Chapitre 5 Arrête ça ! Lâche-moi ! Tu me dégoutes ! Dégage ! Je ne suis pas homo ! Je fais taire ma conscience qui hurle mon indignation. Une main insidieuse se glisse sous mon pull, tandis qu’une autre resserre sa prise sur ma nuque pour lui permettre d’approfondir le baiser. Beurk ! Répugnant ! Le faire avec un homme ? Et puis quoi encore ? Lâche-moi sale tapette ! Je ferme les yeux et chasse ces pensées encombrantes qui risquent de me faire craquer. Il faut que je tienne bon, pour Liz, pour que ces deux derniers mois n’aient pas été vains… j’y arriverai, c’est une certitude, je dois juste me laisser faire, William s’occupe de tout… La main sur ma nuque quitte sa position pour aider l’autre à me défaire de mon pull puis de mon t-shirt moulant. Je frissonne au contact de l’air ambiant mais les mains, si chaudes, de William s’affairent pour me réchauffer. Quelque peu rugueuses, elles parcourent fébrilement mon torse alors que les ses lèvres papillonnent au niveau de mon cou, parsemant ma chair de baisers mouillés. Je frissonne encore, mais plus pour la même raison tandis que la langue humide de William remonte jusqu’à ma mâchoire pour ensuite venir s’occuper du lobe de mon oreille, il se sert contre moi et je sens son érection évidente me presser le bas-ventre. Mon Dieu, mais qu’est-ce que je suis en train de faire ? Mes réflexions sont chassées par sa langue qui s’acharne sur mon oreille. Je sens ses dents titiller mon morceau de chair, son souffle chaud dans mon oreille… je ne peux réprimer un troisième frisson. Sans quitter ma peau de ses lèvres, William s’affaire à se déshabiller à son tour. Sa chemise froissée tombe par terre, libérant un torse bien sculpté trahi par un léger ventre à bière… Sa bouche quitte mon oreille pour s’attaquer à l’un de mes tétons, avec lequel il joue de sa langue jusqu’à ce qu’il durcisse pour pouvoir me le croquer brusquement. J’étouffe un gémissement en me mordant la lèvre inférieure si fort que le goût du sang me parvient à la bouche. - Liz, murmure-t-il une fois de plus… Et je ne peux m’empêcher de tressaillir encore une fois. L’une de ses mains décide soudain de s’attaquer au-dessous de ma ceinture. Je ne fais rien pour l’en empêcher, je crois que mon esprit refuse d’ordonner à mon corps de bouger, complètement tétanisé. Je sens sa main se glisser le long de mon bas ventre pour s’aventurer sous l’élastique de mon boxer, sa main rencontre mon sexe… Il s’arrête. Je crois qu’il a compris. On a beau se ressembler, Liz et moi n’avons pas le même corps. Je ne suis pas une fille… et William n’est pas homo. Il semble revenir à la réalité et s’écarte de moi, lentement. Il titube, se rattrape maladroitement et me regarde, étrangement coupable et honteux. - Len… murmure-t-il faiblement. Je le regarde sans rien dire. - Pardon, j’avais oublié que c’était toi. « Oublié », que je déteste ce mot depuis deux mois. Je devrais pourtant me réjouir qu’il m’ait oublié moi et non Liz, mais l’écho de ses paroles me laisse un goût amer dans la bouche sans que je comprenne pourquoi. - Aucune importance, lui réponds-je d’une voix qui se voulait assurée. Tu devrais te reposer, tu dois aller travailler demain et moi j’ai mes cours. - Oui, je dois être fatigué… Je renfile mon t-shirt et mon pull sans un mot, récupère ma veste sur le canapé et me dirige vers la porte. - On se voit demain ? dit soudain William alors que ma main actionne la poignée. Je hoche la tête. - À demain. Je franchis la porte et la claque derrière moi. oOo - Ah, Len, on mange dans dix minutes, m’annonce ma mère lorsque je franchis la porte de la maison. - Pas faim. Je n’écoute pas ses protestations et monte l’escalier pour me réfugier dans ma chambre avant de me ruer sur mon lit. J’ai encore le cœur qui bat à tout rompre et il n’est pas près de se calmer. Dire que j’étais à deux dois de laisser ce mec me faire l’amour ! Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi… Je me retourne sur mon lit et fixe la photo de ma sœur dont le cadre est posé sur ma table de nuit. Ses yeux verts me renvoient mon regard avec un air malicieux. Elle me manque tant… J’ai beau jouer à être elle chaque jour, le vide que je ressens au fond de moi ne se comblera jamais. Elle est partie et moi, je reste ici, en essayant jour après jour de marquer encore sa présence sur cette terre désormais vide d’elle. - Liz… Ma voix n’est qu’un murmure mais, si ma sœur était vivante, je suis certain qu’elle aurait senti tout le désespoir qui y transparait. Si elle était vivante… Comprendrait-elle ce que je fais ? Aurait-elle fait la même chose à ma place ? Parfois je me demande si je ne deviens pas fou, si ce petit jeu auquel je m’adonne depuis quelques mois n’est pas simplement la matérialisation de mon esprit vacillant entre démence et sadisme… Non, le sadique, c’est William qui voulait jeter aux orties les souvenirs de ma sœur, tous leurs moments de bonheur. Oui, il ne faut pas que j’oublie… le méchant dans l’histoire, ce n’est pas moi, c’est lui. oOo - Hey Will, bonne journée ? On dirait que tu vas mieux qu’hier… Il sursaute violemment. Que j’aime le surprendre ainsi ! Un vrai délice. - Je… ne m’attendais pas à te voir aujourd’hui, me dit-il pour toute réponse d’une voix mal assurée. Je rigole. S’il croit que notre petit tête-à-tête d’hier m’a fait peur, il se trompe lourdement. Certes, hier, j’ai eu un peu de mal à gérer les événements, mais aujourd’hui, après une bonne nuit de sommeil, tout est clair dans mon esprit. Hier n’était que le début d’une nouvelle étape… - J’espère que cette surprise te fait plaisir alors, lui réponds-je tout sourire. Il hoche maladroitement la tête et prends le chemin de son appartement, je lui emboite le pas. - William ! Crie soudain une voix derrière nous. Je me retourne d’un mouvement souple pour apercevoir le jeune homme qui m’avait indiqué la veille que William était malade. - Sam, qu’est-ce qu’il y a ? C’est donc Sam le petit nom de ce charmant bonhomme aux yeux gris métallique. - À propos de la fête dont je t’ai parlé lundi… t’es sûr que ça ne te tente pas ? Ce serait cool que tu viennes, vraiment. - Désolé… commence William avant que je ne l’interrompe brusquement en lui attrapant le bras : - Une fête ? Will, tu es invité à une fête ? Pourquoi tu n’y vas pas ? le questionné-je en dardant sur lui le regard pétillant de Liz. Voyant en moi un allier potentiel, le prénommé Sam reprend de plus belle sa tentative de persuasion. - Allez viens ! Ta charmante copine est la bienvenue, évidemment, plus on est de fous, plus on rit… Je sens Will se crisper et me mets à rire. Encore un qui s’est mépris sur mon compte, il faut dire que mon déguisement est plutôt convaincant. - Ma copine ? Sam, ce n’est pas ce que tu crois, ce n’est… - Will ! Tu n’as même pas fait les présentations ! Je lui fais les gros yeux et poursuis sans attendre. - Moi c’est Hélène, Len pour les intimes, dis-je en lui fournissant un clin d’œil. William s’étrangle à côté de moi et je feints de ne pas voir le regard meurtrier qu’il me lance. - Enchanté, moi c’est Sam, Samuel, me répond-il avec un sourire éclatant. - Enchanté de même. Alors, cette fête ? C’est pour quand ? et où ? - Vendredi, à partir de 19h, dans la maison de mes parents… ils sont absents pour deux semaines alors j’en profite ! Buffet à volonté, sono et piste de dance, ce sera génial ! Alors ? Vous venez ? - Sam, je… commence Will. Je l’interromps encore une fois - S’il-te-plait ! Il me jette un regard incertain, je plante le regard de chien mouillé de ma sœur auquel je sais qu’il ne peut pas résister. - Ok, ok, il capitule. On y sera. Je savoure ma victoire tandis que les deux hommes s’arrangent pour les dernières modalités, puis Sam s’en va et nous reprenons notre route. - J’ai hâte d’être vendredi, dis-je soudain à Will avant de l’abandonner devant son immeuble. - Ta petite comédie était ridicule… - Vraiment ? J’avais l’air plutôt convaincante, Sam n’y a vu que du feu. William me jette un regard noir auquel je ne fais pas attention. Je lui attrape sa cravate d’une main et l’attire vers moi pour déposer un baiser sur sa joue. - Merci d’avoir accepté, lui fais-je d’une voix douce. À demain. Je pivote sur mes talons et prends le chemin de mon chez moi, laissant William rouge pivoine sur le pas de son immeuble. La soirée de vendredi promet d’être amusante. |