Je suis debout devant la porte de la chambre de l'infirmerie qui m'a accueilli ces derniers jours. J'appréhende le moment où je devrais poser ma main sur la poignée et rejoindre le reste du monde, le monde « réel ».
Dire que j'ai passé tant d'années à me sentir prisonnier et pris en étau de choses insurmontables. En quelques heures à peine, tout a été balayé d'un coup de pied.
La nuit dernière a été longue, très longue. Ou courte, c'est selon. A partir du moment où j'ai commencé à parler, je n'ai pas pu m'arrêter avant un long moment. Je n'aurai jamais imaginé que je puisse parler autant, à qui que ce soit et encore moins à Potter. Je n'avais pas réalisé à quel point j'en avais besoin. Je ne me croyais pas si proche de la rupture.
J'ai fini par tout dire, tout mettre dehors. Comme un flot de bile que mon organisme ne pouvait plus conserver. Et je me suis senti moins sale. Tout cela sortait de moi, libérant de la place pour respirer, pour penser. Une partie de mon cerveau me hurlait que ce que je faisais était du suicide, que je mettais toute ma famille en danger en faisant cela. Et c'est vrai. Je racontais à la personne la plus sensible des éléments déterminants sur son ennemi. Mais ma famille n'avait pas eu besoin de moi pour se mettre en situation dangereuse. Nous vivons avec le couteau sous la gorge depuis des mois. J'ai simplement déplacé le problème.
Potter a d'abord parlé peu, il a beaucoup écouté. Même dans la pénombre je pouvais le sentir se tendre, s'émouvoir ou être surpris. Il s'est contenu aussi, par moments. Et j'ai apprécié sa discrétion, lui qui n'est pas vraiment connu pour son tact.
Puis c'est lui qui a pris le relais et je l'ai écouté. Il m'a dit des choses que je n'avais jamais entendues ou prit la peine de considérer. Il m'a parlé de l'autre côté du combat, de ce pourquoi il continuait à lutter, de ce qui le maintenait debout malgré les coups durs et la défiance du monde sorcier.
Je l'ai laissé rentrer dans ma tête, j'ai laissé toutes ces pensées infuser dans mon esprit, faire écho à des choses que je ressentais depuis longtemps déjà, sans oser les regarder en face, sans oser les formuler. Ce que j'avais toujours haï de moi, cette lâcheté congénitale, cette faiblesse de tempérament, regardées sous un angle différent, prenaient une autre couleur, celle de la compassion, de l'empathie. Je me suis débattu avec cette découverte avant de finalement décider que, malgré tout ce qu'on avait pu me dire depuis mon plus jeune âge, je n'avais pas honte de ressentir ces deux émotions.
Peut-être un début de courage… finalement.
Potter m'a réassuré ne pas répéter tout ce qui avait été échangé durant ces quelques heures nocturnes. Mais il m'a également invité à ne pas les garder pour moi, à trouver de l'aide extérieure pour ne pas sombrer. A agir pour moi…
Je vois la porte s'ouvrir et se refermer comme par magie. Et je sens sa présence à mes côtés. Je ne sais pas comment il fait cela, mais c'est remarquable.
« – Prêt ? » me demande-t-il doucement.
Je ferme les yeux deux longues secondes, et les réouvre, déterminé comme je ne l'ai jamais été dans ma vie.
« – Non, je suis terrifié. Mais je veux le faire. Je me le dois. »
Je n'ai pas besoin de le voir pour sentir son sourire se former.
« – Il y a des choses pour lesquelles on n'est jamais vraiment prêt. me répond-t-il avec gentillesse.
– J'imagine… Tu lui as annoncé l'objet de la rencontre ? » je l'interroge. L'inquiétude commence sérieusement à me gagner.
« – Pas en détails, je lui ai simplement dit que tu souhaitais le voir et que c'était important. Mais tu sais… Il en sait généralement beaucoup plus qu'on ne le pense, il doit déjà avoir sa petite idée. Je te conseille d'être pleinement honnête avec lui… comme tu l'as été avec moi. »
Je serre les poings. Même résolu, je ne peux m'empêcher de trembler. Quand j'ouvrirai cette porte, un nouveau chapitre de ma vie va démarrer, un chapitre radicalement différent. La sensation d'être sur le point de me jeter dans le vide me donne le vertige.
« – Je vais quand même lui annoncer que je suis censé le tuer. » je pointe sans assurance.
« – Ne t'inquiète pas, tout ira bien. Je crois que tu seras surpris du soutien que tu trouveras auprès de lui et… de l'Ordre. »
Je ne sais pas bien à quoi, ou qui, il fait référence, mais la main que je sens se poser sur mon épaule me donne du courage.
Je prends une large inspiration et je me saisis de la poignée devant moi, je sors de l'infirmerie sans un mot, le courant d'air Potter sur mes talons.
Dire qu'il en fallait si peu pour que tout change.
Oh, ça ne sera pas facile, je le sais bien. Ca sera même probablement horriblement difficile et par moments, j'aurai envie de faire machine arrière. Mais ça sera mon chemin et mon histoire.
Enfin. |