LOONY AND THE BEAST

Chapitre 8 : Les derniers pétales

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7h33.

La cuisine de Neville est minuscule. Il a fermé les volets pour qu'aucun voisin ne puisse voir ce qui se trame.

Penché sur le flacon, le jeune homme se concentre, et extrait consciencieusement une goutte bleue qu'il pose sur un buvard. Puis très délicatement il plonge la sonde au fond pour en retirer une goutte noire. Il est précautionneux, par peur de mélanger le liquide et d'accélérer le processus d'empoisonnement.

Puis du bout de sa baguette, il incante à mi-voix , inspire dans l'air et commence à énumérer les ingrédients. Il s'y reprend à plusieurs fois. Luna feuillette l'énorme livre des poisons que Neville avait chez lui, cherchant une potion dont les ingrédients correspondraient. Soudain elle se fige.

- Imperial Tentacula !

Elle commence à lire la description mais Neville grimace. Il sait déjà de quoi il s'agit. A la fin de la lecture, elle lève des yeux interrogateurs vers lui. Neville passe sa main dans ses cheveux, un peu gêné.

- J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c'est qu'au moment où je travaillais au département des voeux, j'ai étudié une nouvelle version de cette potion. Je la connais donc assez bien, et même si l'Impérial Tentacula utilisé pour Harry est antérieure à mes recherches, je ne devrais pas avoir trop de mal à travailler dessus. La mauvaise c'est que le poison est créé pour ne pas être contré, aussi, si l'antidote n'est pas parfaitement dosé, le poison réalisera qu'on essaie de lui faire la peau et se dilatera à la vitesse de la lumière, pour tuer dans les plus brefs délais le corps qui le contient.

- Super.. marmonne George en ouvrant le frigo. Il saisit une bouteille de lait et boit directement au goulot sans demander d'autorisation à son propriétaire. De nouveau il se désintéresse de tout et de tout le monde. Cette escapade a brulé toute sa motivation. Il ne regrette pas vraiment d'être venu. Il décide simplement que cela ne le concerne plus.

Neville saisit un bout de parchemin et griffonne une liste de noms. Puis il la tend à Luna.

- Voila les plantes dont on aura besoin. Je te laisse le soin d'aller les chercher : tu connais le jardin. Je retourne au ministère, récupérer les ingrédients qu'il me manque.

Luna hoche la tête, saisit la liste et se dirige vers la porte du fond. La vue qui l'accueille l'apaise tout à coup. Le jour se lève et les fleurs sont inondées de rosée. Une brume matinale englobe le jardin et Luna retire les chaussettes prêtées par son ami pour plonger ses pieds dans l'herbe humide. La sensation lui fait du bien. Ça fait à peine vingt-quatre heures qu'elle a quitté le jardin de la Bête et pourtant, elle a l'impression que ça fait une éternité.

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11h.

George regarde curieusement les gestes de Neville et Luna qui s'affairent sur la potion. On n'entend que le tic-tac de l'horloge. Il baille. Le manque de sommeil commence à se faire sentir, surtout après la chute d'adrénaline. Il se demande comment Luna tient le coup. Elle n'a même pas l'air fatiguée.

Puis soudain, une fumée blanche et très épaisse s'échappe du flacon et les épaules de Neville se détendent.

- ça y est. Murmure-t-il. Comme devant un chef d'oeuvre accompli. Luna s'empresse de refermer la fiole à l'aide d'un petit bouchon de liège.

George s'approche sceptique et s'empare de la potion, un sourcil haussé.

- Tu es sur que ça va marcher ?

- La posologie est la bonne. Répond simplement Neville.

Luna jette un regard à l'heure.

- Ils ont du partir aux aurores. Surtout après avoir constaté notre disparition. Ils n'ont pas pu transplaner par ce qu'ils ne connaissent pas l'emplacement exact du manoir. Mais ils devraient y arriver d'ici une heure je pense.

- On a une heure pour apporter le remède à Harry ? C'est ce que tu veux dire ?

Elle hoche la tête.

George soupire, lassé de cette histoire. Il tente néanmoins de prendre un ton jovial

- Bon, alors : en route !

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11h46.

Ils courent. Ils sont essoufflés mais ils courent. Le soleil cogne, la journée est chaude. C'est une journée d'été. Luna a soif mais elle ne s'arrête pas, elle économise son souffle, allonge ses foulées. On distingue au loin le terrier. Au loin, oui.

Ils courent à toute vitesse. Soudain George s'arrête. La saisit par le bras, la forçant brutalement à s'arrêter.

- Luna... On n'y sera pas à temps.

Elle le regarde de ses yeux protubérants, cillant à peine. Elle essuie la sueur sur son front en inspirant tout l'air qu'elle peut. Une vague de désespoir monte en elle, mais George la secoue.

- Je vais y arriver ok ? Je vais apporter le remède à Harry. Fonce au manoir Malfoy. Préviens les autres, essaie de les arrêter. On n'aura pas le temps sans ça.

Incapable de parler, elle approuve de la tête. Un instant George se rapproche d'elle et pose son front contre le sien.

- Tu vas y arriver Luna, d'accord ?

Elle ravale un sanglot et relève la tête. George lui prend la fiole des mains et reprend sa course. Luna est seule. Elle inspire profondément. Puis elle transplane.

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11h58.

George pousse la porte du terrier, les yeux exorbités par la course, à deux doigts de la nausée.

- M'man ! Appelle t-il.

Le pas de Molly se fait entendre dans l'escalier. Lorsqu'elle pose les yeux sur son fils, elle commence à hurler

- Mais où étiez-vous passé Bon sang ? On s'est fait un sang d'encre.

Mais George l'interrompt en lui tendant le flacon, empli à ras bord d'un liquide laiteux.

- Le contre poison... Harry.

Il n'arrive même pas à parler, il a envie de vomir, il a l'impression que ses poumons vont exploser. La dernière fois qu'il a couru comme ça, c'était pendant la guerre. Échappant à un danger que son frère a pris de plein fouet.

Mais Molly a compris. Elle comprend que ce n'est pas le moment de demander 'comment'. Les questions viendront plus tard. Elle croit son fils, et si il dit que cette potion peut sauver Harry alors il n'y a pas un instant à perdre. Elle le prend délicatement.

- Qu'est-ce qu'il faut faire ?

- Tout boire... Cul-sec.

Molly approuve de la tête et escalade les escaliers, laissant George retrouver sa respiration.

Elle entre dans la chambre du jeune survivant. Il dort profondément, la tête enfoncée dans un oreiller qui a la même pâleur que lui.

Molly décide qu'elle n'a pas le temps d'être douce. Elle le secoue pour le réveiller, et le jeune homme ouvre laborieusement un oeil.

- Bois ça ! Tout d'un coup.

Harry tend la main, mais le poids du flacon est trop imposant vu la faiblesse de ses articulations.

Soudain, une main s'empare de la fiole et, Surprise, Molly voit son grand fils, l'air concentré, porter le flacon à la bouche de Harry. Il lui fait boire la potion les sourcils froncés. Puis quand le jeune brun avale la dernière goutte, George s'assoit sur le bord du matelas, guettant sa réaction.

Les yeux de Harry se ferment lentement, épuisés par l'effort et son corps s'affaisse sur le matelas.

Molly et George le fixent, sans oser bouger, terrifiés. Les mots de Neville valsent dans la tête de George « Si l'antidote n'est pas parfaitement dosé, le poison réalisera qu'on essaie de lui faire la peau et se dilatera à la vitesse de la lumière, pour tuer dans les plus brefs délais le corps qui le contient. »

Ses doigts se crispent sur les draps et les larmes lui montent aux yeux. Bien sur que ça compte. Bien sur que Harry compte, Bien sur que non, il ne supporterait pas de perdre encore quelqu'un. Il n'ose pas fermer les yeux de peur que Harry se volatilise. Il a perdu Fred, il ne pourra pas supporter d'avoir fait tout ça pour rien.

Les secondes passent, longues comme des heures. Puis un gémissement fait sursauter le fils et la mère. Les joues du jeune brun reprennent des couleurs et sa respiration se fait plus profonde. Il gémit dans son sommeil. Il dort oui. Il est fatigué. Fatigué d'avoir survécu. Parce que pour la énième fois, le survivant vient d'éviter la mort.

Et George éclate de rire. Il serre sa mère dans ses bras, chose qu'il n'a peut-être jamais fait. Parce que la vie continue, parce qu'il y a encore un bon nombre de vivants à aimer et à protéger. Et cette perspective lui fait un bien incroyable.

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11h50

Les ténèbres n'ont jamais été si lumineuses. Draco est fou de rage, il en veut au soleil de briller, alors il court de pièce en pièce pour fermer rageusement chaque rideau, pour ne pas laisser l'été entrer dans son manoir.

Quand il arrive dans la chambre occupée par Luna, il reste immobile un instant. Il n'y a plus de rideaux, ça fait longtemps qu'elle les a décrochés. Dans cette pièce orientée plein sud, rien ne peut arrêter le soleil. Alors il referme la porte doucement, le coeur broyé par quelque chose de terrible.

Il n'a plus la force de courir, il tombe à quatre pattes. Que lui importe d'avoir l'air humain. Il n'est pas humain. Il se traine jusqu'à la bibliothèque. Il ne sait même pas ce qu'il va y faire. Et d'ailleurs, comment a t-il occupé ces longues années avant qu'elle n'arrive ? Comment s'est-il occupé ? Il ne se souvient plus. C'est tellement absurde d'être enfermé ici. Il lui en veut un peu, d'être venue lui donner de l'espoir. Il essaie de lui en vouloir en tout cas, mais ce n'est pas facile. Le sourire de Luna lui a rendu la vie.

Il a seulement mal, c'est une activité à plein temps.

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11h52

Vautré dans le fauteuil, Draco fixe l'âtre où aucun feu ne brule. Il est dans le noir, le noir rassurant de la bibliothèque. Il grogne lorsque la porte s'ouvre, venant troubler sa retraite.

- Maitre ?

La voix fébrile de Dawn n'annonce rien qui vaille mais Draco est trop fatigué, trop occupé à souffrir pour s'en soucier.

- Maitre, il y a trois sorciers qui tentent de percer les barrières magiques de la propriété. Nous faisons notre possible pour les renforcer mais..

Draco hausse les épaules

- Laissez- les entrer.

- Mais.. ils ont l'air très hostiles et...

- ça n'a aucune importance.

- Mais... Maitre

- Vas-t'en Dawn. Sa voix est un murmure lassé. Partez tous, je m'occuperai d'eux.

Dawn se tord les mains. Elle sait très bien que le maitre ne bougera pas d'ici, quel que soit le degré d'inimitié des visiteurs.

- Je vais rester.

La bête se redresse et foudroie la petite elfe de maison dans un sursaut d'énergie, puis il rugit

- C'est un ordre. PARTEZ !

Il se laisse retomber sur son fauteuil. Il entend le bruit de la porte qui se referme et c'est de nouveau le noir. Il ferme les paupières. Enfin.

Il n'a pas l'intention de jouer à la chasse à la bête. Il ne sait pas qui sont ces sorciers malveillants. Il sait juste qu'ils sont venus pour le libérer.

Quelque minutes plus tard, le bruit d'une explosion retentit et fait vibrer le manoir. Draco ne bouge pas. Il pousse un geignement blessé et décide de débrancher son cerveau. Pour toujours.

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12h01

Il n'a fallu que quelques secondes. Luna écarquille les yeux d'effroi.

Les arbres en feu dégagent une fumée opaque. Elle entend le fracas des pierres du manoir qui s'effondrent.

- Non... Non...Oh non...

Elle nie l'évidence entre ses dents, avec horreur

Sans trop savoir pourquoi, elle continue d'avancer. Elle court même, avalant de la suie, trébuchant sur les pierres. Quand soudain elle s'arrête. Sous une arcade de l'amphithéâtre, la seule encore debout, elle distingue une énorme masse de fourrure blanche. Presque plus blanche.

La fumée la fait tousser mais elle se précipite, s'agenouille contre lui, pose sa main sur son dos affaissé, sur son échine, cherche sa nuque, ses pattes.

Il est vouté, comme arqué autour de quelque chose. Puis un grondement sourd fait vibrer son corps

- la Bête... murmure t-elle.

La créature semble l'entendre et son corps se décontracte, glissant sur le coté et enfin Luna aperçoit ce qu'il protège.

La Scarlett Carson. Elle n'a plus que deux pétales mais ils sont toujours fait de la même couleur éclatante.

Des larmes coulent sans discontinuer sur les joues de Luna sans même qu'elle puisse les retenir. Elle voit enfin son visage. Ses paupières closes, sa gueule entrouverte sur les crocs. Et puis le sang sur la fourrure blanche, comme si la fleur avait déteint.

Elle se colle à lui, l'enlace de ses bras minuscules

- Luna...

C'est un gémissement sourd, un grognement, un dernier souffle.

Elle se redresse légèrement, sans le lâcher, pour le regarder encore. Avec difficulté, il ouvre les paupières et le coeur de la jeune fille s'arrête en croisant ces yeux gris.

- ça va aller, murmure t-elle, tout va s'arranger, je te le promets.

Il la regarde comme si elle n'avait rien dit et avec une faiblesse alarmante, il lève sa patte vers le visage de la jeune fille et la pose contre la joue de Luna. Il sent les larmes sur sa paume, et la douceur de ses longs cheveux entres ses griffes.

- Luna... C'est..

Je t'en supplie tais-toi. Je vais te soigner. Ça va aller.

Il cligne des paupières l'air épuisé.

- C'est comme ça ... que se termine l'histoire. La bête meurt et la prin...cesse retrouve sa ... liber.. té.

Il grimace et ses yeux se ferment. Elle a envie de le secouer, de lui hurler de vivre.

Elle plonge sa tête dans son cou ensanglanté, inspirant la douceur et l'odeur fauve de la Bête.

Elle sent l'énorme patte glisser dans son dos, tomber, comme tout ce corps qui lâche prise, qui se laisse aller à une position étrangement désarticulée. Elle ne bouge pas, continuant à le tenir contre elle en faisant 'non' de la tête.

- Tu ne peux pas faire ça. Tu as fait tellement de mal, tu as tué des êtres qui m'étaient chers, tu m'as enfermée. Tu n'as pas le droit de me faire souffrir encore.

Elle a chuchoté ça d'une traite, comme si elle ne pouvait pas y croire.

- ... Je t'aime tu comprends ?

Luna ne remarque pas qu'au moment où elle prononce ces mots, les deux pétales de la rose s'illuminent, s'arrachent, se transformant en deux fuseaux de lumière rosée. Elle ne le remarque pas jusqu'à ce que les rayons de lumière viennent enlacer le corps mort contre lequel elle est blottie, elle se recule et se remet debout, effarée, alors que les filament de magie soulève la masse inerte du sol, le font léviter au milieu de la poussière et que la magie éclate, aveuglante. Puis la lumière s'atténue et les rayons de magie se détachent de leur cible, déposant devant Luna... Un long corps pâle, nu mais parfaitement exempt de plaies mortelles ou de marque noire sur le bras.

Elle le détaille avec curiosité, ce corps d'une blancheur opaline qui se dresse devant elle. Elle suit les mains parfaitement humaines, les muscles des bras, les épaules, remonte jusqu'au visage et reconnaît les traits de Draco Malfoy.

Il est plus âgé que dans son souvenir, et ses cheveux blonds au lieu d'être plaqués contre son crane sont plus longs et lui tombent dans les yeux.

Elle fronce les sourcils, surprise malgré elle, de revoir ce camarade.

Puis, un peu rauque, la voix du jeune homme s'élève.

- C'est moi...

Elle porte sa main jusqu'à son visage et écarte les mèches de cheveux pour se plonger dans ses yeux. Et l'évidence la frappe. Le gris y tournoie, plein d'espoir. Ce regard, elle le connait par coeur.

- Oui... C'est toi.

Et au milieu des ruines, au milieu du jardin en flammes, Draco l'attire contre lui et blottit sa tête dans les cheveux blonds, pleins de poussière, de suie, et de promesses.

Et malgré l'absence de fourrure, Luna, reconnaît contre cette peau la douceur, la chaleur et le mouvement familier des muscles. Et elle serre de toutes ses forces.

De toutes ses forces.

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