Loony and the Beast
Chapitre 6 : Le retour de Loufoca
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Ça fait trois heures. Trois heures qu'elle est partie. Dawn a apporté à la Bête une tasse de thé. Et puis elle a un osé un :
Le maitre ne devrait pas rester ainsi, à ruminer.
Il n'a pas hurlé. Il n'en a même pas eu envie.
La vie continue.
Il est surpris Draco, que la vie continue. C'est incroyable, comment se fait-ce ? Il trouve ça extraordinaire. Il pense à la Belle au bois dormant. Il se dit qu'elle a de la chance, que sa marraine a tout compris. Lorsque le drame de La Belle survient, et qu'elle s'endort pour cent ans, la bonne fée fait la seule chose qu'il faille faire quand un choc se produit : Elle endort le monde autour de la princesse.
Les bonnes fées sont sages. Par ce que c'est terrible, en vérité, que la vie continue. Qu'y a t-il de pire que de voir que les gens autour de vous respirent encore, continue à vaquer à leurs occupations, désolés pour vous mais sans ressentir votre douleur ? Peut-être que cela fait encore plus mal que la douleur en elle-même : prendre conscience de l'insignifiance de sa douleur.
Draco cligne des yeux, et une larme dégringole dans sa fourrure blanche. Il ne s'en aperçoit même pas. Si seulement il pouvait dormir cent ans, le temps que la souffrance cesse. Il a envie d'être la Belle au bois dormant. Il ne veut pas qu'on l'aide, il ne veut pas qu'on le console. Il veut que tout le monde s'assoit par terre et pleure avec lui.
Il trouve ça injuste, ce coup énorme que vient de lui donner la vie.. A l'échelle de la superficie planétaire, il n'est pourtant pas grand chose. Juste un petit point. Comment se fait-il que le coup soit tombé sur lui ? Et comment se fait-il que la douleur ne se répande pas sur les autres ? Normalement quand on tape le bras de quelqu'un à un endroit précis, le coup résonne et se diffuse dans tout le membre.
Mais non, la douleur ne se diffuse pas à ceux qui l'entourent. Elle reste en lui et il n'est plus que ça : une fiole, un concentré de mal. Ça lui grimpe du ventre au coeur, ça lui ressort par la gorge, lui tambourine sous les tempes. Il a l'impression que son corps a été rompu de coups. Mais à l'intérieur.
Il sait que c'est égoïste, mais on n'est jamais plus égoïste que lorsqu'on a mal. Et ce déchirement atteint des sommets qu'il n'aurait pas imaginés. Même lui, même dans son passé, il n'a jamais été aussi égoïste. Parce que seule la douleur compte et il n'est plus que ça : de la douleur.
Il n'a pas envie d'être heureux. Il n'a pas envie de se distraire, de passer à autre chose, de lire, de dessiner. Il s'en fiche que la vie continue.
Il ne veut pas s'en remettre. Il veut la récupérer.
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Un courant d'air fait frissonner Luna. Un courant d'air qui n'existe pas vraiment, à l'intérieur d'elle même. Elle a atterri au coeur des champs et elle a couru pour rejoindre le terrier.
C'est essoufflée qu'elle est arrivée devant la porte et c'est un Percy l'air sombre qui lui a ouvert.
Luna n'a pas attendu son autorisation et s'est engouffrée dans la maison, gravissant quatre à quatre les marches.
Hermione, Ron et Molly l'ont vu entrer dans la chambre, les yeux écarquillés comme des soucoupes.
- Luna ? A balbutié Ron.
- Comment va Harry ?
Il y a eu un instant de silence puis, les jeunes gens ont baissé la tête vers le lit.
Harry Potter y git, d'une pâleur terrible et c'est Molly qui a répondu d'une voix blanche, acceptant de remettre à plus tard les explications sur la réapparition extraordinaire de Luna Lovegood.
- Pas bien. Le ministère de la magie est sur les dents et contrôle les allers et venues des médecins avec l'acharnement. de charognards. Tout le monde craint le pire. Mais l'état d'Harry n'est pas ce qui inquiète le plus le Ministère bien sur. Tu sais ce que signifie ces symptômes. Ils sont obsédés par l'idée qu'il subsiste dans la nature quelqu'un qui porte la marque noire.
Luna déglutit difficilement. C'est à ce moment-là que le courant d'air arrive. Une bourrasque terrifiante qui semble lui percer la peau.
- Madame Weasley... Il faut que je vous parle. C'est.. C'est à cause de moi.
Un silence terrible accueille sa remarque. Les trois personnes qui lui font face la fixent intensément, quand un bruit dans l'escalier se fait entendre et Ginny entre dans la chambre. Elle a l'air épuisée. Ses long cheveux roux s'effilent sur ses épaules et de profondes cernes encadrent ses yeux.
Ceux-ci s'agrandissent en apercevant Luna.
- Oh Mon dieu. Percy a dit vrai !
Et en un clin d'oeil, Ginny se précipite dans les bras de son amie.
- Tu avais disparue depuis si longtemps. J'avais.. nous avions tous perdu tout espoir de te revoir un jour. Oh Luna ! J'ai tellement besoin de toi.
La jeune blonde serre maladroitement son amie dans ses bras, sentant les larmes venir lui piquer le nez. Que c'est bon de se laisser aller aux bras de Ginny, à cette amitié qui lui a tellement manqué. C'est délicieux et c'est terrible. Luna sent une culpabilité dévorante lui étreindre le coeur. Elle n'a pas le droit de se laisser aller à l'amour de Ginny, alors qu'elle est responsable de tant de malheurs.
Elle lui caresse les cheveux doucement néanmoins.
- Gin... Ma Ginny jolie. Sa voix est d'une légèreté absolue et s'envole dans la pièce et durant une seconde Luna redevient Luna, aérienne et décalée.
OoO
Assise dans la cuisine face à la famille Weasley, Luna a l'impression d'être au tribunal. Elle serre le mug de thé entre ses doigts.
Son récit a traversé la pièce. Au début, Molly Weasley l'a plainte avec vigueur, Ron a fait des commentaires. Et puis peu à peu le silence s'est installé, pour accueillir plus confortablement la culpabilité de la jeune fille.
Maintenant Luna a fini. Son thé est froid et le sentiment qui plane dans l'air est indéfinissable. Entre horreur et pitié.
C'est Ron qui intervient le premier.
- Malfoy. Evidemment. Même aujourd'hui, il n'y a que lui pour nuire à Harry. Quel connard, on aurait du le buter après la Guerre, l'envoyer à Azkaban !
- Ron, La ferme !
C'est George qui a parlé. C'est peut-être le seul qui a remarqué le vacillement dans les prunelles de Luna à chaque fois qu'elle a parlé de la Bête. Et il se sent désolé pour elle. Désolé qu'elle soit responsable. Désolé qu'elle ait du fuir. Désolé que Hermione la regarde avec autant de colère.
Luna tourne la tête vers lui et lui sourit doucement. Elle a l'air désolée aussi.
Puis la voix de Hermione retentit. Glaciale.
- Tu n'as pas reconnu le manoir Malfoy ?
Luna lève les yeux vers elle et les deux jeune femmes s'affrontent. Les yeux d'Hermione brillent d'une colère parfaitement maitrisée. Ceux de Luna ont l'air surpris, échappés d'une autre conversation. La braise contre l'air.
- Non.
- Comment as-tu pu ne pas reconnaître le manoir Malfoy ? Continue Hermione sur un ton tranquillement menaçant. Elle n'en revient pas de la stupidité de la blonde. Dans l'esprit d'Hermione sont gravés chaque moulure, chaque recoin de la salle principale.
- Je n'avais jamais mis les pieds ailleurs que dans les cachots. Je suis navrée.
Molly prend la main de Luna sur la table
- On va trouver une solution ma belle.
- Quelle solution ? S'énerve Ron. La promesse de Harry est un pacte de sang, c'est irrémédiable. Tant qu'on ne savait pas ce qu'il s'était passé, on pouvait avoir un espoir de le sauver, mais maintenant qu'on a la confirmation que la promesse a été brisée...
Le roux se prend la tête dans les mains et la laisse glisser jusqu'à ses coudes d'un geste brusque.
- Putain...
Ginny dévisage Luna. Les larmes coulent sur ses joues sans discontinuer et son regard est si ambigu que la blonde n'ose pas faire un geste pour la consoler. Elle a l'impression d'être une étrangère soudain.
- Mais , Luna, si j'ai bien compris, l'aspect de Malfoy est une punition. Comment se fait-il qu'il ait toujours la marque noire ?
- Je ne sais pas. Je suppose qu'elle était sur sa peau au moment de la transformation. Elle doit être dissimulée quelque part sous la fourrure. Il y avait beaucoup de procès a l'époque. Il n'ont pas du penser à... la lui enlever.
- Alors tout n'est pas perdu. Il suffit de se rendre au ministère et de leur exposer le problème. Ils retrouveront le jugement de Malfoy et pourront lui retirer la marque. C'est ce qui semble le plus simple. Ainsi Harry devrait se rétablir.
- Non George !
C'est Hermione qui a parlé. Ron redresse la tête et la jeune femme se mord la lèvre, puis reprend la parole d'un ton sans équivoque.
- Ecoute Luna, je suis désolée. Je n'ai pas la moindre idée de ce qui a pu se produire avec.. Malfoy. Mais quoiqu'il en soit, il a toujours la marque noire et tu as sympathisé avec lui. Il est impossible que tu cesses de l'apprécier aussi vite. Tu n'as même pas l'air furieuse... Quand à ta suggestion George, en théorie, elle est réalisable, cependant, le ministère est terriblement bouleversé par ce qu'il s'est produit. S'ils ressortent ce vieux dossier ils l'étudieront sous toutes les coutures avant d'agir et nous n'avons pas le temps d'attendre. Harry est au plus mal. Il lui reste un jour, peut-être deux, nous n'avons pas le temps de fouiller dans la paperasse. Il n'y a qu'une solution.
Autour d'elle le silence s'est fait. On reconnait dans sa voix, l'inflexibilité de celle qui a déjà pris sa décision.
- Le seul moyen pour que le poison cesse de se répandre dans les veines de Harry, c'est de tuer le mangemort. Cela ne le sauvera pas, mais nous laissera un sursis pour trouver un antidote.
- Ce n'est pas un mangemort. Marmonne Luna.
- Et bien d'après la promesse de sang en tout cas, c'en est un !
Luna se lève lentement.
- Vous n'allez pas le tuer. Hermione. Vous ne pouvez pas faire ça. La guerre est fini, ça sera considéré comme un meurtre.
Les yeux d'Hermione flamboient
- Tu crois vraiment que cela m'importe ? Tout ce qui compte pour moi c'est de sauver Harry, et si je dois devenir une meurtrière pour ça alors parfait. Et je suis choquée, Luna, choquée et déçue, que dans ta tête il soit plus important de sauver Malfoy plutôt que Harry !
- Hermione ! Une vie est une vie. Elle valent autant l'une que l'autre, on ne peut pas décemment en sacrifier une pour l'autre. Intervient Molly. La brunette hausse un sourcil
- Ah non ?
Puis elle tourne les talons et grimpe l'escalier d'un pas lourd. Ron se lève et la suit , bientôt suivi par Ginny qui lance un regard navré à Luna.
La jeune blonde reste immobile un instant, regardant l'escalier dans lequel ses amis viennent de disparaître. Son esprit bouillonne. Il faut agir et vite. Elle étouffe.
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La nuit est tombée. Après de longues négociations, Molly a réussi à convaincre Hermione, Ron et Ginny de rester à la maison ce soir Et puis Luna aussi. Elle voulait partir mais Molly a été formelle : personne ne quittera le terrier cette nuit. Arthur est rentré et c'est elle qui lui a raconté l'histoire.
Maintenant Ginny est au chevet de Harry. Ron a pressé la main de Luna sous la table pendant le diner, comme pour lui faire comprendre qu'il n'était pas contre elle. Mais il ne lui a rien dit. Pas un mot. De toute manière, Luna est ailleurs. Son cerveau carbure à cent à l'heure. Elle cherche une solution. Une solution pour que demain n'arrive pas.
George la regarde du coin de l'oeil. Il l'a à peine remarquée, cette petite chose. Elle n'était rien d'autre qu'une amie de sa soeur. Quand elle a disparu, ça lui a été égal. Et quand elle a raconté son histoire, il la regardait sans l'entendre.
Contrairement aux autres, il n'a pas peur de perdre encore un proche. Il a perdu Fred. Le reste ne compte pas. Le reste ne comptait pas. Et puis il a vu cette lueur dans les yeux de Luna. Comme une ancre au coeur de son regard volatile. Il se dit qu'elle est une déclaration d'amour à elle toute seule. Elle a réussi à aimer quelqu'un qui la retenait captive et dont l'aspect était repoussant. Elle a réussi à aimer quelqu'un pour son instant présent, et elle continue à l'aimer malgré son identité. Grâce à elle peut-être ?
Alors quand elle sort, il la suit. Pour qu'elle ne parte pas. Mais une fois dehors, il réalise qu'elle n'a pas l'intention de fuir. Elle est assise devant le perron. Les yeux clos. Il se laisse tomber à coté d'elle et elle ouvre les paupières. Mais elle ne bouge pas. Un silence s'installe et puis la voix de Luna raconte ce qu'elle n'a pas dit autour de la table tout à l'heure. Elle lui dit son corps blanc et ses yeux immenses, la nuit dans la neige, les attentions discrètes, le jardin, la balançoire, les papillons. Puis elle s'arrête, parce que c'est ridicule de raconter un amour. Ça a l'air niais, fade. Ça ne l'est jamais mais ça en a tous les aspects. Et puis d'une voix tranquille elle annonce qu'elle a un plan.
- Un plan ? Pourquoi ?
- Sauver Harry
Un silence
- .. Et sauver La Bête. Ajoute-t-elle à voix basse
- Draco.
- Si tu veux.
Et elle lui livre son plan, les yeux toujours scotchés sur l'infini du ciel. Elle lui explique comme on raconte une histoire et à la fin George acquiesce. Elle est folle mais il dit oui. Oui il va l'aider. Alors enfin Luna tourne les yeux vers lui et le fixe un instant. Puis elle pose sa paume légère sur les cheveux roux, juste en haut du crane et sans détourner le regard un instant elle chuchote.
- Je suis désolée pour ton frère.
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Il est quatre heures. La maison est silencieuse. George se faufile hors de la chambre de ses parents à pas de loup. S'emparer de la baguette de son père n'a pas été facile mais il sait que le pire reste à venir. Il retrouve Luna sur le perron. La nuit est douce et elle lui sourit.
Luna regarde l'air endormi du seul jumeau Weasley restant et elle se dit que c'est de quelqu'un comme lui dont elle aurait mieux fait de tomber amoureuse. Mais George ne veut pas de son affection et le yeux de la Bête scintillent de douleur dans sa mémoire. Ils se prennent par le bras et transplanent.
Ils atterrissent dans une ruelle mal éclairée. Luna jette un oeil alentour. L'endroit lui est inconnu. Mais visiblement George sait où il va. Elle le suit sans broncher. C'est surprenant une ville la nuit. Le silence est différent de celui qui existe à la campagne et Luna aspire la ville des yeux. Ça fait si longtemps qu'elle n'y a pas mis les pieds. Tout lui semble neuf... et inquiétant. Hostile. Le jardin lui manque.
Ils s'engouffrent dans un escalier et George chuchote un 'Alohomora'. La porte s'ouvre et ils entrent dans ce qui semble être la cuisine d'un restaurant.
- Normalement nous n'avons pas le droit de passer par là : c'est une sortie de secours. Mais par définition, elle n'est pas bardée de protections magiques. Mon père nous avait fait emprunter ce chemin au moment de la guerre.
Ils arrivent sous un soupirail et de nouveau, George incante à mi-voix. Les gonds le retenant se défont lentement et le roux saute pour saisir le rebord du plafond et s'y hisser. Il tend la main vers Luna et l'aide à grimper.
En silence, ils suivent un long boyau étroit et humide et bientôt ils arrivent devant les hélices d'un ventilateur, donnant sur un luxueux bureau.
Les deux jeunes gens se figent. A un mètre sous leurs pieds, la sous-secrétaire du département des mystères semble concentrée sur une liasse de papiers.
- Demi-tour. Murmure George.
Luna lui jette un regard paniqué. Mais le jeune homme la saisit par les épaules et la force à rebrousser chemin.
- Il faut... Il faut qu'on accède au département des voeux.
- Je suis navré Luna. Il n'y avait que cette entrée possible et il est exclu de s'attaquer à un employé du ministère.
La jeune file se retourne brusquement vers lui, faisant preuve d'une résistance inattendue. George n'aurait pas imaginé qu'elle avait autant de force dans les bras. Le jardinage surement.
- George, faire demi-tour maintenant n'a aucun sens. Rentre chez toi si ça te chante mais maintenant que je suis ici je ne repars pas.
- Si.
- Non.
- Si
Elle fronce les sourcils et George devine que c'est mauvais signe.
- Pourquoi m'avoir accompagné ? Pourquoi avoir accepté de m'aider ? Pour me prouver qu'il n'y a pas de solution ? Qu'est-ce que tu cherchais, George en me disant que tu m'aiderais ?
Un silence raisonne dans le boyau, comme seul ce genre de lieu le permet.
- Je me suis reconnue en toi Luna. Il y avait en toi la même hésitation, la même douleur que celle que j'ai ressenti au moment de me séparer de mon frère. Comme si je savais, que si je le laissais il lui arriverait malheur. Mais je savais aussi qu'il fallait nous séparer, lutter et gagner cette putain de guerre. J'ai fait un sacrifice sans le vouloir, sans même vraiment le savoir et je l'ai compris quand j'ai su que Fred était mort. Et c'est ça que j'ai vu dans tes yeux tout à l'heure. Cette lueur de lucidité, quand tu as compris que tu venais de sacrifier Malfoy. C'est un espoir vain de vouloir le sauver, et je ne veux pas que tu affrontes ce genre de danger. Je veux sauver ce qui est encore sauvable.
Luna ne répond rien. Et de nouveau George la saisit par les épaules et la guide vers le soupirail. Elle ne lutte pas. Mais en se rapprochant de la sortie, des bruits soudain les font sursauter. Depuis le trou dans le couloir, on voit de la lumière et des ombres qui bougent, comme si des personnes passaient sous le soupirail. Luna s'en approche précautionneusement, y jette un oeil, puis regarde sa montre.
- George.. Il est cinq heures trente. Les employés du restaurant sont déjà là.
Les deux jeunes gens échangent un regard. Figés. Pris au piège. Définitivement hors d'état d'agir.
Bloqués dans le tunnel.
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