Voici le troisième chapitre de l'oeil de Rê (mieux vaut tard que jamais, comme on dit!)
Pour ma défense, il est très long, très long comme trois fois plus long que les chapitres que j'écris d'habitude. C'est pas une excuse, je sais , mais l'écrire a littéralement explosé mon cerveau, c'est la première fois que j'écris une véritable enquête. Et j'adore ça, je crois.
Bonne lecture!
Alice
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"I masterminded a thousand details, loyal to my obsessions, and if you lose me, that's your loss and mine, and I'm sorry. And that's a mark of my respect."
Magazine, Of Course Howard
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Harry fulminait. Quatre heures du matin avaient sonné, et sa colère, au lieu de s'éteindre, s'était attisée au fil des heures. Le niveau de la bouteille de whisky Pur Feu qu'il avait entamée en arrivant chez lui avait dramatiquement baissé, mais rien ne semblait l'apaiser.
« Putain d'abruti » grogna-t-il en tétant le goulot de la bouteille. Il ne buvait pas souvent, certainement pas seul, mais l'état de confusion dans lequel il se trouvait justifiait amplement cet écart de conduite. Des années de travail sur lui-même, des années à masquer la moindre de ses émotions, des années de travail irréprochable, à s'évertuer à ne rien ressentir de dangereux. Tout ça foutu en l'air en une soirée. Et, étrangement, sous la rage à peine contenue pointait quelque chose qui ressemblait à du soulagement. Celui d'avoir enfin laissé cours à ses émotions, d'avoir enfin ressenti quelque chose.
« Petit con arrogant »
Il avait passé la nuit à ruminer, grommelant des insultes dont il ne savait plus si elles étaient destinées à Malfoy ou à lui-même. Il repensa à l'expression de Malfoy lorsqu'il l'avait repoussé, cette rage mêlée de surprise, et il ricana. Il avait touché un point faible. Draco Malfoy n'avait certainement pas l'habitude de se voir rejeté. Draco Malfoy était un homme qui contrôlait.
Dommage pour lui, Harry n'était pas homme à se laisser dominer.
Un détective pouilleux. Harry grogna de nouveau. L'insulte l'avait affectée plus qu'il ne l'avait montré. Évidemment, il avait suivi le chemin tracé pour lui après la guerre. Il était retourné à Poudlard, avait passé ses ASPIC, avait docilement suivi sa formation d'Auror et, deux ans plus tard, s'était retrouvé au ministère.
Il s'était vite rendu compte qu'il n'était pas pris au sérieux. On l'exhibait aux galas du ministère au bras de jolies jeunes filles qui se pavanaient et gloussaient à tour de rôle, on le photographiait, et le reste du temps on le gardait dans un bureau aux allures de prison dorée. On lui donnait les cas les moins dangereux, les moins intéressants aussi. Il ne fallait surtout pas blesser l'enfant chéri du monde sorcier. Harry avait tenu six ans. La passion des foules à son égard s'était petit à petit calmée.
Quatre ans auparavant, Harry avait eu vent de l'Agence. Il avait supplié Kingsley de le laisser tenter sa chance, et celui-ci avait fini par céder.
Harry ne le regrettait pas. Les détectives de l'Agence l'avaient laissé faire ses preuves, et il s'était avéré être doué pour ça. Mais en faisant ce choix, il avait fermé la porte à toute chance de promotion, et personne n'avait compris ça.
La pendule, insensible à son tourment, égrenait son tic-tac rassurant. Harry lui jeta un coup d'œil. Cinq heures du matin. Il devait être à l'agence à sept heures, rapport en main. Il tituba jusqu'à la salle de bain et retourna le placard à pharmacie à la recherche d'une potion de sobriété. Il avala le liquide vert en réprimant sa nausée. Les potions de sobriété étaient très efficaces. La difficulté était de parvenir à garder l'immonde breuvage dans son estomac suffisamment longtemps pour qu'il agisse.
Harry ferma les yeux lorsque la potion commença à agir. Il appréciait cette vague de fraîcheur qui traversait son corps de part et d'autre, laissant son esprit clair et ses muscles détendus. Il ouvrit les yeux et se retrouva face à son reflet. Effrayant, vraiment. Les cernes sous ses yeux et sa barbe naissante lui donnaient l'air d'un criminel en cavale.
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Deux heures plus tard, propre et rasé de frais, il entrait dans les locaux de l'Agence, son rapport à la main. Il entra dans son bureau, qu'il partageait avec deux collègues : Susan Bones-Zabini, une ancienne camarade de Poudlard qui s'avérait être une enquêtrice efficace, extrêmement utile dans les missions d'infiltration, et Colin Jacobs un grand dadais trop maigre. Son intelligence hors du commun rattrapait sa maladresse proverbiale, et son sens de l'humour en avait fait un homme apprécié au sein de l'Agence.
Susan était déjà présente, plongée dans la lecture d'un rapport. Lorsqu'il entra, elle le gratifia d'un sourire fatigué :
« Du nouveau ? »
« Bon sang, Susan, est-ce que tu es seulement rentrée cette nuit ? »
« Non. J'ai du prendre une journée de congé mardi pour m'occuper de Nathan. Il a la Dragoncelle. Perkins m'a passé un tel savon que je suis restée rattraper mon retard cette nuit. »
Harry grimaça. Susan avait deux enfants. En détaillant le visage épuisé de sa partenaire, il ressentit une pointe de colère envers leur chef. Celui-ci était inflexible depuis qu'ils étaient sur l'affaire Harris:
« Comment va Nathan ? »
« Oh, » Susan soupira et se frotta les yeux : « il va beaucoup mieux maintenant, mais il ne pourra pas retourner à l'école avant une semaine. Blaise est resté à la maison avec lui, mais nous allons devoir trouver une solution rapidement. Les briseurs de sorts ne courent pas les rues, et Blaise est l'un des meilleurs. Il a eu du mal à obtenir sa journée de congé. Les gobelins vont lui faire passer un sale moment lorsqu'il reviendra. »
« Tu as l'air épuisée. Repose toi quinze minutes, je te réveillerai si Perkins fait mine de passer par là. »
Susan lui jeta un regard reconnaissant. Une minute plus tard, elle dormait profondément, la tête posée sur une cape roulée en boule sur le bureau.
D'un mouvement de baguette, Harry charma son rapport pour qu'il aille par lui même se déposer sur le bureau de Perkins. Au même moment, la porte s'ouvrit sur Colin Jacobs. Celui-ci jeta un coup d’œil à Susan et s'avancer lentement jusqu'à son bureau. La gaucherie de Colin le faisait toujours afficher une mine circonspecte, comme s'il craignait de briser quelque chose par sa simple existence. Il fit un signe de tête à Harry, désignant Susan d'un air interrogateur. Harry articula « Perkins », et vraiment, aucune explication supplémentaire ne fut nécessaire. Colin se contenta de hocher la tête.
Harry envoya un mémo au secteur des archives de l'Agence, leur demandant de lui envoyer le dossier de Ivan Berlinski. Après une hésitation, il ajouta le nom de Draco Malfoy. Connais ton ennemi. Il secoua la tête pour chasser la vague de malaise qui l'avait envahi. Malfoy avait rempli sa part du contrat. Il n'aurait plus besoin de le revoir.
Les dossiers firent irruption dans le bureau dix minutes plus tard, manquant d'assommer Colin. Celui de Berlinski était conséquent. Harry fut un peu découragé à la vue du carton empli de coupures de presses, de rapports et de parchemins épars. Il se mit au travail sans plus attendre.
Deux heures à peine étaient passées, et il luttait déjà contre la somnolence en buvant son troisième café. Susan dormait encore, aucun de ses coéquipiers n'ayant eu le cœur de la réveiller. Colin était plongé dans ses pensées, gribouillant un schéma sans queue ni tête pour tout autre que lui. Quiconque ne le connaissant pas aurait déclaré qu'il paressait, mais Harry savait que le cerveau de l'homme était en constante ébullition. Il pouvait rester des heures sans bouger, le regard dans le vague, se redresser soudainement et faire avancer une affaire au point mort en liant des faits avec une facilité déconcertante.
Harry, lui, avait passé au crible la vie de Berlinski, sans grand succès. L'homme avait visiblement suscité les attentions de l'Agence à de nombreuses reprises, mais il savait assurer ses arrières. S'il était lié à de nombreux cambriolages, vols d’œuvres d'art, et soupçonné de jouer avec la magie noire, jamais les faits notés ne dépassaient la spéculation. L'homme était marié avec une très belle jeune femme de vingt ans de moins que lui, vivait dans un manoir non loin de Londres, et semblait très à son aise dans le milieu mondain. Harry vit défiler des dizaines d'articles détaillant des réceptions somptueuses et barbantes. Il combattit l'envie de laisser tomber sa tête sur son bureau dans l'espoir de s'assommer, et se remit à sa lecture.
Une heure plus tard, alors qu'il commençait sérieusement à envisager de prendre son café par intraveineuse, son regard fut attiré par une coupure de presse qui s'était échappée du carton. Fronçant les sourcils, il s'en saisit. Une photographie montrait deux hommes en grande conversation. L'un deux, qu'Harry reconnut comme étant Ivan Berlinski, était petit, gras et moustachu. Le sourire qu'il lançait à son interlocuteur était quelque peu inquiétant, dévoilant des dents d'une blancheur éclatante, mais n'atteignant jamais vraiment ses yeux. L'autre était un homme séduisant, aux longs cheveux bruns ramassés en queue de cheval. Il était vaguement familier à Harry, mais aucun nom ne lui venait à l'esprit. Il jeta un coup d'oeil à la légende.
Ivan Berlinski et le jeune Auror Bill Saddler au gala annuel du ministère, Novembre 2000
Bill Saddler. Harry l'avait rencontré au début de sa carrière, lorsqu'il moisissait encore dans son bureau au ministère. L'homme était son aîné d'une dizaine d'année, et avait bénéficié d'une ascension rapide. Il était adjoint au chef des Aurors, prêt à prendre la suite de Robards lorsque celui-ci partirait en retraite, ce qui ne serait certainement pas l'apogée de sa carrière politique. On parlait déjà de lui comme du prochain ministre de la Magie.
Quelques mots étaient griffonnés à côté de la photo. Harry plissa les yeux pour déchiffrer l'écriture en patte de mouche.
Sweetlove - cas potion éternelle. Saddler. Attention.
Harry haussa un sourcil. Cela n'avait aucun sens, mais les mots lui avaient rappellé quelque chose.
« Sweetlove, Sweetlove, » marmonna-t-il, fouillant ses souvenirs en vain. Le nom semblait familier, mais il était incapable de trouver pourquoi.
« Colin ! »
« Mh ?, » l'homme leva la tête, surpris que l'on perturbe le cours de sa réflexion.
« Sweetlove, ça te dit quelque chose ? »
« Sweetlove ? Vaguement, oui. », il fronça les sourcils et réfléchit un instant : « L'une des rares affaires de collaboration entre l'Agence et le bureau des Aurors, il me semble. Ça remonte bien à dix ans. Une histoire de trafic de potions éternelles, la plupart illégale : potion d'Imperius, potions dolorisantes... Edmund Sweetlove, c'est le type qui a fini par être arrêté. Il s'est suicidé dans sa cellule avant que les Aurors n'aient eu le temps de l'interroger, mais après cela, le trafic a cessé. Je n'étais pas dessus, j'étais encore un bleu à l'époque, mais l'affaire a fait du bruit.»
Harry cligna des yeux. Quel rapport avec Berlinski et Saddler ? Il se leva, traversa la pièce et tendit le morceau de journal à Colin :
« Cette écriture, ça te dit quelque chose ? »
Colin baissa distraitement les yeux vers la coupure. Il releva brusquement la tête, comme s'il s'était piqué. Il avait pâli :
« Oui, je la reconnaîtrais parmi cent. Ryan Flanders. Il a commencé de travailler à l'Agence à sa création, en 1998. Il était très doué. Il m'a appris beaucoup, quand je suis arrivé. Il a été assassiné il y a neuf ans. On a jamais trouvé le coupable. »
Colin ferma les yeux et reprit lentement :
« D'ailleurs, c'est lui qui avait supervisé l'affaire Sweetlove. Il était quasiment le bras droit de Perkins. Après sa mort, Perkins était abattu. » Il fit une pause, fronça les sourcils en regardant à nouveau la photo : « C'est étrange, cette photo date de Novembre 2000. L'affaire Sweetlove était résolue à ce moment. Je me demande pourquoi Flanders a écrit ça. »
Harry frissonna. Il ne croyait pas aux coïncidences.
« Et Saddler ? Il était sur l'affaire ? »
« Oui, il me semble qu'il faisait la liaison entre l'Agence et le Bureau des Aurors. Qu'est-ce qui t'arrive, Harry ? Tu fais une de ces têtes... »
Harry soupira et résuma la situation à Colin. L’œil de Rê, la probable implication de Berlinski. Et il désigna la photo :
« J'ai un mauvais pressentiment depuis que je suis tombé là dessus. J'ai l'impression que l'affaire est encore plus tordue qu'on ne le pensait. »
Colin fronça les sourcils, puis ses yeux s’écarquillèrent :
« Tu penses que Saddler est un pourri ? Qu'il était dans le coup de l'affaire Sweetlove avec Berlinski ? Qu'il a une relation avec l'affaire Harris ? », il hésita, pâlit encore plus et reprit à voix basse : « Qu'il a organisé l'assassinat de Flanders parce qu'il enquêtait sur lui? »
Harry soupira. Colin était trop intelligent pour son propre bien :
« Je ne peux pas tirer de conclusion comme ça, pas sans preuves. Mais il faut admettre qu'il y a beaucoup trop de similitudes entre les deux affaires. Et de coïncidences. Je ne crois pas aux coïncidences. »
Harry griffonna un mémo pour demander le dossier de l'affaire Sweetlove aux archives. Quelques minutes plus tard, un parchemin entrait dans le bureau et se posait devant lui :
Dossier inexistant
« Comment ça, inexistant ?, » marmonna Harry, frustré. L'Agence gardait le dossier de la moindre des affaires. Parfois, les dossiers étaient mal classés, ce qui les rendait difficiles d'accès. Il grommela un juron. Il serait obligé d'aller aux archives du ministère.
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« Sous-sol 3, Archives ministérielles. »
Harry sursauta lorsque la voix désincarnée s'éleva. Il était légèrement nauséeux, comme toujours après un voyage dans l'ascenceur du ministère.
Il n'avait que rarement eu l'occasion de visiter les archives ministérielles, et la vue ne manquait jamais de l'impressionner. La pièce tenait plus du hangar, tapissé de rayonnages de dossiers à perte de vue. Il s'approcha du comptoir ou somnolait un jeune homme.
« Excusez-moi ? »
Le jeune homme sursauta et lança un regard noir à Harry :
« Badge, Identité, Accréditation. »
Harry tendit son badge au préposé :
« Potter, Harry. Accréditation dix-sept. »
En entendant sa réponse, le jeune homme rougit et se redressa sur sa chaise :
« Monsieur Potter ! Que puis-je faire pour vous ? »
« Je cherche le dossier d'une affaire classée il y a dix ans. L'affaire Sweetlove, concernant un trafic de potions éternelles. »
Le jeune homme saisit sa baguette et la pointa vers un parchemin. Il marmonna quelques mots, puis fronça les sourcils. Il secoua sa baguette un peu plus vivement, marmonna quelques mots de plus, puis se tourna vers Harry :
« Je suis désolé monsieur Potter. Le dossier est présent, mais il a été purgé. »
« Purgé ? »
« Quelqu'un l'a vidé. C'est très étrange. Les dossiers ne sont purgés qu'en cas de réouverture de l'affaire. Or, ce n'est pas le cas pour celle-ci. »
« Quelles sont les accréditations nécessaires pour accéder à ce dossier ? »
« Uniquement les personnes d'accréditation seize et supérieures à seize. »
Harry fronça les sourcils. Il remercia le préposé et sortit. Étrange, peut-être pas. En revanche, c'était définitivement suspect.
Plongé dans ses pensées, Harry descendit au niveau de l'atrium. Il jeta distraitement quelques noises dans la fontaine, et s'apprêtait à partir lorsque son regard fut attiré par une silhouette familière. Saddler.
Sans trop réfléchir, Harry lui emboîta le pas, aussi discrètement que possible. Il suivit l'homme pendant quelques minutes, durant lesquelles il s'arrêta plusieurs fois, discutant avec quiconque le saluait, distribuant des sourires autour de lui. L'homme avait l'air tout à fait inoffensif, songea Harry. Sauf que les apparences étaient souvent trompeuses, il l'avait appris à ses dépends durant son adolescence.
Soudain, Saddler se tourna et le regarda droit dans les yeux. Harry se figea. Saddler se dirigea vers lui et le gratifia d'un sourire aimable :
« Monsieur Potter. Quel plaisir de vous voir au ministère ! Voyez-vous, j'ai la curieuse impression que vous me suivez depuis quelques minutes. C'est ridicule, n'est-ce pas ? , » il lâcha un petit rire : « Je suis Auror, que voulez-vous ? Avec le métier vient la paranoïa. Vous pouvez comprendre ça, je pense. »
Harry n'eut que quelques secondes pour trouver une parade. Il s'insulta intérieurement pour s'être laissé avoir comme un bleu :
« Monsieur Saddler. Le plaisir est réciproque. Je cherchais à vous parler, en réalité. Je recherche des informations sur une affaire sur laquelle, il me semble, vous avez enquêté. »
« Bien entendu. » de nouveau, l'homme lui sourit. Harry frissonna. Saddler n'avait pas été autre chose que courtois depuis le début de leur conversation, et pourtant, quelque chose chez l'homme le mettait mal à l'aise. La façon dont son sourire n'atteignait jamais son regard, qui restait froid et calculateur, peut-être. Un sourire de requin, songea Harry
« Puis-je toutefois vous demander, » reprit Saddler, « Pourquoi vous ne descendez pas plutôt aux archives ? »
« Eh bien, je reviens tout juste des archives. Il se trouve que le contenu du dossier que je recherche a été purgé. Il n'est pas non plus à l'agence. Il s'agit de l'affaire Sweetlove, monsieur. Une histoire de trafic de potions. Cela remonte à quelques années, déjà, mais je me suis laissé dire que vous aviez activement participé à l'enquête. »
Si Harry n'avait pas été entraîné à observer et décrypter le langage du corps, il aurait probablement manqué la réaction de Saddler. Cela ne dura qu'une seconde, durant laquelle l'homme se tendit. Son sourire vacilla sur son visage, mais ne faiblit pas :
« Je me rappelle vaguement de l'affaire. C'était il y a dix ans. Elle a été résolue. Puis-je savoir les raisons de cet intérêt soudain ? »
Harry décida de jouer le tout pour le tout :
«Une enquête en cours semble présenter des liens avec l'affaire. »
« Et...puis-je vous demander quelle affaire en cours ? »
« J'ai bien peur que non, monsieur. Je n'ai pas le droit d'en dire plus. »
Le sourire de Saddler disparut. Il fixa froidement Harry, qui soutint le regard.
« Cette affaire, » reprit lentement Saddler : « a été résolue il y a dix ans. Il y a très peu de chances qu'elle soit liée à quoi que ce soit de récent. Vous devriez laisser les affaires classées ou elles sont, monsieur Potter. Déranger les vieux fantômes...est toujours dangereux. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je suis attendu. »
Le sourire refit surface :
«Faites attention à vous, monsieur Potter. Merlin sait si ce métier est parfois dangereux. »
Harry regarda l'homme tourner les talons et partir en tournant et retournant cette dernière phrase dans sa tête. Jamais Saddler n'avait cessé d'être affable, mais la menace dans ses paroles avait été à peine masquée. Harry secoua la tête et retint un sourire insolent. La menace ne l'avait jamais effrayé, bien au contraire.
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Harry passa le reste de sa journée au bureau. Susan avait fini par se réveiller, plus efficace que jamais, et elle l'avait aidé à étudier le dossier Berlinski pour en tirer toute indication qu'il était plus qu'un collectionneur. Ils avaient fini avec une montagne de rapports, dont tous traitaient d'un lien éventuel d'Ivan Berlinski et divers crimes, aucun ne parvenant à avancer des preuves directes contre l'homme.
C'est légèrement désespéré qu'il prit le chemin du retour. Il rentrait souvent chez lui à pieds, lorsqu'une affaire particulièrement difficile le laissait impuissant. D'ordinaire, la sensation de frustration s'estompait après quelques kilomètres. Mais cette fois ci, il trouva l'extérieur oppressant. L'automne était déjà avancé, et bien qu'il ne fut pas tard, la nuit était tombée sur la ville. Il traversa à la hâte un parc désert, jetant des coups d’œil nerveux derrière son épaule. Il se sentait épié.
Harry secoua la tête et ralentit le pas. Il refusait de céder à la paranoïa. Le parc, déserté par les enfants et leurs parents épuisés, avait des airs de scène de crime. Les balançoires grinçaient doucement, ondulant sous la pression constante du vent.
Lorsqu'il arriva enfin devant l'entrée de son immeuble, il poussa un soupir de soulagement. Il monta les escaliers quatre à quatre et ouvrit promptement sa porte.
A peine eut il fait quelques pas dans l'entrée qu'il se figea. Quelque chose n'allait pas. La main fermement agrippée à sa baguette, il parcourut la pièce du regard. Rien n'avait bougé, et pourtant tout était différent. Une odeur qui n'était pas la sienne flottait autour de lui. Une présence qui n'était pas la sienne. Il avança doucement, baguette pointée devant lui, prenant garde à ne pas marcher sur les lattes du plancher qui craquaient.
Un mouvement attira son attention. Presque imperceptible, une silhouette mouvante sur sa droite. Harry se jeta en avant. Un bruit mat, puis un glapissement étouffé se firent entendre lorsqu'Harry entra en collision avec l’intrus. Sans lui laisser le temps de réagir, Harry le plaqua contre le mur, collant fermement son avant bras sur la gorge de l'autre , la baguette pointée sur le visage. L'autre se débattit comme un beau diable, mais Harry tint bon.
« Lumos »
Lorsque ses yeux s'habituèrent à la soudaine clarté, Harry manqua de lâcher prise. Roulant des yeux comme une proie affolée, tentant d'échapper à la pression du bras sur sa gorge, Draco Malfoy se tenait devant lui. Lorsqu'il tourna son regard vers Harry, il sembla retrouver un semblant de calme et glapit d'une voix étranglée :
« Potter, lâche-moi immédiatement. »
Harry laissa échapper un rire incrédule :
« Je ne pense pas que tu sois en position de donner des ordres, Malfoy. »
L'autre grogna. Il sembla se résigner et cessa de tenter de fuir l'étau du bras d'Harry.
« Tu m'asphyxies. »
Harry sentit l'adrénaline refluer, remplacée par une colère froide. Sans lâcher prise, il serra les dents et siffla :
« Tu as exactement dix secondes pour m'expliquer ce que tu fabrique chez moi, avant que je ne m'énerve vraiment . Et, crois moi, tu ne veux pas que je m’énerve. »
Les yeux de Malfoy s’écarquillèrent, et Harry vit avec satisfaction quelque chose proche de la panique traverser les iris gris.
« P-Potter, honnêtement, tu ne crois pas qu'on pourrait parler de tout ça en adultes ? Sans asphyxie et sans vilains sortilèges ? »
« Cinq secondes. »
« Quelqu'un a placé un contrat sur ta tête. »
Harry resta sans voix. Il fixa intensément le visage de Malfoy, mais il n'y vit aucune trace de mensonge. Il desserra lentement sa prise sur la gorge de l'homme, qui fit rapidement un pas de côté en se massant le cou. Il regardait Harry, une expression méfiante sur le visage, comme s'il craignait une nouvelle tentative d'étranglement. Ses joues avaient pris une teinte rosée et sa voix était rauque:
« Bon sang, Potter, tu aurais pu me tuer ! »
« C'est ce qui arrive quand on s'introduit chez quelqu'un. »
Malfoy sembla décider que Harry n'était plus une menace pour sa vie, car il se détendit visiblement et haussa les épaules :
« Je n'avais pas le choix. Tu es surveillé, Potter. Si je t'avais abordé dans la rue ou donné rendez-vous, ça ne serait pas resté secret longtemps, et j'aurais fini à l'échafaud. »
La réponse calma quelque peu la colère d'Harry.
«Explique-moi »
« J'ai surpris une conversation entre deux de mes...partenaires en affaire – Harry lâcha un rire sans joie et Malfoy lui lança un regard noir -visiblement, quelqu'un a engagé des professionnels pour te faire la peau. »
« Qui les a engagé? »
« Je ne sais pas, Potter. Je ne me suis pas attardé. Écouter aux portes n'est pas très bien vu dans mon milieu. Tu dois bien avoir une petite idée ? »
« J'en ai quelques unes, en réalité. » grogna Harry en se rappelant sa conversation avec Saddler.
« Bien. C'est tout ce que j'avais à te dire. Je pense qu'il est temps pour moi de partir. Tu n'es pas un hôte très agréable, Potter », ironisa Malfoy en se frottant le cou.
«Attends ! »
Malfoy se tourna vers lui.
« Pourquoi m'as tu prévenu ? »
L'autre le toisa froidement :
« Contrairement à ce que tu sembles penser, Potter, j'ai un sens moral. Je n'apprécie pas l'idée que quelqu'un que je connais se fasse égorger parce qu'il s'intéresse aux mauvaises personnes. Surtout quand je l'ai poussé à s'intéresser à ces personnes. »
Malfoy se dirigea vers la porte.
« Attends ! »
Malfoy se figea, la main sur la poignée.
« Je...euh... » Harry se dandina nerveusement : « Merci. »
«De rien, Potter. » la voix de Malfoy s'était radoucie : «Fais attention à toi. Je ne voudrais pas avoir pris tant de risques pour rien. »
Lorsque la porte se fut refermée derrière Malfoy, Harry agrippa sa baguette et lança tous les sortilèges de protection qu'il pouvait. Lorsqu'il fut certain que son appartement était impénétrable, il se laissa tomber dans un fauteuil et plongea sa tête dans ses mains. Il aurait dû être paniqué à l'idée de tueurs à gages lancés à ses trousses, mais tout ce à quoi il pouvait penser, c'était le visage empourpré de Malfoy et sa voix rauque, et son corps si près du sien. Il grogna et posa une main sur son érection presque douloureuse.
Foutu Malfoy.
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Fin de ce chapitre!
N'oubliez pas les reviews, et à très bientôt pour la suite !
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