Lorsqu’elle est entrée, j’ai cru un instant que c’était toi. Elle te ressemblait, bien qu’elle soit aussi blonde que tu n’es brune. Une fragilité dans le regard peut-être, ou son corps frêle emmitouflé dans un manteau trop grand. Elle ne ressemblait pas à grand-chose finalement, lorsqu’elle a poussé la porte du bar.
Elle s’est assise au comptoir, juste à côté de moi, et a commandé. Une bière entre les mains d’une femme, j’avais toujours trouvé ça d’une vulgarité sans nom. Je détestais lorsque tu en buvais. Mais chez elle, ça lui allait bien, les bulles sur ses lèvres et l’or dans ses yeux. Ses yeux rouges et flous de larmes qu’elle ne laissait pas couler.
« Vous allez bien ?
- Oui.
- Vous mentez.
- C’est vrai.
- Comment vous vous appelez ?
- Sophie.
- Thélo. Alors Sophie, dites-moi ce qu’il vous arrive.
- Vous vous en fichez.
- Peut-être. Mais on est là tous les deux à noyer notre désespoir dans l’alcool un dimanche soir.
- Mon fils vient de repartir chez son père. Ca fait trois mois, je ne suis pas encore habituée.
- Ma copine m’a largué. »
La musique était assourdissante, et nous étions obligés de nous rapprocher pour nous entendre. Ses lèvres près de mon oreille et mon nez dans son cou, respirant son parfum de fleur. C’était le moment parfait pour l’embrasser. Elle était belle, absolument magnifique. Mais je ne pouvais m'y résoudre.
Alors c’était comme ça mon amour ? Tu avais décidé que je n’appartiendrais qu’à toi ? « Je ne t’aime plus, mais ne va pas voir ailleurs. » Tu m’avais condamné à regarder les femmes, les trouver désirables, mais tu ne m’autorisais pas à les toucher. Sophie attendait, près de moi, que je fasse quelque chose. Je finis mon verre, et m’enfuis hors du bar. |