Deux silhouettes s’avancent dans la pénombre. Elles portent de longs manteaux sombres, qui les rendent presque invisibles dans l’obscurité grandissante. Leur visage est caché par de grands capuchons, et elles gardent la tête baissée. Leurs traces semblent s’effacer derrière elles, comme par enchantement. Elles sont à l’affut. Elles écoutent, guettent le moindre bruit dans la nuit tombante. Elles sont tendues, elles savent que la situation est critique. Elles ont cependant de bonnes nouvelles à annoncer à leur maître. Un nouvel espoir, frêle il est vrai, mais un espoir tout de même. Elles ne seraient pas revenues dans le cas contraire.
Elles se faufilent entre les arbres tordus de la vieille forêt. Elles approchent de leur but, une petite maison en ruine, près d’un ruisseau qui s’écoule silencieusement. Une dernière vérification : tout va bien, elles n’ont pas été suivies. Elles rentrent dans la bâtisse et se dirigent vers le centre de l’unique pièce, la lumière de la lune décroissante les éclairant à peine à travers le feuillage et le toit détruit. L’une des deux prononce à voix basse des paroles dans une langue inconnue et soudain, une entrée s’ouvre dans le plancher moisi et poussiéreux, couvert de feuilles oranges et rouges. Elles s’y engagent et disparaissent rapidement, le sol se refermant derrière elles dans un bruissement à peine audible. Il n’y a plus trace de leur passage, le plancher, puis la poussière et les feuilles ont recouvert l’endroit où elles ont disparu.
Les deux ombres descendent le long d’un escalier étroit et humide, éclairé seulement par la présence de mousse faiblement phosphorescente poussant sur ses parois. L’air est lourd, difficile à respirer. L’escalier semble creusé à même la terre et la roche, et ses marches irrégulières manquent de faire trébucher les deux compagnons à chaque pas. Ils arrivent enfin devant une porte de fer. On leur demande un mot de passe à voix basse, qu’ils donnent sur le même mode. La porte s’ouvre pour les laisser entrer. Il n’y a personne derrière. Ils suivent ensuite un couloir aussi austère que l’escalier, au bout duquel une autre porte se dresse, leur interdisant le passage. L’un des deux frappe deux coups rapides, un lent, puis deux autres rapides.
- Entrez ! dit une voie forte, brisant le silence.
Ils obéissent. Une fois à l’intérieur et la porte refermée, ils ôtent leur capuchon. Ils se trouvent dans une pièce sombre, à l’instar du reste du repère, mais moins humide. On y respire mieux, grâce au sort magique qui y a été lancé. Devant eux, un homme d’une quarantaine d’années et d’une forte carrure est assis sur une chaise, accoudé à une petite table sur laquelle est posée une bougie, seule source de lumière de la pièce. Il a d’épais cheveux bruns qui lui tombent devant les yeux mais qui ne peuvent cacher son regard dur, une moustache et une barbe ne dissimulant pas ses lèvres pincées. Sur leur droite, un rideau cache un renfoncement, duquel s’échappe une respiration faible et heurtée.
- Alors, quelles sont les nouvelles ?
- Maître, nous avons peut-être trouvé une autre solution, dit l’un des deux hommes.
A la faible lumière, on distingue ses traits émaciés, marqués par une grande fatigue et ses cheveux courts et blonds, sales. Il est petit, un peu tassé sur lui-même, ce qui lui donne l’air plus âgé qu’il ne l’est réellement.
- Des bruits courent qu’un troisième Dragon Slayer a rejoint la guilde de Fairy Tail, dans la ville de Magnolia, continue le deuxième, blond également, les cheveux plus longs, un peu plus grand que son comparse, l’air aussi épuisé.
- En quoi cela peut-il nous être utile ? répond leur maître, d’une voix où perce l’impatience.
- Il s’agit du Dragon Slayer des cieux maître, poursuit le premier homme.
Un court silence accueille cette déclaration, puis le maître reprend la parole :
- Je vois… Demain à la première heure, vous partez pour Magnolia. Rapportez-moi ce chasseur de dragon, par tous les moyens que vous jugerez utiles. Je ne tolèrerai aucun échec.
Sa voix était dure, autoritaire. Les deux hommes savaient que leur chef ne plaisantait pas. Ils devaient ramener ce Dragon Slayer coûte que coûte.
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« Bon, comment vais-je payer mon loyer ce mois-ci ? »
La jeune constellationniste se posait très souvent cette question, et aujourd’hui ne faisait pas exception. Pendant que ses amis nettoyaient le désordre résultant de leur affrontement matinal sous la surveillance d’Erza, elle regarda longuement le tableau des requêtes, afin de trouver une mission qui lui permettrait de payer son loyer du mois tout en divisant la recette entre elle et ses amis. Et avec le moins de moyens de transport possible aussi (même s’il lui en faisait voir de toute les couleurs, elle aimait, appréciait assez Natsu pour se soucier un minimum de son bien-être). Et si la mission pouvait, en prime, se dérouler dans un lieu loin de tout bâtiment dont la perte pourrait être reprochée à son équipe, type monument historique, manoir appartenant à une quelconque famille influente, et en y réfléchissant bien, tout bâtiment quel qu’il soit… cela l’arrangerait beaucoup. Elle n’avait pas envie de payer encore pour réparer les dommages causés par ses amis un peu trop fougueux (et même par elle, à l’occasion. Fairy Tail commençait à franchement déteindre sur elle !). Un jour, dans sa ferveur, Natsu avait même brûlé la moitié d’une forêt appartenant à un riche particulier. La guilde avait bien failli ne pas s’en relever et ne devait son salut qu’à l’intervention d’Erza auprès du propriétaire, qui heureusement (ou malheureusement selon le point de vue), avait un faible pour la jeune femme. Cette dernière avait dû rester quelques jours de plus dans sa demeure et, à son retour, elle n’avait jamais voulu en reparler. Inquiète, Lucy avait essayé de l’interroger, mais la seule réponse qu’elle avait pu tirer d’une Erza choquée avait été : « Non…pitié…plus de robes roses à froufrous…AAAAAAAAAAAAAAAH !!!! », avant que son amie ne s’enfuit de la guilde pour rester enfermée dans sa chambre pendant deux jours. Elle avait appris par la suite que le propriétaire de la forêt était un dingue de cosplay et s’était fait une petite idée de ce qu’Erza avait dû subir pour racheter la guilde. Lucy ne put s’empêcher de sourire à ce souvenir. Elle se reprit rapidement cependant, pensant à ce qui pourrait lui arriver si son amie venait à découvrir les raisons de son allégresse. Il valait mieux ne pas trop chercher Erza sur ce sujet, et même ne jamais l’évoquer si on voulait s’en sortir en conservant l’intégralité de ses membres.
En jetant un coup d’œil derrière elle, elle vit que Natsu et Gray avaient fini de débarrasser les débris provoqués par leur dernière dispute et qu’Erza avait rejoint le bar. Elle buvait son verre de jus de fruit en écoutant passivement les bavardages de Mirajane. Les deux garçons en avaient profité pour recommencer à se chamailler, mais en silence, et sans rien casser cette fois. Le nez de Gray et la mâchoire de Natsu étaient toujours rouges à causes des coups de Lucy. Celle-ci sentit une petite pointe de remords. Elle se contentait d’habitude de les réprimander vertement. Mais une mauvaise nuit, et le stress de ne pas savoir si elle pourrait oui ou non payer son loyer à cause de leurs bêtises, avaient eu raison de sa raison. Elle se sentait d’autant plus coupable qu’ils l’aidaient toujours quand elle était dans la panade, en prenant toutes sortes de missions plus ou moins gratifiantes, pour lui apporter l’argent nécessaire. « Bof, ils s’en remettront, pensa-t-elle en tournant à nouveau son regard vers le tableau des missions, c’est pas comme si j’avais assez de force pour leur faire vraiment mal. En plus c’est normal qu’ils m’aident à payer mon loyer, ils passent leur temps à rentrer par effraction chez moi, à casser tout ce qui leur tombe sous la main, à débarquer dans la salle de bain sans frapper, à fouiller dans mes sous-vêtements et à lire mon journal intime… Ah tiens ! Ca, ça pourrait être pas mal !»
La jeune fille avait trouvé une mission demandant de retrouver les deux enfants d’une riche famille, qui avaient apparemment fugué. D’un côté, elle ne pouvait le leur reprocher, s’étant elle-même enfuie de la demeure des Heartfillia lorsqu’elle n’avait plus pu supporter l’autorité de son père. Mais elle était revenue pour prendre ses responsabilités et lui faire savoir sa façon de penser lorsqu’il avait engagé une autre guilde pour attaquer Fairy Tail et la récupérer. De plus, la mission était bien payée, et elle avait vraiment besoin de cet argent. Bon, le lieu où ils devraient se rendre se trouvait à une heure de train, mais Natsu avait connu pire, et on ne pouvait gagner sur tous les tableaux ! Elle pensait qu’ils pourraient résoudre le problème très vite, notamment grâce au flaire du Salamander. Elle prit donc le papier donnant les détails de la mission et se dirigea vers ses amis pour leur en parler.
- Désolée Lucy, lui dit Erza après que la jeune fille lui ait exposé leur nouvelle mission, mais je dois partir avec maître Makarov à une convocation du conseil demain dans la journée, je ne pourrais pas vous accompagner. Enfin, pour une mission comme celle-là, vous ne devriez pas avoir besoin de moi, et il y aura une personne de moins pour répartir l’argent.
La réaction de Natsu n’était pas des plus enthousiastes :
- Quoi ? Mais il n’y aura aucun défi, aucun combat ! Pourquoi…
- Pas de discussion, on part demain matin, j’ai besoin de ton nez pour cette mission !! En plus c’est à moi de choisir cette fois-ci. A chaque fois que c’est toi qui décide, ça, il y a des combats, c’est sûr !! Je ne compte même plus le nombre de fois où on a frôlé la catastrophe !! Et puis, on est toujours obligé d’utiliser l’argent qu’on vient juste de gagner pour réparer tes dégâts !
- Hé, cet abruti de Gray aussi casse des trucs à chaque f…
- Ils sont riches Natsu, il y aura sûrement de TRES BONNES choses à manger, en TRES GRANDE quantité.
- Compris ! Je te suis sur ce coup là !
- Il y aura du poisson ?
- Je pense oui, Happy…
- Aye ! Je viens aussi !
« Haha Trop facile !! A moi les 200 000 jewels !! Hihihihihihihihihihihi!!....»
- Natsu, Lucy fait encore une tête bizarre, elle fait vraiment peur en ce moment.
- QUI FAIT PEUR ???? Bon, Gray, on a une nouvelle mission, ça t’intéresse ? continua la jeune fille en apercevant le mage de glace.
- Euh…je…
- Non, le coupa une jeune femme aux cheveux bleus. Gray-sama a promis à Juvia (et pas à Lucy) d’aller en mission avec elle demain (et pas avec Lucy), alors il ne viendra pas ! Juvia a gagné cette fois-ci !
La mage de l’eau avait un regard triomphant et semblait très satisfaite de sa victoire sur sa « rivale en amour ».
- Tu sais Juvia, je ne m’intéresse vraiment pas à Gray alors…
Mais cette dernière ne l’écoutait déjà plus et s’éloignait en tirant par le bras un Gray qui semblait se demander s’il avait vraiment bien fait de lui céder.
- Désolé Lucy, elle m’a eu à l’usure, eut-il juste le temps de chuchoter à son amie, un sourire coupable sur le visage.
Lucy se dit cependant qu’il n’avait pas l’air si mécontent de son sort et elle sourit en pensant que, peut-être, quelque chose pourrait se passer entre ses deux amis pendant cette mission. Mais c’était peu probable, vu à quel point Gray pouvait être aveugle par moment. Sans rire, il était le seul à ne pas se rendre compte que la mage de l’eau était complètement dingue de lui. Connaissant Juvia, la mission en question pourrait très bien se dérouler dans un parc d’attraction, un aquarium, ou tout autre lieu de rendez-vous romantique. D’autant plus qu’en y réfléchissant, Lucy ne l’avait pas vue prendre de mission sur le tableau, et aucune ne semblait manquer… Et bien entendu, Gray ne se douterait de rien, ne comprendrait rien, totalement hermétique à toutes les « subtilités » de la gente féminine. Elle soupira intérieurement. Si elle avait raison, le rendez-vous amoureux de Juvia risquait fort de tourner en une monumentale déception. En tant qu’amie, elle se devait peut-être de donner des conseils à cet idiot. Plus tard. Quand elle aurait le temps.
Lucy, plongée dans ses pensées, se dirigeait vers le bar pour signaler à Mirajane qu’elle, Natsu et Happy avaient choisi une nouvelle mission quand elle percuta un des tabourets. Qui, étrangement, émit en tombant un faible « Aïe » d’une toute petite voix, qui ne lui semblait pas inconnue. La constellationniste sortit de sa rêverie et identifia la personne qu’elle avait fait tomber en lieu et place d’un tabouret de bar.
- Wendy ! Oh, je suis désolée, je ne regardais pas devant moi et… Je ne t’ai pas fait mal ?
- Bonjour Lucy ! Non non ne t’inquiète pas, j’étais moi-même un peu distraite…
La fillette avait en effet l’air préoccupé.
- Tu es sure ? Je veux dire, ça n’a pas l’air d’aller.
- Non ça va je t’assure, je…
Devant le regard insistant de la jeune fille, Wendy finit par lui avouer qu’elle voulait partir en mission, et qu’elle se lassait un peu de celles qu’elle remplissait dans la ville même, comme retrouver des chiens fugueurs, aller chercher des chats coincés dans les arbres, aider les personnes âgées à traverser la rue, et même du baby-sitting parfois. Mais elle avait un peu peur de s’aventurer en dehors de Magnolia toute seule.
- Si tu veux, nous partons demain matin pour retrouver des enfants fugueurs. Natsu n’a pas l’air très motivé, on pourrait avoir besoin de ton odorat… Ca n’est peut-être pas très palpitant, mais le gros plus, c’est que tu vas pouvoir charrier Natsu avec nous quand on sera dans le train !
- Ca ne vous dérange pas, tu es sure ?
- Mais non voyons ! Tu es la bienvenue.
- Merci Lucy !! Euh, tu sais que tu as une tache de chocolat sur ta jupe ?
- Oui, je sais, répondit la constellationniste avec un regard mauvais en direction de Natsu, qui semblait regarder partout, sauf dans sa direction, comme s’il l’avait entendue… ce qui était surement le cas. Wendy lui adressa un regard interrogateur mais Lucy ne continua pas.
- En tout cas, je te remercie encore !
La fillette partit en courant vers la petite chatte blanche qui l’accompagnait partout.
- Hey Sharuru, devine quoi, on part en mission avec Lucy et Natsu !
- Pfffffff, je suppose que le chat bleu sera là aussi…
- Aye ! Dis, tu veux un poisson ?
- …
Lucy regardait Wendy en souriant. La fillette avait regagné son entrain, elle préférait la voir ainsi. Elle parlait à présent avec animation à Mirajane, qui lui offrit un verre de coca. Pendant ce temps, Sharuru continuait à ignorer superbement Happy, qui lui tournait autour en tentant vainement de lui offrir son poisson.
La jeune fille, sa feuille de mission à la main, reprit son chemin vers le bar. Elle ne tourna pas son regard vers l’affiche punaisée au mur, juste à côté du comptoir, sur laquelle on pouvait lire :
« Liste des guildes sombres :
Nouvelles guildes répertoriées : Dreaming Light – maître : Tairyoku. »
La journée se déroula sans incident notoire. Finalement, trois tables, cinq bancs, une dizaine de verres cassés et une superbe crise de nerf de maître Makarov : « Mais-où-voulez-vous-que-je-trouve-l’argent-pour-remplacer-tout-ça, en-plus-j’ai-toujours-le-conseil-sur-le-dos-à-cause-de-vos-bêtises, vous-voulez-vraiment-me-voir-mourir-avant-l’heure AAAAAAAAAAAAARGH !!!!! » ne représentaient qu’une journée on ne peut plus normale à Fairy Tail.
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