Chapitre huitième : Pas d'Au Revoir
Septembre 1994
OoO
Je ne crois pas avoir déjà fait quelque chose d'aussi stupide.
Ce retour à Poudlard est morne.
Lupin est parti.
Nous ne nous sommes même pas parlés avant qu'il s'en aille. C'est idiot. J'étais tellement en colère. Il faut dire que ses touchantes petites retrouvailles avec Black auraient agacé n'importe quelle personne saine d’esprit. Black est toujours le même. Arrogant, désagréable, dégueulasse. Le voir dans ses vêtements en lambeaux, avec cette folie stagnante au bord des yeux. Ça m'a fait un bien fou. J'ai toujours haï ce type.
Et sa manière de se raccrocher à Lupin. De considérer benoîtement qu'ils étaient encore amis. Après tout ce temps . La blague. Ça faisait plus de douze ans qu'ils ne s'étaient même pas parlés, et Black revenait la bouche en cœur, clamant son innocence, et revendiquant des droits sur Potter junior. Sur Lupin. C'était insupportable.
Mais le pire, c'est que Lupin semblait tout disposé à l'épauler, à lui pardonner, à l'aider à acquérir l'affection de Potter. Comme si Black avait besoin d'un coup de pouce pour être adulé. Ce type est un criminel, un rôdeur, un salaud. Et Lupin le regardait, l'air presque heureux. Presque apaisé, alors que cela faisait des jours qu'il me fuyait, qu'il était distant, morne.
Évidemment, Severus Snape n'est pas assez bien pour Monsieur Lupin. Il lui faut des amis gryffondors, débiles, emportés, rebelles.. Vivants.
Et comme si ça ne suffisait pas, Dumbledore a voulu enterrer l'affaire, nous expliquant que l'innocence de son ancien élève était probablement réelle et qu'à la vue de « certains nouveaux éléments », il nous demandait de ne plus le traquer.
Lupin a donc mis les voiles, emportant avec lui bien plus que je ne l'aurais supposé.
Je me sens découragé, démuni. Pourtant rien n'a changé. Mais je ne sais pas. La perceptive de recevoir 2 fois plus d'élèves, 2 fois plus d’abrutis, sans personne pour m'écouter me plaindre..
On s'habitue à parler à autre chose qu'à ses murs.
Vous garderez les disques et moi l’électrophone
ça me paraît être une distribution logique. Celui-ci ne m'avait jamais servi avant son arrivée. Je n'avais même jamais pensé à écouter ce vieux machin. Mais Lupin oui.
Il avait passé un après-midi entier à le remettre en marche.
Pourquoi son enthousiasme me manque t-il ?
La rafle qui a eu lieu dans mes appartement a été terrible. Il prenait de la place ce fichu loup-garou, avec ses parchemins, ses tasses de thé, une plante verte posée dans un coin de mes appartements et ses piles d'ouvrages divers et variés.
Les préfaces des livres, je vous laisse les fins
J'ai cherché sans m'en apercevoir les tasses et les bougies qu'il avait emportées avec lui.
Lupin a toujours aimé s'éclairer à la bougie.
Je détestais ces saletés. Elles ne me manquent absolument pas. Enfin, ma table a retrouvé sa propreté d'antan. Plus de cire fondue incrustée dans le bois, plus de lumière chancelante à la tombée de la nuit.
Elles ne sont plus là et pourtant elles sont encore là. Il reste sur la table, des traces de gras que rien n'a pu enlever, et mes rideaux sont roussis par endroit.
Ma chambre est toujours la même et pourtant je ne la reconnais plus. C'est affligeant.
Je prends les annuaires et vous le téléphone.
Évident. Je n'ai jamais été fichu d'entamer une conversation avec autrui. A quoi me servirait un objet de communication ?
On a tout partagé, on partage à la fin
Je ne suis tout de même pas très sur de moi.
Je pense que cet état s’appelle la confusion. Je passe par des phases d'indifférence totale, qui sont parfois brusquement interrompues par un abattement chronique.
Je suis furieux de l'absence de Lupin et quelques instants plus tard, je me félicite qu'il ait quitté l'école. Je me suis un peu perdu, quelque part.
Je prends le poisson rouge, vous gardez le bocal.
A moi la grande table, à vous, les quatre chaises.
Ce sale lâche n'a même pas pris la peine de me demander mon autorisation pour venir récupérer ses stupides affaires. Il a attendu que je sois parti vadrouiller je ne sais où pour venir reprendre ce qui lui appartenait.
Quoiqu'on pourrait s'interroger. A partir du moment où il utilisait mes murs pour entreposer tout cela, ces encombrants m'appartenaient aussi non ?
Tout doit être bien clair et surtout bien égal.
On partage les choses quand on partage plus les rêves.
J'imagine qu'il doit croupir quelque part avec son bien-aimé Siriuuuus.
Ça me donne envie de vomir.
Je ne quitte que très peu mon chez-moi. J'en profite. D'ici peu, avec la coupe de feu, nous serons sans cesse dehors. Le ministère a tout de même des idées lamentables. Le tournois des trois sorciers. N'importe quoi !
Je m'assois à ma table et je passe mes mains le long du bois. Je n'ai rien à faire. Que faisais-je avant ? Avant Lupin ? C'est idiot je ne me souviens plus.
J'ai toujours trouvé l'auto-apitoiement d'une inutilité rare mais tout compte fait, ça occupe.
Je ferme les yeux et me passe la main sur le front.
Les bougies ne me manquent pas mais est parti avec Lupin un autre genre de lumière.
Il parlait sans cesse, de tout et de rien, et je me concentrais sur ses yeux d'or liquide. Ceux-ci me ramenaient en arrière. Me berçaient dans un univers de tiédeur. Ce n'étaient pas des souvenirs, pas vraiment. Ou alors les souvenirs d'un passé hypothétique. A 5 ans, je n'avais pas peur des ogres mais des coups sourds de mon père. Je me cachais la tête sous l'oreiller pour ne pas entendre. Et alors que le visage de Lupin était tourné vers moi, je me voyais de l’extérieur comme une histoire qu'on raconterait, et je convoquais la chaleur miel des yeux du loup garou sous l'oreiller de mon enfance. Pour m'aider à avoir moins peur. Au bout d'un moment, Lupin avait du remarquer que son discours ne me faisait que très moyennement palpiter.
- Mais, Severus, je vous parle !
- Oui. C'est une chose que je tenais a vous dire Lupin. Vous parlez beaucoup.
Mais l'amour, vous pouvez tout le garder
Un soir, je vous l'avais donné.
Et reprendre, c'est voler.
OoO
Juin 1996.
L'année a été riche en rebondissements. J'ai reçu un choc, quand j'ai compris qu'Il était de retour.
Complètement de retour.
J'attends patiemment dans le bureau de Dumbledore. Je ne sais pas pourquoi il veut me voir et quelque chose me dit que ça ne va pas me plaire.
Le directeur arrive. Il a l'air plus tourmenté.
Enfin il a toujours son air insupportablement posé bien entendu, mais il semble soucieux. Moins malicieux.
- Un bonbon au citron ?
- Non. Fais-je d'une voix traînante. Bon ses facultés mentales sont encore à peu près intactes.
Il s'assoit à son bureau et chausse ses lunettes. Je reste très droit, contemplant l'homme qui m'a tant aidé. Encore une chose à ajouter sur la liste de ce que je n'avouerai jamais.
- Vous savez pourquoi je vous ai fait venir Severus ? Voldemort est de retour.
Je ne dis rien. Mais ce silence là, Albus Dumbledore le connaît. Il sait parfaitement interpréter tous mes silences. J'ai une manière différente de ne pas dire les choses.
- Je... je voudrais vous demander quelque chose.
- Ça ne va pas me plaire.
- En effet. Severus... Vous avez encore la marque des ténèbres ?
J'écarquille les yeux. Où veut-il en venir ?
- Oui.
- Elle fonctionne ?
- Si par là vous voulez savoir si j'ai senti un appel du seigneur des ténèbres, la réponse est oui.
- Parfait.
Son ton ressemble à une sentence
- Severus, j'aimerais que vous y répondiez présent.
Le monde semble s'écrouler.
Et je sais que tout va redevenir comme avant. Mais que désormais, l'espoir de retrouver Lupin à la fin n'existera pas.
Dumbledore vient de reprendre ma vie, pour la jouer comme sur un jeu d'échecs.
Et reprendre, c'est voler.
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