LOONY AND THE BEAST
Chapitre 4 : Le jardin de Luna et Draco
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Pour Luna aussi, le temps passe. Elle se surprend à prendre ses marques dans le château, malgré son irritable propriétaire, le jardin et l'étrange amitié de Dawn aidant. Elle s'habitue à ce lieu jusqu'à se sentir chez elle en descendant les marches fêlées de l'entrée ou en ouvrant les lourds volets de bois de sa chambre.
Et puis surtout, elle a fini par entrapercevoir l'érudit derrière la fourrure et la sensibilité presque douloureuse aux choses sous la peau de son hôte.
Peut-être parce qu'elle a surpris l'homme sous la Bête. Pas celui, surfait, qu'il feint d'être par dessus son apparence. Non, celui dissimulé sous la fourrure. Celui qui veut dépasser l'animal et qui oblige son apparence à avoir des allures de gentleman. Mais les allures, il ne les a plus. Ce qu'il reste de l'homme, Luna le guette avec attention et curiosité. Elle observe et aime cette soif inassouvie de culture et de magie, cette habitude de lecture qui semble si humaine, et puis surtout, cette manie d'écrire sans cesse dans des carnets de croquis en cuir. Luna a remarqué depuis longtemps qu'il passe son temps à faire des dessins, et pourtant, elle n'en a jamais vu un seul. Mais c'est cela qu'elle aime aussi. Un vrai monstre serait-il capable de secret ?
Elle n'a jamais vu ses dessins mais savoir qu'ils existent l'aide à supporter sa captivité. Parfois, elle songe à l'extérieur, au monde de dehors, à son père, à ses amis et ses yeux se voilent. Et puis elle regarde les crocus naissants et les myosotis, et puis le voile se lève.
Elle n'a pas ré-approché la rose. Elle ne sait pas le pouvoir que celle-ci a réellement, mais elle a compris que cette fleur a une importance mystique, qu'elle est liée à la Bête, aussi lumineuse et belle qu'il est terrifiant. Ils sont étrangement semblables : d'aspect trompeur. Les épines de la Scarlet Carson sont discrètes mais aussi acérées que les ostentatoires griffes de la Bête. A l'inverse, la créature dissimule en son âme, la fragilité et la douceur du cœur de la rose.
Parfois, il s'énerve, cédant à sa colère comme un gamin capricieux, mais avec des capacités physiques méconnues des enfants. Il a l'air fou, dément, cinglé. Mais Luna croit qu'il est plutôt fêlé. C'est comme une blessure, comme une coupure.
La puissance animale qui émane de lui quand il est en rage a fasciné Luna dès le premier jour, alors parfois, lorsqu'il la croit au jardin, elle se faufile derrière lui, pour l'observer au naturel.
Parce qu'elle aime qu'il laisse aller le fauve en lui, ses muscles épais roulant sous sa peau, la chaleur brulante de son corps, la force bestiale et cependant tranquille dont il fait preuve dans ses déplacements, quand il ne se sait pas épié. Elle aime sa fourrure surtout, qui se meut comme ébouriffée par une brise perpétuelle. Lourde et chaude en hiver, elle semble légère et rafraichissante avec l'arrivée des beaux jours. Et malgré les ténèbres dans lesquelles son geôlier s'enferme, Luna ne voit rien d'autre que sa clarté. Son pelage blanc crème et ses yeux d'argent.
Ces yeux là ont aidé Luna à aussi supporter sa condition jusqu'à l'oublier presque entièrement. Le visage de la bête n'est plus en mesure d'exprimer grand chose, mais ses yeux sont incapables de retenir quoi que ce soit. La colère, la mélancolie, le regret, l'amusement, l'intérêt : chaque émotion s'en échappe avec limpidité et la jeune femme les grave quelque part dans sa mémoire.
Elle a peur encore, mais plus pour les mêmes raisons. Elle craint que la Bête ne meurt, elle l'a craint le jour où elle a vu tomber le premier pétale de la Scarlet Carson. Parce que le monde de Luna a changé. Il est fait de ces yeux incroyables et de ce jardin. Et si la Bête s'éteint en même temps que la rose, Luna n'aura pas l'impression d'être libre. Seulement celle d'avoir perdu quelque chose. Et cette idée creuse des trous dans son ventre.
Alors elle s'affaire au jardin, profitant de la moindre éclaircie, elle entretient la roseraie comme si sa propre vie en dépendait, s'abimant les mains sur les cailloux et les orties.
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Et puis un jour le soleil brille. Un soleil de printemps, encore pâle, comme au sortir d'une convalescence. Le soleil brille et Luna n'en peut plus de le voir. Il lui manque une chaleur pour aller avec le temps printanier. Une chaleur qu'elle n'a rencontrée qu'une fois, cet hiver, lorsqu'il est venu la chercher dans la neige. Une chaleur douce et réconfortante. Malgré le froid et la nuit, l'espace d'un instant pour Luna, cela avait été un éclat de lumière brut, un cocon ouaté.
Elle n'en peut vraiment plus, alors elle décide de lui rendre son jardin. De lui montrer comme l'extérieur peut être beau. Et puis elle seule le sait, mais ce jardin apparemment tout en délicatesse ne peux prendre sa force qu'en présence de son propriétaire. Sans en avoir parfaitement conscience, Luna a érigé un décor dans lequel la Bête serait chez elle, elle a reconstitué un environnement naturel, tout aussi gracieux et sauvage que le monstre l'est.
Et en souriant, impatiente tout à coup, elle quitte le jardin et va le chercher.
L'après-midi a été long, presque irréel. D'abord elle lui a fait voir la roseraie, puis elle lui a fait découvrir chemin après chemin, le reste du jardin.
Elle l'a fait marcher jusqu'aux limites mêmes de la propriété. Jusqu'à cette statue couverte de lichen, qu'elle avait aperçu entre les feuillage, le jour de son arrivée. Mais désormais, la place autour de la statue est dégagée. Elle l'a conduit aussi jusqu'au vieux chêne au nord du château. Le jour où elle l'a découvert, ça a été un enchantement. Un chêne âgé de plusieurs siècles, aux multiples troncs entrelacés, les glands ayant poussé autour de l'arbre au fur et à mesure.
La Bête est resté un long moment à dévisager l'imposante masse de feuille et le jeu de la lumière entre celles-ci. Et Luna a scruté son visage. En le voyant frappé par le soleil, elle s'est aperçue que sa fourrure n'était pas tout à fait blanche comme elle l'avait cru, mais parsemé d'éclats blonds, comme si de l'or blanc avait été greffé sous le pelage.
Il a regardé l'arbre et puis, il a soupiré, comme vaincu, avant de demander à Luna si ça lui ferait plaisir, une balançoire. Elle n'a pas eu le temps de répondre. Il a sorti sa baguette et a incanté. Et dans un mouvement ralenti, des cordes apparues de nulle part sont venues se tresser autour d'une des branches de l'arbre.
Il l'a regardée lui présenter le jardin, comme on présente un ami, plante après plante et son étonnement croît en même temps que son admiration. Ils n'ont jamais étudié ça à Poudlard. Comment se fait-il qu'elle s'y connaisse si bien ?
- Où as tu appris tout ça ?
- Oh. J'ai un ami herboriste que j'ai beaucoup fréquenté après la guerre. Il s'appelle Neville. Il m'a appris beaucoup de choses. Regarde, tu vois les clochettes là-bas ? Ce sont des hybrides d'Azalée et de cloche des Andes. Une plante créée par les géants.
- Ah ?
- Oui. Neville a obtenu un poste au ministère de la magie après la guerre, au rayon patrimoine de la faune et de la flore. Mais ça lui laissait peu de temps pour ses recherches et ses expériences personnelles, alors je venais souvent entretenir son jardin, quand il était trop occupé.
La bête sert les poings. Neville ? Ce gros crétin de Londubat ? Un croc se plante dans le coeur de Draco. Il n'y a jamais pensé avant mais Luna est peut-être en couple ? Mariée ? Il n'a pas le souvenir qu'elle ait été si amie avec Londubat . Ça le ronge de se dire qu'il n'est pas le premier à qui Luna fait un jardin.
Et puis la petite main de la blonde se pose sur son énorme patte et son inquiétude s'évapore.
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Maintenant la nuit est tombée et elle lit adossée au pied du grand fauteuil de la bibliothèque. Lui, il est dans le fauteuil et il observe les flammes, ne pouvant détacher son regard des étincelles et de la mouvance hypnotique du rouge et du orange.
Il repense à cette journée et il ne sait pas quoi faire, pas quoi dire. Il ne sait pas où il en est.
Parce que la jeune femme qui lit au pied de son fauteuil est toujours Luna Lovegood. Loufoca.
Il essaie désespérément de se rappeler ce qu'il était avant elle, avant d'être une bête, de se rappeler les préceptes malfoyiens. Mais c'est impossible, c'est comme si cette époque s'était évanouie. Il n'arrive plus à se retrouver. Il se dit que c'est ce que doit ressentir un animal apprivoisé.
Il a envie de lui faire plaisir maintenant. Même pas pour lui plaire. Juste pour qu'elle se sente bien. C'était pour ça la balançoire. Pour participer à son jardin. Pour l'aider. Et il se sent torturé parce qu'il la veut heureuse mais qu'il se sent incapable de lui rendre sa liberté. Et pourtant c'est ce qu'elle mérite. Mais il n'a pas le courage de lui dire que si elle le souhaite, elle peut partir. Parce qu'elle pourrait le vouloir vraiment, et ça Draco ne le supporte pas.
Il est torturé aussi, de ne pas avoir le courage de lui dire qui il est. De continuer à lui faire croire que sa monstruosité se limite à son physique de Bête. Bref. Il s'en veut de tout mais n'a pas la force de changer quoi que ce soit. Il a l'impression que quoi qu'il fasse ce sera pire, qu'il n'y a aucun moyen pour se sortir de cette impasse.
Il entend un bâillement à coté de lui, et il détourne son regard du foyer.
- Je vais aller dormir, annonce Luna doucement. Elle se lève et repose le livre sur l'accoudoir
- Bonne nuit ! Ajoute t-elle en se dirigeant vers la porte. Draco regarde sa silhouette, qui semble si légère, dans ce manoir de pierre et de bois. Et avant qu'elle ne passe la porte, il prend son courage à deux mains et lance d'une voix enrouée par l'angoisse:
- Merci.
Elle se retourne vers lui et lui fait un petit signe de main. Puis elle quitte la bibliothèque. Et Draco se dit qu'il ne pourra pas vivre bien longtemps s'il ne fait pas quelque chose pour elle.
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Ce matin, il pleut. Luna s'amuse à dessiner dans la buée sur les vitres. Draco l'observe, un peu agacé. Elle va laisser des traces sur la fenêtre. Elle manque de tenue. Mais il ne peut pas s'empêcher de la regarder quand même. Et il n'arrive pas à se résoudre de lui demander de cesser.
Et puis soudain, la voix de la jeune femme raisonne dans la pièce.
- Qu'est-ce que tu dessines ?
Surpris, il referme son carnet, comme pris en flagrant délit.
- Rien de spécial.
- Ah non ?
Il y a un silence dans lequel le tambourinement de l'averse contre les vitres semble assourdissant. Puis tout bas elle murmure
- Dommage...
Draco hésite. Il sent la pointe de regret dans les mots de la blonde. Le regret d'avoir posé la question, comme une barrière invisible qu'on n'arrive pas à franchir. Alors, il comprend qu'il peut peut-être faire quelque chose pour elle, à défaut de lui dire la vérité ou de lui rendre sa liberté.
Il se lève, inspire un grand coup, et se dirige vers la fenêtre. Une fois là, il s'assoit à côté d'elle et le visage de Luna se tourne vers lui, un peu surpris mais serein.
Il baisse les yeux, gêné. Gêné de se savoir si visible à la lumière du jour, lui et sa bestialité. Il aimerait retrouver son visage d'ange, celui pale et lisse qu'il avait avant.
Dans un élan de courage, il relève la tête et se heurte aux grands yeux bleus de Luna, qui semblent se confondre avec la pluie, comme si chaque goutte ridait l'eau de son regard. Et d'un coup son propre aspect lui semble d'une moindre importance.
- Tu veux savoir ce que je dessine ?
Elle hoche la tête après une hésitation. Ce que cela veut dire, elle ne le sait pas très bien. Découvrir l'univers de papier secret de son hôte a probablement un sens bien précis, détermine surement quelque chose dans leur relation, mais Luna ne parvient pas à mettre le doigt dessus.
Alors du bout des doigts, le monstre ouvre son carnet sur une page vierge et s'empare de son crayon avec une délicatesse que Luna n'aurait pas imaginé possible avec des pattes si griffues.
Il trace un trait, rayant la pureté de la feuille. Puis un autre. Et comme toujours lorsque l'on observe quelqu'un dessiner, il y a un moment de flottement où les traits qui apparaissent et se lient les uns aux autres n'ont aucun sens, où Luna tente de deviner le sens qu'il va leur donner. Puis, comme avec une illusion d'optique, soudain, son regard se délit et elle distingue enfin le dessin : Un envol de papillons.
Les plus petit partent du sol, comme s'échappant d'un parterre de fleurs imaginaire. Et le cortège gracieux s'élève vers le haut de la feuille comme on grimpe vers le ciel.
Puis la patte du monstre cesse de s'activer et Luna contemple le dessin tracé au crayon à papier. Malgré son absence de couleur, il semble terriblement réel. Si réel, que l'espace d'une seconde, la jeune femme a l'impression que l'un d'eux décolle du papier.
- C'est superbe. On dirait qu'ils bou...
La phrase de Luna s'interrompt. Elle lève brusquement la tête vers son geôlier, qui lui adresse un petit sourire d'approbation hésitant. Fasciné, le regard de Luna retourne se poser sur le carnet de croquis pour apercevoir, les papillons qui, un à un, s'échappent de la feuille et viennent tournoyer dans la pièce, prenant forme et couleur à chaque battement d'ailes. Il prennent leur envol chacun leur tour, de leur maison de papier, jusqu'au toit de la grande salle, tournoyant autour des lustres, sous les exclamations ravies des elfes de maison.
Et Luna sourit de toutes ses forces, elle a envie de s'élever, de s'échapper du sol elle aussi, pour voltiger dans la pièce au milieu de ces tâches de couleur mouvantes.
Son cœur est à deux doigts d'un bonheur si parfait, si pur, que ses émotions sont lisibles sur son visage et viennent éclabousser la fourrure blanche de Draco.
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A midi, l'ambiance est différente. Tout le monde le sent dans le manoir, même les murs, qui ont abrité toute sorte d'histoires incroyables, n'ont jamais rien vu de tel. Il y a une douceur dans l'air, comme si chaque endroit, chaque chose que les papillons, et le sourire enchanté de Luna, avaient effleuré, s'étaient à leur tour colorés, comme un rayon de soleil fait scintiller le jardin.
Et dans son fort intérieur, Draco est heureux. Il ne se sent plus torturé, taraudé par une menace persistante. Il se dit qu'il peut toujours vivre ainsi, à errer entre le jardin de Luna et ses papillons à lui et que rien d'autre n'a d'importance.
Alors quand Dawn débarque dans la salle l'air affolé, il a un élan de gentillesse et lui demande ce qu'il ne va pas.
La petite elfe de maison se courbe jusqu'au sol, visiblement tremblante.
- Maitre je...
- Oui ?
Mais devant l'absence de réaction de l'elfe, le sourire de Draco s'efface de son visage.
- Oui ? Répète-il plus durement.
Dawn gémit de peur et Luna se précipite vers elle
- Que se passe t-il ? Regarde moi. Dawn ?
L'elfe relève ses yeux inquiets vers la jeune fille, préférant affronter sa douceur plutôt que la fébrilité impatience de son maitre.
- Mademoiselle.. Une nouvelle terrible dans le monde sorcier.. C'est.. Harry Potter..
Un bruit fracassant d'une chaise raclant le sol fait tourner la tête à Luna et Dawn. La Bête vient de repousser sa chaise, les mains crispées sur le rebords de la table, à l'entente de ce nom honni. Il jette à sa servante un regard glacial et terrifiant, la défiant de continuer, de briser son bonheur fragile, de laisser Harry Stupide Potter lui voler encore une fois ce qui lui est cher.
Mais le regard de Luna a vacillé, et Dawn comprend que pour la jeune fille, ce nom est plus que celui d'une simple idole. Alors à voix basse elle annonce sa nouvelle.
- Il vient d'être transféré à l'hôpital de St Mangouste. Apparemment, il n'en a plus que pour quelque jours.
Et en un éclair, le monde rattrape Luna et Draco et les foudroie sur place
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