Letters, No Letters
Si Tom Elvis Jedusor n’avait pas reçu sa lettre...
genre : angst/general
by Scrat
Le vent dans les couloirs ressemblait à des pleurs. Les orphelinats sont généralement des lieux moins sordides qu’on les décrit. Celui-ci ne faisait pas exception. C’était un endroit propre mais triste. Néanmoins pour quiconque y avait grandi, ce lieu sentait l’abandon, la déchéance. Tom avait toujours eu l’impression de vivre dans un non sens, grandissant au sein d’un lieu sans vie. Non pas la mort, mais l’absence de vie.
Tom aimait l’hiver, car le vent se faufilait le long des corridors, résonnant comme des plaintes, ajoutant une touche de macabre irréelle qui avait le mérite de rendre l’endroit moins fade.
Allongé sur son petit lit de ferraille, immobile, il écoutait.
Il avait cru, plus jeune, qu’un jour viendrait où quelqu’un le sortirait d’ici. Et ce jour était arrivé.
Lui-même.
Il se sortirait lui-même d’ici. Son plan était simple. Il n’avait besoin de rien. Rien de plus que les vêtements qu’il portait. Il ne se sentait pas habité par un désir farouche de fuir, n’était poussé par aucune colère. Juste un calcul des faits rationnels : Il ne pensait pas être mieux ailleurs. Il n’allait pas mal. Tout comme cet endroit, il se contentait de ne pas ressentir, de ne pas aller.
Il esquissa un sourire, un vrai, dissemblable en tout point à l’expression polie qu’il affichait en journée. Ces sourires, ceux de la nuit, ils n’appartenaient qu’à lui. Et lui-même l’ignorait.
Les yeux fixés au plafond, Tom vit peu à peu les ombres s’allonger sur le mur, bercées par les sanglots du vent, jusqu'à ce qu’elles palissent, englouties par la lumière du jour.
Quand l’heure habituelle du levé arriva, Tom sortit de son lit calmement, ouvrit la porte, comme s’il se rendait au réfectoire, comme d’habitude. Mais au lieu de tourner à droite une fois dans la cour, il contourna le bâtiment par la gauche, afin de rejoindre le point opposé aux grilles immenses. Là, dans le grillage, un fugueur, autrefois avait cisaillé les fils. Ils avaient été redressés afin de dissimuler le passage, mais il suffisait de les tordre afin de le faire ré-apparaitre. Tom s’agenouilla et méthodiquement, il les replia.
L’un des fils de fer se distordit brusquement et Tom vit avec stupeur le sang perler au bout de son doigt. Avant la douleur c’est l’étonnement qui le frappa. C’était étrange cette sensation, ce picotement au bout de son doigt. Il ne lui serait pas venu à l’idée d’appeler ça de la douleur. Ce qui comptait c’était la goutte de sang qui gonflait, encore parfaite sur la plaie.
Du sang.
De la vie.
Du rouge.
Sa première couleur.
Dans le monde délavé qu’était son passé, la brume enveloppant son absence d’histoire, d’origine et d’ambition, soudain quelque chose apparaissait. Une couleur. Tom en détacha les yeux et se glissa hors des frontières de l’orphelinat comme un bébé sort de l’utérus maternel. Il venait de naître et cette entaille était sa première respiration.
Mrs Cole, la directrice, s’aperçut rapidement de la disparition de Tom Elvis Jedusor. Elle avait préparé la veille un gâteau pour célébrer les 12 ans du jeune pensionnaire, comme elle le faisait pour chacun d’eux. Elle fut d’autant plus surprise de son absence qu’elle était certaine de l’avoir aperçu dans la cour quelques minutes plus tôt. Elle monta jusqu'à la chambre du jeune homme, un peu inquiète.
Les draps n’étaient même pas défaits.
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