Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, l'univers non plus. D'où le bordel.
Bêta :Duncan
Eve of Destruction
Chapitre 4
Les chevaliers de la table ronde et Merlin.
Harry se sentait nauséeux.
Il se redressa dans son lit et se passa une main dans ses cheveux histoire de rendre sa coiffure encore plus chaotique, puis sur son visage comme pour faire disparaître le mal être. Sur le coup, quand cette montagne de nourriture s'était présentée sous ses yeux sa pensée avait abdiqué, il n'était qu'un estomac affamé de toute une vie de privation.
Harry massa avec son poing la douloureuse pression que son copieux repas exerçait sur son estomac. Malgré son état, il ne pouvait regretter. Après tout ce matin encore, il avait déjeuné avec deux toasts grillés froids, et de l'eau chaude marron vaguement apparentée à du Earl Grey.
On pouvait dire que la nourriture de Poudlard était du grand luxe – même si le fait qu'elle apparaisse de nulle part était franchement flippant. Il ne regrettait pas son choix contrairement à ses camarades de chambrée qui avaient exprimés plutôt leur mécontentement, surtout Thomas ; Finch Flechley c'était une autre histoire.
Harry se rallongea dans son lit – le matelas était d'un tel confort, ç'en était indécent - et se concentra sur sa respiration. Inspire, expire. Il n'allait certainement pas céder à la pression et vomir. Ce serait un sacrilège. Tous ces succulents mets finir dans les toilettes...
Bien sûr Harry se contenta de manger les choses qu'il connaissait : poulet et pâtes, ce fut suffisant. Les autres firent la fine bouche, trop occupés à s'apitoyer sur leur propre sort. Picorant et triturant la sacro-sainte nourriture avec leur fourchette.
Le silence s'était installé depuis que Lupin s'était excusé et les avait lâchement abandonnés. Évidement Granger ne put s'empêcher de le briser :
« Est-ce que cela signifie que, vous aussi, vous faites péter les micro-ondes et autres appareils électriques ? Demanda-t-elle soucieuse, à l'assemblée.
- Seulement quand je m'énerve, répondit Harry, aussi surpris par sa réponse que les autres.
Granger lui sourit timidement, Harry se renfrogna, irrité contre lui-même.
C'était à cause de la nourriture.
Il plongea sa tête dans ses épaules et s'employa à avaler autant de nourriture que son estomac était prêt à en supporter. Harry ne s'était jamais réellement posé de question sur cet état de fait. Il avait toujours plus ou moins pensé que c'était bizarre, et alors? Sa vie était en soit une anomalie dans le cosmos. Pas de quoi en faire un plat. Et s'il s'était aventuré à comprendre cette bizarrerie, il aurait certainement perdu le peu d'esprit qui lui restait.
Granger continua sur sa lancée, avec une assurance renouvelée :
- Donc nous sommes des sorciers...
- Nous ne sommes pas des sorciers, la contra sévèrement Thomas, c'est ce que l'autre, Omphage, a dit.
- Ombrage, corrigea Finch Flechley, absent.
- Mais Lupin nous avait mis en garde, quoi qu'on nous dise, nous sommes des sorciers, tu te souviens? C'est ce qu'il a dit!
Avec son imparable argument d'autorité, Granger campait sur ses positions aussi buté qu'une mule qui refuse d'avancer. Mais Thomas se montra étonnamment enflammé sur le sujet.
- Qu'est ce qu'on sait d'eux? Ces sorciers? Je veux dire que c'est complètement surréaliste et louche qu'un monde où des tableaux animés puissent exister à l'insu de six milliards d'individus*. C'est manifestement un monde replié sur lui-même et secret qui ne laisse rien filtrer et refuse même de nous laisser entrer. Je ne sais pas... Est ce que ça vaut le coup de se faire appeler « sorcier »? Pour moi, c'est non, j'aurais préféré rester chez moi. Je n'ai rien à faire ici.
La harangue de Thomas ne surprit pas Harry et elle l'aurait même influencée s'il avait eu un foyer chaleureux où rentrer. Mais en ce qui concernait Harry, si c'était pour être traité comme un étron, autant que cela se passe dans un cadre pittoresque, avec un étalage baroque de bouffe, comme à Poudlard. Thomas était un type particulièrement sensé pour son âge, pensa Harry en mâchant distraitement sa énième cuisse de poulet.
- Et tu as vu comment l'a regardée Ombrage? Lupin, je veux dire. Il n'avait pas la cote, continua Thomas.
- Moi non plus, je ne pense pas qu'on est quelque chose à voir avec ces gens, ils vont simplement nous guérir.
Finch Flechley avait repris des couleurs et l'air moins pâlot, son idée le réjouissait.
- Guérir de quoi? Questionna Bulstrod.
C'était la première fois qu'elle ouvrait la bouche, sa voix était aussi calme et posée qu'un nid de frelon.
- T-Tu sais, si tu es ici c'est que tu sais. Toutes ces choses qui arrivent autour de nous. Sans qu'on n'y soit pour rien.
Un nouveau silence.
- Pourquoi cela serait une mauvaise chose ? Intervint Granger, pensive. C'est un pouvoir qui vient de nous. Et il y a d'autres personnes comme nous, ici présentes autour de cette table, et même des zens qui semblent avoir bâti une civilisation autour de cette capacité. Imazine, si on en devenait maître, ce qu'on pourrait faire...
- Qui te dit qu'on serait capable de la maîtriser? Cette chose est mauvaise ! Elle ne fait que du mal ! Insista Finch Fletchley.
Le teint de Finch Fletchley devint rosâtre et ses yeux humides. Harry détourna les yeux, n'ayant pas envie d'assister à ce spectacle.
Il réfléchit néanmoins à sa propre expérience. Il n'avait pas de souvenir d'avoir fait du mal à quiconque avec sa bizarrerie, magie, peu importe le nom qu'on lui donnait. Sauf les cheveux de son institutrice de petite section qui avaient changés de couleur, mais ce n'était pas grave. OK, disons que l'épisode où la tante Marge avait inexplicablement enflée comme un ballon, quand Harry avait douze ans, pouvait compter. Mais il avait amplement épongé sa dette à St Brutus.
- Mais si on apprend à l'utiliser, il n'y a pas de raison pour qu'elle fasse du mal, argumenta Granger.
- C'est une question de choix, très juste, Mademoiselle Granger. »
Ils crièrent de surprise en parfaite unisson et à sa plus grande honte, Harry aussi.
Mais c'était légitime, Dumbledore était apparu de nulle part et se tenait près de leur table un sourire bienveillant aux lèvres. Le cœur battant un peu trop vite, Harry fusilla le vieux du regard. Puis il se rendit compte que les autres étaient encore terrifier, ils n'avaient jamais vu le directeur.
« Mesdemoiselles, messieurs, bonsoir. »
Il les salua en adressant à chacun d'entre-eux un sourire. Il portait une espèce de cape d'un bleu profond tachetée d'étincelantes pierres violettes. Il avait l'air bien plus grand et majestueux dans ces nippes.
« Je vous prie de m'excuser de vous avoir pris au dépourvu. Je suis le Directeur de cette école : Albus Dumbledore.
Si Granger en fut vaguement rassurée, Thomas, Finch Fletchley et Bulstrod n'en devinrent que plus suspicieux.
Harry se resservit distraitement de la mousse au chocolat (il en était à sa quatrième et n'était pas près d'arrêter en si bon chemin).
- Je vous prie également de m'excuser de n'avoir pu vous accueillir en personne...
- Vous aviez les vrais sorciers à accueillir, c'est compréhensible. C'est une question de choix.
Harry tomba en totale admiration devant le cran et le sens de la répartie de Bulstrod.
Mais Dumbledore loin d'être embarrassé eut un éclat d'humour dans les yeux, il sourit même.
- En effet, vous avez le droit de m'en vouloir, mais sachez également que les finalités d'un choix ne se mesurent pas à ses conséquences premières, Mademoiselle Bulstrod.
Harry fronça les sourcils mais ne chercha à comprendre ce que que l'autre débitait. Il constata aussi du coin de l'œil que Bulstrod était toujours sur la défensive, ses yeux plissés en témoignaient, même si elle paraissait étonnée qu'il la connaisse personnellement.
- Quoiqu'il en soit, bienvenue ! Bienvenue dans ce monde.
Harry n'était pas dupe.
Avec ses sourires, la chaleur qu'il dégageait au sens littéral – les feux de cheminée s'étaient allumés et la pièce était devenue plus lumineuse depuis qu'il y était entré – Dumbledore était un vieux loup. Il était évident qu'il voulait à tout prix leur confiance, quitte à jouer sur des cordes usées. Les flics usaient de techniques similaires quand ils voulaient obtenir quelque chose.
Et Harry s'était presque laissé rouler ; comment ses parents auraient-ils pu être heureux dans un tel endroit?
- Vous avez encore tellement à apprendre et à découvrir déclama Dumbledore avec emphase... Le professeur Lupin m'a fait part du discours d'entrée en matière que vous a fait Madame Ombrage. Elle vous a brossé un tableau bien sombre de l'avenir qui vous attend.
Dumbledore marchait lentement autour de la table. Des sucreries en tous genres apparaissaient alors qu'il caressait la table du bout des doigts. Il leur adressa un nouveau sourire.
Ses longs doigts noueux et ridés emprisonnèrent un bonbon sur la table avec un geste d'invitation dans leur direction, mais aucun d'entre-eux ne bougea - sauf Harry qui l'imita immédiatement.
Quand le gentil flic offrait une clope il fallait la prend, pas faire le dur à cuire. Harry avait appris tout cela en regardant la télévision dans la salle commune de St Brutus, les jours de pluie.
Le vieux reprit, le ton posé :
- Vous est-il déjà arrivé de visiter un parent ou un ami très malade? Avez-vous remarqué combien il pouvait se montrer méchant et cruel lorsqu'il était mal en point?
Quel était le rapport? Ombrage n'avait certainement pas l'air malade. Carrément le contraire. Les bonbons étaient étranges et délicieux.
Alors que chacun autour de la tablée tentaient de décrypter le sens de ces paroles, Granger leva la main.
- Mademoiselle Granger?
- J'ai des questions sur ce qu'a dit Madame Ombrage. Elle n'a pas été très explicite.
Elle était aussi prudente qu'un chat échaudé. Dumbledore n'avait guère quitté son sourire digne d'un habitué à la mari.
- « Moldu » et « M.B » sont a priori des synonymes, que signifient-ils au juste?
Harry observa avec attention le visage de Dumbledore, à la recherche de ce que ses mots n'exprimaient pas. Il remarqua ainsi que le sourire de Dumbledore n'était jamais égal. Il y avait de fines modulations dans la contraction de ses yeux, qui changeaient la nature de l'expression. Comme à ce moment précis, le regard qui devient sérieux. Il n'y a rien de léger dans la réponse qu'il adressait à Granger malgré la présence du sourire.
- Ces termes n'ont jamais été synonymes, ne le seront jamais. « Moldu » désigne une personne qui n'a pas de pouvoir magique. « M.B* » est une invention du Ministère de la magie pour désigner les sorciers nés dans une famille moldue. Ce terme a malheureusement également une connotation péjorative...
Aucun d'eux n'osa poser la question, ayant encore en tête l'expression de profond dégoût que leur avait adressé Ombrage.
Granger s'éclaircit la gorge avant de reprendre la parole :
- Est-ce que nous sommes obligés de signer le contrat dont a parlé Madame Ombrage?
Dumbledore avait fixé Granger avec une attention soutenue, comme s'il la voyait sous un nouvel angle. Bulstrod s'était appuyée sur ses coudes, comme pour mieux écouter la réponse.
- Personne n'ira à l'encontre de votre volonté tant que je serais directeur de cette école.
- Mais si c'est votre Ministère qui s'en occupe, j'imagine que cela n'est pas dans votre domaine de compétence, intervint Bulstrod.
- Vous êtes intelligente Mademoiselle Bulstrod, aussi vous savez pertinemment que les pouvoirs d'une personne ne se limitent pas à son domaine de compétence – en disant cela l'ombre de Dumbledore parut manger leur table.
- Et si on veut rentrer chez nous, ne rien avoir à faire avec tout ça? Et si on veut juste vivre une vie normale?
Il y avait du désespoir dans la voix de Thomas.
- Monsieur Thomas, vous êtes du genre à prendre à cœur les paroles de votre ami malade, n'est-ce pas? Vous devriez pourtant savoir que lorsqu'il vous montre cet aspect sombre de lui, c'est en vérité la maladie qui parle par son truchement.
Harry n'appréciait pas la façon qu'avait le vieux de noyer le poisson dans les eaux troubles de la métaphore.
- Vos cours commencent après demain, un emploi du temps vous sera transmis au petit déjeuner de demain.
Il avait pris un ton plus professoral.
- Nous ferons une mis au point concernant le contenu du programme d'ici un mois. Entre temps, si vous avez besoin de quoi que ce soit, ma porte vous est ouverte - vous saurez où elle se trouve dès que le professeur Lupin vous aura fait visiter le châteaux demain. En attendant, bonne nuit. »
La tête contre la cuvette des toilettes Harry s'en voulait. Il n'avait pas été assez fort et tout ce qu'il avait mangé s'était réincarné tristement.
Heureusement qu'il avait subtilisé des cuisses de poulet, qu'il avait cachées dans un tiroir de son chevet.
Il se releva, difficilement, chancelant un peu, et rejoignit le lavabo où il se rafraîchit. Harry faisait de son mieux pour ignorer son reflet dans le miroir. A l'instar de l'ombre de Peter Pan, son reflet faisait comme bon lui semblait faisant fi de toutes les lois de la physique et autre conneries.
Dumbledore l'avait retenu après avoir envoyé les autres se coucher.
Il lui avait donné une bourse pleine de fric : des livres sterling et des grosses pièces d'or. Ainsi qu'un paquet qui devait contenir son uniforme - Harry ne l'avait toujours pas ouvert.
Dumbledore lui avait également raconté qu'à l'époque où ses parents étaient à Poudlard, il n'y avait pas de différenciation entre les sorciers, qu'ils étaient tous égaux. Il avait dit cela avec des yeux de vaincu.
Et Harry avait compris que quelque chose de terrible se cachait derrières les non-dits du vieux.
Harry avait écouté, il n'avait pas posé de questions parce que chez les Dursley et au Centre il avait retenu la leçon ; il prenait ce qu'on lui donnait pour argent comptant.
Même s'il en mourait d'envie. Même s'il se demandait pourquoi une nouvelle fois Dumbledore l'avait pris à part. Que voulait-il de lui?
Pourquoi Harry Potter?
TBC...
* Les anglophones l'auront compris en English ça le rend vachement mieux, M.B = Muggle Born = Né Moldu et M.B = Mud Blood = Sang-de-Bourbe. Je trouve l'ambiguïté de l'appellation tout à fait machiavélique. Et le ministère joue sur ça, bien sûr. |