Chapitre septième : Pas d'amour
Novembre 1993
Ne vous méprenez pas.
Je déplore hautement la présence de Lupin dans l'école.
J'ai détesté le revoir. J'avais beau être prévenu de son inopportune présence, ça m'a tout de même déplu.
J'ai détesté qu'il m'adresse la parole comme s'il était content de me voir. Il aurait du être dévasté.
J'ai détesté qu'il continue à avoir l'air doux et sympathique et que tout le monde l'apprécie, et qu'il sympathise avec l'avorton qui fait office de fils aux - très décédés- Potters.
J'ai haï à un degré inimaginable que Dumbledore me demande de « m'occuper de lui », comme si ce type avait besoin qu'on le materne. Il n'a pas besoin qu'on le materne. Il a plus de trente ans, des fils argentés dans sa chevelure miel et des débuts de pattes d'oie au coin des yeux.
Je n'ai pas aimé devoir m'occuper de ses problèmes de lycanthropie et j'ai abhorré au delà de toute expression l'instant de bonheur insolent où il m'a embrassé.
Il est tout simplement anormal de ressentir autant d'émotions et j'aimerais pouvoir l'écraser, lui et son sourire malicieux.
Ça ressemble à la Toscane, douce et belle de Vinci
Les sages et beaux paysages, font des hommes sages aussi.
Lors de nos années à Poudlard, il a été pour moi une source de tourment et je ne supporte tout simplement pas d'être apaisé.
Ça ressemble à des images, aux saisons tièdes, aux beaux jours,
aux silences après l'orage, au doux toucher du velours.
J'ai eu pour son érudition un respect très profond. Tout ce que j'ai pu penser, en l'observant de loin, qu'il était subtil, intelligent, posé... Je retire. C'est un crétin.
Après la pleine lune et ce navrant dérapage hormonal dans les cachots, il est devenu absolument insupportable. Il ne me lâche plus. Au lieu de se vexer de mes piques, il s'en amuse. Sans rire, qu'est-ce qu'il ne comprend pas dans le verbe « Dégager » ?
Certes, au delà de mon agacement, je le laisse parfois, de mauvais gré, venir prendre le thé dans mes appartements, et babiller pendant des heures sur des sujets insignifiants dont je n'écoute pas un traitre mot, tout occupé que je suis à me demander à quel moment ce fourbe va oser une démonstration de tendresse déloyale qui me plongera dans un genre de coma psychologique.
J'ai trop été privé de lui pour réussir à aligner une pensée cohérente en sa présence.
Mais ça ne veut rien dire.
Rien du tout.
C'est un peu comme ces musiques qu'on entend sans écouter
Ces choses qui n'existent jamais tant que le manque qu'elles ont laissé.
Le temps dehors est atroce. Les élèves sont plus insupportables que jamais et je soupçonne Dumbledore de perdre gravement la boule. Mais je n'arrive pas à déterminer si la présence de Lupin y est pour quelque chose, ou si au contraire, elle est ce qui me permet de supporter tout cela.
Il m’appelle Severus. Oublie de me vouvoyer une fois sur deux. Et ses yeux brillent beaucoup trop pour être honnête.
Bref, c'est un gryffondor dans l'âme, plein de bonne volonté. Il est également tragique que ça soit un si bon professeur.
Il ne devrait pas avoir le pouvoir de me faire voir le côté positif des choses. C'est dégradant, même si je suis le seul à m'en apercevoir. Pourquoi tout va aussi bien ? C'est louche.
Même ses élans de douceur sont parfaits. Ni trop fréquents, ni trop rares.
En public il se contente souvent de glisser sa main le long de mon bras, et je suis affligé d'en être si apaisé à chaque fois.
En privé, il s'autorise à s’asseoir un peu plus près de moi que ne le voudrait la décence et me vole parfois un baiser. Il approfondit rarement. Ça me parasite d'ailleurs. Cette légèreté ne me convient pas. Je voudrais de la rage, je voudrais de la haine, du désespoir. Bref, quelque chose qui légitimerait ma haine de lui.
Il y a certains jours où je trouve qu'il empiète sur mon territoire et vient envahir mes espaces les plus intimes, des jours il me sort par les yeux. Cela ne m'est jamais arrivé avec personne, les créatures les plus proches de moi semblant très heureuses de vivre en périphérie.
Et puis il y a les autre jours.
Ça ressemble à ces grandes routes, sans virage et sans détour
La Dolce Vita sans doute
Mais en tout cas, c'est pas d'l'amour.
OoO
Nous sommes dimanche, et comme souvent, j'en profite pour mettre un peu d'ordre dans ma réserve, quand soudain j'entends un petit 'toctoc' contre la porte. Je lève les yeux aux ciel au moment où la tête de Lupin apparaît dans l’embrasure.
- Bonjour Severus.
- Je ne vous ai pas autorisé à entrer il me semble.
- Je vais bien merci. Et vous ?
Je descends de mon escabeau, fatigué d'avance. Sa bonne humeur est intenable. Il continue à parler tout seul alors que je tente de ne pas lui prêter attention.
Au bout de 5 bonnes minutes de monologue, je daigne enfin lever les yeux vers lui pour lui demander de fiche le camp.
Il a l'air fatigué, un peu gêné.
J'ouvre la bouche avec pour projet de dire « Veuillez aller voir ailleurs si j'y suis ». Il me sourit timidement, en passant la main dans ses cheveux. Il est beau. Ce type est un malade. Mon rejet se bloque dans ma gorge et en lieu et place de ce dernier, je m'entends répondre une ineptie monumentale.
- Vous voulez un thé ?
Ça ressemble à la sagesse, à ces paix qu'on signe un jour
Juste au prix de nos jeunesses, sans trompettes ni tambour.
Assis en face de moi, Lupin déguste son thé paisiblement. Il regarde autour de lui, curieux, comme toujours. On dirait qu'il boit le monde des yeux, comme un gamin.
Ça me tire un léger, très léger sourire.
Il a cessé de parler. C'est toujours comme ça, il ne me laisse tranquille qu'après avoir obtenu ce qu'il voulait.
En l’occurrence, une place dans MON fauteuil et une tasse de EarlGrey.
Puis il me jette un œil en biais. Je le sens venir à des kilomètres à la ronde. Ce regard signifie qu'il va m'adresser la parole.
Et ça ne loupe pas.
- Severus ? Je peux vous poser une question ?
- Mais je vous en prie. Faites comme si j'avais envie de vous révéler tous les palpitants détails de ma vie. Fais-je avec ironie.
Il ne relève -évidemment- pas le sarcasme.
- Je n'ai jamais compris.. La position que vous avez eu durant la guerre. Pourquoi vous êtes vous enrôlé chez les mangemorts, pour les trahir aussi vite.
Je reste bloqué un moment. Je ne m'attendais pas à une question aussi brusque. J'élude donc, dans un instinct de survie assez inapproprié.
- ça ne m'étonne pas que vous n'ayez jamais compris.
- Vous voulez bien m'expliquer ?
- Non.
Un silence. Il continue à me regarder, la tête légèrement penchée. Je retiens un énième soupir.
Je déteste céder aussi facilement. Je déteste l'avoir invité à boire le thé. Grands dieux, je déteste Lupin !
Je m'humecte les lèvres, cherchant mes mots. Mais je sais déjà ce que je vais dire.
- Ma famille maternelle descend d'une lignée d'aristocrates russes, très portée sur la magie noire. Seulement ma mère a eu le mauvais goût d'épouser un moldu, ce qui a beaucoup déplu à ses parents. C'était donc à moi, fruit de cette scandaleuse union, de payer. Ce que mon grand-père a fait avec brio durant 17 ans.
Je me tais un moment pour ménager l'effet dramatique de mon discours. Si Lupin voulait du sensationnel, il va être servi. Je reprends lentement.
- Je me suis démarqué aux yeux de mon grand-père quand il a découvert que j'avais des prédispositions pour la magie noire. Malgré l'illégalité de ces pratiques, cela faisait longtemps que je m'y intéressais.
- Je sais. Répond Lupin à mi-voix, comme si j'avais eu besoin d'une réponse pour poursuivre.
C'est à ce moment là que je réalise que je suffoque. Mon adolescence se déroule devant mes yeux et le sentiment d'oppression face au regard de mon aïeul me revient. Puis je réalise ce qu'il vient de dire. Comment ça « je sais » ? Comment peut-il savoir cela ? Je lui jette un regard suspicieux mais je continue, non sans avoir pris soin de reprendre mon souffle auparavant.
- Il m'a donc proposé implicitement de regagner l'honneur de la famille, malgré mon ascendance moldue en mettant mes savoirs au service du seigneur des ténèbres. Seulement je n'étais pas convaincu. Les mangemorts sont des créatures lamentables et pathétiques, malgré leur grands airs, et je me suis rapidement remis en contact avec Dumbledore. Quitte à être du coté des forces du mal, autant que cela serve à quelqu'un. De toute manière j'étais déjà déchu. C'est tout.
Mes dernières paroles raisonnent lugubrement dans la pièce. Lupin a oublié son thé, il me regarde avec ferveur et je ne m'en formalise même pas. Je me sens légèrement abattu.
- C'est tout... répète Lupin doucement. Tout doucement. Comme s'il avait peur de briser le silence. Je le sens sur le point de se lever pour me rejoindre et je lui supplie des yeux de ne pas le faire. Je ne veux pas être faible. Plus jamais. Même contre lui.
- Pourquoi m'avoir repoussé ? Demande t-il finalement
Sa voix est un murmure. Mes réponses nous affectent visiblement autant l'un que l'autre et je m'en veux soudain de l'avoir suspecté d'aider Black. Contrairement à moi et à ce débile, Lupin est toujours resté intègre.
- Je ne sais pas. J'étais furieux.
Un pli douloureux barre son front.
- Pourquoi ?
J'hésite un moment. Et finalement, c'est moi qui me lève pour venir m'asseoir sur l'accoudoir à coté de lui. Je pose ma main sur son épaule, essayant de ne pas faire preuve de ma brusquerie habituelle.
- Je crois que je suis en colère depuis que je suis né. J'en veux à ceux qui m'ont fait naître, à ceux qui ne souffrent pas. A la terre entière. Mais ça se calme. Avec le temps.
OoO
- LUPIN ! ESPECE DE SALE AVORTON DEGENERE !
Il m'accueille avec un sourire goguenard, relevant tranquillement la tête de ses copies. Je vais l'étrangler.
- Severus, c'est toujours un tel plaisir de te voir.
Je lui pose un paquet de copie sous le nez et tente de me calmer.
- Vous avez une explication ?
- Et bien c'est apparemment un devoir rendu par les...
il fait mine de regarder l'en-tête
- ...Par des troisième années. Et à première vue je dirais des devoirs très réussis.
Je me pince l'arête du nez.
- Précisément.
- Je ne vois pas où est le problème
- Vous voyez parfaitement où est le problème. Ces copies ont été renotées après ma correction personnelle et plus grave encore, surnotées.
- Oh ?
- Lupiiiiin... je grince.
Grand sourire
- Ouiiii ?!
- Je vous interdis de toucher à mon travail.
- Oh, alors d'après vous, Miss Granger ne méritait pas plus de … E à son devoir ? J'ai soigneusement vérifié et il n'y avait qu'une seule erreur, et encore, la potion aurait probablement fonctionné malgré tout s'il s'était agi d'une épreuve pratique. Elle aurait du avoir un O-. Au minimum..
- HAHA ! C'est un aveu !
Lupin me dévisage visiblement choqué. Il faut dire que cette dernière exclamation me ressemble assez peu. Ce type me rend puéril. Sortez-le moi ou je fais un malheur . Je me renfrogne et inspire profondément. Le petit sourire amusé qu'arbore Lupin m'exaspère.
- Ne. Touchez. Plus . à. mes . Affaires.
- Mais vous comprenez Severus, cela faisait longtemps que je ne vous avait pas vu débouler en furie dans mon bureau. Cela me manquait. Répond t-il en se levant. Du thé ?
Je ferme les yeux de dépit en me passant la main sur le front
- Vous me fatiguez Lupin... Vous êtes quelqu'un d'incroyablement...
Il pose une tasse fumante devant moi, en me désignant aimablement une chaise. Je soupire.
- Fatiguant. Je conclus, découragé.
OoO
Je n'ai pas vu le temps passer. Cela fait plus de quatre heures que je discute dans le bureau de Lupin. Et pas tout seul, non, ça serait trop beau. Avec le sus-nommé Lupin.
A l'heure qu'il est, sa chemise est déjà ouverte de deux boutons et je guette avec un genre d’impatience horrifiée le moment où il fera sauter le troisième. Je me demande si j'arriverais à le lui enlever avec les dents ?
Ces questionnements de nature métaphysique ont commencé à venir me parasiter au bout du troisième verre de liqueur de salamandre.
Lupin me regarde. Je me demande pourquoi je me sens si bien. J'ai l'impression d'avoir atterri dans un monde parallèle où je serais une personne heureuse et équilibrée.
D'un coup de baguette, Lupin allume la radio et se ressert un verre de liqueur. Ses yeux dorés brillent encore plus que d'ordinaire. Il pose ses deux avant bras sur la table et se penche vers moi
- Severus...
- Quoi ?
- Pourquoi je ne peux pas vous tutoyer ?
Je ne réponds pas tout de suite. Je déguste une gorgée du spiritueux. Je n'ai pas de réponse très définie à cette question et les embruns de l'alcool ne m'aident pas à réfléchir distinctement.
Mais finalement, ma langue se délie d'elle-même. Contre toute attente. Lupin a la désagréable tendance à fendre la personnalité que j'ai toujours cru avoir.
- Parce que Rémus Lupin me tutoyait.
- Je suis Rémus Lupin.
- Je sais. C'est pour ça.
Il continue à me fixer. Je ne le lâche pas des yeux. Qui cédera le premier ? Au dehors la pluie bat sur les carreaux. Je continue à penser que mon bien-être est inapproprié, que je devrais me méfier, que d'un mot, ce loup-garou de malheur peut tout briser. Mais il prend son temps. Je ne sais pas s'il a compris ce que je voulais dire. Il a l'air de me sonder. Sans suspicion, sans agressivité. Et je me laisse faire. Moi qui n'ai jamais laissé personne pénétrer dans mon esprit, je le laisse chercher ce qu'il veut.
Tout à coup il a un petit rire. Je suis suffisamment imbibé pour ne même pas avoir l'impression qu'il se moque de moi.
Il se lève et remonte ses manches, me tourne le dos pour marcher jusqu'au poste de radio.
Il augmente le son puis pivote sur lui même et s'adosse contre la petite table. Je peux lire l'humour dans son regard. Et puis une douceur à peine voilée par un soupçon d’inquiétude.
Il me tend la main.
Le sens des paroles de la chanson atteint subitement mon cerveau.
« No, I won't be afraid Just as long as you stand, Stand by me. »
Lupin me regarde et je comprends une chose importante. Il y a seize ans, j'ai fait le premier pas vers lui. C'est vrai. Je me suis rendu à la cabane hurlante, faisant intrusion dans sa vie.
J'ai toujours considéré, depuis, que j'avais fait le plus dur, que c'était son tour. Mais l'affection de Lupin ne m'est pas due. J'essaie de ne pas me ré-attacher à lui, le repoussant le plus possible, craignant le moment où nous serons séparés de nouveau. Où ça sera lui qui me rejettera. Mais ce moment arrivera bien trop tôt si je ne fais pas un pas vers lui.
Je déteste devoir admettre ça. Mais je suis ivre. Je me mets debout et je fais deux pas, afin de poser ma main glaciale au creux de sa paume chaude.
Il m'attire vers lui, tenant toujours fermement ma main dans la sienne. De l'autre, il agrippe à ma taille. Puis toujours sans me quitter des yeux, il commence à se balancer au rythme de la musique.
Maladroitement, de manière désynchronisée.
- Lupin, vous avez conscience que nous avons l'air parfaitement ridicules ? Je me renseigne d'une voix détachée.
Il sourit et je me brûle les yeux. Ce type est solaire.
- Oui.
- Et qu'il ne me reste pas d'autre solution que de vous tuer pour éviter la propagation du scandale ?
- Nianiania.
Je souris et il pose sa tête sur mon épaule. Nous oscillons de droite à gauche, faisant du sur place
C'est plein de baisers, caresses. Plein de mots sucrés d'enfants.
Attestation de tendresse, rituel rassurant.
Je n'ai pas la moindre idée de l'heure qu'il est.
Il est 17 ans.
Pour la prestance c'est râpé, mais le bonheur qui coule dans mes veines est étrangement inconnu, délicieusement douloureux. J’entends son cœur battre. Cliniquement, c'est tout sauf romantique.
Mais cela me fait du bien. Ça veut dire qu'il est vivant. Contrairement aux Potters, à des tas de moldus, de sang-mélés. Il est vivant, et il s’endort dans mes bras.
La radio continue de crachoter ses paroles stupides « So Darling, Darling, Stay by me.. Oh Stay by me »
Soit. Faisons comme ça.
OoO
- Comment allez-vous Severus ?
Je hausse un sourcil sceptique en guise de réponse. Je suis plus ennuyé qu'autre chose. Pourquoi Dumbledore m'a t-il demandé de venir dans son bureau. Pas pour faire un petit bilan sur mon moral quand même ?
Apparemment si.
- Admirablement, je réponds de la manière le plus atone possible.
Malheureusement, cette locution est on ne peut plus vrai. J'ai l'impression d'être une jeune pucelle crétine.
Il lève à son tour un sourcil. Bon qu'est-ce qu'il me veut ? Il se lève
- Et comment se porte le professeur Lupin ?
Je reste bloqué. Si je réponds « admirablement » il va se douter qu'il y a un truc non ?
- Bien, je suppose. Le professeur Lupin fait toujours preuve d'une bonne humeur anormale.
- Aah. Severus ! Je m'en doutais.
Il se doutait de quoi ? Mais il ne semble pas vouloir mener le débat plus avant.
- Bien, bien,bien. Vous pouvez y aller. Un bonbon au citron ?
- Merci. Non.
J'ouvre la porte et je tombe sur Lupin qui se tient au mur, mort de rire. Je referme rapidement la porte derrière moi et le regarde, doutant de plus en plus de l'efficacité de son système cérébral. Je commence à descendre l'escalier, affligé d'entendre Lupin me suivre, pouffant toujours dans son poing, la main collée au mur pour ne pas tomber.
Le plus tragique dans cette affaire, c'est probablement que je sens le fou rire me gagner. Tout ceci est absurde.
- Pourquoi riez vous abruti ? Je demande entre mes dents
- Hihihiiii. Il a dit.... mouhahaHAHA .. voulez-vous... bonbon au citron. Hahahahaha !!!
C'en est visiblement trop pour lui. Il se plie en deux dans le couloir. Honnêtement je ne comprends pas la cause de son hilarité, mais il a l'air à deux doigts de la rupture nerveuse.
J'attends que ça passe en l'observant et me demandant une fois de plus ce qui peut bien me plaire chez ce cinglé.
Au bout d'un moment, je décide de mettre fin à ce cirque. Je fonce sur lui, m'empare de son visage, et de ses lèvres. Et tant pis si nous sommes en plein couloir. Il en va de la survie d'un être humain, qu'il faut extraire de sa démence. Ne rien faire serait à coup sur considéré comme un crime de non-assistance à personne en danger.
Méthode très efficace. J'imagine qu'il est trop surpris pour se rappeler qu'il était au milieu d'un fou rire.
Je me détache de lui. Mais ses yeux, loin d'exprimer la stupeur, me regardent tendrement.
- J'ai fait ça uniquement pour que vous arrêtiez ce cinéma. Je m'empresse de préciser.
Il lève les yeux aux ciel.
- Votre mauvaise foi a quelque chose de prodigieux.
Harmonie, Intelligence et raison ou sérénité, complice connivence,
autant de mots, pour exprimer tout ce que c'est.
C'est un peu tout ça tour à tour
Mais en tout cas, c'est pas d'lamour.
Nous reprenons notre marche vers la grande salle pour le repas du soir, et juste avant de passer la porte, Lupin s'empare furtivement de ma main et la serre.
Puis il me lâche et entre dans la pièce, me laissant figé un moment. Je le suis du regard alors qu'il rejoint sa place.
Il me propose un monde plus délicat, plus amusant. Je me demande parfois si nos yeux voient les mêmes choses. Il me regarde beaucoup trop pour un type qui aurait une vue correcte.
Ça me fait bizarre. Pourtant, malgré ses rires, je sais qu'il est beaucoup plus stable que je ne l'ai jamais été. C'est dommage que j'arrive à avoir confiance en lui.
Je l'aimais bien ma haine, j'y étais habitué, c'était une compagne fidèle et sans reproche.
Sans peur et sans solitude. Le bonheur a ce qu'on dit.
Y'a bien des vies sans Beethoven et sans avis, pourquoi pas des vies sans cri ?
OoO
Je le regarde dormir. Sa chute de rein, à peine dissimulée par le drap, attire mes doigts inexorablement.
Je fais glisser mon index le long de sa colonne vertébrale et il grogne dans son sommeil. Ce type dort comme une souche. C'est incroyable qu'il ait l'air aussi fatigué. Moi ça fait longtemps que je suis insomniaque. Mais c'est une bonne chose. Ça me donne l'occasion de céder à cela. L'attrait de la peau de Lupin. Je ne le lui montrerais jamais s'il était éveillé.
Cela dit, il ne me court pas après non plus. Il me rassasie souvent de sa présence mais m'oblige parfois à venir le chercher. Il est plus fort que je ne le pensais.
Non, ce n'est pas de l'amour.
L'amour ça fait mal, ça déchire. Je le sais je l'ai connu. Je ne l'aurais jamais admis à l'époque, mais j'ai été éperdument amoureux de Lupin. C'est vrai. J'ai failli tourner le dos à ma famille avant même d'avoir conscience d'à quel point elle était pourrie, tout ça parce que je craignais pour la race des hybrides. L'amour c'est violent, destructeur. On meurt pour lui. Comme Lily Potter.
Moi je ne meurs pour personne. Je ne deviens pas stupide quand Lupin est dans les parages, je ne suis pas plus aimable avec lui ni plus attentionné. Je suis juste heureux. Ça ne se raconte pas.
Lupin rend chaque jour plus limpide, plus facile. Je ne crains pas de le dire, parce que ce n'est pas mièvre, ce n'est pas idiot, ce n'est pas mielleux et dégoulinant comme le sont les amours.
Je ne sais pas ce que c'est. Et franchement je m'en fiche. *
En tout cas c'est pas d'l'amour.
C'est plus d'l'amour.
Il ouvre les yeux alors que je ferme les derniers boutons de ma robe en lui jetant un regard qui veut clairement dire « Vous allez être en retard ».
J'aurais pu le réveiller c'est vrai. Mais on ne se refait pas. Il me toise de haut en bas et s'étire, pas plus tracassé que ça.
- Severus, vous êtes superbe aujourd'hui. Je pense que c'est du à votre tenue. Du noir ! Il fallait oser. Quelle originalité, quel sens de la surprise.
- Fermez-la Lupin !
OoO
* Ooh, je suis navrée pour cette envolée lyrique et ce ramassis de clichés qui sied si mal à Snape. Mais bon pour reprendre très justement mon Vilain garçon: « Toute chauve-souris amère et acariâtre a le droit de tomber un peu dans la guimauve quand la nuit tombe »
On va dire que c'est ça. =) |