Épidémie - 3ème Jour
Le soleil se levait doucement à l'horizon. Sur une des jetées du port de Charleston, une femme assise enlaçait ses genoux. De longues et lourdes larmes ruisselaient sur ses joues. Derrière elle, une femme plus âgée, dûment armée d'un fusil automatique, surveillait ses arrières. Elle laissait la plus jeune admettre que ses tentatives pour quitter les USA par bateau étaient vaines et vouées à l'échec.
Après avoir fait le tour de Savannah, elles étaient remontées tout le long de la côte, jusqu'à Charleston.
La plupart des marins étaient soit transformés, soit hostiles à l'idée de partir de leur pays, soit trop attachés à leurs bateaux. Si Victoire était formée à de nombreuses compétences, la navigation n'en faisait pas partie.
Alors qu'elle se laissait aller à ses pleurs, à la déception et à la démoralisation, elle n'entendit pas sa mère armer son fusil, ni même le ricanement qui s'ensuivit. Un ricanement que le tac-tac-tac de l'arme arrêta.
Victoire sentit une main sur son épaule puis qu'on lui glissa un chiffon dans la main. Elle releva la tête et croisa une paire d'yeux bleus foncés. Daryl les avaient rejointes ou suivies, sûrement accompagné de Merle, le ricaneur.
Épidémie - 5ème Jour
Cela faisait deux jours qu'Eugénie tenait le volant du car. Sa fille était amorphe au fond du véhicule. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Son plus gros problème était de se faire comprendre des frères Dixon. Elle passait son temps à compulser le dictionnaire que sa fille avait emporté.
Les deux rednecks, selon toutes apparences, ne cherchaient qu'à créer un groupe, à pouvoir dormir dans l'immense camping-car et à pouvoir user de leurs armes et leurs vivres. Eugénie n'était pas si naïve de croire que si Victoire ne réagissait pas au plus vite les deux hommes resteraient avec elles, ou pire ne les tueraient pas pour récupérer leur matériel.
Devant leur véhicule, le pick-up de Daryl et la moto de Merle servaient d'éclaireurs. Ce cinquième jour depuis le début de l'épidémie était bientôt à sa fin et Merle cherchait un endroit où camper.
Ce fut près de la rivière Savannah qu'ils s'arrêtèrent, en pleine forêt. Les deux hommes avaient l'air d'apprécier bois et forêts. Cela convenait très bien à la vieille femme.
Après de longues et difficiles explications, Merle expliqua qu'il allait essayer de sortir Victoire de son désespoir. Elle sourit car elle le sentait capable de faire réagir sa fille.
Enfermés dans le camping-car, Eugénie prépara à manger pour quatre alors que Daryl nettoyait et fourbissait leurs armes. Merle, lui, se dirigea vers le fond du véhicule. Il baissa les yeux vers la pauvre chose recroquevillée dans un coin de la chambre.
- Alors, frenchie, on a la pétoche ?
Il jeta un coup d'œil à la femme plus jeune que lui.
- Comment la gonzesse qui n'a pas hésité à affronter mon frère et son arbalète ou même à faire la route jusqu'à Savannah et Charleston pour dégager d'ici, n'a-t-elle pas plus de courage que cela ?
Il n'obtint toujours aucune réaction de la part de sa vis à vis.
- Merde, frenchie, je sais que tu es, comme moi, une putain d'ancienne militaire, alors tu vas te reprendre et te bouger le cul. Ou c'est moi qui va te le botter ton beau petit cul.
Un simple clignement des yeux lui donna espoir. Il la prit par la gorge et la regarda droit dans les yeux.
- Bouge ton cul, frenchie ou tu ne vas pas y couper... je vais te faire quelque chose que tu ne vas pas du tout aimer ! Bouge ton cul, putain !
La main toujours sur le cou gracile, le redneck posa alors ses lèvres sur celles de Victoire. Ne constatant toujours pas de réaction, il décida de fourrer sa langue dans la bouche de la française.
La réaction, cette fois-ci ne se fit pas attendre. Pire, il sentait que la jeune femme mordait sa langue. Il la retira et poussa la jeune femme loin de lui.
- Mais t'es complètement tarée, ma pauvre, tu as failli m'arracher la langue !
Un rire rauque se fit entendre derrière lui.
- Te moques pas, frangin !
- Tu sais bien Merle que les filles détestent tes baisers.
- La vache, Dixon, qu'est-ce que tu as mangé ce midi ? Tu as un goût de cadavre ! Grogna la française
- Eh la ferme, frenchie, je t'ai sortie de ta crise !
- Pas une raison de m'embrasser, pauvre tâche !
- Oh, oh, calmez-vous, vous allez rameuter les rôdeurs ! Intervint Daryl
C'est alors qu'Eugénie s'approchait d'eux avec une casserole et sourit devant le tableau de sa fille s'essuyant la bouche.
- Oh, cool, j'ai une faim de loup ! S'écria Victoire.
Les deux hommes secouèrent la tête et Merle rétorqua.
- Bien sûr, imbécile de frenchie, tu n'as rien mangé depuis deux jours !
Tout en se dirigeant vers la mini-cuisine à la suite de sa mère, elle se retourna vers eux : "Ah oui ? Et bien faut régler cela tout de suite ! Vous n'avez pas faim vous ?". Elle leur adressa un immense et radieux sourire.
Merle soupira et la suivit tandis que Daryl resta là sans bouger, muet d'admiration. |