Mes paupières sont toujours closes mais je ne dors plus depuis plusieurs minutes. Nous devons probablement être au milieu de la nuit.
« – Je sais que tu es là. dis-je faiblement.
– Bien. » me répond la voix du brun depuis le coin de la chambre.
J'ouvre les paupières mais je ne le vois nulle part dans l'obscurité. En plissant davantage, il me semble pourtant percevoir une forme plus sombre qui bouge légèrement dans un coin.
« – Qu'est ce que tu veux Potter ? »
Je ne me sens pas d'humeur à me battre avec lui, que ce soit par les mots ou les sorts. Je suis encore faible et j'ai l'impression de m'être suffisamment battu pour toute une vie.
« – Je ne sais pas. »
Je ne parviens pas à décrypter son ton. Est-ce que de l'étonnement, du regret ou de la colère que je perçois ?
« – Tu ne sais pas pourquoi tu viens me menacer durant ma convalescence ? » je demande sans comprendre.
– Je ne te menace pas. me répond-t-il simplement.
– Venant de la part d'un type qui a failli me tuer, tu me permettras d'en douter. » Je déclare, pince sans rire.
Il soupire lourdement.
« – Je suis vraiment désolé pour ça… il semble abattu. Je ne connaissais pas la teneur de ce sortilège. »
Je suis sur le point de faire une remarque cinglante mais des flashs de son visage terrorisé et des hurlements de Mimi Geignarde me reviennent. Je me mords la lèvre. Il s'en veut véritablement. Bordel de Saint Potty ! J'imagine qu'on a au moins ça en commun, d'avoir blessé des gens beaucoup plus qu'on ne le souhaiterait, de regretter nos gestes, de se sentir coupable au-delà de ce qu'il est possible d'exprimer.
Mais je ne peux pas me ramollir, ce type est un proche de celui que je suis censé tuer. Il est mon ennemi.
« – Tu jettes des sorts que tu ne connais pas… Tout l'esprit Gryffondor résumé en un seul geste. » je rétorque avec le peu de morgue que j'ai en stock.
« – Et toi tu m'as attaqué simplement pour t'avoir surpris dans un moment de faiblesse. J'imagine que c'est là la philosophie Serpentard dans toute sa splendeur. » riposte-t-il sur le même ton.
Un long silence s'installe. J'imagine qu'il marque un point, même si dans l'histoire c'est moi qui ai failli mourir. Je jette un coup d'œil au coin de ciel noir visible à travers la fenêtre. Je soupire. Ce petit jeu me fatigue. Etre ce mec arrogant et fier me fatigue. Etre l'ennemi, la raclure me débecte. Je n'ai plus envie de ce face à face, d'être le négatif d'Harry Potter. J'ai envie de disparaître, de m'échapper dans la brise nocturne, de devenir un courant d'air. Mon cœur se serre, étreint de remords. Le milieu de la nuit a tendance à me rendre mélancolique. Je me sens d'humeur à m'épancher et Potter n'est pas à proprement parler l'interlocuteur idéal pour ça.
« Va-t-en » je lui ordonne, las.
« – Non. Je veux savoir ce que tu manigances. » me répond-t-il avec calme, mais détermination.
Je laisse échapper un ricanement.
« – Tu espères sincèrement que je vais répondre à ça ? »
Pendant une seconde j'envisage cependant la possibilité de lui balancer au visage le contenu exact de ma mission, mon statut de Mangemort, les quelques informations que je connais des plans du Lord, juste pour voir sa tête. Mais je ne peux pas…
« – Honnêtement… oui. » me déclare la voix du Gryffondor sans fléchir.
Je fronce les sourcils. Est-il devenu complètement abruti ?
« – Tu sais quoi Malefoy. Laissons tomber les masques deux minutes, tu veux ? J'en avais ma claque de te supporter, toi et tes airs hautains, tes insultes constantes, tes sales coups perfides. Mais cette année, c'est comme si tu avais disparu. Pas que ça m'ai manqué je dois dire. Mais ça m'a inquiété. Ne me fais pas ce regard. Cela fait des semaines que je sais que tu prépares quelque chose. Je n'ai pas de preuves, mais je te connais, d'une certaine manière, et je sens que tu fais quelque chose de mal… Depuis l'accident des toilettes, j'ai beaucoup réfléchi. Ca m'a permis de réaliser quelque chose d'évident. Je déteste t'avoir comme ennemi. Tant que ça restait un ennemi de couloirs d'école, c'était gérable. Mais être ton ennemi dans la guerre à venir, c'est autre chose. Je ne t'apprécie pas. Mais je n'ai aucunement envie de te faire du mal. Et, même si ça m'écorche de l'admettre, tu es un mec intelligent, je ne comprends pas pourquoi tu reste de ce côté du combat. Ce ne t'apportera rien de bon et tu le sais forcément. »
Je ferme douloureusement les yeux. Potter n'est donc pas complètement un abruti, il sait taper là ou ça fait mal.
« – Va-t-en. » je murmure. Je me sens épuisé.
« – Non, je veux savoir ce que tu manigances. répète-t-il avec détermination. Hier soir, tu m'as dit que tu méritais un droit de réponse. Je t'écoute. »
Je suis stupéfait.
Les souvenirs flous de la veille me reviennent par bribes. Il est possible que dans mon délire pré-coma j'ai bafouillé quelque chose comme ça. Je soupire bruyamment. La situation commence à me peser.
« – Et qu'est ce que tu veux entendre exactement ? je grogne. Que je suis un connard imbu ? Que je suis un partisan de Tu-Sais-Qui ? Que je prépare des potions mortelles dans mon laboratoire secret pour éliminer tous les sorciers non purs ? Tu ne sais rien de moi Potter, et crois-moi, tu ne veux rien savoir ! Qu'est ce que tu t'imagines ? Qu'il suffit de venir me voir au milieu de la nuit, comme un seul un détraqué pourrait le faire, pour faire amende honorable ? Qu'il suffit de faire tes yeux de chien battu pour que le monde s'arrête d'être mauvais et absurde. » Je crie presque désormais. Ma voix tremble.
« – Casse-toi. Je te hais. » Je lui assène comme une dernière cartouche.
Il y a du bruit dans la pièce voisine, Pomfresh a du être alerté par le niveau sonore car elle fait irruption dans la chambre quelques secondes après, faisant disparaitre la silhouette de Potter derrière l'ombre de la porte.
Je la rassure aussi rapidement que possible et je parviens à me débarrasser d'elle en prétextant un cauchemar – ce qui n'est pas très loin de la réalité. Quand enfin elle quitte les lieux, je suis seul dans la petite pièce. |