Epilogue Abend toussa et mit la main devant la bouche. Du sang. Il releva la tête et prit la parole devant la foule. Désormais vieux, il rappelait les enjeux de son statut et ceux du monde dans lequel tous vivaient. -Voici des années et des années que je rencontrai Nezha. De tous les militaires de cette époque, je suis le seul encore debout et c'est peut-être pour cette raison que ma voix a encore du poids. Je voudrais rappeler plusieurs choses à tous ici présents. Vous étiez peut-être enfant, pris sous ces gravats lors de ce que nous appelons encore aujourd'hui l'Apocalypse. L'Apocalypse nous a révélés le monde tel qu'il est, et vous, qui étiez autrefois enfant sous ces gravats, êtes debout par la force d'un seul homme : Nezha. Nezha est le berger qui a guidé les moutons vers de lointains horizons. Il ne revient qu'à nous de prier pour cet homme, dont les facultés dépassaient celles de tous les autres. Il ne revient qu'à vous, enfants des gravats, de prier pour la mort des enfants d'aujourd'hui. Ces enfants qui ont péri sous les magies glauques et malsaines de Thanatos. J'en appelle non pas à vos larmes mais à vos cris de rage et de désespoir. Thanatos divulgue une croyance infâme, dans laquelle Yamaturga serait le véritable berger. Priez, non pas pour le repos de vos enfants, mais pour le combat qu'ils doivent continuer contre Thanatos, même dans la mort. Nous prouverons à Thanatos qui sera le véritable berger une fois que nous aurons retrouvé le véritable corps de Nezha ! La foule rassemblée hurla. C'était un cri vindicatif, belliqueux et aux antipodes de cette société érotique qu'Abend connut des années et des années plus tôt. Avec un soupir, il recula et rentra dans sa loge. Il fit face à plusieurs hommes, tous vêtus avec des aubes lumineux. -Satisfaits de mon discours ? -Pleinement, Magnus Abend. Abend passa à côté d'eux en soupirant de nouveau. Il sentait la fin de sa vie se rapprocher à chaque nouvelle minute. Il toussa. Revenu dans ses quartiers, il se rappela de Nezha, de Lotus. Les années, en passant, avaient effacé le nom du père de Nezha, et avaient glorifié celui du jeune bûcheron, élevé au rang de surhomme. Et maintenant, ces nations qui avaient progressé technologiquement et idéologiquement au sortir de l'Apocalypse n'avaient plus qu'une envie : se battre afin de savoir qui de Yamaturga ou de Nezha était le véritable berger. Mais Abend l'avait bien compris au fil du temps : ces deux ne faisaient qu'un. Le berger n'était ni Nezha, ni Yamaturga. Le berger, c'était les deux à la fois. En ressassant ces vieilles pensées, Abend ne prit pas attention à la mort, qui vint doucement le cueillir. Il s'était couché pour toujours. |