Fugitive innocence.
La vie dans les yeux de Marine, c’était comme si la liberté nous tendait les bras, le vent dans nos cheveux et nos doigts liés. Les yeux de Marine, c’était les vagues qui se brisent en mousse sur les rochers et la tempête sur la lande bretonne.
Elle était belle comme un soleil de mai, dans sa robe blanche, les poches pleines de souvenirs froissés. On s’était embrassés près de la barrière, là où on avait fumé notre première cigarette, deux enfants qui jouent aux grands.
Elle était belle, quand elle dansait sur le vieux pont, les fées l’appelaient dans leur cercle, mais elle était déjà trop vieille, avec ses manières de femme-enfant, et je la serrais fort contre moi, pour la garder la vie toute entière.
Je l’avais attendue, ce dernier jour de septembre, près du vieux chêne. Elle s’y adossait tout le temps, et nous avions gravé nos initiales sur son écorce. Je l’avais attendue, parce que c’était la dernière fois que je devais la voir. C’était Paris, qui me tendait les bras, et Marine, qui s’accrochait à moi.
J’avais choisi, le train m’emporterais loin de Marine, et elle était déjà un peu comme une carte postale d’antan. Je l’avais attendue, étendu dans l’herbe, comme lorsqu’elle s’allongeait près de moi.
J’étais revenu devant sa maison, il n’y avait plus qu’un vieux vélo d’enfant, bleu un peu écaillé, comme une photo vieillie. C’était le quatorzième été que je passais loin de Marine, et il ne restait que le souvenir fugace de notre innocence. |