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Merlin soit loué, je suis en vie.
Je n'aurai pas imaginé que cette pensée puisse me soulager, mais c'est le cas. Je suis heureux d'être vivant. Cette altercation avec Potter aurait bien pu être la dernière. Pour l'avenir du monde sorcier, il aurait probablement mieux valu.
Je fixe le plafond de l'infirmerie sans vraiment le distinguer dans la pénombre. Je suis un peu stone, c'est surement du aux potions qui m'ont été administrées. Ca n'est pas désagréable, je me sens tout cotonneux et mes pensées flottent avec plus de légèreté qu'elles ne devraient.
Je respire calmement. Bizarrement, cloitré et seul dans cette petite pièce, je me sens plus libre que je n'ai pu l'être depuis longtemps. Personne en dehors de Mme Pomfresh n'a été autorisé à venir me voir depuis mon arrivée et je dois dire que cela fait un bien fou. Je suis à l'écart des autres, à l'écart du monde et surtout à l'écart de ma mission. Pendant plusieurs heures d'affilées, je n'ai pas eu à m'occuper de donner le change, à préserver les apparences, à fomenter un complot, à angoisser sur demain. La douce torpeur des médications me permet simplement de savourer la sensation d'être toujours en vie.
Je rouvre les paupières, la luminosité tombe, j'ai du m'assoupir longtemps, peut être même toute la journée, je serai incapable de dire. J'ai de vagues souvenirs de repas péniblement avalés, de quelques paroles échangées à contrecœur avec l'infirmière, de Severus passé en coup de vent. Tout cela est bien flou dans mon esprit, mais ils sont bien trop communs pour avoir été des rêves, j'en déduis donc qu'au moins une partie de ça est bien arrivé. Je suis plus alerte que la nuit précédente, j'imagine que les doses de potions sont moins fortes. Dommage. J'aimai bien ce cocon médicamenteux.
Je me fige. J'ai l'impression d'avoir entendu une autre respiration.
Je tends l'oreille plusieurs longues secondes.
Ou je suis fou, ou un des meubles de la chambre respire. Je tends le bras vers la table de nuit pour essayer d'y trouver ma baguette. Il est tout engourdi et mes doigts tâtonnent en tremblant avant de réussir à se saisir du bâton d'aubépine. Je le brandis devant moi sans assurance.
« – Qui est là ? » je croasse d'une voix rauque.
Le souffle disparaît. Je doute une seconde de son existence. Mais je suis désormais convaincu de sentir une présence. Une présence hostile. Je commence à paniquer. Le maître à t'il finalement décidé de revenir sur sa clémence et de me tuer immédiatement ? Est-ce un Mangemort dans la chambre, avec pour ordre de m'éliminer discrètement ?
Ce serait le moment idéal, le blâme retomberait alors sur Potter et un jugement serait un bon moyen de le faire sortir de Poudlard où il est intouchable.
Je n'arrive plus à réfléchir clairement. Je me sens en danger, je commence à suffoquer, ma vue se brouille. S'il y a un affrontement, je ne tiendrai pas deux minutes. Je suis bien trop faible. Je sens un voile de transpiration glacé se former sur tout mon corps. Ma main tremble ostensiblement et mon bras se fait lourd, mais je refuse de laisser tomber. Pour une fois, je ne veux pas lâcher.
Je ne veux pas crever comme ça, pas dans un lit comme un vulgaire cracmol.
« – Je sais que vous êtes là. Révélez-vous, qu'on règle ça comme des sorciers dignes de ce nom. »
Ma voix est plus ténue que je ne le voudrais. Mais plus ferme que je ne le suis. Des points noirs dansent désormais partout dans mon champ de vision, je suis au bord de l'évanouissement. Mais je ne veux pas lâcher.
Je puise dans mes dernières forces, je lutte pour chaque centimètre carré parcouru et je me lève de mon lit. Je suis trempé et je grelotte, je serre les dents pour ne pas qu'elles claquent, pour ne pas claquer tout court d'ailleurs.
Ces quelques secondes sont les plus longues de ma vie. Tout va se jouer maintenant.
« – Révélez-vous. » je répète, plus faiblement.
Le sol tangue, je manque de tomber. Je ne veux pas lâcher.
Pour la première fois de ma vie, j'ai la sensation que la mascarade a fait son temps, qu'elle est terminée et que je vaux mieux que ça. Je mérite mieux que cette fin merdique. Cela n'a rien à voir avec une quelconque question d'honneur, de rang, ni même de respect. Je suis un être humain et pour une fois, j'aimerai être traité comme tel, avec ne serait-ce qu'une once d'empathie. Je sais que je suis bien mal placé pour exiger ça. Mais à cette seconde précise, je n'en peux plus de n'être qu'un pion de l'histoire.
« – Je… Je mérite mieux que ça. je souffle péniblement. J'exige un droit de réponse. Vous me devez au moins ça… » je parviens à articuler avec ce courage des derniers instants.
« – Vraiment ? fait une voix que je connais trop bien, pleine de rancœur et de reproches. Je serai curieux d'entendre ça, Malefoy ».
La tête ébouriffée de Potter apparaissant dans le coin opposé de la pièce fut la dernière chose que mes rétines imprimèrent avant que je sombre dans le noir complet. |