Chapitre troisième : Pas de maître
1976 - 7ème année de scolarité à Poudlard.
oOo
Minuit se lève en haut des tours
Le château de Poudlard est impressionnant vu d'ici, comme une forteresse se découpant sur un ciel opaque.
Je jette un œil accusateur à la pleine lune et je serre un peu plus mes bras autour de mes genoux, vaine tentative pour me protéger du froid.
Je pourrais rentrer. En toute franchise ça me simplifierait les choses. Mais je n'y arrive pas. C'est une faiblesse que je m'accorde tant que je le peux encore.
J'attends, recroquevillé sur ma branche, au bord du lac. Je discerne parfois le mugissement du calamar géant. La clarté est surprenante malgré la nuit. A cause de la lune.
Je la déteste de toute mes forces de me priver d'obscurité.
J'aurais préféré rester dans le noir. J'aurais préféré ne pas savoir.
Parce que le fait de savoir n'a rien changé. Et je me sens rongé par une amertume effroyable, chaque jour davantage.
Une amertume à l'encontre du monde et, plus grave, de moi-même. Parce que ça ne m'a pas rebuté. Ça ne m'a pas dégoûté.
Parce que la pleine lune m'a donné un prétexte idéal pour mettre un terme à cet embryon répugnant d'affection. Et que je ne l'ai pas saisi.
Alors je la guette, je la regarde évoluer dans le ciel, je la vois avec angoisse devenir gibbeuse. Je voudrais trouver un sortilège de magie noire suffisamment puissant pour me racornir le cœur, pour ne plus avoir à sentir la montée lente de l'inquiétude, pour ne plus avoir à souffrir ces nuits-là.
Mais j'ai beau m'user les yeux sur les parchemins de la bibliothèque de mon grand-père, je n'en ai pas trouvé l'ombre d'un. Alors à chaque pleine lune je me faufile hors de mon dortoir, prenant des risques absurdes et d'une inutilité sans commune mesure pour grimper là, sur l'une des branches porteuses du saule, au dessus du lac. Je distingue le château à travers les branches et je fixe la forêt interdite jusqu'à tomber de fatigue.
C'est ma manière de lutter, de ne pas me laisser envahir par autre chose que des sentiments venimeux. Je viens pour me rappeler que j'ai une raison pour le détester, et que, fatalement, je ne m'éprends de lui que davantage.
Ces nuits-là, jusqu'à l'aube, accompagné par ces sombres imbéciles de compagnons, Lupin devient loup.
OoO
Quand j'étais encore à peu près sain d'esprit, je passais mes nuits à dormir. Maintenant je suis insomniaque et le parc de Poudlard a quelque chose de lugubre une fois que la vie et les braillements imbéciles des élèves se sont estompés.
Les voix se taisent et tout devient aveugle et sourd La nuit camoufle pour quelques heures Les zones sales et les épaves et la laideur
Et la manière dont j'occupe mes pleines lunes n'a rien de romantique. Je le fais par dépit. Par rage d'imaginer Potter, Black et Pettigrew vagabonder avec leur monstrueux ami.
D'autant plus monstrueux que son charme n'a pas bougé d'un pouce.
Je vis différemment les absences de Lupin, son indifférence.
Peut-être à cause des excuses qu'il est venu me présenter l'année dernière, après avoir failli me tuer.
Ça a été la pire nuit de ma vie. Je me suis réveillé au matin avec une dette envers Potter et avec le sentiment désagréable qu'un trou béant s'était logé dans ma poitrine.
Lupin est venu me voir le surlendemain, après avoir quitté l'infirmerie. Une vilaine cicatrice était encore visible sur son cou et je n'ai pu en détacher le regard de tout l'entretien.
Quand il m'a appelé « Severus », j'ai eu envie de me blottir dans la chaleur douce de sa gorge et je ne l'ai pas fait.
Depuis il me manque.
C'est idiot, inadéquat.
Depuis je n'arrive pas à être en colère contre lui alors je m'irrite de tout le reste.
Blotti contre l'écorce, mes pensées divaguent et me ramènent à mon dernier séjour chez mes parents.
Mon grand-père était là. D'habitude quand je rentre à la maison, je ne vois presque que ma mère. Mon père est toujours parti picoler ailleurs. Et la présence de ce grand-père, qui au sein de mon éducation brille d'habitude par son absence, m'a troublé, d'autant qu'il m'a apporté un intérêt pour le moins inhabituel.
Je n'aimais pas sa manière torve de me regarder. Puis, après le diner, il m'a interpellé
- Severus ! Viens ici.
Je l'ai regardé surpris, comme si j'avais mal entendu mais son regard était équivoque. Alors je l'ai suivi dans le salon où nous nous sommes assis. Il n'a rien dit pendant un moment, je commençais à me sentir mal. Je me tenais trop droit et je ne savais pas où mettre mes mains. Elle étaient moites mais je n'osais pas les essuyer sur mon pantalon. Puis il a attaqué brusquement
- Comment ça se passe l'école ?
Je suis resté coi. Comment se passait l'école ? Mais qu'est-ce qu'il en avait à faire de comment ça se passait à l'école ? Mal, ça se passait mal, voilà. J'étais obsédé par un stupide sang-mélé, loup garou de surcroît, comment les choses auraient pu être autrement que nulles, pitoyables, douloureuses ? Il continuait à m'observer attendant une réponse. Il tentait de sourire pour m'encourager, mais le tressaillement à la commissure de ses lèvres trahissait l'effort que lui coûtait d'avoir à me sourire. J'ai donc opté pour une réponse brève, efficace, me permettant d'esquiver le moindre débat.
- Bien. Il m'a fixé en hochant la tête. Visiblement c'était la bonne réponse.
- D'après le professeur Alzaran, tu as des prédispositions pour les potions.
Je me suis demandé comment mon grand-père avait pu se mettre en contact avec notre professeur de défenses contres les forces du mal. Et surtout comment il avait pu avoir des informations sur un cours dispensé par Slughorn. Une lueur excitée valsait dans ses yeux. Je me suis contenté d'approuver d'un hochement de tête.
- Excellent.
Il y a eu un silence, durant lequel j'avais la sensation oppressante que les murs se rapprochaient de moi. Je me sentais pris au piège, même si j'ignorais encore quelle était sa teneur. Le suspens fut de courte durée.
- Mon garçon. Tu es grand maintenant et je voudrais que nous parlions de choses sérieuses. Le monde est en train de changer. Il y a là dehors, deux clans qui se forment. Le premier est poussiéreux, se cache sous de bons sentiments mais encrasse le monde. Les autres sont l'avenir. Tu comprends Severus ? Je voudrais qu'à la sortie de l'école, tu mettes tes talents au service de l'avenir.
OoO
Un hurlement caractéristique me ramène dans le présent. Moi aussi je voudrais hurler à la mort mais le cri reste bloqué dans ma gorge à m'en faire mal.
Mon aïeul m'a parlé longuement, d'un sorcier à la puissance extraordinaire, qui cherchait à rassembler des partisans pour rendre le monde meilleur, exempt des tares de la nature. Les hybrides. Les moldus. Ceux qui détruisent le monde, qui le rendent méprisable.
Je sais qu'il pensait à mon père. Mais je n'ai pas protesté. C'était la première fois que mon grand-père m'accordait de l'attention et j'étais déchiré entre l'envie d'en être digne et l'horreur que m'inspirait un monde où les êtres comme Lupin seraient traqués. Je suppose qu'il me demandera de lui répondre la semaine prochaine, quand je rentrerai pour les vacances de Noël.
A la fin de la discussion il m'a demandé d'y réfléchir, sur un ton qui laissait entendre que c'était déjà tout réfléchi.
Pourtant j'y pense. J'y pense sans cesse. Je voudrais ne pas avoir à faire ce choix
J'ai pas choisi de naître ici Entre l'ignorance et la violence et l'ennui
Je sais que mon choix sera décisif pour mon destin. Que ma vie entière va dépendre du dilemne que mon grand-père m'a posé.
La question est : qui veux-je être ?
A l'horizon, l'aube point et les premiers rayons transpercent le ciel comme des lames acérées.
D'habitude je suis de retour avant le matin. Mais je me suis laissé aller à tant de divagations cette nuit, que le sommeil ne m'a pas rattrapé.
Bientôt je vois trois silhouettes qui regagnent le château au pas de course. Si je voulais, il me suffirait d'un claquement de doigts pour les dénoncer et les faire renvoyer. Lupin a peut-être la protection de Dumbledore mais les trois autres n'ont certainement pas le droit de découcher les soirs de pleine lune.
Je ne le fais pas parce que ça ne m'amuse plus. Cette vengeance ne m'intéresse pas. Ces trois crasses méritent une punition plus élaborée. Surtout Black.
Quand je pense que ce type a la chance d'appartenir à l'une des familles de sang-purs les plus prestigieuses, et qu'il a tout abandonné pour se réfugier chez les Potter.
S'il nous manquait encore une preuve du manque de discernement de Sirius Black, là on la tient !
Il est encore tôt. Le cours ne commenceront pas avant 2h.
Et j'ai envie de savoir tout à coup. Savoir ce qu'il advient de Lupin quand ses amis rejoignent leur dortoir.
Je déplie mes jambes et les étire, malgré les fourmillements désagréables, puis je saute à terre. D'un pas décidé, je me dirige vers le saule cogneur.
Une impression de déjà vu. Cependant, je n'ai pas peur. Le matin qui se lève m'en empêche.
Parce que Lupin ressemble à ça. Un parfum de nocturne qui aurait le goût des levés du jour.
Contrairement à ma famille, qui n'a rien de la perfection de la nuit ou de la clarté lumineuse. Cette famille est une prison. Un jour gris sans fin. Être ici c'est être libre.
C'est la première fois que je me sens libre.
J'm'en sortirai, j'me le promets Et s'il le faut, j'emploierai des moyens légaux.
OoO
Je glisse entre les racines et me dirige lentement vers la cabane hurlante. Je sors ma baguette, au cas où, et mes pieds foulent bientôt les lattes grinçantes de la vieille maison. Je monte les marches pour rejoindre le salon délabré.
La porte grince. Et je me fige. Allongé sous la fenêtre, à même le parquet, le corps recroquevillé de mon ennemi git. Il est vêtu d'une simple chemise froissée et ses jambes sont meurtries, couvertes de bleus, comme s'il avait été frappé. Une boule de rage me traverse furtivement. Si l'un des trois autres connards a osé lever la main sur lui, je les tue !
Je m'approche et le parquet craque.
Il gémit, sans doute en m'entendant. Il tente de relever la tête et je me sens impuissant devant sa faiblesse apparente. Je ne sais pas à quoi je m'attendais mais certainement pas à ça.
Il marmonne quelque chose que je n'entends pas. Puis il se racle la gorge, visiblement conscient que le volume sonore n'était pas exactement approprié.
- Sirius ? S'il te plait..
Sans réfléchir, je le coupe brusquement (je veux bien être gentil mais si on fait un amalgame entre moi et Black, je ne réponds plus de rien.)
- Est-ce que par hasard tu me confondrais avec quelqu'un qui s'intéresse à tes problèmes ?
Visiblement, j'ai dit ce qu'il fallait pour le remettre d'aplomb, parce qu'il lève la tête vers moi en essayant de se redresser sur ses avants-bras avec une vigueur que je n'aurais pas soupçonnée.
- Snape ? Qu'est-ce que tu fais ici ?
Puis la surprise dans ses yeux laisse place à un genre de lassitude. Il ouvre la bouche pour dire quelque chose quand ses bras se dérobent sous lui.
Zut. Il semblerait qu'il soit vraiment faible.
- Vas t-en. Chuchote t-il.
- Sans vouloir t'offenser, je ne pense pas que tu sois en position pour donner des ordres. Ni pour refuser de l'aide.
Il ricane dans un souffle
- Ta seule présence m'offense. Si tu es venu pour te moquer, ce n'est vraiment pas le moment.
Il tousse. Et son corps se rétracte. Il n'a vraiment pas l'air bien et cette vision m'arrache le cœur. Je reste immobile, à défaut de quitter la cabane hurlante ou de me précipiter sur lui pour lui apporter assistance. J'ai toujours les doigts crispés sur ma baguette. J'en ai mal aux jointures. Je finis par murmurer une phrase que je préférerais retenir. Ne pas la dire trop fort, c'est un moyen de la nier.
- Je ne suis pas venu pour me moquer.
Et c'est vrai. Je ne suis pas venu par curiosité non plus. Je suis venu pour le voir. Je ne m'attendais à rien de particulier. Je voulais juste le voir. L'avoir pour moi tout seul. Un peu.
Il ne dit rien. Ne bouge plus. Je ne sais même pas s'il m'a entendu. Je ne sais pas ce qui me terrifie le plus. Qu'il ait perçu mon aveu ou qu'il me croit silencieux à ses côtés.
Les secondes passent et aucun de nous ne bouge. Je fixe son corps. Je n'aurais pas cru qu'il était si maigre.
Puis au bout de ce qui me semble un siècle, il tente de nouveau de se redresser. Je l'observe faire jusqu'à ce qu'il me jette un regard.
Un rayon de lumière ambrée s'en échappe et me percute de plein fouet.
Je lâche ma baguette et me précipite avant qu'il ne tombe encore. Il se laisse faire, enroule ses bras autour de mes épaules et se laisse relever. Il me paraît lourd mais les grimaces qu'il fait m'indiquent pourtant qu'il fait des efforts énormes pour ne pas me laisser tout porter. Je le conduis jusqu'au canapé défoncé de la cabane et l'aide à s'asseoir du mieux que je peux. Il ferme les yeux un instant en laissant sa tête partir en arrière, comme épuisé.
Je reste debout face à lui, ne sachant que faire à part le dévorer des yeux encore et encore.
- Merci.
Je hausse les épaules au moment où il rouvre les paupières.
- Pourquoi tes potes t'ont laissé dans cet état là ?
Il a l'air surpris que je sache pour Black, Pettigrew et Potter et je me sens rougir. Mais il ne me demande pas comment je le sais. Il soupire.
- Ma transformation est aléatoire. D'habitude je reprends cette forme suffisamment tôt pour qu'il puissent m'aider à me relever. Puis ils rentrent au dortoir et Madame Pomfresh vient me chercher juste après le début des cours. Mais de temps en temps, je mets plus de temps à redevenir moi-même et dans ces cas là.. Il a l'air embarrassé, comme s'il ne savait qu'ajouter.
- Ils prennent déjà assez de risques comme ça. Conclut-il finalement en évitant mon regard.
C'est la première fois qu'il m'adresse autant de mots. Et je n'aurais jamais imaginé que ceux-ci porteraient sur la chose la plus intime qu'il possède : sa lycanthropie.
Je ne sais pas quoi dire et finalement je demande la chose la plus idiote qui soit.
- ça va ?
Il me dévisage sans répondre . Son visage est parfait. Pas qu'il soit vraiment beau. Mais il est juste exactement tout ce que quelqu'un peut désirer. Doux, mais sans le coté fragile qu'induit généralement ce genre d'expression. Son regard est solaire. On dirait qu'il s'agit de la seule tache de couleur dans cet environnement délavé. Dont j'ai bien conscience de faire partie intégrante.
- Pourquoi tu es là ?
Je me pose aussi la question. Et comme il n'y a apparemment pas de réponse je me contente de faire demi-tour pour aller ramasser ma baguette.
- Tu as besoin d'autre chose ?
L'espace d'un instant je suppose qu'il va répondre par une autre question. Après tout, depuis tout à l'heure, ni l'un ni l'autre ne semblons vouloir donner la moindre réponse à l'autre. Mais finalement, il tend le bras vers un tas de loques posées sur le piano.
- Je veux bien mes vêtements.
Je range ma baguette dans ma poche et vais chercher la robe de sorcier et le pantalon que Lupin a soigneusement posé là.
Une idée incongrue me traverse l'esprit : se déshabille t-il avant chaque transformation ?
Il enfile ses habits un peu maladroitement. Puis surprenant mon regard il a un petit sourire d'auto dérision
- Ridicule hein ?
- Totalement grotesque. Je confirme.
Il rit et une chaleur traître se répand dans mes veines. C'est lorsque mon corps se détend que je réalise à quel point j'étais contracté.
- Toujours aussi aimable à ce que je vois.
- Je t'emmerde.
Il rit encore. Je trouve cela surprenant de le voir rire à mon peu de sympathie. La transformation en loup-garou affecte visiblement ses facultés mentales.
Mais j'aime ça. Aussi saugrenu que soit cette scène, j'apprécie de voir Lupin rire à la suite de mes propos. Même s'ils n'étaient pas voués à cet objectif, je trouve subitement que c'est un but très louable que de faire rire un gryffondor dans la maison la plus hantée de Grande Bretagne à des heures indécemment matinales.
Les propos de mon grand-père me reviennent soudain en tête et je m'assombris. Un monde sans Lupin hein ?
Je me dis qu'il n'en faudrait pas beaucoup à ce garçon pour me convaincre que l'auteur de l'auteure de mes jours a tort. Je détourne les yeux de son visage et me heurte à ses bras. Il a relevé les manches de sa chemise et je constate que ses bras cherchent à rivaliser avec ses jambes au jeu de « Qui a le plus d'hématomes ». Mu par une pulsion inepte, je m'assois sur le canapé et pose ma main sur son avant-bras. Il sursaute et suspend son geste (a savoir : finir de nouer sa cravate). Mais je ne m'arrête pas. Je passe ma paume sur les contusions et, comme fasciné, j'appuie tout doucement.
Il pousse un léger grognement mais ne retire pas son bras. Je cesse la pression et lui jette un regard à travers mes cheveux qui ont glissés devant mon visage. Il a fermé les yeux et un pli douloureux barre son front.
- C'est quoi ?
Ma question est un peu abrupte et il me regarde avec une lueur d'amusement.
- Tu manques de tact
- Je ne suis pas habitué à converser avec des personnes qui me sont inconnues
- Entraîne-toi.
Un silence. Mes yeux retombent sur ses blessures et la curiosité l'emporte. Je reformule donc.
- A quoi sont dues ces ecchymoses ?
Son sourire se transforme mais son visage semble plus fatigué que furieux ou choqué. Il déglutit.
- La transformation. Mon corps grandit, s'alourdit et ma peau par le fait se détend et.. Enfin certains vaisseaux éclatent. Ce n'est pas grave. C'est juste douloureux au réveil.
- Et fragilisant.
Il sourit
- Oui aussi.
Je recommence à appuyer doucement sur le bras de Lupin, guettant vaguement le moment où la douleur vague devient difficilement supportable mais il ne réagit pas. Il se laisse aller à mon étude, que je reconnais être malsaine. Plaisir et souffrance emmêlés.
Soudain, il agrippe mon bras violemment. Tout à mon hypnose, j'ai du appuyer trop fort.
Il s'est rapproché, sûrement par pur réflexe et son visage n'est plus qu'à quelques centimètres du mien.
Il ne relâche pas la pression sur mes fléchisseurs et je retiens mon souffle.
Le sien est accéléré , saccadé et l'air glisse sur ma peau, faisant mouvoir les quelques mèches de cheveux qui me tombent sur le visage.
- Severus Snape.
C'est un murmure. L'intonation ressemble à un avertissement, à un regret aussi. Une demande peut-être tout simplement. Mais je ne sais pas si elle veut dire « Enlève ta main » ou « Ne bouge pas ».
Probablement les deux.
Je deviens fou et personne ne s'en aperçoit. Les yeux de Lupin remplissent le monde à raz-bord, il n'existe plus rien d'autre.
Enfin si.
Soudain je me retrouve vissé à ses lèvres, les paupières crispées à les fendre. Je n'ai pas pu retenir mon visage d'avancer, je n'ai pas pu retenir l'occasion de remplir ce manque. Je l'embrasse avec désespoir, pour comprendre la douleur que ma peau sur la sienne a pu lui faire.
Quelque cheveux sont pris entre sa bouche et la mienne. Je n'ai pas eu le temps pour un baiser parfait. C'est un baiser de violence.
Il entrouvre les lèvres en inspirant profondément et j'attrape l'une d'elle entre les miennes, dégustant l'exquise humidité. Si j'arrête de l'embrasser j'ai l'impression que je vais tomber, chuter à terre, que mes os se briseront en mille éclats de poussière. Si j'arrête...
Ce baiser raconte tout ce que je n'ai jamais dit en 6 ans. Même pas à moi-même.
Envole-moi , Envole moi, Envole moi Loin de cette fatalité qui colle à ma peau
Sauve moi de ce destin tout tracé, de cette vie ou le bonheur délirant s'apparente à un chemin de croix.
Je n'ai jamais rien désiré d'autre que d'être vu par toi Lupin. Pourquoi ne le fais-tu que maintenant ? Pourquoi ton regard n'arrive t-il qu'après le regard de mon grand-père ? Je ne veux pas d'un monde meilleur. Pas de celui auquel je suis censé participer.
Envole-moi
Propose m'en un autre. Je t'ai haï de m'avoir laissé rêver et je te déteste si tu brises mon étreinte, si tu m'arrache des voies lactées que sont ton contact.
Efface les images de ma mère couverte de bleus, de mon géniteur ivre, de tes amis qui trouvent toujours si bien comment faire mal. Presse-moi. Blesse-moi. Je n'accepte le malheur que s'il provient de ta personne.
Remplis ma tête d'autres horizons, d'autres mots
La main de Lupin a remonté et enserre mon biceps, alors que l'autre s'est glissée dans ma nuque. Sans que je m'en aperçoive, les miennes se sont agrippées à ses cheveux, comme pour l'empêcher de fuir. J'adore les mouvements de sa bouche, sa langue qui annihile tout le reste, qui se nourrit du manque horrible que je ressens depuis la première fois que je l'ai vu.
Embrasse-moi.
Envole-moi
OoO
Le baiser a mis longtemps à prendre fin. Nous avons glissé sur le canapé, rivalisant chacun de plus d'intensité. Se battre à mains nues ne doit pas être bien différent. Ses bras se sont resserrés autour de moi me plaquant contre son torse grêle. C'était étrange. C'était inattendu. C'était parfait.
Un atome de paradis.
Et pourtant, Merlin sait que le paradis n'est pour moi qu'un ramassis de stupidités mièvres.
On se détachait parfois pour s'aspirer du regard, comme pour réaliser que c'était bien de nous dont il s'agissait. Tout mon corps m'élançait. Partout où il ne posait pas ses mains, je croyais brûler.
Malgré la brutalité de l'étreinte je prenais garde à épargner ses membres endoloris.
Quand finalement nous avons cessé, nous sommes restés front contre front un long moment. Sa respiration étatique était le son le plus délectable que j'aie jamais entendu.
- Il est presque huit heures. A t-il finalement laissé échapper d'une voix rauque.
Je me suis écarté de lui, cherchant désespérément à dire quelque chose mais rien n'est venu. J'étais trop troublé pour être cohérent, civilisé.
Je me suis levé et j'ai pris la direction de la porte, faisant preuve d'un sens de l'équilibre surhumain étant donné l'état de liquéfaction de mes jambes.
Au moment où j'ai passé le seuil, j'ai entendu sa voix résonner, chaude et souriante.
- Au revoir Severus. Ce fut surréaliste mais sympathique.
Je ne me suis pas arrêté. Mais les mots ont tournoyé dans mon esprit jusqu'à ce soir. J'ai directement rejoint mon dortoir pour m'emparer de mes affaires de cours. Cet état second ne m'a pas quitté de la journée.
Je ne trouve pas le sommeil. Je ne trouverai plus jamais le sommeil
Je ne veux pas rentrer chez moi.
OoO
Qui-suis-je pour refuser la main tendue par mon propre grand-père ?
Pour Noël, j'ai eu droit à un cadeau atrocement fabuleux : Un entretien avec mon aïeul.
Il me regarde et je peux lire ce qu'il attend de moi sur son visage. Il attends un oui franc et massif, une adhésion totale aux propos qu'il m'a servis la dernière fois.
Pas de question ni rébellion Règles du jeu fixées mais les dés sont pipés
Il attend que je fasse mon choix. Mais je n'ai pas le choix.
- Alors Severus, tu as pensé à la proposition que je t'ai faite la dernière fois ?
Je déglutis. Moi je m'en pose des questions. Pas seulement à propos de son armée de 'rebelles' comme il se plaît à l'appeler, mais tout simplement sur ce que je veux.
Lupin ou ma famille ?
L'avenir du monde m'importe peu. Je me fiche qu'il soit gouverné par des gens poussiéreux et mièvres ou par des Sang-purs. Non, la vraie question est entre ma famille de sang et un autre type de famille, aux liens plus discrets mais non moins ténus. Le camp de ceux qui m'ont accueilli sans rien attendre en retour. Dumbledore. Poudlard. Et un certain loup-garou aux yeux dorés.
- Oui. Mais je ne sais pas encore vraiment ce que …
Son visage s'assombrit. Je m'interromps immédiatement. Son regard est insupportable. J'ai l'impression d'être un cloporte et je comprends qu'il ne me sert à rien de choisir le camp dont Lupin fait parti, pour le garder près de moi.
Si je refuse d'adhérer au fanatisme de mon grand-père, il va me réduire en charpie, ce qui compromettrait grandement la réitération d'instants de bonheur irréels comme j'ai pu y goûter l'autre jour dans la cabane hurlante.
A quoi me sert que Lupin survive si je ne suis pas là pour profiter de son souffle ?
Le temps n'a plus une once d'importance
L'hiver est glace, l'été est feu Ici, y a jamais de saison pour être mieux
Je finis donc ma phrase d'une tout autre manière que celle que j'avais prévue
- Je ne sais pas encore vraiment ce que je peux faire pour aider.
Son visage s'épanouit et pour la première fois de ma vie, je rencontre le sourire sincère de mon grand-père. Sa satisfaction est proprement terrifiante.
- Pour l'instant rien. Nous en reparlerons quand tu auras fini ta scolarité. Mais sache que le fait que le Seigneur des Ténèbres t'aie remarqué est un grand honneur.
Ben voyons. Le seigneur des Ténèbres. Rien que ça. Je sens une sueur moite me baigner le dos. Je voudrais m'échapper. Quitter cette pièce. Je vais mourir noyé dans l'enthousiasme insupportable de ce vieux malade.
- Tu t'en montreras digne le moment venu, je n'en doute pas. Tu vas faire partie de l'histoire Severus. Tu réalise à quel point tu as de la chance ?
Je hoche la tête. Je suis clairement aussi ravi qu'un innocent qui s'apprête à recevoir le baiser du détraqueur.
J'ai pas choisi de vivre ici Entre la soumission, la peur ou l'abandon
Il presse mon épaule, apparemment très fier de moi puis me congédie d'un signe de tête.
C'est en rejoignant ma chambre que la situation m'apparait dans toute son horreur.
Je viens de m'enrôler en tant que soldat au service de la suprématie des sang-pur.
Alors que je suis le premier à avoir du sang de moldu dans les veines.
Je me laisse tomber sur mon lit en proie à un désœuvrement terrible et je recouvre mon visage avec mes mains. Je ne veux plus rien voir de cet univers grisâtre et triste qu'est cet endroit.
Mais j'ai fait ça pour rester vivant. C'était le seul moyen. Et je sais qu'il va falloir que je bosse comme un forcené pour réussir à atteindre le niveau d'excellence suffisant pour satisfaire mon grand-père. Dire 'oui' n'était que la première étape.
Au premier faux-pas, je sentirais l'odeur roussie des impardonnables. Mais j'y arriverai. Je resterai vivant. Peu importe pour quoi.
J'm'en sortirai, je te le jure A coup de livres, je franchirai tous ces murs
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Rentrée scolaire.
Je rase les murs. Mon grand-père m'a soufflé en partant que si j'avais le moindre problème, le professeur Alzaran serait disponible pour répondre à toutes mes questions.
Autrement dit, je vais être surveillé.
Je me complais donc dans mon travail scolaire, évitant le plus possible mes habituels ennemis de Gryffondor. Je n'ai pas recroisé les yeux de Lupin depuis que je l'ai surpris après sa dernière transformation.
Je ne suis pas sur de vouloir recroiser son regard. Ma décision est prise. Je vais tout faire pour satisfaire les attentes de ma famille. Et puis c'est vrai que Poudlard n'offre une étude que très restreinte de la magie. Nous étudions la magie blanche. Pas moins puissante que les forces obscures mais dans laquelle il reste de sérieuses lacunes. La plupart des sorts que je connais viennent de la bibliothèque familiale dans laquelle les ouvrages de magie noire sont légion. J'ai toujours appris tout seul, sans réellement projeter de me servir de ces formules. Seulement pour savoir. Pour être capable de me défendre. D'empêcher mon père de tabasser ma mère.
J'essaie de voir le côté positif de cette décision mais j'ai peur de changer d'avis si la silhouette de l'autre loup-garou se trouve face à moi dans un couloir.
De toute façon, il n'a pas cherché à me contacter. Il a eu une semaine entière avant les vacances pour venir me voir, pour mettre au clair cette situation étrange et il ne l'a pas fait.
C'est bien la preuve que tout cela ne le concerne pas. Pas vraiment. Quant à moi j'ai décidé de verrouiller mon cœur à jamais. Cet organe ne devrait pas avoir d'autre usage que d'aider à approvisionner en sang le reste du corps.
OoO
- He Snivellus, ça te dirait de trouver un trou à rat où finir tes jours ? J'ai peur de rendre mon déjeuner si tu restes dans le coin.
- Ecrase Potter.
Il me prend au mot et me jette un sort d'oppression. Je me retrouve cloué au sol, le thoras broyé par un poids invisible. Black donne une tape sur la tête de Potter et ils s'éloignent tranquillement. Je l'entends dire :
- James mon ami, tu perds en endurance, avant nos petits affrontements avec Snape avait un peu plus de consistance.
- Ce type m'ennuie. Répond l'autre en soupirant.
Je voudrais les tuer.
Je voudrais mourir.
OoO
J'ai reçu une lettre de la part de mon grand père. Les choses pressent. Il a demandé à Dumbledore une dérogation spéciale pour que je puisse quitter l'école immédiatement après mes ASPICS.
Il m'a expliqué que le seigneur des ténèbres avait besoin de jeunes talents au plus vite, et que mon initiation aurait lieu dès que j'en aurais fini avec Poudlard.
Le directeur est venu me voir, pour savoir s'il y avait quelque chose dont je souhaitais lui parler. J'ai failli tout lui dire, puis j'ai pensé aux sorts de magie noire que j'avais réussi à extraire du néant. Notamment le Sectusempra, qui peut causer des dommages irréparables. Et je me suis dit que j'étais déjà sur l'autre rive. Qu'il ne pouvait rien pour moi.
Alors j'ai dit non. J'ai dit non comme j'avais prévu de le faire à l'origine avec mon grand-père.
Chacun sa force, la mienne est désormais d'assumer.
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Je prépare mes affaires, pliant soigneusement mes vêtements pour les ranger dans ma malle.
Les examens ont pris fin aujourd'hui et tous les élèves de septième année se préparent pour une petite sauterie, destinée à fêter la fin de notre vie à Poudlard.
C'est peut-être la seule soirée où toutes les maisons sont réunies. Je n'y serais pas allé de toute façon. Mais un goût âpre baigne mes papilles à l'idée qu'à l'heure où tous se rendront à la salle sur demande pour célébrer leur avenir, je serai en train de prendre le train pour rejoindre le manoir de mon grand-père.
Les autres élèves de mon dortoir sont en train de discuter, avec un tantinet trop d'ardeur à mon goût, des tenues qu'ils vont porter ce soir.
Ils sont vraiment navrants.
Sept heures sonne. Je quitte le dortoir. Je ne comprends pas cette angoisse latente qui stagne dans ma poitrine. Je ne suis pas censé être aussi faible. Pourquoi ce nœud de peur sans cause, comme un poing crispé sur rien ?
Je sors des cachots et rejoins l'entrée du château. Une carriole m'attend, rien que moi, pour me conduire au Poudlard express. Enfin c'est ce que m'a dit Dumbledore. Je descends les marches et d'un coup je me fige.
Je suis nez à nez avec Lupin qui semble aussi surpris que moi de me voir là. Je n'arrive pas à me décider à le pousser pour pouvoir passer. Son expression est tout d'abord ennuyée. Puis un sourire timide, légèrement railleur se dessine sur ses lèvres parfaites.
- Alors Snape, on essaie de fuir la soirée des septième année ?
Je sens alors toute trace de colère et de volonté fondre en moi. J'avais oublié à quel point son sourire était dangereux.
Me laisse pas là, emmène-moi, envole-moi Croiser d'autres yeux qui ne se résignent pas
J'ai envie de le supplier de ne pas me laisser partir. Lui seul peut me sauver, lui seul peut légitimer ma fuite. Il lui suffit d'un mot, un seul. Dis-moi de rester Lupin.
Envole-moi, tire-moi de là
Je remarque soudain sa tenue. Black lui a sûrement prêté des fringues parce que c'est la première fois que ses vêtements ne sont pas rapiécés.
Sa chemise noire est un peu trop longue mais ça lui donne un air noble, comme échappé d'un ancien temps.
- C'est à Black ? Je demande en donnant un coup de menton en direction de sa chemise
Il baisse la tête vers son vêtement un peu dérouté.
- Ah. Oui. Je ne savais pas que tu étais aussi attentif aux vêtements de Sirius
- Je n'ai absolument rien à faire des nippes de ton imbécile d'ami.
Lupin se marre et j'ai envie de le frapper. Pourquoi ne me retient-il pas ?
- Pourquoi tu ris ?
Il hausse les épaules. J'ai envie de l'étreindre, de le broyer. Il me regarde avec interrogation, comme attendant la réponse à une question qu'il n'a pas posée. Comme je ne réponds rien, il finit par reprendre la parole
- Alors ? Qu'est-ce que tu viens faire dehors ?
Je viens accomplir mon destin, je viens pour plonger dans un avenir, dans une vie ignoble, héritage de la famille Prince. Voilà ce que je viens faire là Lupin.
Montre-moi ces autres vies que je ne sais pas
Mais je ne peux décemment pas lui répondre ça. Je le contourne pour ne plus avoir à me noyer dans la distance intolérable entre nos deux corps.
Une main me rattrape par le bras et je me retrouve de nouveau face à lui. Il a plus de force que je ne le croyais.
Il me regarde, cherchant à me sonder. Il a vraiment, vraiment l'air ennuyé.
- Snape écoute... je .. On n'a jamais reparlé de ce qui s'est passé ce matin là dans la cabane hurlante.
- Il ne s'est rien passé. Je réponds sèchement en dégageant mon bras.
Il me regarde légèrement blessé. Ne me fais pas ces yeux-là Lupin. C'est moi qui suis à plaindre. C'est moi que tu as abandonné. Pas l'inverse.
- D'accord, il ne s'est rien passé. Mais ça ne change rien. On n'a jamais reparlé de ce qui ne s'est pas passé ce matin là dans la cabane hurlante.
Je sens déjà mon masque qui se fissure. Je ne vais pas tenir longtemps.
- Je voudrais seulement te dire merci, d'accord ? Pour ce qu'il ne s'est pas passé. Et te dire que... tu m'as manqué.
- C'est pour ça que tu m'as défendu avec autant d'éloquence auprès de tes amis.
- Je ne t'ai jamais défendu.
- Je sais.
- Non je veux dire. Même avant ça. Tu l'as dis toi même. Ce n'était rien. Ce n'était pas important. Et tu peux dire ce que tu veux mais tu m'aurais détesté si j'avais empêché Peter, James et Sirius de t'attaquer.
Je voudrais qu'il ait tort, mais je sais très bien que je n'aurais jamais supporté sa pitié. Un filet de vent m'apporte soudain l'odeur de Lupin et j'ai peur que mes jambes lâchent. Ce qui serait vraiment ridicule.
- Et puis je ne dis pas ça pour te présenter mes excuses. Je voulais juste te le dire. Tu m'as manqué. C'est tout.
- C'est un élan égoïste donc. Je n'en attendais pas moins de toi.
Il sourit malgré l'insulte sous-entendue
- Severus, tu n'es pas vraiment en colère.
Son regard est indulgent et étrangement magnifique. Je ne lui en veux pas, c'est vrai. Je suis en colère pour ne pas être malheureux. Il ne me demandera pas de rester si je ne lui dis pas ce que je veux entendre.
Envole-moi
Je ne veux pas devenir un partisan d'un seigneur des ténèbres. Je l'ai fui par ce que je ne voulais pas de maître. Je veux être libre. Libre comme je l'ai été ce matin là, quand il ne s'est rien passé dans la cabane hurlante.
Regarde-moi bien, je ne leur ressemble pas
Il se penche vers moi et ses lèvres effleurent les miennes. Ce n'est pas vraiment un baiser. Plutôt une caresse. Tout mon corps se brise. Qui eut cru que tant de douceur pourrait être aussi blessante ?
Me laisse pas là, envole-moi Avec ou sans toi, je ne finirai pas comme ça Envole-moi, envole-moi, envole-moi...
J'entends un cri qui vient de l'intérieur du bâtiment
- MOONY ?
Je m'éloigne du visage de Lupin horrifié à l'idée que ses amis apparaissent et m'arrachent ce moment.
Il ne bouge pas, entremêle maladroitement ses doigts au miens.
- J'arrive ! Crie t-il à l'attention des misérables cloportes gryffondors.
Mauvaise idée. Ils peuvent maintenant le localiser et ne vont pas se gêner pour venir le rejoindre. Et en l'occurrence nous rejoindre.
Mais au lieu de s'échapper, de me repousser, Lupin se penche de nouveau vers moi. Pas pour m'embrasser cette fois. Il me chuchote quelque chose à l'oreille et son souffle me fait frissonner.
Je me détache de lui, au bord de l'apoplexie. Il va me manquer. Il va me manquer terriblement.
Je n'ai jamais autant eu conscience de quelque chose.
J'arrache ma main à la sienne le plus doucement possible. Par peur de le blesser.
- Au revoir Lupin. Ce fut surréaliste mais sympathique.
Et sans un mot de plus je m'élance dans la nuit, dans la froide et rassurante chape d'obscurité qui m'attend. Pour fuir un être duquel tout me rapproche.
Je ne lui ai même pas laissé une chance de me retenir.
Et dans la carriole, dans le Poudlard express, je me repasse en boucle les mots qui viennent de sceller ma vie d'avant.
« Tu peux rester si tu veux. Mes amis, ce n'est pas grave tu comprends, Severus ? Tu peux rester. »
Je ne suis pas resté. J'ai fait mon choix. |