Chamane 14 : Un premier remède
Harry Potter s'amusait comme un enfant avec sa baguette magique enfin retrouvée. Il avait pris la précaution d'isoler l'intérieur de la case d'un Protégo et d'un Silencio car il ne voulait pas avoir tout à coup la visite de Maître Félaro venant lui demander des comptes. Puis il avait refait avec délices les sortilèges simples appris à Poudlard. Il avait fait apparaître une centaine de bougies allumées qui flottaient dans l'air au dessus de lui Mais il avait très vite prononcé l'Extinctio car elles se rapprochaient un peu trop du toit de paille. D'un bon vieux Wingardium Leviosa, il avait plusieurs fois changé ses coffres de place. Un Accio avait fait venir à lui sa coupe de fruits et sa gourde d'eau fraîche. Il s'était aussi souvenu d'un des sortilèges préférés d'Hermione et il avait fait jaillir de la pointe de sa baguette une multitude de petits oiseaux multicolores en prononçant un Avis. Ça le faisait rire tout seul.
Après ces mises en train, il avait fait une chose dont il rêvait depuis longtemps, il avait coupé ses ongles de mains et de pieds. Ça semblait tout bête mais allez donc le faire sans utiliser de bons ciseaux moldus ou un Severing Charm magique ! Maître Dlima, son guérisseur attitré, le faisait pour lui quand ça devenait urgent. Son bâton sorcier étant trop gros pour ce travail délicat, il utilisait un scalpel enchanté qui tranchait le bout des ongles sans les toucher mais il arrivait fréquemment que le sortilège entame la peau au bout du doigt et c'était douloureux. Le guérisseur se confondait en excuses tout en cicatrisant la petite plaie. Enfin c'étaient des séances peu agréables pour l'un comme pour l'autre. Que tout semblait facile quand on avait en main sa baguette magique !
Ensuite, il avait pensé aux sorts qui pouvaient rendre sa vie plus confortable. L'Allège par exemple avait rendu moelleux son matelas et son coussin de feuilles. Le Lisse-tout avait beaucoup adouci sa couverture et aussi son pagne de fibres qui ne lui gratterait plus les fesses et les cuisses. Il avait tenté le Flexible sur ses socques de bois et la semelle rigide était devenue souple comme du cuir. Non pas que les sorciers de Ghanzi n'aient pas eu le pouvoir de le faire mais ils avaient surtout pensé à l'emploi exclusif du palmier sans se préoccuper de sa dureté. Et jusqu'à maintenant, Harry n'avait eu à sa disposition aucun moyen magique.
Il n'avait pas essayé de transplaner. Il savait que passée la barrière magique qui protégeait Ghanzi-Sa, c'était aussi impossible que de le faire à l'intérieur de Poudlard. Seuls les elfes de maison … Tiens, il s'en rendait compte tout à coup, il n'y avait pas d'elfes dans la cité … Evidemment, il avait été tenté par un Patronus pour voir si son cerf répondait toujours à son appel. Mais il y avait sagement renoncé. La lumière éblouissante aurait été aperçue au dehors même avec le Protégo. Et ici, par bonheur, il n'avait pas à redouter l'apparition soudaine d'un Détraqueur. Il s'amusait à transformer une souris vagabonde en tasse à thé sur pattes quand au dehors quelqu'un cria « Finite ! » C'était la voix de Malfoy et il n'avait pas l'air content. Les sortilèges de protection tombèrent aussitôt et le visiteur entra.
« A quoi tu joues, dit-il avec mauvaise humeur. Ça fait bien cinq minutes que je frappe à ta porte. Qu'est-ce que tu faisais ? Tu te branlais ?
Harry rougit jusqu'aux oreilles. Bien sûr qu'il s'occupait régulièrement de son sexe ! C'était un homme et il avait des besoins. Il lui arrivait de penser à Angelica, sa dernière conquête avant son célibat forcé, aimable, jolie … blonde ... et il fantasmait aussi sur les libres sorcières qu'il voyait passer devant sa chambre, belles et inaccessibles. Mais là vraiment ce n'était pas le moment de mettre le sexe sur le tapis. Ni au propre, ni au figuré.
-Oui, répondit-il pourtant d'un air de défi. Et en pensant à toi en plus ! … Crétin, reprit-il en voyant l'air scandalisé de Malfoy, je t'attendais. Notre visite à la case des pierres est remise à demain. Il y a eu un arrivage paraît-il. Un groupe de sorciers et de sorcières venant par la route du Nord aurait eu la surprise de voir couler la rivière mystérieuse. C'était il y a trois jours. Il se seraient arrêtés sur la rive et ils auraient attendu que l'eau se tarisse. D'après eux, ils ont alors ramassé dans le lit à sec toutes sortes de pierres et ils les ont apportées dans la cité pour les troquer. Il faut les trier, les classer, les ranger. Les responsables n'ont donc pas le temps de nous recevoir. Enfin, c'est le bruit qui court. Mais j'ai surtout l'impression qu'on essaie de te garder ici encore un moment.
-C'est possible en effet. Mais je sais me défendre, moi ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire de rivière mystérieuse ?
-Ce doit être une légende mais ici beaucoup de gens y croient. Au bout de la route du Nord, il y a l'énorme caverne rocheuse où nichent les chauve-souris qu'on capture pour le courrier. En dessous du rocher coule soi-disant une rivière souterraine qui périodiquement sort de terre, coule quelques jours puis disparaît de nouveau dans les profondeurs. Il paraît que c'était autrefois un affluent de l'Okavango. Elle laisse dans son lit des trésors qu'elle a volé à la terre, de simples cailloux ou quelquefois des pierres précieuses, des rubis, des topazes, des opales … Tiens, toi qui es spécialiste, il y a dans la réserve une pierre bleue grosse comme l'ongle du pouce, un diamant d'après Maître Félaro.
-Une chance sur un million, Potter, c'est un quartz probablement, un saphir tout au plus. On ne trouve pas de diamants dans le lit d'une rivière.
-C'est bien ce que je pense. Je crois plutôt que ces sorciers qui sont nomades, collectent des pierres un peu partout et viennent ensuite les proposer à Ghanzi-Sa pour les bâtons magiques de la communauté. Ils disent que ce n'est pas un trafic, que c'est pour la bonne cause. Ils les troquent contre peu de choses, un hébergement de quelques jours, des tissus, de la nourriture pour leurs voyages, des casseroles aussi ... Enfin nous verrons leurs trouvailles demain. Et toi, comment s'est passée ta visite chez les abeilles ?
-Très bien Potter. Je suis le bienvenu partout où je passe. A ce propos, le miel fait-il partie de ton régime alimentaire ?
-Non, malheureusement. J'ai essayé une fois au début de mon séjour, enfin je crois. A cause du sortilège d'Oubli, pas mal de souvenirs m'échappent. Mais je sais que mon corps ne supporte pas ce qui est très sucré. Tiens, je donnerai cher pour une part de tarte à la mélasse.
-Dans tes rêves Potter ! Mais je voudrais quand même tenter quelque chose.
Il sortit de sa poche le petit pot de faïence et ôta son couvercle. Une senteur particulière se répandit dans la pièce. Draco ne s'en était pas aperçu au rucher, il y avait trop de parfums différents. Mais ici on distinguait mieux l'odeur du bois de palme puisque tout dans cette pièce en était imprégnée.
-C'est un miel spécial, continua-t-il. Il a été fabriqué par des abeilles sauvages en haut d'un palmier. Je voudrais que tu le testes. Maître Ndiapo pourrait peut-être s'en servir pour le remède si tu le supportes.
-Mmmm … oui, je veux bien essayer. Mais ne dis rien si je suis malade.
-Je ne suis pas stupide à ce point, Potter ! Pose juste ton doigt sur le miel et hurle si ça te brûle. Ce sera déjà un bon indice.
-Non … Je ne sens rien de spécial, reprit Harry après avoir posé son index sur la surface lisse. C'est doux au toucher. Je vais en mettre juste une goutte sur ma langue. Heu … Recule un peu, on ne sait jamais … C'est … C'est délicieux … Oh Malfoy ! Qu'est-ce que c'est bon ! Je sens le goût ! Ça ne me brûle pas, ça ne donne pas de haut-le-cœur ! Je n'ai rien mangé d'aussi bon depuis … six mois ! Donne-moi le pot, j'en veux encore ! Du miel de palmier ! Tu sais quoi Malfoy ? Tu as des idées géniales !
-Holà ! Pas si vite Potter ! Il n'est pas question que tu te goinfres de tout ce miel ! C'est tout ce que Bilem a pu récolter aujourd'hui ! Il faut le réserver pour ton remède … Ne fais pas cette tête ! Manges-en encore un peu si ça te fait tant plaisir. Dès qu'il a su que c'était pour toi, le gamin m'a promis de t'en faire envoyer de temps en temps. C'est l'un des fils de la Gardienne des abeilles. Il a grimpé dans l'arbre pieds et mains nus. Tout le monde se met en quatre pour Maître Harry, le grand Chamane … Je plaisante … Stop ! Tu en as pris presque la moitié ! Attends ! Ce n'est pas tout …
Draco remit le couvercle sur le récipient de faïence, il sortit de sa poche un autre pot minuscule et le fit tourner entre ses doigts juste sous le nez de Harry qui fit la grimace.
-Si c'est pour me tenter une deuxième fois et me l'enlever aussitôt …
-Ce n'est pas du miel ! Expenso, ajouta-t-il et le pot reprit sa grosseur normale. C'est le gâteau de cire où les abeilles stockent leur récolte et il a aussi été fabriqué en haut du palmier. Si le miel ne t'a pas fait de tort, cette pâte pourrait servir à faire un onguent pour ton bras, là où l'oursin t'a piqué. L'essai risque d'être douloureux mais c'est le seul moyen de le savoir. Et ce n'est pas une petite brûlure qui va faire peur à un courageux Griffondor ! Tu en as vu d'autres ! Allez ! Vas-y !
Harry tendit son bras droit et Draco remarqua de nouveau sa minceur. Il faudrait à Potter beaucoup de miel pour qu'il se remplume un peu. La marque de griffes de l'oiseau était encore apparente en haut de même que sur l'épaule. Une dizaine de tout petits points noirs apparaissaient plus bas, à l'intérieur de l'avant-bras, là où s'était accroché l'oursin des sables. Harry ramassa un peu de cire avec le bout du doigt et – bon signe ! - ne ressentit pas de brûlure. Il posa la pâte sur trois des points. La peau devint rouge vif et il ferma les yeux, s'apprêtant à ressentir une douleur familière. Mais rien ne se passa. Il rouvrit les yeux et vit tout près le visage stupéfait de Malfoy.
-Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il avec un peu d'anxiété.
-Tu ne vois pas ? Regarde de tout près avec tes foutus lunettes. Tu ne distingues rien ?
Sous la mince pellicule de cire, les trois points grossissaient. Trois crochets minuscules émergeaient de la peau et semblaient flotter dans la pâte blanche, laissant apparaître en dessous trois petites gouttes de sang. Ils levèrent la tête en même temps et se regardèrent, aussi surpris l'un que l'autre. La cire faisait sortir les pointes crochues des épines d'oursin qui étaient restées plantées dans la chair depuis six mois. Les guérisseurs avaient essayé divers onguents mais à chaque fois, Harry avait ressenti une brûlure douloureuse. Bien sûr, ils n'avaient jamais pensé à utiliser la cire d'abeille ! Et pas n'importe quelle cire ! Celle fabriquée en haut d'un palmier ! Les découvertes sont souvent dues au hasard mais dans cette circonstance, le hasard avait été bien aidé par la bonne intuition de Draco Malfoy ! Harry s'apprêtait à recommencer l'opération quand soudain il hésita.
-Malfoy, dit-il, on ne peut pas garder cette découverte pour nous. Les guérisseurs de Ghanzi se sont bien occupés de moi. Maître Dlima en particulier fait tout ce qu'il peut pour m'aider. On devrait le prévenir et continuer l'expérience en sa présence.
Il y eut un moment de silence. Ils se regardaient, les yeux dans les yeux, partagés entre des sentiments contradictoires. Draco objecta :
-Ton guérisseur va peut-être vouloir conserver le miel et la cire. Pour te soigner d'une part et pour en étudier les propriétés avec ses collègues d'autre part. Ça ne ferait pas mes affaires ni celles de Maître Ndiapo. C'est envers lui que je me suis engagé. Je ne trouverai ces produits nulle part ailleurs.
-Mais ils t'appartiennent Malfoy ! Tu les as achetés au rucher. Maître Dlima ne peut pas te les prendre, ce serait du vol. Il n'aura qu'à en demander à la Gardienne des abeilles.
-Ce ne sera pas facile. C'est un essaim sauvage qui s'est installé dans le palmier et d'après Bilem, la production de miel est minime. D'ailleurs, je n'ai pas réellement « acheté » ce miel et ce gâteau de cire. Ama Zié a refusé de les vendre. Je les ai troqués contre la promesse de lui fournir des graines de fleurs mellifères.
-Un troc est un troc Malfoy. Ici plus que partout ailleurs. Ils sont à toi.
-Maître Dlima va s'étonner que je tienne tant à les garder s'ils te font du bien. Il sera persuadé que mon plus cher désir, c'est d'en faire cadeau à mon vieux camarade d'école, le fameux Maître Harry, le chamane guérisseur … Sans offense, Potter. On a un peu trop joué la carte de l'amitié hier à la fête.
-Oui évidemment, il faudrait trouver une bonne raison … quelque chose qui n'éveille pas la curiosité des guérisseurs. Tu ne connaîtrais pas quelqu'un qui se serait fait piquer par un oursin, même un oursin de mer ? Ta petite amie ? Ou même toi ? Et tu voudrais faire étudier le remède par les médicomages anglais ?
-C'est tiré par les cheveux Potter. J'ai bien une marque sur le bras. Ama Zié m'a d'ailleurs conseillé de m'adresser à toi pour la guérir mais ...
Draco s'interrompit soudain et rougit violemment. Harry, lui, avait pâli et le regardait avec un air stupéfait, choqué même, ses yeux de hibou exorbités derrière ses lunettes, sa cicatrice ressortant soudain en rouge sur son front blanc.
-Pas cette Marque-là Potter ! reprit vivement Draco. Juste la trace d'une piqûre de guêpe qui apparaît de temps en temps sur mon bras droit …
Mais visiblement Potter avait du mal à se remettre. On aurait dit qu'il venait de prendre un coup en pleine poitrine. « Ça m'a fait cet effet-là quand je suis passé ce matin près du quartier désert, se disait le jeune homme blond. Les mauvais souvenirs ont la vie dure. Nous n'avons oublié ni l'un ni l'autre finalement … » Il se tut et regarda ses pieds. La rougeur s'effaçait peu à peu de son visage. La Marque des Ténèbres planait entre eux comme une ombre sinistre. Le silence se prolongeait et ce fut Harry qui le rompit d'une voix un peu tremblante :
-Je vais avertir Maître Dlima. C'est mieux je crois. Tu lui montreras ton bras … ta piqûre de guêpe … Tu lui expliqueras …
Il se leva et alla frapper d'une main le plus petit de ses coffres. Celui-ci s'ouvrit et Harry s'adressa à une pierre posée à l'intérieur.
-Pouvez-vous prévenir Maître Dlima que Harry a besoin de lui ? Merci.
Il revint s'asseoir en face de Draco qui releva la tête. Ils se regardèrent dans les yeux, le visage grave.
-C'est ainsi Potter, reprit le sorcier blond d'une voix calme. On n'efface pas le passé. Il y aura toujours cette Marque entre nous. Ces Marques en fait, je ne l'avais pas remarquée jusqu'ici mais ta cicatrice est toujours là elle aussi. C'est un fossé profond qui nous sépare.
-On peut essayer de passer au dessus, Malfoy. J'ai été surpris, c'est tout. Tout ça, c'est loin, ça fait partie de notre jeunesse. On est adultes maintenant. On a évolué et les temps ont changé. Si tu pouvais retourner en arrière, ferais-tu la même chose, sachant ce que tu sais ?
-Si tu veux parler de mon engagement envers le Maître des Ténèbres et de cette Marque sur mon bras, oui, je referais certainement la même erreur. Tu ne peux pas comprendre. Nous étions conditionnés dès l'enfance, Sangs Purs, Serpentards de surcroît, donc supérieurs aux autres. Nous n'avions pas le choix. Et toi non plus Potter tu ne l'as pas eu. Tu étais désigné comme l'Elu, l'adversaire de Lord Voldemort. Nous ne pouvions qu'être ennemis.
-Mais plus maintenant, Malfoy ! Si aujourd'hui, là, tout de suite, Voldemort entrait dans cette case et te demandait de le suivre, le ferais-tu ?
Draco blêmit. La vision du quartier désert s'imposa à son esprit. Le sorcier blanc, jeune et beau, à l'âme si noire, le maudit qui expérimentait ses maléfices sur une innocente jeune fille … Un frisson glacé lui parcourut les épaules. Il murmura :
-Sais-tu, Potter, que tu n'es pas très loin de la vérité ? Lord Voldemort est venu ici, à Ghanzi-Sa, il y a environ cinquante ans et il y a commis un horrible crime. Pourtant déjà, des gens croyaient en lui. Peut-être qu'à l'époque, j'aurais fait comme eux.
-Mais maintenant Malfoy, maintenant ?
-Je n'en sais rien Potter. Et toi, si le Lord Noir entrait dans cette pièce, voudrais-tu toujours le tuer ?
-Oui, je crois … Du moins j'essayerais … Mais à mon avis, Voldemort serait le plus fort, je ne suis pas au mieux de ma forme.
-Ça dépend Potter. Le venin d'oursin qui circule dans tes veines te protégerait peut-être. Poison et contre poison, sort et contre sort, c'est ça la magie. Imagine que l'Avada rebondisse sur toi et foudroie celui qui l'a lancé …
-Je m'en tirerais encore? Comme les autres fois ? Et c'est toi qui imagines cette fin heureuse ?
-Tu l'as affronté et tu es toujours en vie, Potter. Maintenant je peux l'admettre, tu es un grand sorcier.
-En fait, j'ai eu beaucoup de chance et beaucoup d'aide.
-Mais tu l'as vaincu et tu le vaincrais encore ! Quelque chose se passerait ou quelqu'un interviendrait …
-Toi Malfoy ?
-Peut-être finalement. J'aimerais mieux te voir vivant plutôt que lui ...
Malfoy rougit de nouveau – décidément c'était la journée ! - Les paroles étaient sorties de sa bouche sans qu'il puisse les contrôler. Un Serpentard ne dit pas les choses aussi franchement d'habitude ! Ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait ici. Et devant Potter en plus ! Il y avait à Ghanzi-Sa une magie particulière, puissante, redoutable même. Il fallait qu'il quitte la cité avant de virer complètement Pouffsouffle ! Harry, lui, se mit à sourire. La mauvaise impression ressentie avec l'évocation de Lord Voldemort l'avait quittée. La réponse de Malfoy lui avait fait chaud au cœur. Il reprit d'une voix plus joyeuse :
-Non mais, qu'est-ce qu'on est en train d'imaginer ? On déraille là ! Il est mort ! Il ne peut plus nous faire de mal, ni à toi ni à moi !
-Le seul fait d'en parler le ressuscite un peu. Mais tu as raison Potter, ce chapitre de notre vie est clos. Pour le moment, ce sont les oursins des sables qui nous intéressent …
On frappa à la porte et Maître Dlima entra suivi d'Offentsé qui portait une petite mallette de cuir. Le visage du guérisseur montrait une certaine inquiétude.
-Maître Harry ! J'ai fait aussi vite que j'ai pu ! Comment vous sentez-vous ? Avez-vous des problèmes ? Oh bonjour Maître Draco, je ne vous avais pas vu …
-Non non, tout va bien au contraire, répondit vivement Harry. Je voudrais vous montrer le résultat d'une petite expérience. Mon ami Draco …
La suite fut ponctuée d'exclamations de surprise montrant une joie sincère chez le guérisseur et aussi chez son assistant. La mallette ouverte révéla un assortiment de fioles contenant des remèdes divers, des sachets de plantes séchées et une trousse remplie de petits instruments en métal brillant dont le fameux scalpel magique. Il y avait aussi le bâton-sorcier du guérisseur portant au bout une pierre opaque jaune. Maître Dlima le sortit et le posa à côté de lui, sur le tapis. Puis il prit une paire de gants en fine peau de Serpent d'arbre et les enfila avant d'étaler un peu de pâte sur les autres pointes d'épines encore présentes sur le bras de son patient.
Les crochets sortirent tous et le guérisseur racla doucement la cire avec un bâtonnet plat en bois. Il la déposa dans une coupelle et utilisa ensuite un tampon fait de fine écorce pour éponger les gouttes de sang. Sur le bras de Harry, il y avait maintenant une tache à peu près ronde de couleur rouge mais ce n'était pas une brûlure et le jeune homme n'avait pas mal. Une idée un peu folle lui vint. Peut-être l'extraction des crochets venimeux était-elle suffisante pour qu'il soit guéri ? Ce serait trop beau ! Mais Maître Dlima devait avoir eu la même pensée. Il déposa le tampon d'écorce dans la coupelle et prenant son bâton-sorcier en main, il prononça un sortilège. La cire se mit à fumer et le sang devint noir. Il soupira et dit :
-Malheureusement, le poison est encore dans vos veines, Harry. Cette opération est utile pour votre confort, ces crochets ne vous démangeront plus. Mais nous devons encore trouver l'antidote. Nous travaillons en ce moment sur une potion avec des épines d'oursin bouillies dans de l'eau salée puis dissoutes dans le jus d'un citron, un des fruits que votre corps supporte. Nous avons dilué cette préparation plusieurs fois pour que le venin serve à la guérison et pas à l'empoisonnement. Nous faisons des essais sur un des derniers oursins vivants mais il ne réagit pas en s'affaiblissant, au contraire. Il semble aimer le citron. Je me demande si … Mais oui ! Nous n'avons pas encore essayé avec le jus des Mirabilis ! Ces fruits ont de nombreuses vertus de guérison …
Maître Dlima était très enthousiaste. Draco voyait bien qu'il faisait tout son possible pour aider Potter. Les échecs dans le traitement ne venaient sûrement pas de lui. Finalement, c'était une bonne idée de lui montrer la cire et le miel. Il en ferait sûrement bon usage. Quand Draco en expliqua la provenance, il vit bien une lueur d'envie dans l’œil du guérisseur. Mais Maître Dlima ne demanda rien de plus. Ama Zié et Bilem auraient sans doute bientôt de ses nouvelles.
Harry, lui, était surtout content de ne pas souffrir. Généralement, ses soins médicaux s'accompagnaient de l'habituelle sensation de brûlure ou même de blessures légères, mais pas avec cette cire crémeuse au parfum entêtant. Après le départ du guérisseur et de son aide, il repensa à ce qui venait de se passer. Pour la première fois depuis six mois, son état s'était un peu amélioré. Il se demanda soudain s'il avait gardé ses pouvoirs de chamane. Draco s'apprêtait à regagner la case hôtel. Il voulait écrire à Maître Ndiapo. Il avait des nouvelles à lui envoyer par Uuuiiu.
« … De bonnes nouvelles Potter ! Et ton guérisseur vient de me donner une idée. Ces Mirabilis dont tout le monde parle en ce moment, il faut que tu les testes avant mon départ. Si tu les supportes, c'est un renseignement supplémentaire que je pourrai donner à Maître Ndiapo Il faut toujours garder un troc dans sa manche.
-Ce n'est que ça pour toi ? Un troc ?
-Bien sûr que non ! Tout ce qui peut améliorer ton état m'intéresse. Cette vie de reclus n'est pas drôle. J'aimerais que tu guérisses vite.
-C'est gentil Malfoy. Moi aussi j'aimerais faire quelque chose pour toi. Cette piqûre de guêpe dont tu m'as parlé … Veux-tu me la montrer ? Je pourrais peut-être m'en occuper ? Si j'ai encore le don bien sûr ! Ce serait l'occasion de vérifier !
Draco resta silencieux quelques secondes puis il remonta la manche de sa chemise. La trace rouge était apparente sur l'avant-bras blanc. Ils se fixèrent un instant, sérieux tout à coup. Ils ne s'étaient jamais touchés autrement que pour se battre. Harry posa doucement sa main sur la peau tiède et ferma les yeux. La brûlure qu'il ressentit était faible mais en même temps, une image se formait dans sa tête. Il n'avait pas usé de Légilimencie pourtant il « voyait » …
Une pièce agréable, petite mais coquette … Narcissa Malfoy endormie dans un fauteuil, avec sur son visage non pas un air hautain comme autrefois mais une expression plus douce, plus apaisée … Une jeune femme rousse aux yeux rieurs … Le bras de Malfoy posé sur un accoudoir et sur sa manche, une petite boule brune hérissée de piquants, un de ces glouterons, fruits de la bardane, qui s'accrochaient partout au moindre coup de vent … qui pouvaient provoquer des allergies … Un mini oursin des sables ! … Il sentit le mal passer dans son bras en lui causant juste cette petite douleur insignifiante et quand il retira sa main, la tache rouge avait disparu. Il sourit et en bon Griffondor, il demanda :
-Qui était cette jeune femme assise à côté de toi quand tu t'es fait piquer ?
-Tu as lu dans ma tête ? C'est malpoli Potter !
-Je n'ai pas fait exprès. L'image est venue toute seule. En tout cas, elle est jolie et elle a un beau sourire. C'est ta petite amie ?
-C'est mon amie, Potter, et celle de ma mère. Elle s'appelle Lizzie. Tiens, c'est elle qui est partie en croisière à ma place pendant que je venais te rendre visite de l'autre côté du monde. Mes premières vraies vacances ! Et j'ai raté ça !
-Tu le regrettes ?
Draco hésita un instant. Il avait une répartie sarcastique au bord des lèvres. Mais ce qu'il dirait ne serait pas la vérité. La douceur de la main qui s'était posée sur son bras, les yeux verts derrière les lunettes, le sourire hésitant de Potter, son corps trop mince, trop pâle … Impossible de chercher à blesser plus encore quelqu'un d'aussi vulnérable …
-Non Potter, répondit-il, je ne regrette rien. Pour tout dire, je n'échangerais pas ces quelques jours à Ghanzi-Sa contre un voyage soi-disant de rêve. Et merci pour la piqûre de guêpe. Je ne sens plus rien.
Harry ne corrigea pas l'erreur. Piqûre de guêpe ou de gratteron, c'était pareil. Il était juste content d'avoir gardé ses pouvoirs de guérison. Et une idée un peu folle le prit. Et si … la Marque des Ténèbres pouvait disparaître elle aussi ? Le Lord Noir était mort, ils en avaient parlé sans que cela ranime la haine entre eux. Ça valait la peine d'essayer … pour effacer … pour oublier tout à fait … Ce serait juste pour remercier Malfoy qui se donnait beaucoup de peine pour l'aider. Il murmura :
-Pour ton autre bras Malfoy, si tu veux … je peux essayer …
Le silence lui répondit. Draco se levait, récupérait les pots de miel et de cire et se dirigeait vers la porte, le visage fermé. Il se retourna avant de sortir et répondit d'un ton plein d'amertume :
-N'y pense même pas Potter. Mon passé m'appartient, ce ne sont pas tes affaires. Inutile de te faire mousser. Nous ne sommes pas du même côté de la barrière.
Il partit en maudissant intérieurement tous les foutus Griffons et en particulier celui qu'il venait de quitter. Pourquoi, par Salazar Serpentard, pourquoi avait-il fallu que Voldemort vienne troubler leur bonne entente naissante de son Ombre Noire ? N'y aurait-il jamais de fin à ce fardeau ?
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