Auteur : Mokoshna Crédits : Harry Potter appartient à J. K. Rowling. Avertissements : UA, spoilers d'à peu près tous les volumes, slash possible dans des chapitres ultérieurs.
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Chapitre 1 Premiers pas à Poudlard
Le Quai 9 ¾ était noir de monde, mais cela ne dérangeait pas tant Remus qui regardait les gens passer comme si de rien n'était. À côté de lui, son père s'épongeait le front avec un large mouchoir à carreaux rouge et bleu. La robe bleu nuit qu'il portait pour l'occasion était tellement amidonnée qu'elle le faisait ressembler à une baguette toute droite. Il salua de la main l'un de ses collègues de travail venu accompagner sa fille avant de se tourner vers son propre fils, l'air inquiet. — Tu es sûr que ça ira ? demanda-t-il pour la vingtième fois au moins depuis qu'ils étaient arrivés à la gare de King's Cross. Tu sais, si tu veux rester à la maison pour apprendre, ta mère et moi comprendrions... — Je te dis que ça va, dit Remus d'une voix qu'il s'efforçait de garder égale afin de ne pas brusquer son père. Dumbledore a tout prévu, je n'aurais pas à me soucier de mon... problème. Connor Lupin regarda autour de lui d'un air épouvanté pour voir si personne ne les avait entendus. Remus soupira mais n'osa pas lui faire remarquer que son attitude était plus suspecte que tous les sous-entendus que Remus pourrait bien mettre dans ses paroles. Connor lui fit un sourire crispé. — Ah, bien, si tu le dis... Tu as toutes tes affaires ? — Oui, j'ai vérifié cinq fois sur la liste de Poudlard. — Bien, bien... Tu ne mets pas ta robe ? — Pas maintenant, je le ferai dans le train. — Ah, d'accord. Il restèrent à se dévisager sans un mot tandis que les familles discutaient bruyamment autour d'eux, se disaient au revoir, s'embrassaient parfois avec des élans un peu embarrassants... Remus sentait qu'il devait dire quelque chose, mais il ne savait pas vraiment quoi. Son père le regardait avec appréhension ; on sentait bien qu'il aurait voulu être ailleurs. Ce n'était pas une coïncidence si Ariana avait soit-disant eu un rendez-vous chez le dentiste justement ce jour-là alors qu'ils connaissaient la date du départ de Remus depuis presque un mois... — Bon, eh bien au revoir, dit Remus avec un faible sourire. Connor fit un hochement de tête, lui tapota l'épaule d'une geste hésitant, puis ce fut tout. Remus le vit s'éloigner à pas pressés jusqu'à la file de sortie et disparaître à travers l'arcade qui menait à la partie moldue de la gare. La grosse horloge du quai indiquait onze heures moins le quart. — Bon, je suppose qu'il faut que je me trouve une place... Remus poussa le lourd chariot où se trouvaient posées sa valise et la cage de son corbeau, Rothbart. L'oiseau était un cadeau de sa grand-mère paternelle, Lavinia Lupin, qui avait absolument tenu à compenser ses deux ans de silence en lui payant un animal magique. Remus n'avait pas voulu refuser : en effet, ses parents ne voulaient pas entendre parler d'une visite à la ménagerie... Il avait dû aller chercher son familier seul tandis que son père l'attendait à l'extérieur, l'air aussi inconfortable que jamais à chaque fois qu'il se retrouvait en présence de son fils. Rothbart avait immédiatement attiré son attention : il était si laid et agressif que personne n'en voulait, une vraie calamité. Remus s'était décidé en entendant le vendeur dire qu'il voulait s'en débarrasser au plus vite, même si pour cela il devait le noyer de ses mains... Il avait ensuite fallu rassurer Connor en lui disant que ce corbeau à l'allure sinistre était moins dangereux qu'il en avait l'air... ce dont Remus n'était pas vraiment sûr, s'il devait être honnête. Pour l'heure, Rothbart était dans sa cage et regardait d'un oeil torve les enfants qui l'environnaient. Résigné, Remus se dit qu'il allait peut-être finir à Serdaigle comme son père, avec un corbeau comme familier... Traîner sa valise jusqu'en haut des marches ne fut pas de tout repos. Fort heureusement, les autres enfants s'écartèrent en entendant le croassement rauque de Rothbart. Remus ne leur adressa pas même un regard. Il fallait qu'il trouve un compartiment libre pour s'y installer avec ses affaires. Vu comme Rothbart attirait la sympathie, il devrait sans doute faire le trajet seul... — Besoin d'aide ? fit une voix curieuse dans son dos. Remus se retourna avec un mot de refus déjà prêt sur les lèvres. Il se raidit en voyant qui lui avait adressé la parole. Un garçon brun aux traits harmonieux se trouvait derrière lui dans le couloir, ses propres affaires posées à côté de lui. Une grande cage où se trouvait une chouette effraie majestueuse semblait habiter tout l'espace ; elle était au moins deux fois plus grosse que Rothbart et semblait infiniment plus amicale aussi. Remus sentit une sueur glacée lui couler le long de l'échine. Le garçon ressemblait trait pour trait à l'apparition qu'il avait vue le soir de sa transformation en loup-garou, en plus jeune et en moins torturé. Rêvait-il ? Avec le temps, Remus s'était peu à peu persuadé que ce qu'il avait vu ce soir-là n'était que le résultat des longues heures de souffrance qu'il avait endurées, la projection d'un esprit possédé par le spectre du loup. Il avait passé deux ans à essayer d'oublier l'étrange apparition de cette nuit, cet homme aux traits meurtris qui avait tenté de lui parler mais dont il n'avait retenu que quelques mots sans queue ni tête. — De Mort... retour... ames et Lil... Harry... Godric's... Ces mots avaient hantés les nuits de Remus, il avait passé un nombre incalculable d'heures à se répéter que ce n'avait été que le fruit de son imagination, qu'il n'avait rien à voir avec ce fantôme, qu'il avait déjà bien assez de problèmes en tant que loup-garou sans en plus avouer au monde qu'il avait peut-être eu un contact avec... avec quoi, d'ailleurs ? Cet homme n'existait pas, il n'était pas censé exister. Martha Halliwell, la directrice du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques qui l'avait retrouvé cette nuit-là, le lui avait assuré. — Ça va pas ? fit le garçon d'une voix inquiète. Tu es tout blanc... — Je vais bien, dit Remus en essayant de ralentir les battements de son coeur. — Mais... — J'ai dit que je vais bien, ok ? s'emporta Remus. Le garçon prit un air offusqué. — Ah, bon, faut pas se fâcher... Alors que je voulais te rendre service ! — Merci, mais ce n'est pas nécessaire. Et sans attendre la réponse du garçon, Remus tourna les talons et se dépêcha de pousser sa valise droit devant lui, en mettant le plus de distance possible entre eux. Rothbart eut un cri de protestation à cause des cahots que Remus créait dans sa précipitation mais il n'y fit pas attention ; il avait trop hâte de partir. Le garçon le vit s'éloigner avec une moue ahurie. — Sirius ? fit la voix d'un autre garçon. À qui tu parlais ? Remus n'entendit pas le reste de la conversation puisqu'il rentra précipitamment dans le premier compartiment qu'il trouva. Un garçon aux cheveux noirs sales s'y trouvait déjà avec une pile d'affaires impressionnante pour une seule personne. Il vit entrer Remus avec un regard de défi. — C'est occupé. — Il y a assez de place pour deux, dit Remus d'une voix irritée. Le garçon lui fit une grimace méprisante mais ne fit pas un geste pour le chasser. Remus en déduisit qu'il acceptait sa présence. — Je m'appelle Remus Lupin, dit-il sans détour. — Severus Rogue, dit le garçon sans le regarder. — Enchanté. Severus ne lui répondit pas. C'était bien sa chance, tomber sur quelqu'un d'aussi antipathique avec qui faire le trajet ! Remus vit qu'il avait sur ses genoux un triton couleur de vase qui somnolait tranquillement. Il n'était sans doute pas plus âgé que lui. — Première année? demanda-t-il, curieux. Severus poussa un grognement sourd en guise de réponse. — C'est ça, dit Remus avec un sourire railleur. Et bonne journée à toi aussi. Puis il s'installa en face de Severus et regarda d'un air buté le paysage. Les gens s'affairaient encore sur le quai, mais il commençait déjà à se vider. Le Poudlard Express ne tarderait pas à partir. Les mères embrassèrent une dernière fois leurs enfants, on fit de longs adieux interminables et les retardataires se hâtèrent de monter avant le coup de sifflet final. Remus regarda d'un oeil jaloux une grosse dame rousse prendre dans ses bras une petite fille minuscule qui avait les mêmes taches de rousseur qui lui parsemaient les joues. Un homme en costume de moldu fit un signe craintif en direction d'un garçon dont la tête blonde ébouriffée sortait du compartiment voisin. — Imbécile, fit Severus entre les dents. Remus se tourna vers lui avec une question sur les lèvres, mais Severus le précéda. — Un fils de Moldu, dit-il. Avec son Moldu de père. — Tu as quelque chose contre les Moldus ? — Non, mais ils sont stupides. Ma meilleure amie est d'origine moldue, et sa soeur est une véritable idiote. Quelle drôle de mentalité ! Remus avait déjà rencontré dans sa vie des opposants aux Moldus, mais jamais aucun d'entre eux n'avait avoué avoir de meilleur ami Moldu. Severus parut mortifié par son aveu et fit mine de regarder ailleurs. La porte du compartiment s'ouvrit brusquement et une petite fille aux cheveux roux sombres entra, un chat blanc dans ses bras. Elle était très jolie et répandait un parfum de fleurs. Remus sentit son coeur battre plus vite en la voyant. — J'ai retrouvé Bianca ! dit-elle avec un sourire radieux en montrant son chat à Severus. Elle était en train de chasser un gros rat qui se trouvait avec des élèves de Poufsouffle... Elle s'arrêta en voyant Remus. — Euh... bonjour ? — Bonjour, dit Remus. — Je croyais qu'on avait le compartiment pour nous... enfin, je veux dire... Elle fit un sourire d'excuse tout en posant son chat sur la pile de bagages. Il s'agissait donc des siens ajoutés à ceux de Severus... C'était déjà plus plausible que de se dire qu'ils étaient tous à lui, pensa Remus. — Je m'appelle Lily Evans, dit la petite fille en lui tendant la main pour qu'il la serre, ce que Remus fit sans rechigner. — Remus Lupin. — Toi aussi tu vas entrer en première année ? — Oui. Je suis un peu nerveux... — On l'est tous, dit Lily en riant. Même ce gronchon de Severus, pas vrai ? Severus lui jeta un regard noir sans tenter de se défendre. Remus sentit la tension qui l'habitait fondre. Cette fille était vive et gaie, l'opposé de son ami qui avait une mine lugubre malgré son jeune âge. Il se mit à rire à son tour. — Tu vas aller où, tu penses ? Moi j'aimerais bien Serdaigle, mais ça pourrait être n'importe où d'après ce que j'ai entendu dire... — Lily ira à Serpentard comme moi, dit soudain Severus. On en a déjà décidé, pas vrai Lily ? — Je ne sais pas, dit Lily, j'ai vu des Serpentards en passant, ils n'avaient pas l'air très aimables... — Quelle importance de quoi ils ont l'air ? Serpentard est la meilleure maison ! — Tu dis ça parce que tous ceux de ta famille sont Serpentard. — Et toi aussi tu le seras, tu verras ! Je sais reconnaître un membre de cette maison. Lily lui fit un sourire nerveux ; on voyait bien qu'elle n'y croyait pas beaucoup. Remus se demanda quel genre de relation ils avaient en réalité. — Eh, c'est toi sa meilleure amie, la Moldue ? Les deux autres se raidirent. — Et alors, ça pose un problème ? siffla Lily. Remus haussa les épaules. — Je voulais savoir, c'est tout. Ne t'inquiète pas, ma mère est Moldue elle aussi. — Oh. Severus le regardait à présent avec intensité. Son gros nez frémissait au rythme de sa respiration. — Moi aussi je suis sang-mêlé, dit-il d'une voix si faible qu'ils durent tendre l'oreille pour l'entendre. Du côté de mon père. — Ah... D'accord. Un silence gêné s'installa entre eux. Lily montra alors Rothbart du doigt. — C'est à cause de lui que tu veux aller à Serdaigle ? — Un peu, avoua Remus. Mais ça n'a pas d'importance, en fait. J'irais n'importe où tant que ce n'est pas chez moi. — Pourquoi ? — J'ai juste envie d'être indépendant, fit Remus sur un ton vague. En réalité, il voulait surtout échapper à l'emprise écrasante de ses parents. Depuis que Remus était devenu loup-garou, ceux-ci le traitaient de manière affectée : ils ne le maltraitaient pas à proprement parler, mais il était évident que la lycanthropie de leur fils unique les mettait mal à l'aise, au point que sa mère passe son temps à élaborer toutes sortes d'excuses pour l'éviter. Quant à son père, ce n'était guère mieux : il avait beau être plus présent que son épouse, il n'en était pas moins extrêmement nerveux devant Remus, comme s'il pensait que son fils allait d'un instant à l'autre se transformer et lui sauter dessus pour le dévorer. Dans ces conditions, il n'était pas étonnant que Remus ait bondi sur l'occasion de partir une fois sa convocation en poche. La visite impromptue de Dumbledore, le directeur de Poudlard, avait été la cerise sur le gâteau : il avait assuré que Remus était le bienvenu et qu'en sus, tout avait été prévu pour son séjour, y compris une cachette sûre où il pourrait aller se réfugier les soirs de pleine lune. Remus n'avait pas encore tous les détails mais les quelques mots qu'il avait échangés avec le vieil homme l'avaient rassuré sur ce point : il pouvait avoir confiance en Albus Dumbledore. — Vous croyez que ça va durer encore longtemps, le trajet ? dit Lily en regardant le paysage défiler à la fenêtre. J'ai hâte d'y être... Bianca se glissa entre ses jambes en ronronnant. Lily la prit sur ses genoux, caressa son poil d'un air distrait tout en souriant à Severus. Remus se dit qu'il ne serait pas contre se retrouver dans la même maison qu'elle... La porte du compartiment s'ouvrit encore une fois. Une dame en uniforme leur sourit. Elle poussait un chariot débordant de sucreries et de bonnes choses diverses. Les yeux de Lily pétillèrent ; Remus avait l'eau à la bouche en sentant l'odeur alléchante des bonbons lui monter aux narines. — Vous voulez quelque chose, les enfants ? fit la dame avec un sourire tout doux. J'ai des Chocogrenouilles et des Dragées surprises de Bertie Crochue. Remus et Lily s'échangèrent des regards gourmands. Severus se contenta de hocher la tête avant de plonger sa main dans sa poche et d'en sortir une bourse pleine. — Je paierai la part de Lily, dit-il. — Je peux payer ma nourriture ! Papa et maman m'ont donné de l'argent sorcier ! Pendant qu'ils se disputaient pour savoir qui paierait quoi, Remus comptait ses finances. Il ne lui restait plus grand-chose de l'argent que ses parents et sa grand-mère Lavinia lui avaient donné pour ses achats de rentrée : à peine cinq mornilles et quelques noises. Il n'irait pas loin avec ça. Il choisit un paquet de Dragées surprises, quelques Patacitrouilles et une petite boîte de Fondants du Chaudron et paya les quatre mornilles et les sept noises que la vendeuse lui réclama. De leur côté, Severus et Lily s'étaient enfin mis d'accord. — Bon, mais je t'offre une boîte de bonbons en plus pour ton anniversaire ! s'écria une Lily vexée. Severus ne dit rien et paya les douze mornilles et quelques qu'il devait. La jeune femme s'en alla vendre ses trésors ailleurs. — C'est drôle, ces photos qui bougent, tout de même ! fit Lily en riant après avoir extrait une carte d'un paquet de Chocogrenouilles. J'ai pas l'habitude... Remus ne répondit pas : il avait la bouche pleine de Patacitrouilles. Severus, quant à lui, avait une expression hautaine. — Ce sont vos photos immobiles qui sont bizarres. Comme si une personne sensée pouvait rester en place en permanence dans son cadre ! Le rire de Lily résonna dans tout le wagon. Pour la première fois en deux ans, Remus se sentit parfaitement à l'aise en présence d'enfants de son âge.
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L'arrivée à Poudlard se fit dans un état de fébrilité intense. Remus se colla le plus possible à ses nouveaux amis malgré le regard assassin que lui lançait de temps à autre Severus. Était-il jaloux de l'attention que Lily portait à leur nouvel ami ? Il ne desserra pas des dents de tout le trajet à pieds puis en barque. Un homme énorme à la barbe broussailleuse menait leur cortège de première année, les pressait de sa grosse voix bourrue. Remus se demanda s'il était un ours-garou ou quelque chose du genre, tellement il ressemblait à cet animal. Le château de Poudlard était aussi majestueux que sur la peinture enchantée qu'il y avait chez sa grand-mère ; Remus se souvenait d'avoir passé de longues heures à l'admirer quand il était encore le bienvenu chez elle. La peinture était fidèle dans les moindres détails à l'original, au point de reproduire le temps qu'il faisait en temps réel. La nuit était tombée depuis longtemps, une nuit claire et sans lune, ce qui convenait parfaitement à Remus. Fort heureusement pour les élèves, de longues rangées de boules de lumière, sans doute d'origine magique, parsemaient leur chemin jusqu'au château. Il y en avait même sur l'eau du lac et dans le tunnel par lequel ils passèrent avant d'arriver à l'entrée de Poudlard. — Tout le monde est là ? fit l'homme-ours en comptant ses ouailles. Une sorcière à l'aspect austère prit bientôt le relais. Remus pensa qu'elle devait avoir avalé une quantité non négligeable de citrons avant de venir accueillir les élèves ; ses lèvres étaient pincées et elle était aussi rigide que son père, si ce n'est plus. — Bienvenue à Poudlard, dit-elle d'une voix sèche. Je suis le professeur McGonagall, la directrice des Gryffondors. Elle passa la demi-heure suivante à leur détailler les règles élémentaires de l'école et à décrire chaque maison. Lily semblait boire chacune de ses paroles. — C'est merveilleux, merveilleux ! ne cessait-elle de répéter, au grand amusement de Remus et Severus. Le professeur McGonagall les amena dans la Grande Salle pour la Cérémonie de Répartition. Comme les autres, Remus admira le plafond enchanté qui rendait au nuage près le ciel de Poudlard, lança un regard nerveux vers les anciens élèves qui attendaient le début de la cérémonie et eut un sursaut en voyant les fantômes de Poudlard surgir des murs en les observant d'un air poli. Au milieu de toute cette agitation, posé au milieu de la salle sur un tabouret, un vieux chapeau rapiécé attendait que l'on s'intéresse à lui. — Le Choixpeau, fit Severus dans un murmure. Ma mère avait raison ! Il était tellement impressionné qu'il en oublia même qu'il n'aimait pas Remus. Lily avait le visage blanc. Remus compta environ une cinquantaine d'élèves de toutes formes et de toutes couleurs parmi les première année. Il fut tellement absorbé par leur observation qu'il n'entendit que d'une oreille distraite la chanson du Choixpeau, qu'il connaissait de toute manière presque par coeur depuis qu'il avait lu L'Histoire de Poudlard. Les élèves passèrent un par un à l'appel de leur nom pour endosser le Choixpeau, en commençant par Abbot, Aaron. — Black, Sirius ! tonna McGonagall. Remus vit alors s'avancer le garçon brun du train, celui qui ressemblait au fantôme de son souvenir. Il retint son souffle. — Gryffondor ! beugla le Choixpeau au bout de quelques secondes à peine. Il y eut un flot de murmures qui suivit cette annonce. Severus avait l'air indigné. — Un Black chez les Gryffondor ? Ça ne s'est jamais vu ! Ce garçon faisait donc partie de la « Noble et Très Ancienne Maison des Black », comme appelait sa grand-mère avec une pointe d'émerveillement cette famille de sorciers qui remontait quasiment aux origines de leur société magique ? Il n'était pas étonnant d'entendre les gens jaser. Sirius alla rejoindre la table de sa maison sous les regards curieux des dizaines d'élèves qui connaissaient sa famille. — Où est le problème ? demanda Lily. — Les Black sont une très ancienne famille de sorciers et ils ont quasiment tous été à Serpentard, dit Remus sans quitter Sirius des yeux. — Ah bon... Il était évident qu'elle ne comprenait pas. Remus ne pouvait guère l'en blâmer : elle avait vécu toute sa vie chez les Moldus, elle n'avait pas les mêmes références qu'eux... Mais les Black, c'était quand même quelque chose. Leur lignée était presque un acquis culturel du monde sorcier ; leur nom était indissociable de leur Histoire. On racontait de sombres choses sur eux, pourtant jamais personne n'avait osé les défier. Remus savait qu'on ne pouvait pas faire pire Gryffondor qu'un Black... et pourtant le Choixpeau avait mis ce garçon à Gryffondor. Il se renfrogna. Voilà qui compliquait les choses. Pas question de se retrouver avec ce Sirius Black ! Il n'avait pas envie de croiser ce mauvais souvenir en permanence, surtout maintenant qu'il avait enfin l'occasion de prendre un nouveau départ. Gryffondor lui était fermé. Que lui restait-il ? Serdaigle, Poufsouffle, Serpentard... Ce fut au tour de Lily de passer. Severus et elle s'échangèrent un regard d'encouragement, et la petite fille se dirigea à pas lents vers le Choixpeau. Quand celui-ci annonça « Gryffondor ! », Remus eut l'impression qu'on lui avait donné un coup dans l'estomac. Il n'était pas le seul. Severus était atterré. — Ce n'est pas possible, chuchota-t-il sans discontinuer. Remus se sentait de plus en plus mal. Son nom arriva un peu trop tôt à son goût, et ce fut non sans peine qu'il se rendit jusqu'au tabouret où se trouvait le Choixpeau. Il l'attrapa en tremblant et le posa sur sa tête. Il entendit alors une toute petite voix à son oreille. — Hum, un loup-garou, voilà qui est singulier... Le sang de Remus se glaça dans ses veines. — Ce n'est pas grave, n'est-ce pas ? dit-il dans sa tête. Dumbledore m'a dit que je pouvais m'inscrire malgré tout ! — Je n'ai pas dit le contraire, dit le Choixpeau. Voyons, mon garçon, as-tu une idée de l'endroit où tu pourrais aller ? Je vois une grande soif de connaissances et d'indépendance, beaucoup de noblesse, un fond de loyauté sans bornes et une ambition propre à tous ceux qui veulent faire leurs preuves. — Pas Gryffondor, pensa Remus. Je ne veux pas aller dans la même maison que Sirius Black ! — Tu es sûr ? Je vois pourtant beaucoup d'éléments de cette maison... noblesse, courage, volonté... Mais il est vrai que tu as énormément d'ambition, oh oui... Et des ressources à revendre, de l'astuce... Tu as l'habitude de te débrouiller seul, pas vrai ? Dans ce cas, je crois que tu aurais parfaitement ta place à... SERPENTARD ! Remus reposa le Choixpeau à sa place et marcha d'un pas qu'il espérait résolu vers la table de sa nouvelle maison. Le Choixpeau avait choisi Serpentard comme second choix pour lui ; mais pouvait-il être sûr que ce soit le bon ? Remus avait une étrange sensation dans le creux de l'estomac, comme s'il venait de prendre un tournant décisif dans sa vie, comme s'il avait raté quelque chose... Mais quoi ? Le Choixpeau savait ce qu'il faisait, n'est-ce pas ? Et s'il jugeait que Remus ne devait pas aller à Gryffondor mais à Serpentard, c'était sans doute ce qui lui convenait le mieux, il n'y avait pas à en douter. Malgré toutes ces bonnes paroles, Remus resta troublé jusqu'à ce que le Choixpeau désigne Rogue, Severus comme un digne Serpentard. Pas de surprise de ce côté-là, au moins. Severus s'assit à côté de lui en grommelant. — Lily aurait dû être avec nous. — Qui est Lily ? fit un adolescent aux cheveux si blonds qu'il en paraissaient blancs. Il portait un insigne de préfet épinglé avec élégance sur sa robe. Remus se sentit déplacé en voyant que celle-ci était fait du meilleur tissu. À côté, sa robe bon marché faisait figure de torchon. — Personne, mentit Severus. — Tu es le fils d'Eileen Prince, pas vrai ? continua le préfet tandis qu'un banquet apparaissait par magie devant eux. Celle qui a épousé un Moldu ? Une partie de la table parut choquée. Remus s'empressa de dire : — Et alors ? Moi, ma mère est Moldue elle aussi. Il le regretta aussitôt en sentant tous les regards braqués sur lui. Quel imbécile ! Il voulait passer inaperçu, s'intégrer et voilà qu'il se faisait remarquer dès la Répartition terminée en mettant en avant des qualités de Gryffondor ! Impulsivité et intrépidité... Le préfet eut un sourire méprisant qui transforma son beau visage en une horrible grimace. — Décidément, ce vieux Choixpeau n'est plus ce qu'il était... Mon père n'arrête pas de répéter qu'il perd de sa magie avec les ans, et je suis tenté de le croire quand on voit qui il envoie à Serpentard ! La table fit prise d'un fou rire, à commencer par les deux géants qui encadraient le préfet. Il continua sur le même ton. — Je crois que tu t'es trompé de table, petit garçon, c'est chez ces têtes vides de Gryffondor que tu devrais être ! — Je suis un Serpentard, et Severus aussi ! siffla Remus entre les dents. — Qu'est-ce que tu as dit, petit garçon ? Tu es tellement minuscule que je n'entends pas ta voix... Les rires redoublèrent d'intensité. Remus serrait les poings si forts qu'ils en devenaient blancs. — JE SUIS UN SERPENTARD ! La Grande Salle toute entière l'entendit et se tourna vers lui. Remus rougit jusqu'aux oreilles, mais il était trop tard pour reculer. Il bomba le torse de son mieux. À la table des professeurs, Dumbledore l'observait d'un air curieux. Il y eut un silence assourdissant durant une minute, puis, tout d'un coup, Dumbledore se pencha vers McGonagall pour lui demander des nouvelles de sa cousine Emelyne qui habitait dans le Sussex. Les discussions reprirent comme par enchantement et on ne fit plus attention à Remus ou à la table des Serpentards. Le préfet avait pâli et le fixait de ses yeux gris. — On est prétentieux, pas vrai ? dit-il d'une voix terrible. On croit qu'on est le centre du monde ? Remus préféra ne pas répondre, ce qui parut enrager davantage le préfet. — Je t'ai à l'oeil, graine de Gryffondor, poursuivit-il. Si tu ne fais ne serais-ce qu'un pas de travers ou si tu respires de telle sorte que cela porte atteinte à notre maison, je veillerai personnellement à ce que ton sale sang de Moldu soit répandu sur tous les murs de notre donjon. Il se mit à manger sans plus adresser la parole à Remus, mais il lui arrivait de temps en temps de jeter un coup d'oeil en sa direction. Les deux gorilles qui l'accompagnaient firent un geste menaçant avant de se plonger avec enthousiasme dans leur assiette. Remus fit de même, mais il n'avait plus faim. Severus lui donna un coup de coude. — Tu es fou ! chuchota-t-il avec agitation. Tu sais qui tu viens de provoquer ? Lucius Malefoy, le fils d'Abraxas Malefoy ! L'une des familles de sorciers les plus influentes qui soient ! Remus sentit son estomac se tordre douloureusement. Les Black, les Malefoy... C'était de mal en pis. Il tourna un regard suppliant vers Severus. — Tu m'aideras à m'en sortir, n'est-ce pas ? — Tu veux rire, j'espère ? Tu t'es enfoncé dans les ennuis tout seul, tu t'en extrais seul ! Pas question de m'impliquer ! Évidemment ; Severus était un Serpentard jusqu'au bout des ongles. Remus sentit son moral sombrer. Dire qu'une heure plus tôt, il était ravi de se retrouver à Poudlard ! Ses premiers pas vers le monde adulte étaient un fiasco total. Il se prit la tête entre les mains. Il n'y avait plus qu'à prier pour que sa scolarité passe très vite... |