L'inspecteur Fairfox se réveilla difficilement, les yeux encore scellés de sommeil. Il était resté devant son ordinateur une bonne partie de la nuit, obsédé par l'affaire Hunter. Pour seule compagnie une bouteille de Gold Strike, il avait contacté plusieurs connaissances, consultés des milliers de sites, mais sans aucun résultat.
Depuis la mort de Braig Hunter, deux semaines auparavant, l'affaire pataugeait, et à part Axel, tout le monde était passé à autre chose. Le problème Hunter était passé aux archives, en attendant que le meurtrier refasse parler de lui. Pourtant, il refusait de relâcher sa vigilance, sentant que quelque chose dans cette affaire n'était pas tout à fait commun.
Emergeant donc de la nappe de sommeil dans laquelle il était plongé, l'inspecteur se frotta vigoureusement les yeux, et ouvrit la fenêtre de sa petite chambre. Il n'était pas pressé de retourner travailler. Quand il se jetait corps et âme dans une affaire, ce qui était le cas depuis le début du dossier Hunter, il s'embrouillait devant les cas les plus simples, et tout le monde s'en était rendu compte. Même Dyme, qui n'osait jamais rien lui dire, avait remarqué que son ami et mentor avait changé.
La dernière fois qu'il s'était autant investi, il avait reçut une balle dans la main gauche, et en gardait une longue cicatrice, lourde de souvenirs. C'était depuis cette époque qu'il s'efforçait à toujours mettre de la distance entre lui et son entourage professionnel, victime ou suspect.
Il espérait donc trouver rapidement une solution à cette mystérieuse affaire, de peur de replonger dans une addiction dévastatrice et d'y perdre une nouvelle fois un morceau de lui.
Très rapidement, Axel se leva de son lit et se fit couler un café. En le buvant lentement, il laissa échapper un profond soupir, en contemplant les pales rayons de soleil qui traversaient sa fenêtre. Il fallait qu'il se libère de l'emprise de cette affaire au plus vite.
Allumant sa cigarette matinale, il se fit violence et s'habilla pour aller travailler. Il n'avait aucune envie de faire des efforts vestimentaires, considérant qu'il n'y avait personne pour les remarquer. Mise à part peut être Aerith, qui, il en était certain, le regarderait de la même façon, qu'il soit habillé en costume hors de prix ou en maillot de bain.
Après avoir sauté dans un jeans et enfilé un trench-coat, il grimpa dans sa voiture, ruminant toujours les mêmes pensées. Quand il arriva au bureau quelques minutes plus tard, le visage salit et le trou béant de la poitrine de Braig Hunter tournaient encore en boucle dans son esprit tourmenté.
Quand il poussa la porte du cabinet, l'inspecteur Fairfox sentit se poser sur lui le regard discret et léger d'Aerith, qui l'observait toujours en cachette quand elle en avait la possibilité. Il ne se retint pas de sourire à cette constatation. L'inspecteur n'avait jamais brusqué la jeune femme, et faisait toujours semblant de ne pas remarquer ses longs coups d'œil. Il l'appréciait beaucoup, et il s'était toujours demandé s'il se passerait un jour quelque chose entre eux.
– Bonjour Mademoiselle Gainsborough. Des nouvelles pour moi ?
La jeune femme se mit à rougir, mais répondit en gardant la voix calme et douce.
– Inspecteur Fairfox, j'ai bien peur que M. Mueller veuille vous voir, et ça semble assez urgent.
La petite grimace gênée qui apparut sur le visage d'Aerith confirma ses dires. L'inspecteur se mordit légèrement la lèvre : "Qu'est ce que j'ai encore foutu pour que le chef veuille me voir ?"
Il se tourna vers la jeune femme et dissipa ses angoisses d'un sourire. Essayant de se détendre, il prit la direction du bureau de son chef, légèrement inquiet. Il s'arrêta une seconde devant la porte, devinant la silhouette de l'homme, assis derrière la table. Prenant son courage à deux mains, il se décida à frapper. Presque immédiatement, il entendit un retentissant "Entrez !".
Axel se faufila dans le bureau, légèrement mal à l'aise.
– Fairfox, asseyez vous ! J'ai quelque chose d'important à vous transmettre.
L'inspecteur avala sa salive, impressionné par la grande stature d'Ansem Mueller. Il s'assit en face de lui, fébrile.
– J'ai fais quelque chose de mal chef ? – Oh non, pas encore ! Je voulais juste te dire qu'il y a du nouveau dans l'affaire Hunter. Une femme nous a appelé hier soir, parce qu'elle était dérangée par une odeur épouvantable chez son voisin. On a un cœur qui a disparut, et un petit papier. On a un 2ème corps Fairfox !
L'inspecteur sembla tout à coup se réveiller d'un long sommeil et ne put dissimuler l'excitation dans sa voix lorsqu'il reprit la parole.
– Est-ce que vous avez un dossier à me faire voir ? Je peux m'y mettre tout de suite. – Passes voir Aerith, elle a ce qu'il faut pour toi. Mais essayes de ne pas te surmener, Fairfox. T'es pas tout seul sur cette affaire.
En remerciant son chef, l'inspecteur se précipita vers le comptoir de la jeune secrétaire. En souriant, elle lui tendit une épaisse chemise en carton. Axel lui saisit la main et lui rendit son sourire.
– Merci beaucoup Aerith, vous êtes vraiment la meilleure.
Serrant la chemise contre lui, il entra dans son bureau et eu l'agréable surprise d'y trouver Dyme, souriant derrière ses cheveux en bataille.
– Salut Ax' ! Alors, du boulot pour nous ?
Axel posa le dossier devant lui et lui expliqua la situation. Un éclair passa dans les yeux bleus du jeune assistant qui s'absenta quelques instants, et revint avec deux gobelets de café fumant.
– Allez, au travail !
Axel comme Dyme étaient fascinés par cette sordide affaire de meurtre, et mirent toute leur énergie dans la lecture du dossier. L'un comme l'autre étaient à la recherche de l'erreur, de la faute, de l'indice qui trahirait le tueur.
La malheureuse victime s'appelait Dilan Stewart, avait 31 ans. C'était un militaire respecté, qui n'avait jamais fait parler de lui. L'homme n'avait pas été tué de la même façon que Braig Hunter, mais il semblait évident qu'il s'agissait du même tueur. Le cœur avait été soigneusement prélevé du corps, et à quelques centimètres de sa tête gisait le mot tapé à la machine, sur lequel on distinguait :
" Xaldin. No 3. La Lance Tourbillonnante"
Toujours cette même incohérence de prénom, toujours ce numéro et ce titre étonnant, il ne faisait aucun doute que la même personne était à l'origine de ces massacres.
L'inspecteur était très content de ne pas avoir découvert ce corps, qui, selon les photos fournies dans le dossier, devait sentir horriblement mauvais. Transpercé de trois profondes blessures, très probablement causées par une lance de collection que M. Stewart gardait chez lui, le corps était presque vidé de son sang, et l'état du cadavre était déplorable. Le visage blanchâtre était totalement flétri, les mains crispées dans un dernier signe de douleur, et la faiblesse de ce corps auparavant si puissant faisait peine à voir.
Axel remarquait pourtant un détail : à part le corps, dans un lamentable état, tout le reste de la maison était intacte. Aucun signe de lutte, rien. Détail qui était également respecté dans le cas Hunter. Cette découverte laissa les deux jeunes hommes perplexes. Cela pouvait signifier que les deux victimes connaissaient leur tueur, et qu'aucun d'entre eux ne s'était défendu, perceptive qui semblait totalement impossible en voyant la carrure de Dilan Stewart.
Les deux jeunes gens se perdaient dans les dossiers, et les résultats des analyses n'arrangeaient rien. Le sang retrouvé sur les lieux n'appartenait qu'à la victime, et aucune empreinte n'était ressortie des recherches.
Le tueur était méticuleux, très doué, et surtout, terriblement dangereux. Et c'était exactement le genre de personne qu'Axel Fairfox adorait poursuivre. |