Chapitre II - partie 2/2
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La perspective que cet inconnu qui s’est amusé à mes dépens, me voie au plus mal me met hors de moi. Je voudrais leur crier à tous d’aller voir ailleurs si je suis. Le seul son qui sort de ma bouche est un râle. Seule ma fierté me retient de courber l’échine pour amoindrir la douleur en coup de poignard qui me perce le flanc.
Nom d’un dragon, c’est quoi ce bordel !
— Calme-toi, conseille le fils Hartmann. De vives émotions accélèrent le processus.
Qu’est-ce qu’il en sait ? Il n’a jamais eu à se transformer, lui ! Il est né dragon. Et puis qu’est-ce que j’en ai à battre de son avis ? S’il veut que je me contrôle, il ferait tout aussi bien de disparaître ! Sa présence est incompatible avec ma quiétude d’esprit. Il fronce les sourcils, avant qu’un rictus de colère ne déforme ses traits.
— Si tu veux mettre la vie de ta sœur et de ta mère en danger, tu es sur la bonne voie, Alexander.
— Ne me parle pas sur…
— Engel ! le rappelle à l’ordre son père, me coupant dans ma surenchère.
Engel… Ange. Le petit nom d’Evangeline que j’adore. Je ne peux que m’incliner devant l’ironie de ce monde. Ça laisserait n’importe qui pantois, non ?
— C’est dans l’intérêt de tous de le mettre au courant des enjeux et des risques, Père ! oppose-t-il d’un ton empressé. Ce n’est plus le moment de se la jouer tabou et Omerta Séculaire à la noix. Le temps nous est compté.
J’ai comme l’impression que mon elfe – mais non, ce n’est pas le mien ! – est bien parti pour se faire des détracteurs peu recommandables. Non pas qu’on recommanderait un détracteur, mais je n’ose dire ennemis. Le regard assassin que lui sert Theron et celui non moins réprobateur de Na’im ne lui réservent pas un avenir radieux au sein de la Communauté, s’il persiste dans cette lancée.
Bafouez l’Omerta Séculaire et vous vous faites belligérant de Theron Aydan. Sachant qu’Aydan signifie « feu » en celte, il est formellement conseillé de ne pas le contrarier. Les dragons de Feu sont réputés de plus en plus rares, mais figurent encore et toujours parmi les plus puissants. Après tout, ne sont-ils pas les dragons des origines ? De plus, seul un imbécile fini ferait d’un dragon de 3 siècles son adversaire.
Les dragons sont territoriaux de nature. C’est un secret de polichinelle. Pour arranger le tout, ils sont avides et particulièrement friands de « trésors », surtout ceux de leur prochain. De ce côté-là, le folklore mythique humain nous rend justice. Pour un dominant, il n’y a pas plus délicieux que de s’approprier ce qui, jadis, a appartenu à autrui. Naturellement, ça expose à des combats pour divers motifs de convoitise.
Si aujourd’hui ces joutes primitives ont quelque peu perdu de leur barbarie, c’était une autre chanson à une époque pas si éculée que cela. Traverser des siècles dans ces conditions ne dénote pas seulement d’une grande ruse. Et bien souvent, ça n’a rien à voir avec la chance ou la grâce.
— Tout est sous contrôle, fils, dit Clyde.
Je présume que Père essaye plus de se rassurer lui, que moi. Parce qu’ai-je l’air d’avoir le contrôle, là ? Je halète ; j’ai un putain de point sur le côté ; une saleté de lame invisible s’évertue à me trifouiller les côtes ; je suis taraudé par une satanée envie de sauter sur Engel pour lui faire payer son sale petit jeu… et l’embrasser par la même occasion. D’où qu’il me sort que tout est sous contrôle ?
— Vous plaisantez, j’espère ! persifle Engel.
Là, je suis d’accord.
— Engel ! gronde cette fois son père, son ton se faisant plus acide.
Là, pas d’accord.
Il y a au moins un qui a les couilles de me dire dans quel bourbier je suis empêtré et on me le met au bâillon de l’autorité paternelle ! Brawn veut certainement éviter que son fils aux idées un brin libérales ne provoque inconsciemment ce mastodonte de conservatisme qu’est Theron.
Au fond, cette rockstar dragon n’a pas vécu aussi vieux en jouant effrontément les anarchistes. Mais sa prudence en ce moment est le cadet de mes soucis. Aussi, je questionne Engel du regard, malheureusement occupé à dévisager Père d’un air réprobateur.
Pour le coup, il m’impressionne. Très peu se permettent de toiser Père comme il le fait, et j’en déduis qu’il est inconscient. Ce que semble aussi penser son géniteur puisqu’il se dépêche de détourner le regard acerbe du mien de cet imbécile téméraire.
— Clyde, votre fils doit quitter la propriété. Maintenant.
À ces mots, Theron, Na’im et tous les autres me dévisagent comme s’ils avaient affaire à un phénomène de foire. Il leur est presque inconcevable que je sois en plein Éveil. Et pourtant ils vont devoir se rendre à l’évidence. Le processus est bel et bien entamé. S’ils veulent mon avis, ils ont beau le dire hyper-précoce, moi je le trouve archi-lent et super-éprouvant.
— C’est absurde qu’il soit en plein Éveil, avance Na’im, incrédule.
— Peut-être que l’éclat de ses yeux vous soulagera de votre scepticisme, Basil, assène Brawn avec impatience. (Il était plus que temps de se montrer crédule, là !) Si Engel pense qu’on n’a absolument aucun contrôle ici, je lui fais entièrement confiance, martèle-t-il. Le temps presse. On doit l’emmener à l’Académie pour le bien de tous.
— Pourquoi ne le puis-je ici ? je demande.
Je déteste que l’on parle de moi comme si je n’étais pas là. Et c’est ce que tous ces adultes semblent faire. Na’im me dévisage, à croire que j’ai sorti une ineptie plus grosse que moi. Theron me sert ce regard que l’on a face aux simples d’esprit. Je n’ai jamais vraiment aimé ce dragon. La fiancée de mon frère recule d’un pas, tout chez elle hurlant qu’elle aimerait être à mille lieux d’ici.
— T’es bouché ou quoi ? glapit Klaus. Tu n’as rien entendu de ce qu’on t’a dit ?
— Le lui avez-vous seulement dit ? balance Engel, vicieux.
Il fait fi des poings serrés de Klaus et de son attitude hostile à son égard. Curieux, cette animosité entre eux. Se connaissaient-ils avant la réception de ce soir ? Il se tourne vers moi et me regarde droit dans les yeux.
— T’a-t-on dit que l’énergie libérée rayerait tout un village de la surface de la planète, ou réveillerait un volcan endormi depuis des siècles ?
Il s’essaye à de l’humour, j’espère ? Les yeux cruels de Theron lorsqu’il torpille Engel du regard m’apportent la réponse. Il vient d’enfreindre une clause de l’Omerta Séculaire. Autrement dit, il est dans le vrai. On est passé d’une propriété rasée, à tout un village. C’est une blague ! Ou plutôt c’est un cauchemar et je vais me réveiller.
Il s’avère que je suis bel et bien dans la réalité, lorsque je vois Père gronder de colère. Mère et Evangeline sont à l’approche, au volant d’une golfette. Mais qu’est-ce qu’elles foutent là ? C’est trop dangereux ici ! Et pas qu’ici… J’ai intérêt à prendre les choses en main, et vite. Tous ceux sur qui je devrais compter sont encore occupés à gérer leur choc. C’est à moi d’être choqué, fichtre !
— Qu’attendons-nous pour nous mettre en route ?
— Le trajet sera trop long, souffle Theron.
— Pas à vol de dragon, propose Brawn, suscitant de nouveaux froncements de sourcils.
— Il n’est pas en état de chevaucher un dragon ! assène Père.
Je m’insurge :
— Bien sûr que si !
— Ne te surestime pas, frangin, intervint Klaus. Ça a déjà commencé, ces douleurs dans tes côtes. (Je croyais les avoir mieux masquées.) Elles précèdent de violentes crampes dans les membres. Tu ne pourras pas tenir à dos de dragon avec. (Merci de me rassurer, ô mon frère.) À moins d’avoir une selle où caller tes jambes, renifle-t-il avec ironie.
Autant parler d’une utopie. Aucun dragon digne de ce nom ne porte de selle. Ce serait comme redonner vie aux pratiques abominables ayant eu cours à cette époque oubliée où humains et dragons vivaient dans la connaissance de l’existence de l’autre. Une selle est une des pires injures au dragon.
Je connais ce pan de l’histoire de nos ancêtres. Mais bon sang que je m’en bats la couille gauche en ce moment ! Si une selle garantit mon éloignement de la propriété et par conséquent la sécurité de ma sœur et de Mère, et de tous les employés du domaine, alors qu’il en soit ainsi.
Klaus a dû le lire sur mon visage pour justifier son expression horrifiée. Un rire surprend tout le monde. Même mon père qui peinait à renvoyer épouse et fille à l’abri dans la maison, se retourne pour dévisager Engel avec désapprobation. C’est officiel, le fils de la star est du genre rebelle. On ne dirait pas comme ça, sous ses airs policés.
Mère en profite pour gagner du terrain sur Père. Pour Eva, ça n’a aucun sens de s’abriter derrière des murs qui n’opposeraient qu’une résistance dérisoire au souffle de la transformation. En restant, elle aura au moins la chance de dire au revoir à son fils. Parce qu’une fois en partance pour la D. Academy, je ne les reverrai plus, Evangeline et elle, avant cinq longues années. Voire six, comme ç’a été le cas pour Klaus.
Ouais, traditions à la noix ! Pour le coup, j’adhère à l’état d’esprit « fuck the system » d’Engel.
— Je tiendrai à dos de dragon, dis-je, catégorique. La question ne se pose pas. Je dois le faire parce qu’il ne s’agit pas d’avoir le choix, ici.
Mon regard décidé parvient à les convaincre. Enfin, ils le sont tous une fois que Theron a donné son assentiment d’un bref signe de tête. La situation me dérange un peu. Si le chef du Haut Conseil n’avait pas donné son approbation, qu’aurait-on fait ? En plus, c’est un pur-sang. Aussi vieux et « sage » soit-il, est-il vraiment le plus apte à comprendre les préoccupations de sang-mêlé ? Je doute qu’il saisisse le quart de l’épreuve qui m’attend.
J’écarte ces pensées dangereuses. D’autant plus que la priorité va à la question de savoir qui vais-je chevaucher.
— On va devoir voler à ras de ciel, avec le garçon, dit Brawn, son explication semblant curieusement destinée à son fils. En plus de lui, je ne pourrai masquer que trois dragons, ma personne y compris. L’escorte sera donc limitée.
— Tu t’en sors bien mieux, habituellement, remarque Theron, les sourcils froncés.
Brawn semble perdre patience, mais ça ne se ressent pas dans sa voix lorsqu’il rétorque :
— Il reste encore trop humain pour que la magie dragonne soit efficace à 100%. Il va me demander beaucoup de concentration. Je viens de traverser la moitié du globe depuis l’Australie à tire d’ailes, Theron. Sans recharge en énergie, c’est le mieux que je puisse faire. Tu chevaucheras Engel, mon garçon, décrète-t-il.
— Quoi ?
La protestation vient de mon frère et moi. Klaus se dit le plus apte à me conduire à destination. Il a une vitesse de vol hors norme. Sans compter qu’Engel doit avoir du plomb dans les ailes suite à ses heures de vol. Il ne confiera certainement pas son frère à un lourdaud. Ce qu’il ne dit pas et qui semble pourtant évident, c’est que ce n’est pas la franche camaraderie entre eux.
Quant à moi, ce sont des pensées encore plus basses qui m’animent. Chevaucher Engel… Ça n’aurait pas dû avoir une telle connotation, mais le fait est que ç’en a. Engel l’a très certainement noté, vu son sourire en coin que je qualifierais presque de concupiscent. Le salopard !
— Il vaut mieux que ce soit moi, dit-il avec désinvolture. Déjà parce que Père n’a nul besoin de me soustraire aux humains. Contrairement à certains.
Il aggrave son cas à se montrer aussi hautain. C’est clair qu’ils ne seront jamais copains, Klaus et lui. Vu la façon dont il observe mon frère, on dirait que ce dernier l’amuse comme le ferait un ado trop imberbe, tentant de tenir tête à un adulte. Quel âge peut-il bien avoir ?
— Ensuite, il vous sera plus aisé de le surveiller sur mon dos, afin d’amoindrir le risque de chute. Deux garde-fous ne seraient pas de trop. Et enfin, parce que je confierais sans hésiter ma vie aux griffes de mon père, et certainement de mon frère si j’en avais un. En cas de chute libre à plusieurs mètres d’altitude, je leur ferais entièrement confiance pour me rattraper. Sans en plus avoir l’impression d’être une proie vulnérable sur laquelle fonce un prédateur de quelques tonnes, doté de griffes longues comme un bras et d’une queue tranchante ou perforante.
Il sourit, ce sadique, alors que Mère et Evangeline en frissonnent d’effroi. Elles ont beau être femme et fille de dragon, je pense qu’on ne leur a jamais décrit ces derniers sous cet aspect.
Je n’ai malheureusement pas la force de les rassurer, focalisé sur mes propres angoisses. Les douleurs dans mes flancs m’assaillent à présent des deux côtés. J’ai l’impression absurde que ma cage thoracique tente de se distendre, de s’agrandir dans une poitrine étriquée. Si cette discussion s’éternise, je ne vais plus tarder à grincer des dents.
Il est décrété que Brawn, Engel, Klaus, Père et moi prendrons les airs. Le chemin le plus court pour les autres, hormis le ciel, est la voie maritime. Dans les airs, soit ils devront voler sous le couvert des nuages et prendre le risque de croiser un avion. Soit ils devront monter encore plus haut, au-dessus du niveau des nuages et tutoyer la stratosphère, ce que très peu de dragons écaillés arrivent à faire.
C’est pourtant une capacité naturelle des dragons à plumes, dont la population est cependant faible. Si je dois caricaturer, les dragons à écailles seraient au carrefour du saurien et du chiroptère. Ils se déplacent presque aussi bien dans l’eau que dans les nuages.
La résidence secondaire de Père n’est pas loin de l’océan. Normalement, cinq minutes de trajet en voiture devraient rapprocher Theron et Na’im de la première crique. Un peu moins s’ils roulent à tombeau ouvert. Et il se pourrait qu’ils arrivent à destination avant nous. Ce n’est pas plus mal, la présence de Theron à la D. Academy accélèrera la procédure.
Klaus a ordonné à sa fiancée de rester. S’il dit compter sur elle pour s’occuper de la protection du domaine afin de rassurer Père, c’est surtout pour elle qu’il s’inquiète. De plus, encourir le courroux de Becker Père en mettant son unique fille en danger est la dernière chose dont on ait besoin. J’en viendrais presque à le trouver attendrissant à se montrer aussi protecteur, si ma souffrance physique ne me rendait pas égocentrique.
Là, je ne veux penser qu’à moi. Tu m’étonnes que personne n’en parle ! Qui raconterait au reste du monde une épreuve au cours de laquelle il a hurlé de douleur au point de certainement appeler sa mère ? Parce que je sens que ce n’est qu’un début. Un début timide qui pourtant me fait déjà serrer les dents. Je vais déguster à mort ! Et je me surprends à me demander si tous les hommes-dragons survivent à leur première transformation.
Bon sang ! Et si cela aussi, on nous le taisait à cause de cette fichue Omerta Séculaire ? Bravo Xander, monte-toi le bourrichon avec. Comme si tu en avais besoin !
— Hé, tu veux voir quelque chose d’inouï ? me demande Engel avec un clin d’œil.
À quoi joue-t-il ? Il croit que je n’ai que ça à faire ? Mais la douleur le cède à la perplexité puis à la curiosité d’assister à sa transmutation, m’accordant un répit bienvenu.
— Crystal est-il disposé à ce qu’on le chevauche ? lui demande Brawn.
On aurait peut-être dû commencer par ça… Sa question est légitime. Dans 99% des cas, on se heurte à un refus catégorique du dragon. Son majestueux ego ne souffre pas la comparaison avec une monture. Le seul être qu’un dragon accepte comme cavalier sans rechigner est l’individu qu’il considère comme sa moitié. Le fameux 1%. Dans quelques cas, s’il est moins intransigeant, sa progéniture en bas âge vient grossir ce pourcentage.
— Si c’est lui, il est plus que partant, assure Engel en me déshabillant du regard.
J’ose espérer que je suis le seul à l’avoir remarqué. Les autres sont trop focalisés sur l’urgence de la situation pour réaliser ce qui ne se dit pas entre nous. Quoique, je n’en jurerais pas au regard suspicieux de Mère et à celui plutôt dantesque que lui réserve Klaus. Mais qu’est-ce qu’il y a entre eux ? Je relègue cela à plus tard.
Ainsi donc, son dragon s’appelle Crystal. N’est-ce pas un peu féminin ?
— Je vois, maugrée faiblement son père en remuant la tête.
Je ne saurais dire si c’est de consternation ou d’exaspération. Le moment est mal choisi pour se la jouer fanfaron. Je traite cela de fanfaronnade parce que je refuse de donner un autre nom à l’attitude douteuse d’Engel et à ses paroles aux connotations multiples. Surtout pas devant mes parents. Néanmoins, que peut bien signifier ce « je vois » laconique de son père ?
Engel fait un énorme bond en arrière, s’éloignant de Mère et d’Evangeline. Je lui en sais gré. Il lève les bras avec la grâce d’un danseur étoile exécutant une deuxième position.
— Voyons s’il est aussi remarquable qu’on le dit, marmonne Na’im d’un ton douteux.
Le commentaire me parvient alors que ce n’était probablement pas dans son intention.
L’espace d’un clignement de paupière, la silhouette d’Engel se brouille, s’épaissit, gagne en volume. Et la magie s’opère. En moins d’une seconde, un dragon quadrupède d’une hauteur au garrot de trois mètres se tient devant nous. Il est d’une taille tout à fait honorable. De la pointe de son museau à celle de sa queue effilée telle une lance, il doit faire dans les douze mètres de long.
Ses grandes pattes avant, souples et musclées s’étirent avec langueur. De son garrot épais à sa croupe, il n’est que majesté. Il secoue ses naseaux comme pour s’ébrouer d’être longtemps resté dans une position étriquée, allonge son long cou serpentin et renifle des vapeurs vers le ciel étoilé. Lorsqu’elles retombent sur le gazon, elles ne sont pas chaudes, mais froides.
Subjugué, j’avale la salive et ravale par la même occasion ma remarque de macho sur son surnom efféminé. Crystal lui va comme un gant. On n’aurait pas trouvé mieux. Ses écailles sont translucides, presque invisibles par endroit, irisés comme l’éclairage des écuries se reflète sur sa peau. Une nuance de vert dans son regard rappelle la couleur de ses yeux sous forme humanoïde. À la lumière du soleil il doit être littéralement éblouissant. Et invisible en plein vol. Parce qu’on a beau ne pas y croire, on voit à travers lui.
Je connaissais le héros de science-fiction, l’homme invisible. Je pense qu’il est temps de lui adjoindre la compagnie du dragon invisible. C’est à en perdre souffle et latin. Je comprends à présent pourquoi son père n’a pas besoin de le dissimuler. Ce dragon est le digne fils d’un mirage.
D’ailleurs Brawn ne cache pas sa fierté face à la fascination qui transfigure nos visages ébahis. Ma transformation relativement imminente vient d’être reléguée aux orties.
— Un dragon des Glaces ! souffle Evangeline, émerveillée.
— Non, ma jolie, répond une voix basse et profonde, sans perdre des intonations suaves et espiègles d’Engel. Je suis Crystal, un dragon de Verre.
Ce bruit doit être celui que vient de faire ma mâchoire en tombant.
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TBC. Chapitre III |