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III - partie 2/2

Chapitre III - partie 2/2

oOOo

La suite du vol est floue. Mon arrivée à la D. Academy l’est encore plus.

C’est dans un brouillard épaissi par la souffrance que j’ai survolé la baie de Donegal. Je me rappelle avoir sombré dans cet abîme de douleur lorsque nous passions le Ben Bulben[1]. C’est dans une brume sombre de tourments que j’ai atterri sur Slieve League. C’est le corps déchiré d’élancements horribles que j’ai traversé le monastère, cette vitrine trompe-l’œil de la D. Academy.

L’épreuve avoisinait probablement les supplices de l’Enfer, quand j’ai pénétré dans les grottes secrètes, sous le massif de la deuxième plus haute falaise d’Europe. Et dans un état second, voire tierce, je suis arrivé sur le campus de l’Académie. Mais mon esprit s’était déjà réfugié dans une lourde torpeur, pour couper tout lien avec mon corps supplicié. L’inconscience n’a eu aucun mal à réclamer ses droits sur ma personne, après ça. Aussi suis-je incapable de dire combien de temps a duré mon absence.

Quand j’ouvre les yeux, j’ai un doute. J’ignore si je les ai ouvert, à vrai dire. Je cligne des paupières pour m’en assurer et c’est bien le cas, ils sont ouverts. Mais ouverts ou fermés, il ne fait aucune différence. Je suppose que c’est ainsi que doit être un monde d’aveugle. Sauf que je ne suis pas né non-voyant, et je n’ai pas le sentiment d’en être devenu non plus. Alors je vote en faveur de l’autre explication. Ce n’est pas moi qui ne voit pas, c’est juste qu’il n’y a pas une seule source de lumière.

C’est l’obscurité totale. L’absolue nuit.

— Très intéressant.

— Qui va là ?

Non, je n’ai pas sursauté. Enfin, juste un peu. La voix est sortie de nulle part, avouez que c’est flippant, dans le noir ! Mon ouïe pourtant subtile ne m’aide absolument pas à deviner sa position. Elle a résonné de partout. Je tourne sur moi-même mais évidemment, je n’ai aucun repère. Cependant, ce n’est pas la présence inconnue qui m’effraie, mais le fait qu’elle me soit familière. Parce qu’elle a ma voix. Enfin, après un passage dans un amplificateur.

C’est moi, sans être moi.

— Vraiment très intéressant.

Son ton est enjoué. Pour l’instant, mon ouïe reste le seul sens fonctionnel. Je ne sens rien, que ce soit à l’odorat comme au toucher. La notion de goût me semble superflue et comme on le sait, je ne vois rien. Je ne suis que des oreilles tentant de décortiquer ce qui anime mon interlocuteur. L’autre moi. Et honnêtement, j’ignore ce que je me veux. C’est très angoissant, je dois dire.

Au fond, que gagné-je à paniquer ? Si c’est un prédateur, il se nourrira de ma peur.  Je ne ferais que lui donner des armes contre ma personne. Je vis une expérience mystique, je le sens. Quelque chose que je ne pourrai raconter à personne, parce qu’il faut l’expérimenter soi-même, le vivre pour comprendre. C’est pour ça qu’aucun sang-mêlé ne raconte son Éveil.

Je lui balance la première chose qui me vient à l’esprit :

— Tu vas aussi me sortir que tu sens les émotions ?

— C’est faisable, ça ? demande-t-il, surpris.

— Je connais quelqu’un qui peut.

— Ça me plairait de le rencontrer.

Il est intéressé. Ce serait peut-être le moment de négocier. Il faut que je sorte de cette prison de ténèbres, et j’ai le sentiment que c’est lui qui en détient la clé. Je suis probablement dans le monde de cette créature proche de moi, et pourtant si différente. Je n’en sortirai pas simplement en le lui demandant. Pas sans un échange, une transaction.

— Si tu me dis comment sortir d’ici, peut-être que ce sera possible.

— Oh, vraiment, vraiment très intéressant, susurre-t-il, de plus en plus énigmatique.

Mon angoisse grimpe d’un cran. Je suis mal à l’aise de ne pas parvenir à faire confiance à ma propre voix. Peut-être devrais-je commencer par mieux le connaitre.

— Comment t’appelles-tu ? Je suis Alexander Lehmann.

— Ravi de te rencontrer, Alexander. Tu permets que je t’appelle Xander ?

— Il n’y a que ma sœur qui m’appelle ainsi. Mais… tu peux.

— Pourquoi ?

— Pourquoi m’appelle-t-elle ainsi, ou pourquoi je t’en accorde la permission ?

J’ai bien noté qu’il n’a pas répondu à ma première question. Son nom a une importance. Je vais devoir le « gagner ». Il se pourrait que son patronyme soit la clé. Ceci dit, il subsiste l’hypothèse qu’il n’en possède pas, auquel cas je devrais lui en donner un. Mais certainement pas le mien.

— Tu es très retors, constate-t-il.

J’en déduis qu’il capte mes pensées. No panic ! La sensation devrait m’être coutumière, pas vrai ? Puisque que j’ai déjà été victime d’un tour similaire. Mais, sincèrement, ça me fait chier ! Je préférerais garder le monopole de mes pensées, si vous voyez ce que je veux dire ! Le fait qu’il lise en moi déséquilibre totalement le rapport de force.

— Ça tombe bien, je suis aussi tortueux, dans mon genre, poursuit-il. Pourquoi penses-tu que le déséquilibre est en ma faveur, Xander ? Et si c’était toi qui refusais d’entendre mes pensées, tout simplement ?

— Pardon ?

— Je ne les cache pas. Tu n’essayes pas d’entendre.

— J’entends ta voix, pourtant.

— Ce que je dis n’est pas forcément le reflet de mes pensées.

— Ça je sais !

— Tu m’étonnes ! Tu as passé ta misérable vie à dire des choses que tu ne pensais pas.

Je n’aime pas la tournure que prend cette conversation. Si on m’avait dit que rencontrer mon dragon équivaudrait à une séance de psychanalyse, j’aurais pris rendez-vous dans un cabinet médical. Je me serais épargné toute la souffrance m’ayant conduit ici !

Il pouffe de rire. Au moins partageons nous cet humour noir. Je ne suis même pas surpris de savoir que je dialogue avec mon dragon. Ça m’est venu avec naturel. C’était d’une implacable logique.

— Tu commences à penser au pluriel, remarque-t-il. C’est bien.

Ses propos sont presque abscons, mais c’est sans doute parce que je les appréhende avec un raisonnement typiquement humain. Or je ne le suis pas. Je suis un être hybride. Il est grand temps d’embrasser cette particularité.

— C’est mal si je ne le fais pas ?

— Pas spécialement. Mais la symbiose est quelque peu contrariée quand l’humain s’échine à se distinguer du dragon.

Bah… Je croyais qu’un homme-dragon avait une double personnalité !

— Eh bien, comme tu peux le constater, j’ai mon identité bien distincte de la tienne. Ça n’empêche pas d’être « nous ».

Je vais faire comme si je voyais où il veut en venir. Il éclate de rire.

— Tu ne me diras pas ton nom, hein ?

— Dois-je répondre à cette question ? murmure-t-il.

Opposer une question rhétorique à une autre question rhétorique, je crois que nous nous sommes bien trouvés. En attendant, comment sortons-nous d’ici ? Je perçois peu à peu ses émotions, ou du moins ses besoins. Ce n’est pas son monde, ici, contrairement à ma pensée de départ. Lui aussi veut sa liberté, mais il ne peut l’obtenir sans mon aide. Et inversement. Néanmoins, j’ai le sentiment un brin absurde qu’il ne me répondra que si je me pose les bonnes questions.

— Que nous faudrait-il ? demande-t-il, confirmant mes spéculations.

Pour commencer, on a besoin d’y voir plus clair.

— Sais-tu comment nous procurer de la lumière ?

— Je suppose.

J’arque un sourcil mais je suppose qu’il ne le voit pas. Et là, c’est le cas de le dire !

— Tu supposes ?

Se fout-il de moi, ou se joue-t-il de moi ?

— Je pourrais t’en procurer, dit-il avec réserve, mais il faut que tu me la nommes.

Je ne serais pas happé par ce jeu bizarre, je soufflerai d’exaspération ! Que ne puis-je lui sonner les cloches ! C’est quoi ces énigmes à la noix ? Hmm, ne nous emballons pas. Je dois garder la tête froide. Je ne peux m’empêcher de marmonner :

— Ce n’est pas le sphinx qui pose des énigmes, le sphinx est l’énigme.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

Je me doute que lui parler du Trône de fer, la saga fantasy de George R. Martin, lui soit d’une quelconque utilité. Mais pour moi, citer cet auteur à succès me parait très à propos : « le sphinx était l’énigme et non pas l’énigmateur ». Ce ne sont pas ses questions, mais lui que je dois comprendre. Sinon cette conversation ne rimerait à rien.

Or elle est la seule chose à laquelle je peux me raccrocher pour ne pas me perdre dans les ténèbres. Et elles n’attendent que ça. La moindre occasion de m’engloutir… De nous engloutir.

Soudain, je ressens leur froide oppression sur ma conscience. Elles pressent de partout ; tentent de m’étouffer. Ce ne sont que des ténèbres, et pourtant elles alourdissent peu à peu ma respiration. Le phénomène est de plus en plus étrange et se pare lentement d’un soupçon de danger. Quand je somatise mon angoisse, ça devient urgent. L’asphyxie me guette, et je ne suis pas le seul à souffrir.

— Au commencement, aux origines, quelle est la lumière acquise par l’homme ? me presse-t-il.

Le feu.

Je l’ai à peine pensé qu’une flamme est générée du néant. Elle enfle, grandit et bientôt je me tiens au cœur d’un brasier. D’une fournaise hurlante. Un cercle parfait de flammes orangées, rouges, jaunes, bleutées et vertes. Parfois, des nuances violacées vacillent entre elles. Le feu à l’état pur. L’essence même du feu. Pourtant je n’en ressens que la douceur, malgré sa fureur.

— Tu es homme. Je suis dragon. Le feu est mon présent.

J’en reste bouche-bée. Parce qu’à cet instant, j’en ai la conviction, je touche du doigt un des secrets de ce monde. Le feu est un présent des dragons aux humains. Ces derniers ne l’ont pas produit eux-mêmes. En tout cas, pas avant d’avoir reçu ce don de la race dragonne. Soudain j’en viens à me demander si tous les dragons ont offert un présent aux humains.

— Je l’ignore, m’avoue-t-il.

Ma décision est arrêtée. Néanmoins, je retiens mon souffle, au moment de confier :

— Si tu n’as pas de nom, je t’en donnerai un. Ce sera mon présent.

Aussi instinctivement que m’est venue la première révélation, je découvre que si les dragons ont offert le feu aux hommes, ce sont ces derniers qui l’on nommé « feu ». Les humains ont fait présent des « mots » aux dragons.

— Tu es vraiment très intéressant. (Il sourit, je le devine à sa voix.) Eh bien, comment comptes-tu m’appeler ?

— Oh, tu ne seras pas déçu. Il t’ira à merveille.

— Mais comment le saurais-tu si tu ignores à quoi je ressemble, Xander ? déplore-t-il avec gravité.

Mon assurance vacille. Il n’a pas tort. Mais…

— Je n’ai pas besoin de voir à quoi tu ressembles. Je le sais déjà. Je suis toi. Tu es moi. Donc tu me ressembles.

— J’espère bien que non ! proteste-t-il. Ressembler à quelqu’un qui ne vit pas pleinement les choses, qui se brime et se met des carcans comme tu fais, me ternirait.

Pour un soufflet, ç’en est bien un. Et il est douloureux, celui-là. Qu’essaie-t-il de me dire ? Que je n’entends pas ses pensées parce que je n’assume pas ce que je suis ?

— Exact.

C’est ma veine, ça ! Dois-je reconnaître mon homosexualité devant mon dragon pour qu’il m’accepte ? C’est le toupet ! Donc il lui faut mon coming out ?

— La question n’est pas là, Xander. Comment veux-tu me nommer si tu ignores encore qui tu es ?

— Mais je suis Alexander Lehmann !

— Qui est Alexander Lehmann ?

Je perds patience. C’est assez cuisant de devoir se prouver à soi-même qui on est. Le comble, c’est que l’exercice n’a rien de facile.

Le cercle de feu rétrécit considérablement. S’il avait cinq mètres de diamètre à l’instant, il n’en a plus qu’un. Malgré son rapprochement, la chaleur ne m’incommode toujours pas. Mais je perds de sa lumière. Les ténèbres reprennent le dessus. Elles gagnent en densité, en lourdeur, en noirceur. Je suffoque à nouveau.

Je suis en train de perdre le feu ! Le don offert par mon dragon. Elles vont me l’arracher, les ténèbres de ma propre âme. Le réaliser me fait paniquer davantage. J’entends comme une voix venue d’un autre monde. « De vives émotions accélèrent le processus. » Et les flammes continuent de vaciller. Elles tremblotent, se ternissent, se meurent. Il s’en va. Mon dragon s’en va, parce qu’il ne se reconnait pas en moi.

— Non, attends… !

Je crois que ma voix ne lui parvient plus. Je hurle, mais il s’éloigne de plus belle. Je désespère. Ce sentiment de déchirement est horrible.

— Reviens !

Je crie plus fort. En dépit de mes appels acharnés, de mes cris désespérés, il s’est retiré, me laissant dans la douleur de ma nouvelle solitude. Il s’est tout bonnement évanoui. Et j’ai été incapable de le retenir parce qu’en réalité, j’ignore son nom. Le nom que j’aurais aimé lui donner.

Le feu s’est éteint.

S’il te plait, reviens

Je suis à nouveau seul dans le noir. Perdu. Comme je l’ai toujours été.

_______________________________________

 

[1]Le Ben Bulben (écrit également Benbulben) est une montagne au relief tabulaire se dressant à 526 mètres au-dessus de la plaine côtière du comté de Sligo en République d'Irlande. Il fait partie du massif des Monts Dartry. La région est aussi connue sous le nom de « pays de Yeats », nommé d’après le poète William Butler Yeats (Prix Nobel de littérature en 1923).

-§-

TBC.
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