantanément il avait envie de le stupéfixer.
Et qui sait ce que Malefoy pouvait connaître, comme sortilèges? Quand il repensait au Feudeymon lancé quelques mois plus tôt, il se posait des questions. Peu importe ce que Voldemort enseignait à ses mangemorts, il n'avait pas une transcendante envie d'y goûter.
Pourvu qu'ils arrivent à se contrôler.
Pourvu qu'ils réussissent une petite bataille propre, rangée, sans blessés.
Pourvu qu'ils y arrivent...
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C'est tout pour aujourd'hui! Vos remarques, commentaires, suggestions sont toujours bienvenus. Je rappelle qu'il s'agit d'une fic interactive: je n'ai pas écrit de chapitre 9, je prends en compte vos idées, vous pouvez tout à fait influencer le cours des choses ;)
A très vite,
Masa |