Chamane 27 : Erasmus sorcier
Harry et Neville avaient regagné Londres huit jours après le départ de Draco pour l'Afrique du Sud mais avant qu'ils ne quittent la cité magique de Ghanzi-Sa, il s'était quand même passé quelque chose d'étrange pour les deux Griffondors : ils avaient dû « désenvoûter » un quartier de la cité, celui où Voldemort avait vécu dans sa jeunesse et où il avait commis un horrible crime. Si horrible que les maisons avaient été abandonnées par leurs habitants depuis une cinquantaine d'années. Le puits avait tari, rien n'y poussait et fait caractéristique, les oiseaux n'y chantaient plus. Mais Riad, un jeune conducteur de carriole taxi, descendant indirect de la jeune fille assassinée, voulait faire revivre le quartier et il avait demandé de l'aide, d'abord à Draco puis à Harry quand il avait appris que le jeune sorcier anglais était guéri.
Il était venu le voir le jour du départ de Draco et ça tombait bien car l'ex-malade avait du vague à l'âme. Il discutait avec Neville mais visiblement, le cœur n'y était pas. Riad était arrivé au bon moment Il leur avait expliqué la même triste histoire qu'il avait déjà racontée au Serpentard et il avait proposé de les conduire sur place pour qu'ils se rendent compte de la situation. On ne fait pas appel en vain à la Maison Griffondor. Ils étaient montés tous les trois dans la carriole et l'âne les avait conduit jusqu'au lieu maudit.
Le quartier comptait une vingtaine de maisons avec cour, toutes délabrées et ouvertes à tous vents, sauf une, la plus petite, celle où Boréa s'était installée. La jeune fille était là, occupée dans la cour à soigner un chevreau blessé. Elle les invita à entrer. Dès qu'il fut à l'intérieur, Harry se sentit bien. C'était ombreux pour empêcher la trop grande chaleur, c'était très propre - Dame Yago avait au moins appris à la jeune fille les bons sorts de nettoyage - et surtout c'était paisible. Un petit feu était allumé sous le trou de cheminée. Un tapis couvrait en partie le sol. Peu de meubles, un lit étroit, un coffre fermé, une étagère avec des ustensiles divers, une petite table basse carrée. Et sur cette table, il y avait un pain rond et une cruche d'eau.
Soudain, Harry sentit la magie du lieu prendre possession de lui. C'était simple. Pour rendre la vie au quartier déserté, il suffisait de trois choses : un feu, du pain et de l'eau dans chacune des maisons. Avec bien sûr quelques bons sortilèges. Il exposa aussitôt son idée à Riad, Boréa et Neville. Cela semblait si évident qu'ils furent tous aussitôt d'accord. « Les chamanes ont toujours de bonnes idées » pensa Riad et il sourit. Boréa sourit aussi. Leurs regards s'accrochèrent et Neville qui était à quelques pas d'eux se dit qu'il avait déjà vu quelque chose de semblable.
Une rencontre. LA rencontre entre deux êtres exactement faits l'un pour l'autre. La « féminité » de la jeune fille s'ouvrait enfin et d'un seul coup, elle devenait belle. Riad l'avait déjà aperçue plusieurs fois sans la remarquer et là, elle devenait brusquement à ses yeux la femme la plus désirable au monde. Ils étaient immobiles l'un en face de l'autre, perdus dans leurs regards. Le silence n'était troublé que par le crépitement du petit feu et le bêlement du chevreau dans la cour. Harry s'était arrêté au milieu d'une phrase. Une autre magie était à l’œuvre. Il se passa un moment avant qu'ils ne reviennent tous sur terre.
« Il faut aller voir Ama Saé, commença Riad d'une voix étouffée.
-Oui, pour tout faire bien, reprit Boréa dans un souffle.
-Je crois qu'il nous faudra de l'aide, ajouta Neville.
-C'est sûr, conclut Harry. J'ai déjà une petite idée. En route !
Ils repartirent tous les quatre, Neville se tassant à l'arrière pour laisser sa place à Boréa.
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Trois jours plus tard, en fin d'après-midi, plusieurs personnes parcouraient lentement le quartier maudit. En tête marchait Ama Kélabélé, la Gardienne des astres, tenant haut son bâton sorcier. Elle avait déterminé le bon moment pour faire la cérémonie : entre soleil couchant et lune montante. Maître Félaro la suivait, il représentait Ama Saé qui ne pouvait quitter la Grande Case. Il était encadré par Maître Ndiapo portant un sac contenant toutes sortes d'herbes purificatrices et par Demblé, armé de sa flûte et de son petit tambour, qui jouerait de l'un ou de l'autre pendant la marche. Aucun autre sorcier de la cité ne s'était proposé pour les accompagner. Ils avaient encore trop peur.
Les suivaient Harry et Neville, les deux sorciers anglais qui prononceraient les contre-sortilèges dans leur langue puisqu'ils venaient du même pays que Lord Voldemort – et qu'ils l'avaient déjà combattu – Enfin venaient Riad qui allumerait dans chaque maison le feu qu'il avait préparé le matin même, Boréa qui verserait à chaque fois de l'eau du puits dans une coupe posée sur le sol devant la cheminée … et Mimosa, le jeune chamane, à qui on avait confié pour la première fois une mission importante : mettre un petit pain à côté de chaque coupe. Le jeune garçon en était très fier et pour la première fois il faisait plus que son âge.
Un groupe d'habitants de la cité à l'air effrayé s'était rassemblé à la lisière du quartier. C'étaient des descendants des anciens propriétaires mais ils n'osaient pas suivre la petite procession des courageux qui tentaient l'aventure. Ils aviseraient quand la cérémonie de désenvoûtement serait terminée. Ce serait simple. Les neuf volontaires entreraient dans chaque maison, Harry et Neville lèveraient leurs baguettes et prononceraient ensemble le «Vade Retro Maleficum !» Si le feu prenait bien, si l'eau restait limpide et si le pain ne noircissait pas, la maison serait considérée comme saine et Demblé pourrait jouer de la musique tandis que son père jetterait au feu des herbes odorantes et du noyau de mirabilis en poudre.
Il n'y eut aucun problème. Ils avaient commencé avec un soleil couchant rougeoyant, ils terminaient avec la pleine lune éclatante. La flûte se faisait joyeuse. L'air sentait bon le parfum des herbes. Aucune ombre noire ne rôdait. Riad et Boréa se tenaient timidement par la main. En les regardant, Harry avait le cœur plus léger. L'amour maintenant, il commençait à connaître. Suffisamment pour se demander quelle était la nature de ses sentiments pour Draco. Etait-ce juste une amitié virile qui se nourrirait de rendez-vous dans des pubs moldus, de conversations agréables, de bons moments partagés ensemble ou bien était-ce déjà plus, un besoin de contact, de caresses, de baisers comme celui échangé le soir des adieux ? Ou fallait-il envisager autre chose, l'envie de vivre ensemble, de s'afficher côte à côte dans le monde sorcier, de partager un amour … charnel ? Mais cette solution restait brumeuse dans l'esprit du Griffondor. Il n'avait jamais couché avec un garçon. Et d'abord Draco serait-il d'accord ? D'ailleurs, où était-il ?
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Draco était à Jobourg et à son arrivée, un message l'attendait à son hôtel. La fameuse vente privée ne commencerait que dans deux jours et selon un programme précis. Les héritiers d'un richissime homme d'affaires récemment décédé dispersaient sa collection de pierres précieuses. Mais pour appâter encore plus les clients, ils organisaient la vente par catégories. Tout se passerait dans un salon de réception situé au quatrième étage d'une banque et ultra-sécurisé. Chaque jour une nouvelle variété de joyaux serait exposée le matin et vendue aux enchères sur invitation l'après-midi. Le programme avait été envoyé aux acheteurs potentiels et Draco, en tant que représentant de la Maison Solman et Griffith, l'avait trouvé à son hôtel. Le premier jour serait consacré aux perles, puis ce serait le tour des opales, des saphirs, des rubis, des émeraudes et enfin des diamants.
Draco devrait donc patienter pour voir enfin le fameux diamant bleu, convoité par Egmont Solman pour un client. Mais ce n'était pas du temps perdu. Il assisterait à toutes les ventes. Il se renseignerait ainsi sur la valeur exacte des pierres, qu'il pouvait expertiser à l’œil nu même dans une vitrine blindée contrairement à beaucoup de ses concurrents, et surtout il aurait une idée de ce que certains clients étaient prêts à offrir pour le joyau de leurs rêves. Son employeur lui avait donné une fourchette de prix. A lui de se débrouiller pour acquérir l'objet désiré. Il pourrait aussi faire des offres s'il repérait une autre gemme intéressante pour la Maison.
Il acquit ainsi une belle perle baroque d'un blanc bleuté qui conviendrait parfaitement au motif central d'une broche et deux saphirs jumeaux pour des boucles d'oreilles. La plus belle des opales était trop convoitée pour qu'il puisse enchérir de même que les rubis et les émeraudes, des joyaux de première grandeur. Le collectionneur les rassemblait depuis des années et il avait un goût très sûr. Ce furent des journées bien remplies et pris par la passion des pierres, Draco parvenait à oublier Harry. Le jour. Malheureusement pas le soir et pas la nuit. Mais malgré cela, sa résolution restait ferme. Il ne pouvait y avoir de relations suivies entre lui et le Griffondor.
Le jour des diamants arriva enfin et de nombreux acheteurs se pressaient dans le hall privé de la banque où les pierres étaient exposées en vitrine. Draco repéra immédiatement le diamant bleu, il attirait tous les regards. Mais il lui fit aussitôt mauvaise impression. Il portait sa baguette magique sur lui, ne voulant pas la laisser dans sa chambre d'hôtel, et elle se mit à vibrer contre son flanc quand il se pencha pour voir la pierre de près. Au bout de quelques instants, il détecta autour d'elle une aura sombre. Un sortilège de magie noire avait été posé sur le diamant et malheur à celui ou à celle qui voudrait se l'approprier. Une légende voulait qu'il ait été volé au siècle précédent dans un temple en Inde. Bizarrement, ses différents propriétaires avaient tous cherché à s'en débarrasser au plus vite après un accident plus ou moins grave. Mais qui croit encore aux légendes ? Le diamant bleu avait ses fans et il aurait aujourd'hui un nouvel adorateur à tourmenter.
« Vous aussi il vous fascine ? dit une voix à côté de Draco alors qu'il se redressait pour s'éloigner du joyau maléfique.
Un jeune homme aux cheveux d'un roux flamboyant était debout tout près de la vitrine, ses yeux exorbités fixés sur la pierre. Draco le reconnut. C'était l'héritier d'une grande famille écossaise qui fabriquait un whisky fameux. Il s'était intéressé à diverses pierres mais n'était jamais allé au bout des enchères. Visiblement, il n'était là que pour le diamant bleu. Un concurrent sérieux pour la vente de l'après-midi. Draco hocha brièvement la tête et s'apprêtait à s'éloigner quand tout à coup, sans même le vouloir, il reprit :
-Cette pierre est dangereuse. Sa réputation n'est pas usurpée.
-Vous croyez m'effrayer avec ces histoires à dormir debout ? Ce n'est qu'un très beau diamant et je veux en faire cadeau à ma fiancée. Vous ne m'en détournerez pas.
-Alors pensez à le faire désenvoûter par un bon sorcier avant de l'offrir. C'est un conseil désintéressé.
-Un sorcier ? Ce n'est pas ce qui manque en Ecosse ! J'ai même une lointaine cousine sorcière, elle est du clan MacGonagall, Sophia … ou Minerva je crois ! Très drôle ! Je lui demanderai son avis à l'occasion !
Le monde est petit … L'après-midi, Draco participa aux enchères sur le diamant mais elles grimpèrent très vite et il s'arrêta quand le prix atteignit les limites fixées. Il aurait pu monter un peu plus mais trois autres personnes se disputaient encore l'enchère dont le jeune Ecossais. Il abandonna. Il était d'ailleurs content de ne pas avoir à rentrer en Angleterre en compagnie de cette pierre maléfique. Lui croyait aux légendes quand elles avaient un fond de vérité. Il espérait que le jeune homme suivrait son conseil … Minerva MacGonagall … C'était une puissante sorcière mais il aurait fallu Albus Dumbledore … ou peut-être Severus Snape pour contrer ce genre de sortilèges.
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Harry avait téléphoné au domicile des Malfoy dès le lendemain de son retour en Angleterre. Neville, après bien des réticences, lui avait avoué qu'il connaissait l'adresse et le numéro du Serpentard depuis leurs travaux communs à Sainte Mangouste mais qu'il avait promis de n'en parler à personne côté sorcier. Ce fut Narcissa qui répondit, elle expliqua que son fils n'était pas encore rentré de son voyage en Afrique du Sud. Harry avait reconnu sa voix. Elle lui avait semblé moins froide que dans son souvenir. Elle lui avait même dit aimablement de rappeler un peu plus tard. Draco rentra à Londres deux jours après. Sa mère lui communiqua la nouvelle mais il fit celui que ça n'intéressait pas.
Le Griffondor ne le rappela pas. Le jeune sorcier fraîchement rapatrié se trouva un peu dépassé par le remue-ménage que son retour occasionnait. Ce n'était pas facile pour le jeune homme qui avait passé plus de six mois isolé dans une cité sorcière en Afrique. Comme le Serpentard l'avait prédit le soir des adieux à Ghanzi-Sa, il se trouva pris dans un tourbillon d'obligations et d'invitations diverses. Les jours passaient vite. Seules les nuits lui rappelaient qu'il devait rappeler Draco. Mais il y avait toujours un empêchement de dernière minute. A croire que le sort s'en mêlait !
Ainsi, les guérisseurs et les pharmacomages de Sainte Mangouste avaient tenu à l'examiner et à l'interroger sur son empoisonnement par l'oursin des sables et sur sa guérison. Le Ministère avait organisé une réception en son honneur. La Gazette du Sorcier avait profité de l'événement pour publier une série d'articles sur ses aventures africaines. Et tous ses anciens camarades s'étaient manifestés pour le convier à des repas ou à des fêtes. Chez Luna et Rolf, il avait fait la connaissance des jumeaux-lumen et Ron et Hermione étaient particulièrement heureux de le revoir. Ils s'étaient fait beaucoup de soucis en son absence et la jeune femme, enceinte de six mois, comptait naturellement sur lui pour être parrain de leur prochain enfant.
Un jour, ce fut Minerva MacGonagall qui se manifesta. Elle demandait à Harry de venir à Poudlard pour parler aux élèves de « cette nouvelle mode d'échanges d'étudiants entre les écoles de sorcellerie ». La lettre apportée par un hibou grand-duc était assez sèche, cette « mode » ne devait pas trop plaire à la Directrice plutôt conservatrice. Cette fois, avant de partir, Harry se rendit au domicile de Draco. Il n'y avait personne. Mais il croisa dans l'escalier une jeune femme rousse aux vêtements ultra-branchés et au visage rieur. Il sut immédiatement que c'était Lizzie et de son côté elle devina tout de suite qui il était. Elle lui apprit que Draco et sa mère était à Anvers. Elle venait arroser l'unique plante de l'appartement, un Hortensia qui avait toujours soif. Non, elle ne savait pas quand Draco rentrait. Il était là-bas pour son travail.
En effet, pendant que Harry partait pour l'Ecosse, le Serpentard expertisait et achetait pour ses employeurs des pierres taillés par des artisans d'exception. Et Narcissa Black Malfoy faisait connaissance avec les Bloemenekeurk. Le diamant rose avait été remonté sur sa bague et celle-ci avait retrouvé tout son éclat. Chaque Bloemen non sorcier et chaque Keurk sorcier de la famille s'était extasié sur sa beauté et celle de sa propriétaire. L'ancienne châtelaine du manoir Malfoy était invitée partout et elle s'épanouissait comme une fleur longtemps privée de soleil dans cette ambiance chaleureuse. Les jeunes l'entouraient de respect et les hommes plus âgés lui faisaient une cour discrète.
Particulièrement Darius Keurk, veuf et père de Magdalena, l'étudiante en archéologie sorcière qui avait été proposée en mariage à Draco par Willem Bloemen. Et ce n'était pas pour récupérer le bijou de Clotilda qu'il se montrait si empressé envers Narcissa, il la trouvait vraiment à son goût. Elle était belle et fière. Elle avait eu des malheurs et alors ? Qui n'en avait pas eu dans sa vie ? C'était du passé, son bon sens lui disait qu'il leur restait de belles années à vivre et qu'il fallait en profiter. Draco voyait cette idylle naissante avec indulgence. D'ailleurs lui aussi était courtisé. Les filles Bloemenekeurk lui faisaient les yeux doux, en particulier Suzanna, la fille de Willem. Mais lui ne pensait qu'à Harry. Fidèle à sa ligne de conduite, il n'avait pas essayé de le contacter. Mais il ne pouvait l'oublier. Où était-il ? Que faisait-il ?
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« Je suis contente de vous voir, Harry, disait au même moment la Directrice de Poudlard à son visiteur. Votre publicité en faveur de notre école a été couronnée de succès. Nous avons reçu trois demandes d'inscription. La première vient d'un jeune Indien, Ishvar Latan. Il a dix-sept ans et a été l'élève d'un gourou sorcier de Varanasi, l'ancienne Bénarès, dans le nord de l'Inde. Il parle hindi et anglais. Vous l'avez vu chez l'une de ses tantes. Son domaine, ce sont les enchantements. Il serait honoré – ce sont ses termes – de passer ses deux dernières années d'études chez nous. C'est un lointain parent des sœurs Patil qui acceptent d'être ses correspondantes. Vous souvenez-vous de lui ?
Ishvar … Un jeune homme mince, brun de peau, aux cheveux très noirs ondulés et aux longs yeux en amande … Un conteur au regard fascinant … Des mains qui papillonnaient quand il parlait … Un enchanteur, ça c'était sûr … Une grande connaissance des créatures et animaux magiques … Doué aussi en potions s'il se souvenait bien ... Une excellente recrue …
-Bien sûr ! Comptez-vous faire porter le Choipeau aux nouveaux arrivants ? Pour lui, je parierais sur Serpentard. Quelqu'un s'est porté volontaire pour partir en Inde ?
-Un Serpentard justement. Lindsay Baddock, le petit frère de Malcom qui avait été attrapeur dans leur équipe de Quidditch. Il a commencé à apprendre l'hindi avec le professeur Slughorn qui a vécu quinze ans aux Indes, ce que j'ignorais jusqu'à maintenant. Les pourparlers sont en bonne voie. Le second postulant est Yegor Grégorovitch, un élève de Durmstrang, âgé de dix-huit ans. Il est apparenté au fameux fabricant de baguettes magiques. C'est d'ailleurs son domaine de prédilection. Il vient de très loin, de la République de Sakha, autrefois pays des Yakoutes. Vous avez séjourné un été chez lui, dans la région de Yakoutsk …
Merlin ! Même l'été il faisait la nuit un froid de loup ! Heureusement que j'avais ma cape pour me protéger.
… Il parle le russe, le dialecte de sa région et aussi l'anglais car son père est négociant en produits du pays. Il offre de payer son séjour à Poudlard en diamants. Avez-vous une idée de ce que cela peut représenter ?
Des diamants ? Voilà qui intéresserait Draco !
-Moi non, je l'avoue mais je connais – nous connaissons en fait - un expert en pierres précieuses, Draco Malfoy. C'est son métier chez les Moldus. La guerre est loin, on peut de nouveau fréquenter nos anciens adversaires. D'ailleurs, vous le savez peut-être, Malfoy m'a beaucoup aidé pour ma guérison. Sans lui, je serais encore en mauvaise posture au Botswana. Il a changé. Nous avons tous changé. Les épreuves nous ont mûris. Vous pourrez lui demander son avis à propos des diamants, il sera de bon conseil.
-Oui, j'ai entendu parler des travaux de Monsieur Malfoy avec Neville Londubat. Je lui enverrai un hibou. S'il est intéressé …
Bien sûr qu'il le sera ! Je suis sûr qu'il n'est jamais allé chez les Yakoutes ! C'est un vaste pays avec des gisements d'or et une extraordinaire réserve de diamants. Mais c'est assez fermé. J'ai pu y aller parce que j'étais invité dans une famille sorcière. Yégor a dû être conseillé par son père. L'échange lui permet de nouer de nouvelles relations …
-Qui s'est porté volontaire pour Durmstrang ? reprit Harry.
-Hé bien nous avons un problème. C'est une volontaire, une fille Griffondor. Or Durmstrang est réservé aux garçons. Les filles sorcières vont Durmskova, à cent milles de là. Mais Iéléna Janka ne veut pas y aller. Elle a quinze ans et c'est un vrai garçon manqué. Elle est batteuse au Quidditch et elle fait de la boxe moldue. Elle parle le russe car elle est bilingue comme toute sa famille, des descendants de sorciers qui avaient fui Saint-Pétersbourg après leur Révolution. Nous avons demandé une dérogation pour elle car nous n'avons personne d'autre. Nous attendons la réponse. Mais c'est le troisième candidat qui nous préoccupe. Vous le connaissez, il se recommande de vous et aussi de Monsieur Malfoy. C'est le jeune Dirang Mongafa. Il n'a que dix ans, onze à la rentrée. Il se présente comme futur sorcier guérisseur. Il voudrait faire les sept années d'études à Poudlard. Qu'en pensez-vous ?
Le troisième fils de Maître Ndiapo ! J'ai dû être très convaincant et Draco en a sans doute rajouté une couche ! Mais pourquoi pas ?
-Les Mongafa forment une grande famille sorcière, répondit-il. Presque tous sont guérisseurs. Maître Ndiapo, le père, est très renommé. Il a six enfants. Seul son premier fils a choisi une autre voie, il est musicien. Son unique fille est aussi très savante. Elle est spécialiste en gynécomagie. Dirang est le troisième garçon, il est intelligent et volontaire. Son principal ennemi ici sera le froid. Mais je pense qu'il s'adaptera. On peut essayer, au moins pour la première année. Ah ! Je vous rassure, les Mongafa ont de quoi payer les études de leur fils. Il faudra peut-être passer par le troc. Je suis d'accord pour être leur intermédiaire. Draco le sera sans doute aussi.
Si la Directrice de Poudlard tiqua un peu sur l'emploi du prénom, elle ne le montra pas.
-Alors, reprit-elle, il ne reste qu'un problème à résoudre : trouver un ou une volontaire pour aller dans une école de sorcellerie africaine. Ce sera votre travail Harry Potter. Vous êtes la cause de tous ces bouleversements. A vous de jouer !
-Mais il n'y a pas de véritable école à Ghanzi-Sa ! Chaque étudiant est confié à un Maître dans la branche qu'il a choisi ! Et on ne peut envoyer là-bas de jeunes enfants. Je crois qu'il faut avoir quatorze ou quinze ans au minimum. C'est l'âge de Offentsé le deuxième fils de Maître Ndiapo !
-Débrouillez-vous Potter ! Adressez-vous aux élèves qui viennent de passer leur BUSE. C'est à ce moment-là qu'ils doivent choisir leur orientation. Il y en aura bien un ou une qui sera intéressé par la magie africaine. Soyez persuasif mais n'enjolivez pas trop les choses. Il n'est pas question de vacances mais d'études sérieuses. Le ou la volontaire pourra revenir au bout d'un an pour préparer son ASPIC. C'est bien joli de voyager comme vous de par le monde ! Il y a des retombées positives mais point trop n'en faut. J'envisage sérieusement de prendre bientôt ma retraite, les choses évoluent trop vite pour moi. Allez Potter et que Godric Griffondor vous inspire !
Il y eut quatre volontaires, un pour chaque Maison. Ce fut Zinnia Brocklehurst, une Serdaigle, qui l'emporta. « Astronomie et influence des astres sur les humains, les animaux et les plantes dans l'hémisphère sud », telle était sa quête. Une probable élève pour Ama Kélabélé.
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A son retour, Harry téléphona trois fois chez les Malfoy. Il voulait expliquer à Draco ce qui se passait à Poudlard et lui demander son aide pour les diamants de Yégor et l'arrivée prochaine de Dirang. Mais à chaque fois, ce fut Narcissa qui décrocha. La troisième fois, il eut nettement l'impression que Draco était présent mais qu'il faisait dire le contraire à sa mère. Vexé, il ne rappela pas mais envoya un mot assez sec à l'adresse moldue donnée par Neville.
« J'ai des nouvelles à te communiquer à propos de Dirang, le fils de Maître Ndiapo. Je t'attends demain soir à six heures au pub en face du Chaudron Baveur. Potter. »
Draco arriva pile à l'heure avec un visage des mauvais jours. Il commanda une bière et entra aussitôt dans le vif du sujet.
-Alors, que se passe-t-il de si important avec le jeune Mongafa pour que tu ne puisses pas régler l'affaire toi-même ?
Mais Harry n'était pas de meilleure humeur que Draco et il lui expliqua la situation d'une voix froide. Il pouvait accueillir le jeune garçon chez lui mais pour le paiement des études, Maître Ndiapo proposait des produits africains rares à troquer chez Slug et Jiggers. Malfoy était plus au fait que lui pour ces négociations-là. Il parla aussi des diamants de Yégor et Draco parut s'animer un peu. Harry lui signala que grâce à une astuce magique, il avait fait installer le téléphone dans sa maison et il lui donna son numéro. « Pour tout ce qui concernera ces deux affaires » précisa-t-il. Ils se quittèrent sur un « Au revoir » polaire et partirent chacun de leur côté, une boule dans le ventre.
Harry était blessé, profondément. Le Malfoy froid et distant du pub n'avait plus rien à voir avec le Draco chaleureux de Ghanzi-Sa. Le Griffondor se demandait même pourquoi le Serpentard était venu par deux fois le voir en Afrique. Quel était son but ? Certainement pas de l'aider à guérir ! Il y avait seulement trouvé son compte avec les différents trocs … Pour éponger cette ancienne dette de vie qu'il avait contractée autrefois dans la Salle sur Demandes en flammes ? Un peu tardif tout de même. Et de toute façon, sa mère avait payé pour lui … Ce n'était pas non plus pour rentrer dans les bonnes grâces du monde sorcier. Il n'en avait rien à faire …
Alors c'était peut-être tout simplement pour se moquer de son ancien ennemi maintenant qu'il avait bien réussi dans le monde moldu alors que lui, Harry, était empêtré jusqu'au cou dans une histoire idiote de bestiole empoisonneuse ! Il lui avait même fait croire qu'il était attiré par lui. Il l'avait embrassé ! C'était certainement une sorte de vengeance subtile, tout à fait dans la manière des Serpentards ! … Dire qu'il avait cru à une possible amitié entre eux ! Il s'était montré bien naïf ! Tout en se dirigeant vers le square Grimmault, Harry ressassait des pensées moroses.
Draco n'était pas en meilleur état. La vue de Harry avait réveillé en lui un sentiment – un amour – qu'il croyait avoir dompté. Il regrettait amèrement sa décision de rompre avec le Griffondor. Pourtant il ne voyait pas comment changer les choses. Au moment où ils s'étaient séparés - avec tant de froideur! - il avait failli céder, rappeler Harry et le prendre dans ses bras. Mais le Griffondor s'éloignait déjà à grands pas. D'ailleurs pendant leur entrevue, il ne lui avait manifesté aucune sympathie. A peine rentré à Londres, il avait dû retrouver sa vie et ses amis d'avant. Qu'est-ce qu'il en avait à foutre d'un ex-ennemi perdu de vue depuis longtemps !
Il avait essayé plusieurs fois de lui téléphoner ? La belle affaire ! Si c'était pour lui parler du fils de Maître Ndiapo ! … Ah ! Lizzie lui avait dit qu'elle l'avait rencontré dans le couloir devant son appartement. Le Griffondor lui avait fait une grosse impression … Elle lui avait posé des tas de questions. Elle avait peut-être deviné … C'était une fine mouche … Enfin, Potter lui avait donné son numéro de téléphone. Ils se reverraient probablement pour les affaires en cours … Les diamants de Sakha … C'était une aubaine ! Personne ne pouvait aller là-bas. Devait-il en parler à ses employeurs ? Non, ce n'était pas le même côté de la barrière. Mais tous les diamants du monde ne valaient pas Harry, ses yeux verts comme les émeraudes de Muso, ses lèvres douces comme la soie … Arg ! Il virait Pouffsouffle ! Et ce n'était pas la première fois ! Il devait se reprendre. Il était un Malfoy tout de même ! Respire Draco ! Ne pense plus ! Marche !
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