Auteur : Mokoshna Crédits : Harry Potter appartient à J. K. Rowling. Avertissements : UA, spoilers d'à peu près tous les volumes, slash possible dans des chapitres ultérieurs.
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Chapitre 5 Familles
Remus en avait décidément assez de fréquenter aussi assidûment les centres médicaux. Deux jours après la nuit d'Halloween, il se réveilla sans surprise à St Mangoute, au quatrième étage où on l'avait mis par défaut. Son état avait été particulièrement inquiétant, selon le médico-mage qui s'occupa de lui ; il avait bien failli mourir à un moment, tant son corps était en état de choc. — Quand est-ce que je rentre à l'école ? demanda-t-il une fois qu'on eut fini de l'examiner. J'ai déjà été absent une semaine, il faut que je rattrape mes cours. — C'est très bien d'être studieux, mais tu devrais d'abord penser à ta santé, dit la sorcière blonde qui s'occupait de lui. Dumbledore nous a dit qu'il passerait sans doute plus tard pour venir te chercher, si tu vas mieux. Remus ne répondit pas. Les détails de cette horrible nuit lui revenaient en tête. Pourquoi Dumbledore n'avait-il pas été là quand les symptômes s'étaient manifestés, pour les contrer ? Et que faisaient Black et Potter si près de lui ? Plus important, avaient-ils répandu le bruit de ce qui s'était passé ? Il n'avait pas confiance en eux : il était bien connu que les Gryffondors gardaient très mal les secrets... Ils étaient trop impétueux, trop vantards pour cela. Si ce James Potter était comme son cousin Harry Potter, que Remus avait eu l'occasion de rencontrer en début de semaine... Une toux discrète lui annonça l'arrivée de Dumbledore. Le vieil homme se tenait à son chevet, le visage grave. Remus était si énervé contre lui qu'il ne lui rendit pas son salut aimable. Dumbledore lança un sort qui les enveloppa dans une bulle, les coupant du reste de l'hôpital. Il voulait sans doute garder cette discussion secrète... Remus sentit une bouffée de colère le saisir. — Tu es en colère et tu as toutes les raisons de l'être, dit Dumbledore avec un soupir. — Où étiez-vous ? l'accusa Remus d'une voix tendue. J'ai failli tuer Mme Pomfresh ! En plus, Black et Potter étaient là eux aussi ! — Tu n'as tué personne et tu n'y es pour rien dans ce qui est arrivé. Le ton de Dumbledore n'admettait aucune réplique. Remus baissa les yeux, humilié. — Quoi, alors ? Je ne comprends rien, j'en ai marre d'être le jouet de forces qui me dépassent, et vous semblez savoir ce qui se passe... Ça me rend dingue ! On va continuer comme ça durant toute ma scolarité ? Dumbledore lui fit un sourire triste. — Tu n'as que onze ans... tu ne devrais pas t'inquiéter de ce genre de choses. — Je m'en fiche ! hurla Remus. Il ne contrôlait plus sa rage. Dumbledore le laissa tempêter ; les autres personnes présentes dans la pièce, patients comme personnel de l'hôpital, les voyaient sans comprendre ce qui se passait, parce qu'il leur manquait le son. Certains se demandaient sans doute si c'était bien prudent de les laisser comme ça... Remus n'en avait que faire, de leurs regards et de leurs idées toutes faites. Qu'ils aillent au diable, tous ces adultes bien-pensants ! — Est-ce que tous les garçons de onze ans sont obligés de subir ce que je subis toutes les nuits de pleine lune ? Et à Halloween ? Est-ce qu'il ont failli mourir deux fois de suite dans le même mois ? Dumbledore resta silencieux. Remus se blottit la tête entre ses bras, le corps agité de sanglots. — Tu as raison, dit-il enfin au bout d'un long moment. Tu as plus enduré que beaucoup d'adultes. Ne veux-tu pas décharger tes soucis sur moi ? Remus secoua la tête, tout tremblant, mais il avait déjà les idées un peu plus claires. — Je ne peux pas. C'est moi qui me transforme, c'est vers moi que cette apparition se tourne. Il m'a appelé par mon nom, cette fois. Il m'a demandé de l'écouter et de le regarder. Je crois qu'il voulait me dire quelque chose, mais je n'ai pas compris... — En es-tu certain ? — Oui, monsieur. Remus n'avait pas arrêté d'y réfléchir depuis son réveil. Cet homme lui avait enfin parlé d'une voix claire. Et Remus l'avait entendu. C'était bien la première fois... Il fut pris d'une inspiration soudaine. — Black était là, dit-il. Le Sirius Black de première année de Gryffondor. Ça a peut-être un lien... — Il a tout vu ? — Je ne sais pas, je n'ai pas fait attention à lui... J'avais d'autres choses en tête, vous voyez. Dumbledore lui sourit, de manière moins artificielle cette fois. Remus n'était plus aussi en colère contre lui après avoir fait sortir ce qui le dérangeait, mais il n'en restait pas moins extrêmement curieux. Il se dit que c'était le moment ou jamais de tenter sa chance. — Monsieur, quand je suis venu dans votre bureau la dernière fois vous m'aviez parlé d'un Anselm Moroz du Département des mystères. — Oui ? — Eh bien... j'ai fait quelques recherches à la bibliothèque, mais je n'ai pas pu trouver grand-chose dessus, juste qu'il s'agit d'un département du ministère. Mais vous, vous aviez évoqué ce nom après ma confession à propos de... cette nuit. Quel est le rapport entre les deux ? Ce Moroz sait ce que j'ai, peut-être ? Le sourire de Dumbledore était tendu, nerveux. Remus avait au moins appris cela avec sa famille : quand un adulte souriait de cette manière, ce n'était pas normal. Il pouvait presque deviner ce qu'il pensait : « Ce garçon est intelligent, mais ce n'est qu'un enfant, je n'ai pas le droit de lui mettre un fardeau de plus sur les épaules. Il est si petit et a déjà tellement souffert ! » C'était toujours pareil. On ne lui disait rien sous prétexte qu'il n'avait pas l'âge, on lui cachait des données essentielles parce qu'on avait pitié de lui... Remus détestait cela. Il avait tellement hâte d'être enfin adulte, pour qu'on lui révèle tout ce qu'il voulait... non, tout ce qu'il devait savoir ! — Autant vous prévenir tout de suite, monsieur, si vous me cachez ce que je veux savoir je ferai en sorte de chercher jusqu'à ce que je trouve la réponse. Peu importe le temps que ça me prendra et les risques que je prendrai. C'était fait : Remus avait commis l'ultime offense, celle de s'opposer à Albus Dumbledore, sans doute le sorcier le plus puissant de cette génération. Il n'allait sans doute pas tarder à être renvoyé, si ce n'est pire... L'impact de son geste lui apparut tout d'un coup dans toute sa monstruosité : il avait, lui qui était un loup-garou à qui on avait accordé tant de privilèges, défié un sorcier, qui plus est le directeur de son école ! C'en était fait de sa future carrière, peut-être même de sa vie. Il s'efforça de ne pas trembler, mais c'était difficile dans ces conditions. Qu'il avait été stupide d'agir sur un coup de tête ! — Intelligent et déterminé, dit Dumbledore avec un faible sourire. Mon garçon, tu iras loin. Remus n'en croyait pas ses oreilles. Dumbledore n'était pas furieux ? — Tu as raison, bien sûr. Tu as parfaitement le droit de savoir, mais pas maintenant, pas si tôt. Sache quand même cela : ton état - ce qui se passe à Halloween, cela s'entend, pas ta transformation du mois - est étroitement lié à un objet particulier qui se trouve dans le Département des mystères. Jusqu'à ce jour, personne n'a su ce dont il s'agissait vraiment et n'a réussi à le contrôler. — Anselm Moroz est au courant ? — Il est le chef du département et celui qui a la charge de tout ce qui se trouve dans cette partie du ministère. Je lui ai demandé un rendez-vous urgent juste après ton départ de mon bureau. Il ne me l'a accordé que le lendemain matin. — Est-ce pour cela que vous n'étiez pas là au déjeuner ? — Cela s'est vu ? dit Dumbledore avec un clin d'oeil. Oui, notre entretien a duré un peu plus longtemps que prévu, principalement parce que nous voulions examiner l'objet en question. — Et ? Les yeux de Dumbledore pétillèrent d'excitation. — Nos conclusions sont les suivantes : nous ne savons ni de quoi il s'agit, ni pourquoi cela a réagi de cette manière, ni si nous serions en mesure de la contrôler. L'existence de cette chose est un mystère. — Mais c'est bien cette... chose... qui a provoqué l'apparition ? Qui me force à voir cet homme toutes les nuits d'Halloween ? — J'en ai bien peur. — Alors il faut la casser ! La détruire, pour éviter qu'elle ne fasse d'autres dégâts ! Dumbledore secoua la tête. — Ce n'est pas aussi simple. Outre que Moroz refuserait qu'on abîme l'un de ses sujets d'étude, nous ne sommes pas certains que l'apparition cesserait avec la perte de cet objet. Si ça se trouve, cela mettra en danger ta vie. Tant que nous ne sommes sûrs de rien, je préfère la garder intacte. Remus fit la grimace. — C'est bien ma veine. Pour une fois que j'ai une excuse valable de casser quelque chose de précieux, il faut que je risque ma vie pour cela... Le rire réjoui de Dumbledore résonna longtemps à ses oreilles.
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Comme prévu, ses amis l'assaillirent de questions une fois rentré. Même Remus commençait à penser que ses excuses sentaient le réchauffé. Son état de convalescent lui permit de réclamer le fauteuil le plus douillet de la salle commune, mais c'était là une bien maigre consolation face aux dizaines de regards braqués sur lui. Le plus agressif étant sans doute Lucius Malefoy qui le fixait du fond de la salle, flanqué de ses acolytes Crabbe et Goyle. Pour une raison qui échappait à Remus, Malefoy semblait l'avoir de nouveau pris en grippe à son retour. — Tu dois être le garçon le plus maladroit et le plus malchanceux de toute la Grande-Bretagne, dit Kingsley. D'abord tu as cette drôle de maladie qui te donne des crises chroniques, et après tu passes ton temps à te blesser à des endroits farfelus... — C'est pas comme si je l'avais demandé, ok ? fit-il avec impatience. J'en ai marre aussi de finir à St Mangouste ! — Ils vont finir par te donner un abonnement, tu vas voir, dit Avery. Remarque, tu pourrais avoir droit à des réductions ou des cadeaux de fidélité. Tu crois que tu pourrais me filer un coupon la prochaine fois ? — La ferme, Avery, dit Severus. — Non, toi tu la fermes Rogue. Severus lui lança un regard méprisant. — C'est tout ce que tu trouves à me répondre ? Les autres Serpentards se rassemblèrent autour d'eux, curieux de voir comment Avery réagirait. Remus soupira. Au moins, il y avait des choses qui ne changeaient pas, comme l'hostilité ambiante qui régnait dans leur maison. Il se demanda si c'était partout pareil. Sans doute pas : d'après ce qu'il avait pu voir des Gryffondors par exemple, ils n'étaient pas aussi méfiants les uns envers les autres... Était-ce dû à l'influence des enfants de familles sang-pur qu'on y trouvait ? Ou à la nature même de ses membres ? Il l'ignorait, mais c'était quand même très étrange. Que Lily ne soit pas à Serpentard était une bénédiction pour elle, quoi que puisse dire Severus : gentille et douce comme elle l'était, elle n'aurait pas tenu deux jours avec son statut de fille d'ascendance moldue... Remus sursauta quand Kingsley lui toucha le bras : il était tellement perdu dans ses pensées qu'il n'avait même pas remarqué que son ami lui parlait. À côté d'eux, Avery et Sevrus se lançaient des regards noirs. — On ferait peut-être mieux de les arrêter, dit-il avec un sourire. Avec ta chance, s'ils commencent à se battre, tu vas finir par prendre un de leurs sorts... — Tu as décidé d'en faire une blague récurrente, c'est ça ? On se moque du pauvre Remus qui n'est pas fichu de se balader dans les couloirs tout seul sans se faire exploser un jardin de bubobulbs sur la figure ? Le sourire de Kingsley l'aveugla presque, tant il était éclatant. — Tu le dis tellement bien, il serait dommage de t'ôter les mots de la bouche... — Gnagnagna... Mais en réalité, Remus était rassuré. Qu'ils croient tout ce qu'ils veulent sur sa soit-disant maladresse et malchance, tant que cela les éloignait de la vérité ! Et quelque part, ce n'était pas si loin de la vérité, n'est-ce pas ? Après tout, quel garçon de son âge pouvait se targuer d'avoir une espèce de fantôme qui le hantait un soir par an en plus d'être un loup-garou... Ça ne courait pas les rues, c'était certain ! — Bon ça suffit, dit Kingsley en séparant Avery et Severus. Il faut qu'on aille dormir, on a cours tôt demain. Il était de loin le plus grand et le plus fort de leur année avec Wilkes, même si séparer deux gringalets comme Severus et Avery n'était pas bien difficile. Remus se mit à rire avec les autres quand Avery piqua une crise et voulut jeter un sort à Kingsley, « pour lui apprendre à vivre » selon ses propres termes. Cela aurait pu très mal tourner si Malefoy, agacé par toutes ces pitreries, n'avait décidé d'intervenir en lançant Crabbe dans la mêlée. Ce fut lui qui reçut de plein fouet le Petrificus Totalus d'Avery ; le voir étalé de tout son long sur la moquette était assez impressionnant... — Avery ! hurla Malefoy en se précipitant vers lui. Avery lâcha sa baguette à terre. Il était blanc comme un linge. — Je ne voulais pas... Malefoy lui jeta un regard méprisant. Un grand silence s'était fait autour d'eux ; chaque élève présent attendait la sentence de Malefoy. — Tu oses t'attaquer à l'un des nôtres, dit Malefoy d'une voix terrible. Ça mérite au moins trois jours de retenue avec McNair. Pauvre Avery ! Il était si livide que Remus eut l'impression qu'il s'était changé en fantôme. Il ne pouvait que le comprendre : McNair était bien connu dans leur maison pour sa cruauté et son esprit particulièrement tordu. Avery le supplia et lui promit maints cadeaux, en vain : Malefoy l'écarta d'un mouvement du bras. — Je ne savais pas que McNair avait le droit de prendre des élèves en retenue, demanda-t-il à Kingsley une fois que le calme fut revenu. — Il ne l'a pas, ce n'est pas un préfet. Mais Malefoy lui confie les Serpentards qu'il a collés. Ça le décharge de la tâche et en plus, ça arrange bien ses affaires puisque personne ne veut finir avec McNair. — Comment ça se fait que je suis pas au courant ? Kingsley haussa les épaules. — Je viens de l'apprendre moi-même, dit-il. Hier, Rabastan Lestrange s'est fait prendre à essayer de verser une potion dans la tasse d'Emmeline Vance. Le problème, c'est qu'il s'est trompé et qu'il l'a fait dans celle de Narcissa Black, sa meilleure amie. — Ouch, dit Remus. Pas étonnant que Malefoy se soit énervé s'il avait vu ça... Il s'est passé quoi ensuite ? Kingsley se mit à sourire bêtement. — Elle est tombé amoureuse de lui. C'était un philtre d'amour, et un pas mal puissant en plus. Il a fallu que Mme Pomfresh s'en occupe pendant toute la nuit. C'était pas joli à voir. Elle lui courait après en lui susurrant des mots obscènes. Remus éclata de rire. Décidément, il s'en passait des choses dans sa maison pendant qu'il était absent ! — Sérieux ? Quel genre de mots ? — Rien pour tes oreilles chastes, ô fils de la maladresse et de la malchance. Remus fit la moue. — Rabat-joie... — Le reste te concerne aussi, continua Kingsley. — Hein ? — Après qu'il s'est fait prendre, Malefoy lui a demandé où il avait réussi à trouver un philtre aussi efficace. C'est pas avec ses notes en Potions qu'il aurait pu y parvenir, tu sais ? Alors il a dit que c'était toi qui lui avais appris. — Quoi ? Mais c'est faux ! Je ne le connais même pas, ce type ! — Je le sais et tu le sais aussi, mais pas Malefoy. Il s'est mis dans une colère noire. Mais comme il ne peut rien prouver et qu'en plus tu sors de St Mangouste, il ne dit rien, mais il t'a à l'oeil encore une fois... — Génial, gémit Remus en se prenant la tête entre les mains, comme si j'avais besoin de ça... Kingsley lui tapota l'épaule pour lui remonter le moral, mais cela ne suffit pas à chasser la sensation d'accablement qui lui était tombée dessus. Dire que Remus s'était fait une joie de sa première année à Poudlard ! Entre ses problèmes de loup-garou, le mystère de l'apparition d'Halloween qui semblait être lié à Sirius Black, le ressentiment de Malefoy et le comportement étrange de son père, il avait assez à faire pour le reste de l'année sans en plus se soucier de ses cours, de ses amis et du reste du monde en général ! — Je hais ma vie, dit-il enfin. — Courage, ça ira mieux demain ! dit Kingsley avec un sourire d'encouragement. — Et si ça ne va pas mieux ? — Alors il y a toujours après-demain, et tout un tas de jours après ! — Ouais, t'as raison... Néanmoins, ce fut le coeur bien lourd qu'il alla se coucher.
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Malefoy se manifesta quelques jours plus tard, au moment où Remus se rendait seul à la bibliothèque pour étudier. Kingsley avait une partie d'échecs avec Avery et Severus avait encore disparu. Goyle surgit brusquement de derrière une colonne. Sans attendre que Remus ait eu le temps de reprendre ses esprits, il le traîna avec lui jusqu'à une salle vide dans laquelle il le jeta. Puis il ferma la porte. Malefoy se trouvait déjà à l'intérieur. Remus se tint le plus droit possible. Il ne fallait pas qu'il montre qu'il avait peur, il fallait qu'il garde son calme... — Remus Lupin, dit Malefoy. — Ce n'est pas moi qui a appris à Lestrange à faire un philtre d'amour, dit Remus à toute vitesse. Je ne sais même pas comment on fait ! Malefoy parut surpris. — Bien sûr que ce n'est pas toi, renifla-t-il d'un air méprisant. C'est cette vermine de Rogue. Pour le coup, Remus en resta bouche bée. — Severus ? Mais pourquoi ? Malefoy haussa les épaules. — Lestrange l'a simplement menacé de rendre la vie impossible à sa petite amie de Gryffondor s'il n'acceptait pas de l'aider. Il ne mérite même pas qu'on s'y intéresse. Remus soupira d'aise. Ainsi, Malefoy ne lui en voulait pas pour ça et même Severus n'aurait pas à souffrir de ses actes... Tant mieux. — Un instant, fit-il en y réfléchissant. Si ce n'est pas pour Lestrange, pourquoi m'avoir fait venir ici ? — Ton père est bien Connor Lupin du Département de la justice magique ? — Oui, mais... Avant qu'il ait pu continuer, Malefoy lui tendit une énorme enveloppe dorée qu'il avait sortie de sa robe. Elle était cachetée par un énorme sceau en cire rouge frappé d'un blason que Remus reconnut comme étant celui des Malefoy. Depuis le le temps que Lucius Malefoy l'exhibait devant tout le monde, il le reconnaissait sans problème... Remus accepta l'enveloppe sans y prendre garde, tellement il était abasourdi. — Mon père me charge de l'inviter lui et sa famille pour la fête de Noël que nous organisons au manoir Malefoy. — Hein ? Mais... — Tenue formelle. Les détails sont à l'intérieur. Ne soyez pas en retard, surtout. Malefoy s'esquiva sans un mot de plus, laissant Remus seul dans la salle, l'enveloppe encore tendue devant lui. Il la fixa d'un air vide. Elle avait l'air normale... Que faire ? Donner l'enveloppe à son père, comme l'avait demandé Malefoy ? Et si elle était dangereuse ? Elle contenait peut-être du poison, ou quelque chose du genre... Et puis d'abord, pourquoi Malefoy senior était-il passé par son fils et par Remus pour lancer ce genre d'invitation à Connor ? Il aurait été plus simple de le lui donner en personne, ou d'envoyer un hibou... Devait-il en parler à Dumbledore avant de la remettre en main propre ? Mais s'ils la décachetaient, cela pourrait être considéré comme une grave offense envers la famille Malefoy, chose que les Lupin ne pouvaient pas se permettre, surtout avec Remus chez les Serpentards... Ces questions agitèrent son esprit si longtemps qu'il ne s'aperçut pas tout de suite que la nuit tombait. Quand Remus remarqua enfin l'heure, il était trop tard pour aller voir Dumbledore : il devait se rendre dans la Grande Salle pour dîner avec les autres. Il empocha la lettre et se précipita vers la volière. Tant pis ; il l'enverrait directement à son père par hibou. Ce n'était pas la peine de déranger le directeur pour cela. Connor était un bon sorcier qui disposait des meilleurs éléments du ministère à ses ordres ; il saurait de débrouiller seul. Malgré tout, il fut pris d'un sérieux doute en voyant le hibou portant l'enveloppe disparaître dans le ciel...
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Remus ne reçut de réponse de sa famille que la semaine suivant son retour de St Mangouste. Une chouette toute grise se posa sur son plat d'oeufs brouillés au moment du petit déjeuner et s'écroula dans ses bras. Remus la connaissait bien : c'était Mathilda, la chouette de sa grand-mère Lavinia. Elle était au moins aussi vieille que son père s'il en croyait ce qu'il lui avait raconté. Vite, il se dépêcha de prendre son message et de l'amener à la volière pour qu'elle puisse se reposer. La pauvre bête en avait bien besoin ; cela faisait longtemps que grand-mère Lavinia ne l'utilisait plus pour son courrier. Quel mouche l'avait piquée de l'envoyer alors qu'elle avait à sa disposition les hiboux du service de hibou postal de son village ? Il reconnut l'écriture fine et distinguée de sa grand-mère dès qu'il posa les yeux sur le message. De plus en plus étrange. D'habitude, Lavinia l'évitait comme la peste. Quelque part, Remus était même déçu : il avait déjà écrit par deux fois à Connor et son père ne lui avait pas encore répondu. Il lut néanmoins la lettre de bout en bout, se sentant de plus en plus affolé à mesure qu'il avançait. « Remus, C'est le coeur en colère que je t'écris aujourd'hui. N'as-tu pas honte, alors qu'ils ont dédié leur vie à ton éducation et ton bien-être, d'accabler tes parents comme tu le fais ? Quand mon fils m'avait annoncé que tu avais été pris à Serpentard, j'ai cru défaillir ; mais ce n'était rien par rapport à la bassesse que tu as commise. Ta mère est en ce moment chez moi. Elle est dans tous ses états et je ne peux que la comprendre. Quelles horreurs as-tu écrites à ton père pour qu'il l'envoie ainsi de force chez moi et pour qu'il nous cloître sans aucune explication ? Je ne peux même plus sortir voir mes amis, te rends-tu compte, enfant indigne ? Jusqu'à quand plongeras-tu cette famille dans la honte et le malheur ? J'ai envoyé une demande d'aide à mon cousin Ignatius Prewett de la Commission d'Examen des Créatures dangereuses pour qu'il s'occupe de ton cas comme il se doit. C'est tout ce que tu mérites. Je t'annonce que dès ma sortie de chez moi, je ferai tout pour que tu sois définitivement déshérité, et estime-toi heureux que je te prévienne par écrit. Lavinia Prewett-Lupin. » Remus relut la lettre, mais le contenu ne changeait pas. Il avait envie de pleurer. Pourquoi cela lui arrivait-il, pour quelle raison sa grand-mère était-elle aussi furieuse ? Il repensa tout d'un coup à la lettre de Malefoy, cette soit-disant invitation à Noël... D'après ce qu'il avait compris des propos décousus de Lavinia, Connor avait agi après avoir reçu une lettre de Remus. Celle dans laquelle il citait la loi d'affirmation magique datait d'il y a plusieurs semaines, cela ne pouvait pas être celle-là... Il lâcha Mathilda au milieu de ses pairs pour se précipiter vers la sortie, le message de Lavinia en main. Sa vue était brouillée par les larmes qui avaient enfin décidé de couler ; il les essuya d'un geste rageur. Il n'avait pas le temps de pleurnicher, il fallait qu'il voie Dumbledore ! Lui seul pouvait arranger les choses ! Si troublé qu'il était, il ne vit pas la mince silhouette apparaître à l'entrée de la volière et la percuta dans sa course. Un autre cri se mêla au sien : celui d'un garçon brun qui tenait à la main un sac de Miamhibou. Remus ravala ses larmes en reconnaissant Sirius Black. — Toi ! cria-t-il en cachant ses yeux. Qu'est-ce que tu fais ici ? — Je venais donner à manger à ma chouette Borée, dit Black d'une voix penaude. Je suis désolé, je ne voulais pas te cogner... Remus s'en allait déjà sans répondre quand Black l'appela d'une toute petite voix. — Euh... Remus ? C'est bien Remus, c'est ça ? — Je ne me souviens pas qu'on soit devenus amis, Black, dit Remus d'une voix dure. — Désolé... euh... Lupin. On peut se parler ? — Je suis occupé. — Plus tard, alors ? — J'ai dit que j'étais occupé ! — Désolé, mais c'est important... Si tu veux, je peux t'attendre, peut-être ? Ou on peut se donner rendez-vous ? — Tu vas encore me suivre si je m'en vais en disant non ? Sirius baissa les yeux et bafouilla : — On ne voulait faire de mal à personne, James et moi... — Tu te moques de moi ?! Remus était dans tous ses états. Dieux, qu'il haïssait ce garçon ! Black se ratatina sur place, le regard fuyant et la pose peu sûre. Il réussit néanmoins à ne pas reculer. Remus aurait voulu l'étrangler à mains nues, mais cela ne lui apporterait que des problèmes, il n'en avait pas besoin en plus de ce qu'il avait... — Qu'est-ce que je t'ai fait ? dit-il d'une voix tendue. Pourquoi me harcèles-tu comme ça ? — Moi, te harceler ? Le visage de Black avait pris une expression indignée. — C'est toi qui m'a évité dans le train quand j'ai voulu t'aider, et après tu n'as pas arrêté de faire ton intéressant ! — Je n'ai jamais fait l'intéressant ! — Bien sûr que si ! Tu es le meilleur élève de l'année alors que tu cumules les absences, tu es à Serpentard mais tu es ami avec Lily, tu te montres gentil avec nous et par-dessus le marché, tu es sympathique ! Remus en fut quitte pour une surprise. — Qu'est-ce qui te fait dire ça ? On ne s'est quasiment jamais parlé ! — Je t'observe quelquefois, dit Black. Quand tu discutes avec Lily ou ce Shacklebolt. Même James admet à contrecoeur que s'il n'y avait pas cette histoire avec nos familles, on pourrait sans doute bien s'entendre... — Qu'est-ce qui te fait dire ça ? — Je suis un Black, tu te souviens ? fit son interlocuteur avec une pointe de frustration dans la voix. Un Black chez les Gryffondors. À cause de ça, je suis bien placé pour savoir que les histoires de familles ou de maisons ne font pas une personne ! Remus soupira. Quelque part, Black avait raison, mais il n'était pas encore prêt à l'admettre, pas quand la dernière rencontre avec son alter-ego vieilli datait d'il y a si peu de temps. — Je n'ai pas envie d'être ton ami, mais... on peut essayer au moins de s'entendre. Ou de ne pas se crier dessus. Et quand Remus y repensait, ce n'était peut-être pas une si mauvaise idée de faire la paix : il pourrait ainsi obtenir la coopération de Black en ce qui concernait cette histoire avec le Département des mystères. Black voulut lui serrer la main pour conclure leur nouvelle entente, mais Remus n'était quand même pas prêt à aller jusque-là... Tout penaud mais nullement découragé, Black retira sa main tout en lui faisant un sourire timide. — Il faut que j'y aille, dit Remus. Je dois aller voir le directeur. — À cause de ce qui s'est passé dans l'infirmerie ? Remus vit Black se plaquer brusquement une main devant la bouche, l'air paniqué. Il soupira. La journée venait à peine de commencer, et il était déjà très fatigué... Ces fichus Gryffondors n'en rataient décidément pas une ! — Vous avez raconté cette histoire à beaucoup de gens, Potter et toi ? — Non ! — Arrête de mentir. — C'est vrai ! s'écria Black. Enfin, James voulait le dire au moins à ses parents alors je n'ai pas pu l'en empêcher, mais il m'a promis de se taire tant qu'on sera à Poudlard ! — Ce qui veut dire qu'il va se lâcher pendant les prochaines vacances d'hiver. L'expression sur le visage de Black était cocasse et aurait presque pu faire rire Remus si sa réputation n'était pas en jeu... Il soupira. — Je n'en attendais pas moins de vous. Bien nous entendre, tu parles... Sans prévenir, Black lui saisit la main gauche, celle qui ne tenait pas l'enveloppe. Remus lui lança un regard outré. — Enlève ta main, Black ! — Je ne suis pas comme ça ! Qu'est-ce que je peux faire pour te prouver que je suis de bonne foi ? Que je ne te veux pas de mal ? — En quoi c'est si important ? — Ça l'est pour moi ! Black était presque en larmes. Remus sentit un poing glacé lui triturer le ventre. — Tu l'as vu, n'est-ce pas ? Black ne répondit pas, ce qui le confirma dans son idée. Il avait lui aussi vu l'apparition de la nuit d'Halloween. Remus eut un rire méprisant. — Alors c'était bien de ta faute... — Non ! Jamais je ne ferai ça à quelqu'un ! — Faire quoi, Black ? Le regard de Remus se durcit. — Qu'est-ce que tu as vu, exactement ? — Je... Remus serra son poing libre jusqu'à chiffonner l'enveloppe qui s'y trouvait. Black savait... Black avait tout vu, il avait peut-être même tout organisé... Il se dégagea de l'étreinte de l'autre garçon en un éclair et brandit sa baguette devant lui. Si c'était la guerre qu'il voulait, il allait vite voir que Remus n'était pas le premier de la classe pour rien ! — Expelliarmus ! entendit-on soudain. La baguette de Remus sauta de sa main et atterrit très loin à l'autre bout de la volière. Black était devenu blanc comme un linge. Remus voulut se précipiter pour ramasser sa baguette, quand une voix dure cria : — Pas de ça, mon garçon ! Une silhouette imposante apparut à l'entrée de la volière : celle d'un homme d'une trentaine d'années au physique avantageux et aux pommettes saillantes. Il se précipita pour s'assurer que Black était sain et sauf tout en gardant un oeil sur Remus. Sa robe était impeccable, son pas sûr et sa baguette de bois sombre, au moins aussi longue que son avant-bras, tremblait nerveusement dans sa main. Remus déglutit : cet homme, il le connaissait. Il l'avait vu bien souvent souriant sur des photographies, entouré d'une tribu de femmes et d'un seul garçon noir qui tentait de se cacher en-dehors du cadre. Cet homme, c'était Abraham Shacklebolt, le père adoptif de Kingsley. |