LOONY AND THE BEAST
Chapitre 2 : Résistance
OoO
L'après-midi puis la nuit ont été longs et tourmentés pour tous. Dans sa chambre, Luna a étudié chaque objet, chaque bibelot, puis elle a longuement caressé le bois du lit. Dawn lui a apporté deux repas auxquels la jeune femme a à peine touché. Elle l'a aidée à démêler ses longs cheveux, s'extasiant sur leur beauté, mais Luna s'est laissé faire sans répondre, comme si la vie lui avait échappé.
- Mademoiselle ? Oh Mademoiselle ne doit pas pleurer. Est-ce que c'est Dawn qui lui fait mal ? Est-ce que Dawn tire trop sur les cheveux de Mademoiselle ?
Luna a essuyé une larme sur sa joue puis s'est tournée vers la petite elfe et lui a souri un peu tristement.
- Tu fais ça très bien Dawn. Tu dois être habituée à t'occuper des prisonnières de ton maitre.
- Maitre n'a jamais eu de prisonnière avant Mademoiselle. Vous êtes la première à entrer dans le jardin.
La pensée du jardin a tiré un sourire à Luna. Un sourire sincère et doux.
Lorsque le matin arrive, Draco a mal au crane à force de s'user les yeux sur ses livres. Il a gardé le gout de la lecture, de la magie, des expérimentations malgré son statut de bête. C'est peut-être encore pire, d'être encore un homme à l'intérieur, un homme raffiné et cultivé.
Il s'extirpe de son fauteuil, les membres engourdis d'immobilité. Le regard limpide de Luna le hante. Il n'aurait jamais cru qu'elle deviendrait cela, Loufoca. Son étrange cadette de Serdaigle, dont il s'est tant moqué à Poudlard. Il l'a méprisée tout de suite, avec ses airs évaporés et ses centres d'intérêts stupides. Mais ce matin lui semble différent. C'est un matin de plus pourtant, un matin où la luminosité aveuglante de l'automne lui brûle les yeux. Mais c'est un matin différent parce que la vie est entrée dans ce château hier soir et qu'il n'aurait jamais imaginé que ça serait elle, cette fille a demi-folle, qui la lui apporterait.
Il quitte la bibliothèque pour se rendre à la grande salle. Il croise la petite Dawn qui sort des cuisines, un plateau sur les bras.
- Bonjour Maitre.
- Où vas-tu ?
- Apporter son petit déjeuner à Mademoiselle, Maitre.
- Ah. Elle a de l'appétit ?! Demande t-il en jaugeant le plateau qui regorge de croissants, de toasts beurrés, de confiture, de bacon grillé et d'œufs fumants.
Autrefois, sa question se serait accompagnée d'un haussement de sourcil sceptique, mais aujourd'hui ses sourcils se fondent dans son visage.
- C'est à dire.. Elle n'a pas touché à sa nourriture hier. Je suppose qu'elle doit avoir faim.
Draco reste immobile un instant. Devant lui, l'elfe a du mal à rester impassible, craignant son courroux. Elle y est habituée depuis le temps, à la colère des Malefoy, encore plus terrifiante depuis que son Maitre a changé d'aspect. Et elle la sent venir.
Mais Draco se contient.
- Dis lui de descendre. Elle déjeunera avec moi.
Dawn baisse la tête en signe d'assentiment. Elle sait que c'est une mauvaise idée, mais elle n'a pas à donner son avis. Alors elle ramène le plateau aux cuisines pour aller chercher la jeune fille.
Pendant ce temps là, les autres elfes de maison dressent la table pour deux personnes. Draco tourne en rond. Il se sent presque inquiet. Il se dirige vers la fenêtre et tire soudainement les rideaux. Les elfes de maison le regardent faire, déconcertés. Ils sont habitués à son apparence, mais Draco ne l'est pas, Il a brisé tous les miroirs pour ne pas avoir à croiser son horrible reflet, et il n'est pas sur de supporter le regard de Luna, qui lui renverra à coup sur son aspect monstrueux.
Bientôt on frappe à la porte.
Et en répondant « entrez » Draco rouvre le rideau. Sans savoir pourquoi.
Parce que Luna est une fille de la lumière. Et que malgré le mépris qu'il a pour elle, malgré la haine qu'il ressent pour elle, parce qu'elle le voit tel qu'il est, il ne veut pas lui faire de mal. Elle est sa première présence humaine depuis presque 3 ans.
Et la jeune fille entre dans la pièce.
Draco reste ébloui un instant devant l'aspect de la jeune femme. La peau laiteuse, les joues roses, des yeux bleus protubérants agrandis par de légères cernes violettes.
Sa silhouette gracile est vêtue d'une fine robe blanche, légère. Cette robe servait de chemise de nuit à Narcissa Malefoy, Draco le sait. Et pourtant elle habille Luna bien plus que ne le faisait sa jupe en laine hier. Elle a gardé ses bottes en caoutchouc, qui jure avec l'ensemble et sur ses bras, on voit les larges plaies, pas encore refermées, que Draco lui a infligées hier.
Ils se regardent, chacun détaillant l'autre et Draco réalise que les yeux de Luna ne le scrutent pas avec horreur. Il lui fait signe de s'asseoir et va se placer à l'autre bout de la table. Les elfes de maison arrivent et déposent les plats sur la desserte. Luna touche à peine à son repas, alors que les grosses pattes griffues de Draco empoignent la nourriture et la porte à sa bouche à une vitesse folle. Il s'arrête effrayé par sa propre attitude en remarquant le regard gêné de l'elfe cuisinier.
Il tente de se redresser sur son siège. Une bête. Il n'est qu'une bête. Il faut qu'il retrouve un minimum de civilité pour se rappeler qu'il est un homme, alors il pose la première question qui lui passe par la tête.
- Vous avez bien dormi ?
- Non.
Elle a répondu tranquillement, sans le regarder, les yeux rivés vers la fenêtre.
Draco crispe ses poings sous la table. Comment ça 'non' ? Il vient de faire un effort, de lui adresser la parole.. Il l'a fait dormir dans une chambre, il lui a fait prendre son petit déjeuner avec lui... Alors qu'elle devrait être morte ou enfermée dans les geôles avec un quignon de pain sec.
- Regardez-moi !
- Non.
Elle a de nouveau parlé avec douceur, sans même ciller. Et Draco sent ses griffes lui entailler les paumes. Pour qui se prend elle ? Il est furieux. Furieux d'avoir ouvert le rideau et de lui avoir donner accès à la fenêtre. Ne comprend-elle pas qu'il l'a ouverte dans un pur élan de générosité, qu'il l'a fait par pitié pour elle ? Et bien non, elle ne le remercie même pas de lui avoir offert une échappatoire pour ne pas avoir à se heurter à son apparence monstrueuse. L'injustice palpite sous sa boite crânienne. Il a envie de crier mais il serre les dents pour ne rien dire. C'est bien fait pour lui. Un Malefoy ne prend pas pitié de créatures minables et miséreuses comme Luna Lovegood. Ça lui apprendra à avoir un élan de bonté. Il n'est pas fait pour ça.
Il s'en retourne à son plat qu'il attaque avec hargne, il engloutit ses oeufs, son bacon, ses toasts et son assiette de porridge à toute allure. Tant pis pour la civilité, il est ici chez lui, il fait ce qu'il veut et cette insipide chose blonde n'y changera rien. C'est lui le maitre ! Et elle doit lui obéir. Elle lui a assez résisté comme ça.
- Mangez !
- Non.
- VOUS NE SAVEZ DIRE QUE CA ? Mangez, c'est un ordre !
- Je n'ai pas faim.
Il la fixe, les poings serrés à s'en faire sauter les phalanges. Elle repousse sa chaise et se lève, toujours sans lui jeter un regard, toujours sans se départir de son calme apparent. Et Draco est fou de rage.
- Asseyez-vous et Mangez... Il n'a pas crié, il a articulé ça les mâchoires serrées mais elle s'en fiche, elle lui tourne le dos et se dirige vers la porte, qu'elle ouvre.
Puis sans se retourner, la main toujours sur la poignée elle déclare d'une voix enfantine
- Ce n'est pas par ce que votre aspect est celui d'un Ronflax cornu que vous devez vous dispenser d'avoir de bonnes manières.
Et elle sort, refermant la porte doucement.
- Qu.. QUOI ? Rugit le jeune homme outré. Puis il n'y tient plus. La tasse de Draco vole et va s'exploser contre la porte, sous le regard halluciné des elfes de maison.
- Va au diable sale folle ! Marmonne t-il dans sa barbe. Puis il jette un regard noir à Dawn, claque des doigts.
- Suis là. Et si elle essaie de s'échapper je me ferai un plaisir de l'étrangler de mes mains.
La petite elfe s'empresse de courir derrière Luna, laissant son maitre à sa colère glaciale. Au bruit, elle repère rapidement la jeune fille qui est dans l'entrée et qui regarde dans la penderie, les sourcils froncés, comme cherchant quelque chose. Puis son visage s'illumine, elle s'empare d'une cape dans laquelle elle s'emmitoufle. Dawn frisonne. Si la jeune dame essaie de partir le maitre va la massacrer. Et c'est étonnant mais Dawn n'a pas envie. Elle la trouve gentille cette demoiselle et même si Dawn ne devrait pas, elle trouve qu'elle a un peu raison. Son maitre est isolé depuis si longtemps qu'il a perdu toute notion de bonnes manières. Elle se mordille la lèvre en s'approchant de Luna qui dissimule sa robe blanche, ses bottes et une bonne partie de sa chevelure sous l'immense cape noire.
- Où... Où va Mademoiselle ?
- Au jardin.
Et le sourire que lance Luna à Dawn semble soudainement illuminer toute la pièce.
OoO
Le vent est doux et caresse le visage de la jeune femme qui soupire d'aise. Cette nuit, elle a voulu disparaître mille fois, mais ce matin, ce jardin lui paraît familier et l'air se respire.
Elle ne veut pas être prisonnière, même si elle sait que fuir serait vain. Elle l'a compris la première fois qu'elle a croisé ses yeux. Des yeux extraordinaires, d'un gris profond, aux accents incroyablement humains, malgré son apparence de bête. Alors elle a décidé qu'elle serait libre quand même. Que la liberté après tout, c'était aller et faire ce que bon vous semble dans un périmètre défini, et si pour la plupart des gens ce périmètre est la Terre, pour elle il serait ce domaine. Voilà tout. Ce manoir, ce jardin deviendraient le monde et Luna serait libre entre ces quatre murs, tout simplement. Et le jardin semblait le lui confirmer.
Même si le temps est doux, sa robe est légère, alors elle s'emmitoufle davantage dans sa cape. Et elle descend le perron de granit. Il a du être très majestueux à une époque, mais le marbre s'est terni et le lierre a recouvert les rambardes et craquelé les marches. Luna pose les pieds sur l'allée sableuse qu'elle n'a pas vue, puisque la dernière fois qu'elle y est passé, elle était inconsciente. Elle remonte le chemin jusqu'à l'amphithéâtre dévoré par la végétation. Elle observe le tronc fin des plantes qui escaladent la pierre, les gratte avec l'ongle, sent la sève.
- Glycine... Jasmin... murmure t-elle pour elle-même.
Puis elle longe les murs, regardant les touffes d'herbe et de mousse qui poussent sans ordre ni raison à divers endroits de la place.
Et de nouveau, son regard s'arrête sur la rose. Elle s'en approche, mais cette fois, se fige à deux mètres d'elle. Le rouge écarlate est la seule couleur du jardin, cette fleur parait vivante, ses pétales semblant déborder de magie et laissant choir des étincelles qui s'éteignent avant de toucher le sol. Sa couleur sanglante doublée par cette étrange respiration magique évoque un cœur qui bat. Un cœur qui palpiterait au milieu d'un corps endormi, figé par un sortilège.
Luna a du mal à en détourner les yeux, elle aimerait caresser un à un chaque pétale mais le souvenir de la douleur traverse ses bras avec fulgurance et elle serre davantage la cape autour d'elle-même.
Au delà des arcades, on devine d'anciennes allées que les herbages ont rongées. Luna s'y faufile, casse des branches, étudie les feuilles au sol et dans sa tête elle dresse la liste de toutes les plantes qui patientent dans ce jardin : lilas, sapin, amandier, rose trémière, aubépine, acacia, camélia... Ce parc regorge de promesses. Au détour d'un sentier, elle découvre un saule pleureur qui surplombe un bassin, dont les lianes pendantes sont nues de toute feuille, recouvert pas les nénuphars et les joncs. Le croassement d'un crapaud attire son attention et elle tente de l'imiter, se raclant la gorge en un son très peu gracieux et qui la fait immédiatement rire aux éclats.
Luna Lovegood se laisse aller dans le dédale du jardin, oubliant sa condition, et l'heure qui passe.
Quand elle revient au manoir, il est deux heure passées et un sourire évanescent danse sur ses lèvres. Son nez et ses doigts sont rouges de froid et elle fait un signe de la main à la petite elfe de maison qui semble l'attendre en se tordant les mains en haut du perron. .
Elle s'approche encore mais soudain elle remarque l'air profondément inquiet et mal à l'aise de Dawn.
- Mademoiselle... le Maitre... L'elfe s'interrompt soudain et ses sourcils se haussent si haut sous la surprise que Luna s'attend à ce qu'ils sortent de son visage ce qui la fait sourire plus largement
- Oh mais... Qu'a fait Mademoiselle ?
Luna suit le regard effrayé de l'elfe qui observe l'air catastrophé, un point au niveau de ses jambes. La jeune fille jette un œil et découvre, qu'au dessus de ses bottes, la jolie robe blanche est taché de boue, les éclaboussures remontant jusqu'à ses cuisses.
- Oh.. Je nettoierai. Ne t'en fais pas.
- Mais... mais... Mademoiselle ne comprend pas, cette robe était à la mère du Maitre. Si le maitre voit ça... Il était déjà furieux car Mademoiselle ne s'est pas présentée au repas de midi et il a dit à Dawn que si Dawn ne retrouvait pas Mademoiselle, Dawn serait enfermée dans les cachots pour toute une nuit. Alors si il s'aperçoit de l'état dans lequel Mademoiselle a mis la robe de madame sa mère...
Luna lève les yeux aux ciel.
- Ce n'est que de la terre Dawn. Tu ne seras pas punie, je ne laisserai pas faire ça d'accord ?
L'elfe de maison hoche la tête pleine d'espoir, quoique légèrement sceptique. Comment cette frêle jeune fille compte elle la défendre exactement ?
- Je meurs de faim ! Ou puis-je déjeuner ? Demande Luna pour signifier que le sujet est clos, en poussant la porte du manoir.
L'elfe grimace.
- C'est que... Le maitre a dit que...
Dawn songe aux hurlements outrés que son monstrueux maitre a poussé plus tôt, faisant trembler sa fourrure blanche.« Si elle refuse de manger avec moi, et bien elle ne mangera pas DU TOUT! »
Mais en regardant la jeune fille se précipiter dans le logis laissant tomber la cape dans l'entrée et courir pour grimper les marches, Dawn songe qu'une bourrasque semble avoir fait irruptiondans ce manoir, une bourrasque dévastatrice, de rire, de pétillement, de larmes. Bref, de vie. Et elle se dit qu'il était temps que quelqu'un vienne secouer son maitre et ses habitudes d'ours.
OoO
Luna est aux cuisines, assise directement sur le plan de travail, elle grignote un reste de dinde au marron froide, avec du jus de citrouille, et l'elfe de maison chargé de la cuisine se dispute avec Dawn à voix basse, lorsque soudain, un fracas insupportable se fait entendre et la porte s'ouvre sur la bête; Les deux elfes oublient soudain leur querelle et se blottissent l'un contre l'autre. Luna frissonne devant le regard dur de la créature qui lui fait face, le gris de ses prunelle est un orage et il abat violemment son poing sur la table.
- Espèce de sale....
Luna saute de son perchoir et se dresse devant lui, lui coupant la parole par son seul mouvement.
- J'avais faim.
- Oh bien entendu, s'exclame la bête avec une voix mielleuse, suintant les poisons d'une colère sous-jacente. En ma présence l'appétit vous manque mais vous ne vous gênez pas pour dévaliser ma cuisine dès que j'ai le dos tourné.
- Vous préfèreriez me laisser mourir de faim ?
- Vous mangerez à l'heure des repas ou vous ne mangerez pas. Je suis le maitre ici, vous n'avez pas votre mot à dire.
- Je ne vois pas pourquoi je devrais manger avec vous.
- Parce que je l'ai décidé !
- Oui mais vous êtes désagréable. Et vous ne comprenez rien. Vous me retenez prisonnière mais vous ne pouvez pas me forcer à manger. Vous ne pouvez pas me forcer à vivre.
- Je ne veux pas vous faire mourir !
- Retenir quelqu'un prisonnier, n'est-ce pas le faire mourir ? Vous êtes 'le maitre', vous n'avez aucune idée de ce que c'est d'être enfermé.
- Aucune idée de ...Mais je suis prisonnier de ces murs sombres idiote !Et depuis bien plus longtemps que vous.
- Vous vous emprisonnez vous-même. Vous êtes libre de sortir d'ici quand bon vous semble, c'est vous qui vous enterrez dans votre apparence monstrueuse.
- Comment oses-tu ? Crache-t-il entre ses dents
- C'est la vérité, vous êtes terrifiant, voilà. Mais c'est parce que vous vivez dans un manoir glacial, que vous êtes pénible et capricieux et que votre mauvaise humeur fait de vous un châtelain infréquentable. Vous pourriez avoir l'aspect du plus beau des hommes, vous seriez tout aussi hideux !
- Insolente.
- Oui.
Et ce oui est si doux, si étrangement improbable, comme un aveu, un peu honteux, un peu désolé, mais si impitoyable, que la colère de Draco se fige en plein vol. il a toujours détesté qu'on lui tienne tête, mais cela lui fait un bien fou de ne pas être craint. Elle n'a pas peur de son apparence, Elle n'a pas peur, alors qu'il pourrait la broyer d'une seule poignée de main, et il songe que c'est le propre de la rose d'avoir des épines, et que la rose a toujours été sa fleur préférée.
OoO
|