Auteur : Mokoshna Crédits : Harry Potter appartient à J. K. Rowling. Avertissements : UA, spoilers d'à peu près tous les volumes, slash possible dans des chapitres ultérieurs.
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Chapitre 2 Serpentard
Le fantôme de Serpentard était un homme au regard lugubre et aux vêtements entachés de sang que l'on appelait à juste titre le Baron Sanglant. Il croisa les première année sur le chemin de leur salle commune, alors qu'ils étaient guidés par Lucius Malefoy. Le Baron Sanglant adressa un bref salut au préfet avant de disparaître à travers un mur. Malefoy continua de faire avancer la file d'élèves dans les sous-sols comme si de rien n'était. — On se dépêche, dit-il avec un regard mauvais. Avery, il y a quelque chose qui te fait rire ? Norton Avery, un première année comme Remus et Severus, cessa immédiatement ses ricanements pour fixer Malefoy d'un air penaud. — C'est pas moi, c'est Wilkes qui... — Quand je voudrais avoir ton avis, Avery, je te le ferais savoir. Avery baissa les yeux, les joues rouges. Le petit groupe arriva devant un mur nu et humide qui sentait fort le moisi. Remus essayait de garder la tête haute, mais c'était difficile quand il n'avait aucun repère. Severus refusait de lui adresser la parole depuis qu'ils avaient quitté la Grande Salle et personne d'autre ne faisait attention à lui, sans doute pour ne pas attirer les mauvaises grâces de Malefoy. L'année s'annonçait difficile à vivre. — Sang-de-Bourbe, dit Malefoy. C'est le mot de passe, ne l'oubliez pas. Une porte s'ouvrit et ils passèrent dans la Salle Commune des Serpentards. Des murs de pierre, un plafond bas, des lampes qui y étaient accrochées et qui brûlaient en émettant une lumière tamisée verte ; Remus eut l'impression de se retrouver dans un cachot aménagé en palais. On aurait pu faire rôtir un cochon de lait dans le feu qu'il y avait dans la large cheminée au manteau gravé de figures compliquées. Malefoy leur indiqua les dortoirs, les filles d'un côté et les garçons de l'autre. Remus se dirigea vers sa chambre avec ses camarades. Les bagages étaient soigneusement empilés devant des lits à baldaquins luxueux à la literie vert et argent. Le lit de Remus se trouvait tout au fond et était bien le plus petit et le plus miteux. Il ne s'en formalisa pas, mais regretta l'absence de fenêtre. Aucun des quatre garçons avec qui il partageait la chambre ne lui jeta le moindre regard. Remus les observa un à un pendant qu'ils se changeaient et vérifiaient leurs affaires. Il y avait Severus, petit et laid comme un pou dont il avait pu juger le caractère durant leur voyage dans le Poudlard Express. Son voisin direct était un garçon noir aux longs cheveux crépus du nom de Kingsley Shacklebolt. En face, on retrouvait Norton Avery que Malefoy avait grondé et un gros garçon joufflu qui s'appelait Bradley Wilkes. Shacklebolt s'aperçut qu'il les observait et lui fit un sourire hésitant. — Lupin, c'est ça ? dit-il. C'était vachement gonflé, ce que tu as fait tout à l'heure. — C'était stupide, tu veux dire, grogna Severus. — Tu peux parler, Rogue, c'était pas pour te défendre qu'il a fait ça ? intervint Wilkes avec un ricanement. — Ouais, dit Avery, vous formez la paire tous les deux, des fils de Moldus ! Des sang-mêlés ! — Oh la ferme, Avery, dit Shacklebolt. Tu dis ça parce que Malefoy l'a dit aussi. — Et pourquoi pas ? Malefoy est un sang-pur, lui ! On dit même qu'il descend de Salazar Serpentard lui-même ! — Mon père dit que ce n'est que de la frime, affirma Shacklebolt avec un rictus. Personne ne sait si Salazar Serpentard a un descendant, il vivait il y a trop longtemps. — Ton père, c'est bien Abraham Shacklebolt du ministère, pas vrai ? dit soudain Severus. Le célèbre Auror ? — Tu le connais ? s'étonna Shackebolt. Oui, c'est lui. Severus ne répondit pas mais le regard qu'il lança à Shacklebolt était empreint d'une certaine gravité. Remus décida d'intervenir. — De toute manière, descendant de Salazar Serpentard ou pas, je n'ai pas peur de lui. Quatre paires d'yeux se tournèrent vers lui. Avery ricana. — Il a raison, t'es vraiment un Gryffondor. — Non, il ne l'est pas, dit Shacklebolt. Il est ici avec nous à Serpentard. — Tu parles, si j'y suis, dit Remus avec une assurance qu'il était loin d'avoir en réalité. J'y suis et j'y reste. Je ne plaisantais pas quand je l'ai dit, je suis un Serpentard. — Mais Malefoy a dit... — Un Serpentard n'a d'ordre à recevoir de personne, siffla soudain Severus avec colère. Un Serpentard est seul maître de son destin ! Cette fois-ci, c'est lui qui attira l'attention de tous. Remus lui fit un sourire timide mais Severus détourna les yeux, l'air renfrogné. — On ferait mieux d'aller dormir, dit Shacklebolt. On aura une rude journée demain. Au fait, puisqu'on va passer l'année ensemble, ce serait mieux si on s'appelait par nos prénoms plutôt que par nos noms de famille, non ? — Parle pour toi, dit Avery. Shacklebolt (que Remus s'efforça d'appeler Kingsley pour s'habituer) haussa les épaules. — Peu importe. Je vais me coucher. — Bonne nuit, Kingsley, dit Remus d'une petite voix. Kingsley lui fit un sourire éclatant. — Bonne nuit, Remus. Bonne nuit à tout le monde. Et il tira les rideaux de son lit, se coupant des autres. Les quatre garçons restants se regardèrent sans mot dire. — Bon, ben bonne nuit, dirent Avery puis Wilkes. Restait Severus. Remus le vit farfouiller dans ses affaires ; il en sortit une petite fiole au liquide doré dont il but une gorgée avant de la ranger. — C'est quoi ? demanda Remus, curieux. — En quoi ça te regarde ? fit Severus sur un ton cassant. — Je voulais seulement... — Bonne nuit, dit Severus en tirant à son tour les rideaux de son lit. Remus regarda bêtement en direction de son lit. — Bonne nuit, soupira-t-il avant de s'enfermer pour dormir.
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Horace Slughorn était le directeur de la maison des Serpentards, comme l'apprirent les nouveaux élèves dès le lendemain. C'était un homme gras et de petite stature qui portait une énorme moustache grise assortie aux boutons argentés de sa veste. Remus trouva qu'il ressemblait beaucoup au morse de ce dessin animé que sa mère moldue adorait, une adaptation d'Alice au Pays des Merveilles. Il avait appris récemment durant sa première et dernière discussion avec Dumbledore que l'auteur de ce roman était un Cracmol ; sur le coup, cela lui avait paru étrange de se dire que sa mère était fan d'un sorcier raté... Il se demanda ce que penseraient ses camarades de Serpentard s'il leur disait cela : sans doute qu'ils lui reprocheraient d'être aussi moldu et lui tourneraient aussitôt le dos. Le cours de potion se déroulait dans le cachot le plus froid et le plus humide de Poudlard. Slughorn passa l'heure à leur parler de sa maison de sa voix doucereuse. À chaque fois qu'il passait à côté d'un élève, ce qu'il ne manqua pas de faire à de multiples reprises, on avait l'impression qu'il le dévisageait longuement pour essayer de jauger ses capacités. Il s'intéressa fortement à Avery et à Kingsley et parut très content de savoir que le père de Wilkes avait eu une promotion au sein du Département des jeux et sports magiques (information qui étonna beaucoup Remus : si le père de Wilkes était aussi gras que son fils, il le voyait mal travailler dans un service qui comprenait le mot « sport » dans son intitulé). Quand il passa près de Remus, il lui adressa à peine un sourire. — Il ne recherche que des élèves dont la famille est influente d'une manière ou d'une autre, lui dit Kingsley en sortant. Mon père m'a déjà parlé de lui, il l'a eu quand il était élève ici. C'est un bon professeur mais un peu trop ambitieux, ce qui prouve qu'il est bien un Serpentard. Attends un peu, et je te parie qu'il va nous enrôler dans le Club de Slug. — C'est quoi, le Club de Slug ? demanda Avery alors qu'ils se dirigeaient en cours de métamorphose. — Un club sélect où il n'invite que des enfants de gens célèbres. Ah, on est arrivé. La salle où se déroulait le cours de métamorphose était tout le contraire de celle de potion : elle se trouvait dans une tour et elle était bien éclairée et aérée. Remus s'installa avec Kingsley au premier rang ; Severus se mit juste derrière eux. Ils virent entrer le professeur McGonagall accompagnée des élèves de Gryffondor. Lily vint immédiatement s'asseoir à côté de Severus. — Bonjour, Lily ! dit Remus avec un large sourire que Lily lui rendit sans compter. — Bien dormi ? fit-elle à ses deux amis. J'ai hâte qu'on ait une pause, j'ai une tonne de choses à vous raconter ! Kingsley lui lança un regard étonné mais il n'eut pas le temps de poser de questions : le professeur McGonagall leur indiqua de faire silence. Son regard était si sévère que personne n'osa lui désobéir, et ils passèrent un cours agréable quoique strict. Lorsqu'ils se séparèrent à la fin de l'heure, il avait déjà hâte de revenir pour le suivant. Lily les laissa pour son cours de botanique avec les Poufsouffles ; les Serpentards avaient quant à eux Histoire de la magie avec les Serdaigles. Une fois la surprise passée en voyant le professeur Binns arriver en classe en traversant le tableau noir, ils s'aperçurent avec douleur que le cours était bien moins intéressant que la nature de celui qui l'enseignait. La voix du professeur Binns était si monotone et ses cours si assommants que personne ne s'étonna d'apprendre qu'il était mort sans s'en être rendu compte ; Avery affirma même qu'il avait dû mourir d'ennui à force d'ânonner toujours les mêmes faits rébarbatifs. Quand la cloche sonna enfin au grand soulagement de tous, les élèves se précipitèrent vers la Grande Salle pour le déjeuner. — Je meurs de faim ! s'exclama Kingsley en s'asseyant à la table des Serpentards. On a vraiment un lundi matin chargé, tu ne trouves pas Remus ? Remus acquiesça tout en se servant une grande louche de purée de pommes de terre. En face de lui, Severus lançait des regards impatients en direction de la table des Gryffondors. Les élèves de première année n'étaient pas encore revenus des serres où se déroulait le cours de botanique. — On a quoi, cet après-midi ? demanda Patsy Savage, une des quatre filles de leur année. Avery lui tira les couettes en guise de réponse, pas très fort mais assez pour qu'elle lui jette un regard noir. Il affirmait à qui voulait l'entendre qu'ils étaient fiancés. Que ce soit vrai ou pas, Patsy ne protestait pas beaucoup ; elle était gentille mais pas très vive. Remus regretta vraiment que Lily n'ait pas été une Serpentard elle aussi, même s'il devait avouer que son caractère convenait plus aux Gryffondor. — Tiens, pendant que j'y pense, dit Kingsley entre deux bouchées de pâté à la viande, cette fille qui s'est assise avec Rogue en métamorphose, c'était qui ? — La Gryffondor ? dit Wilkes. Je l'ai trouvée prétentieuse et bruyante. « Mais oui, professeur McGonagall, fit-il dans une imitation assez ressemblante de Lily, bien sûr que j'ai compris ce que vous avez dit, je suis votre parfaite élève de Gryffondor et j'obéis parfaitement à vos ordres ! ». Le groupe sauf Remus et Severus éclata de rire. Même Kingsley avait esquissé un sourire. — Je ne trouve pas ça drôle, siffla Severus avec colère. — Quoi, tu es ami avec cette fille ? railla Meredith Parker, une autre première année. J'ai entendu des filles de Serdaigle dire qu'elle était une Sang-de-Bourbe. Le visage de Severus prit une teinte cireuse. Remus voulut intervenir mais Kingsley l'arrêta d'un geste. — Laisse tomber, chuchota-t-il. Tu t'es assez fait remarquer comme ça. — Mais... — Laisse-le se débrouiller seul. Tu ne lui rends pas service en allant à son secours à chaque fois. — Je ne vais pas... commença-t-il à s'indigner, mais un bruit de vaisselle cassée l'interrompit. Severus avait lancé son assiette pleine à la tête de Meredith qui l'esquiva au dernier moment ; le bruit de casse était celui de l'assiette qui se brisait sur le sol en pierre. Pour la deuxième fois en deux jours, la Grande Salle devint silencieuse et tous les yeux se tournèrent vers eux. À l'autre bout de la table, Malefoy était devenu blanc comme un linge. Remus se tassa sur sa chaise. Le professeur McGonagall s'était levée d'un bond ; sa voix trancha l'air. — Qu'est-ce que c'est que cette attitude, M. Rogue ? Severus baissa les yeux. Il était difficile de savoir s'il regrettait son geste ou pas. — Dix points de moins pour Serpentard, et vous viendrez me voir ce soir après vos cours pour une retenue, dit-elle sèchement. Remus remarqua que Dumbledore, tout comme les autres professeurs et les élèves, observait la scène d'un oeil intéressé. Il fit un clin d'oeil en direction de Remus quand leurs regards se croisèrent. McGonagall se rassit et le brouhaha habituel reprit. — Bien joué, Rogue, siffla Avery avec colère. Tu vas voir comme Malefoy va te tomber dessus ! Severus resta silencieux, ce qui était sans doute plus raisonnable au vu des circonstances. Remus voulut lui dire un mot gentil ; il lui tourna le dos et se servit une autre assiette. De son côté, Malefoy semblait vouloir l'étrangler à mains nues. Remus lui fit un sourire aigre. — Au moins, ce n'est pas ma faute cette fois-ci, dit-il à Kingsley. Son ami éclata de rire. — C'est bien, tu commences à penser comme un Serpentard ! Continue comme ça et tu deviendras peut-être préfet plus tard. Remus le fusilla du regard.
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Remus ne revit Lily que le soir au dîner, l'incident avec Severus lui ayant ôté l'idée de vérifier le retour des première année de Gryffondor. Severus avait récolté d'une bête corvée de nettoyage par McGonagall ; quand il revint dans le dortoir, longtemps après les autres, il avait le teint encore plus pâle que d'ordinaire. Remus l'attendait en faisant mine de dormir. Comme la veille, il le vit plier soigneusement ses affaires et boire une partie du contenu de la fiole avant de se coucher. Remus était curieux, mais il préféra ne rien tenter : après tout, il était bien placé pour savoir que certaines personnes avaient des secrets qu'ils ne tenaient à révéler à personne... Les jours passèrent, chacun apportant son lot de surprises. Le professeur de défense contre les forces du mal, une femme potelée charmante du nom d'Emily Potkins, leur avoua collectionner toutes sortes de choses sur les vampires à leur cours du jeudi. Elle leur montra notamment une croix inversée ayant appartenu à l'une des fiancées moldues présumées de Vlad Drakul, et qui était parsemée de taches sombres qui ressemblaient à s'y méprendre à du sang séché. Personne n'osa lui demander si c'était vraiment le cas. Kingsley aimait beaucoup le cours de défense contre les forces du mal. Il était toujours le premier à lever la main quand Mme Potkins posait une question et il alla même jusqu'à rester après le deuxième cours pour demander des précisions à leur professeur. Remus l'attendit au pas de la porte tandis que Severus se précipitait dans la cour, où il avait rendez-vous avec Lily. — Désolé pour l'attente, dit Kingsley une fois qu'il eut fini. C'est vraiment passionnant ! — Dis-moi, fit Remus avec le sourire, si tu aimes autant le cours, c'est à cause de ton père ? Parce qu'il est Auror ? Le sourire de Kingsley s'effaça de son visage. — Quelque chose comme ça, dit-il précipitamment. Sa réaction intrigua Remus mais il ne put lui demander la raison de sa mauvaise humeur : Malefoy les avait vus et se dirigeait vers eux d'un pas alerte, flanqué de ses deux gorilles qui s'appelaient Crabbe et Goyle. Personne ne semblait connaître leur prénom parmi ceux à qui il avait demandé. Il se prépara au pire : il était bien connu que Malefoy n'aimait pas Remus. Quelle ne fut pas sa surprise quand il le vit s'adresser à Kingsley ! — Un mot, Shacklebolt, fit-il de sa voix nasillarde. — Qu'est-ce qu'il y a ? dit Kingsley. Remus et moi on a des trucs à faire. — Pas d'impertinence, Shacklebolt, n'oublie pas que je suis préfet, dit Malefoy en bombant le torse pour lui montrer son insigne. Kingsley haussa les épaules. Remus n'aimait pas beaucoup la manière dont Crabbe et Goyle les regardaient, comme deux enfants sur le point d'écraser un insecte... Il se saisit vivement de la manche de la robe de son ami et tira un coup sec pour lui indiquer de se montrer prudent. — Mon père m'a dit, commença Malefoy sur un ton glacial, que ton père fait des siennes en ce moment, c'est vrai ? — C'est possible, dit Kingsley sans ciller. — C'est ennuyeux, tu veux dire. Cette espèce d'Auror insolent s'est avisé de fouiller du côté de notre manoir. Soit-disant qu'on y trouve des objets interdits par le ministère. Pourtant, tout le monde sait bien qu'il n'y a pas plus honnêtes que nous, pas vrai vous deux ? dit-il en s'adressant à Crabbe et Goyle. Ses deux acolytes acquiescèrent d'un même mouvement. Ils étaient tellement synchrones que Remus se demanda s'ils ne sortaient pas du même moule et n'étaient pas reliés par le même ressort. Kingsley ne parut nullement impressionné. — Je ne sais pas pour ta famille, mais mon père fait ce qu'il veut à son travail. Ce n'est pas à moi de lui dire ce qu'il doit faire ou pas et de toute façon, je doute qu'il m'écoute. Je ne l'ai pas vu depuis une éternité. On ne s'entend pas très bien, lui et moi. Malefoy l'observa longuement pour voir s'il disait la vérité. Kingsley semblait sûr de lui, mais Remus qui s'était décidé à lui serrer le bras au cas où il aurait à le retenir sentit qu'il tremblait. Le préfet se décida enfin à les laisser partir. — Mais je t'ai à l'oeil, leur dit-il une dernière fois. — Ce Malefoy, il a tout le monde à l'oeil ! s'écria Remus une fois qu'ils se furent assez éloignés. Il n'a sûrement pas assez d'yeux pour tout le monde... Il s'arrêta en voyant la tête de Kingsley. Son ami avait les yeux humides. — Kingsley ? — C'est toujours pareil avec lui, fit-il d'une petite voix. Il n'en fait qu'à sa tête et ça nous apporte plein d'ennuis ! Remus ne savait que dire. Kingsley s'essuya vivement les yeux avec sa manche et entra dans la première salle vide qu'il trouva sur son chemin. Remus la reconnut comme étant celle du cours de sortilèges. — Euh... tu veux en parler ? fit-il en hésitant. C'est ton père qui cause tous ces ennuis ? L'Auror ? — Il est toujours le centre d'intérêts, dit Kingsley en reniflant un peu, mais Remus pouvait entendre une pointe de colère percer dans sa voix. Le célèbre, le magnifique Auror Abraham Shacklebolt, le sorcier admirable qui a arrêté à lui tout seul le mage noir Nergen ! Tu devrais voir les femmes de ma famille, c'est répugnant, elles passent leur temps à glousser autour de lui. Tu vas voir qu'ils vont me reprocher d'être à Serpentard, alors que lui était un Gryffondor, un vrai de vrai ! — Mais euh... C'est ton père... — Non, ce n'est pas mon père ! Ma mère l'a épousé quand j'avais deux ans et on m'a donné son nom de famille, parce que mon vrai père nous a abandonnés ma mère et moi et on ne voulait plus entendre parler de lui. — Oh, put seulement dire Remus. Il y eut un silence pesant. Kingsley évitait de croiser son regard. — Ma mère est une Moldue, dit Remus. Mon père et ma grand-mère ont tous deux été à Serdaigle, et on a beaucoup de Gryffondors dans la famille. Ils ne doivent pas aimer le fait que je me retrouve à Serpentard... Même si cela ne doit pas les étonner beaucoup vu ma nature actuelle, se dit-il, mais Kingsley n'avait pas besoin de le savoir. Son ami paraissait dubitatif. — Pourquoi tu crois que tu t'es retrouvé à Serpentard, à ton avis ? — Ça... — Je crois savoir pour moi. C'est parce que Serpentard est la maison des ambitieux et des roublards, pas vrai ? Ceux qui sont prêts à tout pour réussir. Remus déglutit ; il se souvenait des mots que le Choixpeau magique avait chuchoté à son oreille au moment de la Répartition. — Moi, je veux être quelqu'un, continua Kingsley. Quelqu'un d'autre que mon père, je veux dire. Je ferai tout pour qu'on reconnaisse mon nom seul, même si ce n'est pas vraiment le mien. Un jour, le monde de la magie saura qui est Kingsley Shacklebolt. Remus hocha la tête, la gorge serrée. Sans le savoir, Kingsley avait dit tout haut ce qu'il ressentait sans jamais se l'avouer : qu'il voulait qu'on l'accepte et qu'on le reconnaisse, et pas seulement parce qu'il était un loup-garou. Remus voulait se distinguer des autres par ses propres moyens et avec ses propres forces, il voulait que sa famille cesse de le craindre pour être enfin fière de lui. Quelle ironie qu'il s'aperçoive de ce fait alors qu'il était à Serpentard, qui avait la réputation de recueillir des sorciers pas toujours très fréquentables... Mais comme l'avait dit Kingsley, il se sentait prêt à tout pour parvenir à ses fins. Enfin, il était un Serpentard.
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Severus ne vint pas manger avec eux, ce qui ne manqua pas d'intriguer tout le monde. On ne le revit qu'au cours suivant, et il fit mine de rester concentré sur le professeur sans faire attention aux autres. Remus l'attrapa à la fin des cours, alors qu'ils arrivaient dans leur salle commune. Kingsley était parti chercher un livre à la bibliothèque. — T'étais où ? demanda-t-il. On t'a cherché avec Kingsley. — Ce n'est pas vrai, dit-il doucement. — Quoi ? — Tu t'amusais avec lui, tu n'as même pas dû voir que je n'étais pas là. — Qu'est-ce que tu racontes ? — Fiche-moi la paix, tu veux ? Et sans plus de façons, il alla se réfugier dans le dortoir des garçons. Remus resta au milieu de la salle commune sous les regards curieux de ses camarades. Avery et Wilkes ricanaient. — Tu t'es fait jeter, on dirait, dit Wilkes. Il est pas aimable ce Rogue, pas vrai ? Remus soupira en les rejoignant près du feu. Il ne s'entendait pas autant avec ces deux-là qu'avec Kingsley mais avec le temps, ils avaient appris à se supporter et il arrivait même à Remus d'échanger des cartes de Chocogrenouilles avec Wilkes et de jouer aux échecs avec Avery. Kingsley était encore plus ouvert que lui et il poussait même le luxe jusqu'à être populaire auprès des filles de leur année, toutes maisons confondues. C'était loin d'être le cas de Severus. Il donnait l'impression de n'aimer personne et Remus ne l'avait vu jusqu'à présent qu'avec Lily. — Il est pas si terrible quand on le connaît, enfin je suppose... Comment Lily faisait-elle pour le supporter ? Remus se promit d'aller parler à la petite fille dès qu'il en aurait l'occasion ; il l'aimait bien et ne voulait pas la mettre à l'écart juste parce qu'elle s'était retrouvée dans la maison rivale des Serpentards. Quelque part, Rogue était très courageux de continuer à la voir malgré ce qu'en pensaient les autres. — Il est tout le temps fourré avec cette Sang-de-Bourbe, renifla Meredith. Remus ne dit rien. Il avait beau ne pas aimer ce surnom insultant que ceux de sa maison donnaient aux sorciers issus de familles moldues de pure souche, il n'osait pas trop protester après le désastre du premier jour. Quelquefois, il se sentait tellement hypocrite qu'il avait l'impression d'étouffer. Le fait qu'il soit aussi d'origine moldue par sa mère n'arrangeait pas les choses. — C'est dégoûtant, dit Avery qui se vantait d'être un sang-pur. Déjà que son père est un Moldu... — On pourrait parler d'autre chose ? dit brusquement Remus. Ses amis le regardèrent bizarrement. — C'est vrai que ta mère aussi est une Moldue... — Moldue, Sang-de-Bourbe, vous n'avez que ces mots à la bouche. On a quand même d'autres choses à dire, tenez, le Quidditch par exemple... — Mon équipe préférée est celle des Pies de Montrose, fit la voix de Kingsley dans son dos. Bien sûr, ça ne veut rien dire vu qu'ils ont tendance à gagner très souvent... Remus eut un soupir de soulagement en le voyant. Kingsley lui fit un clin d'oeil. — Moi c'est les Vagabonds de Wigtown, s'empressa-t-il de dire. J'aime bien leurs robes. — Tu plaisantes ? s'écria Wilkes en faisant la grimace. Ils passent leur temps à perdre contre les Tornades ! — Ça c'est parce qu'ils ne sont pas compatibles... — Les Tornades sont les meilleures ! — J'aimerais bien faire partie des Harpies de Hollyhead un jour, dit Patsy. J'aime bien leur façon de jouer. — Ces espèces de furies sur balais ? se moqua Avery. Patsy se renfrogna. — J'aime bien leur Attrapeuse, dit Remus. Elle est rapide et n'a pas peur de se prendre des coups, et en plus elle est plutôt jolie. Le sourire éclatant que Patsy lui lança valait largement la peine de se faire traiter de chochotte par Avery. Lorsqu'ils allèrent enfin se coucher au bout de deux heures et demi de discussions houleuses sur leurs équipes préférées, elle fut la première à lui souhaiter bonne nuit en rougissant avant d'aller rejoindre ses amies dans le dortoir des filles. — Eh bien, t'as la cote, plaisanta Kingsley alors qu'ils montaient dans leur chambre. Avery ne va pas aimer ça. Remus fit la grimace. Heureusement, Avery était resté avec Wilkes dans la salle commune pour finir un devoir de potions qu'il avait oublié de faire. — C'était pas mon intention, c'est juste que je le trouvais odieux avec elle. C'est vrai qu'ils sont fiancés ? — C'est ce qu'il dit. Un truc avec leurs familles de sang-pur. Vaut mieux pas s'en mêler, si tu veux mon avis. — Tiens c'est drôle, fit remarquer Remus en baillant, Malefoy était pas dans la salle commune avec les autres sixième année. Crabbe et Goyle avaient l'air complètement perdus sans lui... — Sans doute à jouer les préfets quelque part dans les couloirs... Kingsley bailla à son tour. Cette journée avait été riche d'événements et ils commençaient à ressentir les effets de la fatigue. — Mais non... dit Remus en baillant à chaque pause, il est... toujours... avec Crabbe et... Goyle... Il avait décidément hâte de poser sa tête sur l'oreiller. Kingsley lui souhaita bonne nuit et à peine dix secondes après qu'il eut tiré les rideaux de son lit, on put entendre ses ronflements résonner dans la chambre. Remus prit un peu plus de temps puisqu'il voulait préparer en avance ses affaires pour les cours du lendemain. Il sentit tout d'un coup quelqu'un poser une main sur son épaule. — Qu'est-ce que... — Chut, fit Severus en l'éloignant le plus loin possible du lit de Kingsley. Il faut que je te parle. C'est à propos de Lily. |