Auteur : Mokoshna Crédits : Harry Potter appartient à J. K. Rowling. Avertissements : AU, spoilers d'à peu près tous les volumes, slash possible dans des chapitres ultérieurs. Notes : Le titre de la fic est un hommage à une chanson de Regina Spektor qui porte le même titre et que j'ai humblement pris comme élément directeur de l'histoire bien que ce ne soit en rien une songfic. Je compte poster les chapitres de cette histoire qui s'annonce longue tous les vendredis si possible. Comme l'univers de Harry Potter ne m'est pas très familier, n'hésitez pas à me signaler la moindre erreur.
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Prologue La nuit où ils crièrent au loup
S'il y a une chose que vous aimeriez changer au moment de votre mort, quelle serait-elle ? Pour Sirius Black, le choix était vaste. Il avait eu une bonne moitié de sa vie gâchée par son séjour à Azkaban. Deux de ses plus proches amis étaient morts, tués à cause de la trahison d'un troisième, et le quatrième n'avait plus autant besoin de lui qu'il l'aurait souhaité. Plus personne n'avait vraiment besoin de lui, d'ailleurs, pas même son filleul qui avait vécu si longtemps sans savoir qu'il avait un tuteur qui pensait à lui, quelque part... Le visage horrifié de Harry était la dernière chose qu'il avait vue du monde des vivants, avant qu'il ne tombe au-delà de ce voile fin et éthéré. Harry qui avait survécu si longtemps aux assauts de Vous-Savez-Qui. Harry qui avait des amis sur qui compter et la protection de Dumbledore. Harry qui était, sans conteste, la personne qui l'aimait le plus en ce monde. Sirius vit Remus se saisir de son filleul pour l'empêcher de plonger à sa suite. Remus avait toujours été le plus raisonnable et le plus intelligent de la bande. Remus comprendrait. Les voix l'environnaient, lui chuchotaient mille désirs et mille voeux inassouvis. Un seul mot de sa part pouvait tout changer. Il ferma les yeux et ouvrit la bouche. Je dois les prévenir...
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La nuit s'annonçait magnifique : pas un nuage pour cacher le ciel, pas une perturbation pour gâcher cette belle soirée. La naissance d'un petit frère était un événement tellement spécial, une occurrence si particulière, il serait dommage de la voir réduire à son plus simple acte, n'est-ce pas ? Plus que quelques heures, et un autre loup hurlerait à la lune. Fenrir Greyback pouvait sentir son impatience monter à chaque minute, à chaque seconde. La cible de ce soir était un enfant malingre répondant au nom étrangement prophétique de Remus Lupin. Son père, Connor Lupin, était un membre du Département de la justice magique qui avait déjà par deux fois fait voter des textes de loi visant à favoriser l'adaptation des Sang-de-Bourbe dans la société magique ; suprême injure pour tous les sorciers bien nés. Fenrir avait appris que son épouse, Ariana Lupin, était une Moldue. Quel affront ! Ce traître à son sang devait payer. Vous-Savez-Qui lui avait donné carte blanche ; Fenrir avait trouvé exquise l'idée de mordre l'enfant unique de cette vermine, afin de lui donner une leçon qu'il n'était pas prêt d'oublier. Ainsi, Lupin père voulait aider cette espèce dégradante qu'étaient les Moldus ? Grand bien lui fasse. S'il tenait tant à changer de race, son fils unique en subirait les conséquences en devenant lui-même un loup-garou. Fenrir ricana en se léchant les babines. Que les humains étaient des créatures faibles et sensibles ! Que l'on menace leur progéniture, et ils pouvaient se montrer à la fois d'une bravoure et d'une stupidité sans bornes. Fenrir en avait vus, de ces parents qui s'interposaient entre lui et ses proies, qui tentaient de les arracher à leur destin. Comme si le fait d'être un loup-garou était une offense sans nom, comme si adorer les ténèbres était une chose si condamnable ! Il les avait déchiquetés et parfois dévorés pour la peine. Ce gentil couple en ferait-il de même ? L'enfant dormait paisiblement dans son lit, dans cette chambre minuscule située au premier étage que Fenrir avait passé son temps à observer. Une semaine qu'il était posté devant la maison des Lupin, à Great Hangleton ; il guettait leurs mouvements et attendait l'arrivée de la pleine lune pour agir. Déjouer le système d'alarme installé par Connor Lupin n'était qu'une formalité. Une seule morsure au moment de sa transformation, et l'enfant ferait partie de sa meute. Il avait hâte. C'était la nuit d'Halloween, la nuit magique par excellence dans le monde sorcier. La nuit où tout peut arriver. Fenrir se tint prêt.
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La douleur surprit Remus au milieu d'un doux rêve de bonbons et de nuages. Lui qui était bien au chaud dans son lit, lui qui se sentait en sécurité, dans le havre de sa chambre douillette, fut surpris par un choc violent à la hanche, le supplice de sa chair déchirée par des crocs aiguisés. Ouvrant les yeux, hurlant et pleurant, il vit une créature informe penchée sur lui. Les yeux de la bête luisaient du même éclat que la lune blafarde qu'il voyait à la fenêtre. Un grognement ; la bête avait les yeux fixés sur lui. Remus oublia bientôt sa douleur au profit de la peur sans nom qui lui agrippa les entrailles et lui cloua la langue au palais. Le loup, ou plutôt le simulacre grotesque qui y ressemblait, le lâcha brusquement en emportant une petite portion de chair. Du sang coulait en abondance sur les draps, mais Remus ne s'en souciait pas : il était fasciné par le regard de la bête. La lune parut briller plus fort dans son dos, une lumière froide qui le baigna entièrement et fit resplendir son corps. Il leva sa main. Elle tremblait un peu, comme si la chair voulait changer de forme. Le loup poussa un léger cri et Remus oublia aussitôt la la douleur qui l'avait habité quand celui-ci l'avait mordu. Un supplice à nul autre pareil lui traversait à présent le corps ; des milliers de vers qui voulaient déchirer sa peau, casser ses os pour les remodeler à leur convenance. Le loup avait disparu. À travers la douleur, Remus entendit sa mère s'agiter dans sa chambre, l'appeler avec la peur dans la voix. Sa mère moldue qui était si effrayée à chaque fois qu'elle avait affaire à un elfe de maison, qui avait failli s'évanouir la première fois qu'elle avait vu un strangulot ! Il ne fallait pas qu'elle vienne ! Il ne fallait pas qu'elle voit ce que lui-même voyait ! Des doigts plus longs, un nez plus long, des membres qui n'étaient plus vraiment humains et ne demandaient qu'à agripper un cou fin pour le serrer, le serrer, des dents de plus en plus pointues qui perçaient ses babines et voulaient goûter leur comptant de sang et de viande... Remus poussa un cri qui ressemblait à s'y méprendre à un grognement de bête ; il voulut pleurer mais même le goût de ses larmes avait changé, piquant comme le sang et amer comme la peur. — Remus ! cria sa mère tout près, et pourtant sa voix paraissait loin, trop loin. Remus, mon chéri, qu'est-ce qu'il y a ? Un autre cri, de terreur cette fois. Remus put entrouvrir ses lourdes paupières pour jeter un coup d'oeil ; son esprit engourdi discerna la silhouette gracieuse de sa mère sur le seuil de sa chambre, les traits horrifiés de son visage. La lune brillait doucement, projetant sa lumière sur lui et le contenu de sa chambre. Remus fit un pas en arrière, puis un autre, puis encore un autre jusqu'à ce qu'il se cogne contre le mur. Un claquement sec semblable au bruit d'un fouet se fit entendre, des pas précipités, des jurons, une voix masculine qui se pressait, paniquée. — Ariana, j'ai entendu le signal d'alarme, tu vas bien ? Remus... — Non, n'approche pas, il y a un monstre ! Il a... il a dévoré Remus ! Dévoré ? Remus n'était pas dévoré, il allait bien, il avait mal mais il était là, devant elle... La douleur était plus vive que jamais et le faisait se courber à moitié sur le sol, mais il s'efforçait de garder la tête haute, ses yeux tournés vers la porte. — Maman, voulut-il dire, mais seul un cri rauque sortit de sa gorge, un cri qui ressemblait à un grondement de colère. — Mon dieu ! cria son père en sortant sa baguette. Stupefix ! Le jet de lumière frôla l'oreille de Remus en faisant dresser le poil qui s'y trouvait. Il ouvrit des yeux ronds tandis que Connor poussait son épouse derrière lui, la baguette levée en signe de menace. — Sale bête, dit-il. Monstre ! Pleure, brise et meurt ; le coeur de Remus s'emplit de fiel, et il laissa la bête prendre le dessus. Le loup-garou hurla à la mort et bondit sur le sorcier, toutes griffes dehors. Ses crocs luirent un court instant ; l'éclat du meurtre habita la petite chambre paisible. Connor mit ses bras en avant pour amortir le choc ; soixante kilogrammes de muscles tombèrent sur lui et le clouèrent au sol. Sa baguette était bloquée contre le tronc du loup-garou. Il ne put que l'agiter de manière désordonnée en luttant pour ne pas se faire déchiqueter. Derrière lui, Ariana regardait la scène en tremblant, la bouche grande ouverte sans qu'aucun son en sortît. Elle semblait sur le point de défaillir. — Non ! fit Connor en projetant sa magie sans but. Petrificus Totalus ! AVADA KEDAVRA ! Un faible filet vert sortit de l'extrémité de sa baguette, à peine de quoi érafler le papier peint. Néanmoins, le loup-garou sentit l'intention de meurtre et lâcha prise assez longtemps pour que Connor puisse se glisser sous son corps massif et s'enfuir en agrippant sa femme au passage. Un autre claquement indiqua qu'il avait transplané. La maison resta silencieuse. Le loup se dressa sur ses pattes arrières et poussa un long hurlement de rage.
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La ville de Great Hangleton n'avait pas connu une telle agitation depuis longtemps. Les rumeurs les plus folles couraient en cette belle nuit d'Halloween : plus tôt dans la soirée, on avait entendu tout un éventail de bruits suspects venant de la maison des Lupin, un couple un peu bizarre qui vivait au bout de la rue Hampton, dans un joli cottage bleu au jardin perpétuellement fleuri. Les voisins avaient fait état de hurlements qui auraient pu ou pas être poussés par le couple ou leur enfant de neuf ans, des grognements, quelque chose qui ressemblait à un cri de bête féroce. Des lumières vives avaient été aperçues sortant de la maison, comme des flashes provoqués par des projecteurs. Un groupe de voisins furieux voulut frapper à la porte pour se plaindre du tapage causé ; ils furent accueillis par toute une brigade de nains de jardin armés de pioches et de pelles miniatures. Mme Larson, une vieille femme acariâtre qui sentait fort le tabac, reçut un radis dans une narine tandis que M. Benton, coiffeur de son état, eut les cheveux atrocement brûlés par un nain imberbe qui brandissait une torche aux flammes bleues. Il fallut l'intervention de toute une bande de personnes étranges apparues de nulle part et habillées de robes amples et épaisses pour que le calme revienne un tant soit peu dans le quartier. Et, alors que Mme Larson tentait d'interroger un homme à la longue barbe argentée dont la robe était rouge vif, une chose terrifiante se passa. La maison qui était redevenue silencieuse trembla tout à coup, comme si quelque chose de gros à l'intérieur voulait en sortir en cassant les murs. Le hurlement que les voisins avaient entendu un peu plus tôt et qu'ils avaient mis sur le dos de la télévision des Lupin déchira de nouveau la nuit, un cri atroce qui évoquait un monstre de cauchemar. Mme Larson sursauta si fort que le radis qu'elle avait oublié dans sa narine sauta de lui-même hors de l'orifice qu'il bouchait ; son interlocuteur lui jeta un regard terrifié. — Seigneur, qu'est-ce que c'est ? fit-elle, affolée. On aurait dit un gros chien... L'homme à la barbe ne l'écoutait plus : il sortit de sa poche une espèce de long morceau de bois sombre qu'il brandit devant lui comme un pistolet chargé. Mme Larson le regarda avec des yeux ronds. — Qu'est-ce que vous faites ? — Chut ! L'homme se tourna vers ses compagnons, une jeune femme aux joues roses et un homme qui portait un énorme chapeau pointu à pois. — C'est la maison de Connor Lupin, du Département de la justice magique, si je ne me trompe pas ? Ce bruit, c'est... Le hurlement se fit alors entendre une nouvelle fois, plus fort, plus près. La jeune femme poussa un cri aigu. — C'est un cri de loup-garou ! dit-elle d'une voix tendue. Mandy Bucket du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques m'en a déjà fait écouter ! — C'est impossible ! dit le troisième personnage. Ils sont interdits de sortie dans les lieux habités par des Moldus ! Ça doit être une de leurs vélétisions... La maison trembla plus fort ; l'une des fenêtres explosa et ils virent en surgir une ombre menaçante. Mme Larson aperçut vaguement une silhouette trapue partir à toute vitesse avant de se faire plaquer au sol par l'homme au chapeau à pois. Elle protesta vigoureusement. — Pas le temps, dit son agresseur. Robards, occupez-vous en ! Oubliettes ! La dernière chose que vit Mme Larson avant de se faire toucher par cet étrange jet de lumière qui sortait de la baguette tenue par cet homme fut l'ombre d'un gros chien courant sur ses deux pattes arrières qui s'éloignait dans la nuit.
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Affolé, affolé. Il a peur mais il court, car il ne sait pas quoi faire d'autre. Le bruit de la foule, la lumière des lampes, tout lui fait peur, tout l'énerve. L'odeur de la chair humaine, la forêt toute proche, les cris des sorciers qui lui jettent des sorts qu'il évite avec l'agilité qui est propre à tous ceux de son espèce. Il est jeune, il vient de naître, mais il sait d'instinct ce qui est mauvais pour lui. Ces gens le chassent, ces gens veulent lui faire du mal, et il veut les mordre et les déchirer mais il est encore trop faible, il n'a pas de forces. Il lui faut fuir et se cacher, il lui faut manger avant de tenter quoi que ce soit. La lune l'appelle, belle, brillante, et il se sent libre et acculé à la fois, un sentiment ambigu mais qui le rend en même temps euphorique. Le loup hume l'air, il sent ces humains à l'aura magique derrière lui, pas si loin, le parfum de la peur qui les habite. Il voudrait se retourner pour les dévorer mais il sait qu'il n'a aucune chance ; il continue donc son chemin, coupant à travers les fourrés, courant à toute allure au milieu des arbres, la queue entre les jambes. Les humains crient et battent la forêt, effrayant même les créatures les plus innocentes qui s'y trouvent. Un parfum attire son attention : plus obscur, plus attirant, une odeur magique sinistre qui empeste le mal, quelque part vers le Nord. Vite, il s'y dirige, la langue pendante, les yeux brillants. Les humains le perdent un peu, il prend de l'avance. Une vieille masure abandonnée, décrépite. L'aura magique empeste l'air, le tord, le rend si instable qu'il menace de faire s'effondrer l'espace. C'est là qu'une intense lumière apparaît soudain, un voile déchiré, le son de milliers de voix inconnues qui chuchotent dans la nuit mille serments oubliés et mille promesses. Une voix s'élève, plus forte que les autres, prend forme devant lui, et le loup s'arrête, fasciné, vaincu.
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On dit que la nuit d'Halloween est la plus magique et la plus mystérieuse de l'année. Martha Halliwell avait connu bien des nuits semblables en tant que sorcière : le souffle de l'air, la caresse de la nuit, tout semblait amplifié en cette journée, tout était plus... magique. Il n'y avait pas d'autre mot. Alors que la magie était une donnée essentielle de leur univers, alors que toute fibre de leur corps était imbibée de ce fluide merveilleux qui leur permettait de manipuler le monde à leur guise, les sorciers n'en étaient pas moins plus ouverts, plus sensibles en cette nuit d'Halloween. Comme si la magie elle-même flottait autour d'eux en étant fortement concentrée alors qu'elle n'était que diluée durant le reste de l'année. C'était une sensation grisante, mais aussi un peu effrayante... — Là ! cria Steven Flint, son collègue de travail. Je le vois ! Il désigna du doigt une cabane délabrée devant laquelle se trouvait un jeune loup-garou qui avait été signalé à leur service une heure plus tôt par leurs collègues du Service des détournement de l'artisanat moldu. La bête était sortie de la maison de Connor Lupin, un membre éminent du Département de la justice magique ; selon le propriétaire que l'on avait retrouvé avec sa femme non loin du Chaudron Baveur, le monstre serait entré dans leur domicile alors qu'il travaillait tard au Ministère et aurait dévoré son fils et effrayé son épouse qui était en état de choc. Il était dangereux de laisser ce loup-garou en liberté si près d'une ville moldue. — Je me fiche de ce qui peut lui arriver, avait dit Lupin d'un air vide. Tuez-le ou arrêtez-le pour qu'il soit puni, peu importe tant qu'il paye pour mon fils. — C'était horrible, avait dit Georges Robards, le chef du Service des détournement de l'artisanat moldu qu'ils avaient trouvé devant la maison en question. Les draps du pauvre enfant étaient maculés de sang, sa mère a reçu un sacré choc. Il a dû beaucoup souffrir. Le monstre restait immobile devant la maison en ruines et semblait attendre quelque chose. Martha fit signe à ses hommes de se montrer prudent ; qui sait ce qu'il préparait ? Ces créatures ne pensaient pas comme les humains, elles étaient perverses et imprévisibles. Combien d'entre elles avaient déjà égorgé sans prévenir d'innocents moldus ou sorciers ? Il y eut soudain une explosion de lumière aveuglante venant de l'endroit que fixait le loup-garou ; comme les autres, Martha se mit la main devant les yeux par réflexe pour se protéger. Quand elle put enfin voir ce qui se passait, elle crut qu'elle avait été ensorcelée. Un petit garçon se tenait à l'emplacement du loup-garou. La bête avait disparu, mais il sembla à Martha voir un voile déchiré s'envoler jusqu'à la lune et disparaître sans laisser de traces. Elle se frotta les yeux, mais la scène resta inchangée : l'enfant était là, l'air terrorisé, et tremblait en regardant en direction de la cabane en ruines. Puis, comme s'il se réveillait enfin d'un rêve agité, il bougea et poussa un long cri. |