Chamane 8 Aventures dans le désert
En fin d'après-midi, Draco accompagna Maître Ndiapo jusqu'à la porte de l'Est. Le garde inscrivit le jour et l'heure de son départ sur son registre, il avait l'air moins stressé que le jour de leur arrivée. Le guérisseur s'éloigna sur la route après un dernier signe de la main. Tout au long du chemin menant à la porte, il avait marmonné en tswana' de nombreuses incantations devant protéger Draco de toutes sortes d'enchantements et de malédictions. Les sorcières sont si malignes ! Il emportait avec lui la chauve-souris magique pour lui montrer sa maison. Il la renverrait au début de la nuit et elle rejoindrait son maître dans sa chambre au petit matin. Il faudrait alors la nourrir et elle se rendormirait jusqu'au soir. L'avenir se présentait bien.
Pour rentrer à la case des voyageurs, Draco fit signe à un jeune homme qui conduisait une carriole tirée par un âne. Il avait appris que ces véhicules étaient les taxis de la cité. Pour payer son séjour et faire quelques dépenses, il avait échangé quatre gallions d'or contre de la monnaie locale. Un nouveau troc ! Maître Ndiapo lui rendrait ses pièces à son retour, en échange de tous les renseignements qu'il pourrait avoir sur le traitement de Maître Harry. Il voulait en particulier savoir si les Maîtres de Ghanzi-Sa travaillaient sur un antidote à la piqûre d'oursin. Soigner une maladie, c'était très bien mais cela ne suffisait pas. Il fallait la guérir définitivement. C'était ça le rôle des sorciers guérisseurs ! Draco avait promis de se renseigner.
Il prenait cette fois le temps de regarder autour de lui. La cité était construite sur un monticule peu élevé. La grande case de cérémonie était au sommet et dominait les différents quartiers sillonnés de ruelles. On pouvait s'y perdre facilement. Chacun avait sa spécialité: ici les artisans, là les tissus et vêtements, plus loin les marchands de fruits et légumes, ailleurs les bouchers, les herboristes, les bijoutiers. Et dans chaque quartier, un Maître ou une Maîtresse du Savoir enseignait les étudiants en la matière. Il y avait aussi des écoles pour les jeunes enfants de la cité, ils y apprenaient la lecture, l'écriture, le calcul et les bases de la magie ainsi que l'anglais parlé qui était la langue commune aux différentes ethnies africaines qui venaient à Ghanzi-Sa pour le commerce ou les études.
Draco vit ainsi sortir d'une grande case une vingtaine de jeunes enfants, garçons et filles, portant tous une longue tunique blanche sur un pantalon bleu, un uniforme apparemment. Devant une autre case, dans le quartier des tissus, cinq jeunes hommes et deux jeunes filles portant un grand sac en bandoulière, discutaient avec animation. Plus loin, chez les rôtisseurs, d'autres étudiants s'attablaient et posaient devant eux des rouleaux de papyrus couverts de dessins et de notes de cours. L'atmosphère était joyeuse et studieuse en même temps. Des familles étaient réunies dans les cours devant les cases. Et Draco fut content de voir que personne ne faisait attention à lui.
Il regagna sa case après le dîner et s'apprêtait à passer une soirée tranquille. Potter semblait trop fatigué et trop endormi pour le rejoindre. Mais il se trompait. Dès que la nuit eut vidé les rues autour de l'hôtel, il entendit du bruit à sa porte. Malgré « l'enclose » elle s'ouvrit et se referma. Et Potter apparut, toujours en pagne, mais l’œil vif et l'air beaucoup plus en forme que l'après-midi. Sans plus de manières, il déploya la cape sur le tapis et s'assit dessus en tailleur. Il poussa un soupir de soulagement en enlevant ses socques de bois. Sa peau largement exposée paraissait très blanche à la lumière des bougies. Il souriait.
« Salut Malfoy ! N'aie pas l'air si surpris et assieds-toi ! Tu ne peux pas savoir comme je suis content de te voir ! Je désespérais de pouvoir un jour partir d'ici. Ils sont tous très gentils mais cinq mois c'est long ! Enfin j'ai compté cinq mois, c'est peut-être un peu plus.
Draco s'assit en face de son visiteur. Il avait surtout été surpris par sa presque nudité. La veille, il n'y avait pas prêté attention., son visiteur avait l'air tellement mal en point que ça passait au second plan. Aujourd'hui, c'était très différent. Il se reprit rapidement.
-Ça fait six mois Potter et à Londres, les gens commencent à s'inquiéter pour leur Sauveur.
-Ne sois pas si sarcastique Malfoy. La guerre est loin. Tu t'en es sorti aussi je crois. Expert en pierres précieuses, c'est un beau métier. C'est le Ministère qui t'envoie ?
-Non Potter. Je suis ici pour rendre service à Maître Ndiapo. Enfin, c'est un troc. Je venais te voir et en échange, il me fournissais un ingrédient magique introuvable en Angleterre. Et tu ne devineras jamais pour qui ! Pour Loufoca Lovegood !
-Luna ? Tu as repris contact avec le monde magique ? As-tu des nouvelles de Ron et d'Hermione ?
-Tout doux Potter ! Je travaille pour les Moldus maintenant et je m'en porte bien. Cette … mission m'est tombée dessus par hasard. Je ne sais pas encore si je vais pouvoir t'aider. Dis-moi de quoi tu as besoin. Je ferai mon possible.
-Besoin ? J'ai besoin d'un énorme steak et d'une bière fraîche ! D'un tee-shirt et d'un jean ! D'un bon lit de plume avec si possible une jolie fille dedans ! Mais bon, faut pas rêver. Cette saloperie d'oursin m'a filé son venin et depuis, je vis comme un ermite. Enfin, j'ai surtout besoin de ma baguette magique. J'ai récupéré mon bagage il y a seulement un mois. Dedans, il y avait des tas d'objets pratiques qui ici ne me servent à rien et dans une poche secrète, de l'argent, ma cape d'invisibilité et malheureusement rien d'autre. Je me suis brûlé les mains à tout retourner mais ma baguette n'y était pas. Sans elle, impossible de résister aux charmes de Ghanzi. Je croyais tout ce qu'on me disait. Chaque jour, les guérisseurs affirmaient que j'étais là depuis un mois et ça ne me semblait pas bizarre. Maître Félaro en particulier est un enchanteur redoutable. Enfin maintenant, depuis que j'ai pu récupérer la cape de mon père, je peux lutter contre l'envoûtement. Dès que je la porte ou simplement que je la touche, mes forces reviennent et mon esprit s'éclaircit. Mais je n'ai aucun pouvoir sans ma baguette. Il faut que tu m'aides à la retrouver.
-Tu as une idée de l'endroit où chercher ?
-Non malheureusement. Je sais qu'ici, les sorciers n'ont pas tout le temps leur bâton magique en main. Ils le cachent dans un endroit secret et il leur suffit d'y penser pour que le pouvoir agisse. Quelqu'un - va savoir qui – a peut-être trouvé malin de ranger ma baguette hors de portée des autres sorciers. Sans penser à mal ou au contraire en sachant très bien que ça me rendait vulnérable. Sous ma cape, j'ai pu faire des recherches sans trop de risques mais jusqu'à maintenant je n'ai rien trouvé. C'est pour ça que je suis allé dans le désert.
-C'était pire que chercher une aiguille dans une botte de foin Potter !
-Non, je savais où aller, là où j'avais marché sur le nid d'oursins des sables. Je me rappelais avoir tué celui qui s'accrochait à mon bras avec un Mortem. Après, j'ai perdu connaissance. Je me demandais si ma baguette n'était pas restée dans le coin. Elle ne ressemble pas aux bâtons magiques des sorciers du pays. Peut-être qu'ils ne l'avaient pas remarquée et qu'elle était toujours là-bas, dans le sable. J'ai décidé d'y aller mais je me suis perdu.
-Ton sens de l'orientation m'étonnera toujours Potter. Maître Ndiapo t'avait sûrement dit qu'il venait à Ghanzi-Sa par la route de l'Est. Elle est toute droite et jalonnée de pierres. C'était simple.
-Pour toi peut-être mais comme je ne voulais pas qu'on me remarque, je marchais sous ma cape et crois-moi, j'ai regretté de ne pas avoir de baskets aux pieds ! Je suis parti au petit matin et pour trouver la route, je me suis guidé sur le lever du soleil. J'ai facilement passé la Porte, j'ai traversé les champs, les plantations et je suis arrivé là où il n'y a plus que du sable et des buissons. J'ai enlevé ma cape, j'ai marché et sans m'en apercevoir, je me suis écarté de la route. Tout est pareil dans le désert et je n'avais pas mes lunettes. Quand je les pose sur mon nez, tout mon visage me brûle. Une pierre est une pierre, un buisson est un buisson, je n'ai pas vu la différence. Je m'en suis aperçu au bout d'une heure peut-être et je n'avais plus le moindre repère. Qu'est-ce que tu fais quand tu es tout seul au milieu de nulle part et que tout autour de toi, il n'y a rien ?
-D'abord, je réfléchis avant de partir ! Toujours le même Potter, à te lancer tête baissée dans l'aventure comme ça, sans prendre de précautions ! Tu aurais pu y rester ! Au moins avais-tu pris de l'eau ?
-Oui tout de même, dans une gourde en bois de palme. J'avais aussi des noix et des fruits. J'avais réussi à mettre tout ça dans un petit sac en fibres tressées. Tu ne peux pas savoir comme c'est dur de ne rien pouvoir toucher sans ressentir de brûlures ! En plus j'avais emporté ma boussole que j'avais retrouvée dans mon bagage. Je pouvais la tenir avec un bout de ma cape. Mais c'est là que tout a dérapé, à cause d'un de leurs foutus sortilèges ! Pour empêcher les Moldus, qui par hasard franchiraient la barrière magique, de trouver Ghanzi-Sa, les Maîtres du Savoir ont lancé un sort qui fausse l'aiguille des boussoles. Elle n'indique pas le Nord et te fait tourner en rond dans le désert. Oh ! Ils sont très forts ! J'ai marché toute la journée avant de m'apercevoir que je me dirigeais vers l'Ouest et pas vers l'Est ! J'avais dû m'arrêter à plusieurs reprises pour soulager mes pieds et puis, je n'étais plus habitué à tant marcher. Je t'avoue que j'ai eu un moment de désespoir.
-La fin tragique du Grand Harry Potter, Sauveur du Monde Magique !
-Ça te va bien de te moquer ! Heureusement j'avais ma cape ! Je me suis enroulé dedans, ça faisait un peu comme une tente. Je me suis tout de suite senti mieux. Il me restait de l'eau et des fruits. J'ai dormi et au lever du soleil, j'ai retrouvé la bonne direction. J'ai marché longtemps, cinq ou six heures peut-être, en me guidant sur la course du soleil. Et puis j'ai remarqué le vol des oiseaux. Je ne sais pas ce que c'était, trois grands rapaces aux ailes larges, du genre aigle ou vautour, mais avec des plumes multicolores. Plus gros que les perroquets. Ils tournaient en rond au-dessus d'un point du désert et de temps en temps, l'un d'eux piquait vers le sol. J'ai cru qu'ils attaquaient quelqu'un …
-Et tu t'es précipité à son secours ! Griffondor va ! Tu ne changeras jamais !
-Je ne risquais pas grand chose sous ma cape ! Je me suis approché mais il n'y avait personne, seulement un petit renard des sables qui grattait le sol comme un furieux. Mais les oiseaux ne l'attaquaient pas. Ils essayaient d'attraper avec leur bec ce que le fennec déterrait, des trucs ronds et noirs, on aurait dit des petits galets. Et j'ai reconnu l'endroit. Il y avait là quelques tubercules d'Harpagophytum. Les fleurs étaient fanées et les feuilles étaient sèches mais j'avais retrouvé le nid d'oursins des sables. Ce que cherchait le renard et ce que les oiseaux voulaient manger, c'étaient des œufs d'oursins ! Tu te rends compte ?
-Oui et alors ?
-Des oursins ! Des animaux très dangereux ! Qui peuvent faire mourir un humain d'une seule piqûre ! Et eux, là, ils se battaient pour manger leurs œufs! Sans que ça leur fasse le moindre mal ! Le renard en avait un entre les dents et un des oiseaux en gobait un autre ! Alors j'ai eu une brusque révélation ! Les sorciers de Ghanzi avaient emportés les oursins mais ils avaient laissé les œufs dans le sable. Sans doute pour venir les chercher plus tard, quand ils seraient éclos. Tant qu'ils étaient à l'état d’œufs, ils n'avaient pas de venin donc ils ne servaient à rien !
-Bon je suis d'accord. Mais en quoi est-ce une révélation ? Les sorciers auraient dû protéger le nid par des pierres voilà tout ! Combien y avait-il d’oursins dedans quand tu l'as découvert ?
-Je ne sais pas, une dizaine peut-être. Je suppose qu'ils les ont ramenés à Ghanzi-Sa. C'était une bonne récolte.
-Je comprends pourquoi Maître Ndiapo m'a si facilement troqué deux épines. Et les œufs, tu en as vu combien ?
-Beaucoup ! Des gros et des plus petits. Ça faisait comme une énorme grappe de raisin. Les oiseaux visaient les plus gros, Ils avaient l'air de se régaler.
-Mais ça ne m'explique pas en quoi leur découverte est une révélation.
-Les animaux ne les craignent pas ! Au contraire ! Ils les recherchent et quand ils en trouvent, ils sont comme fous. Le fennec ressemblait à un chien qui a trouvé une truffe !
-Tu as déjà vu un chien truffier toi !
-J'ai beaucoup voyagé Malfoy ! Et je pense que ce n'est pas seulement pour leur goût que les animaux mangent ces œufs ! Même s'ils sont piqués plus tard, le venin ne leur fera rien. Ces œufs, c'est l'antidote à la piqûre des oursins ! Un médicament, un vaccin ! Tu sais bien ! Comme dans les cours de potions avec Snape ! Chaque ingrédient est à la fois un poison et un remède. Il faut juste savoir le préparer ! En cherchant ma baguette, j'avais trouvé de quoi me guérir !
-Alors là Potter, tu me bluffes. Tu as compris quelque chose aux cours du professeur Snape toi ?
-Malfoy ! Ne me fais pas plus bête que je ne suis ! J'ai d'ailleurs vu Maître Ndiapo à l’œuvre avec un scarabée venimeux. C'est lui qu'il faut prévenir de ma découverte. Si j'en parle aux Maîtres Guérisseurs de Ghanzi, j'ai peur qu'ils ne me prennent pas au sérieux. Ou plus sûrement, qu'ils gardent ce secret pour eux. Ils ne veulent pas que je parte. Je leur fais croire que je suis encore sous l'influence de leur sortilège mais j'en ai plus qu'assez de cet endroit. Seulement, je ne peux pas partir dans l'état où je suis. Alors es-tu d'accord pour m'aider ?
-Ça tombe bien Potter. Une des clauses de mon troc avec Maître Ndiapo stipule que je dois l'informer sur le traitement qu'on te donne pour soigner ton empoisonnement. Cette histoire va beaucoup l'intéresser. A ce propos, as-tu pu ramasser quelques œufs pour commencer à étudier le remède ?
-J'ai essayé mais je n'ai pas réussi. J'ai enlevé ma cape et j'ai couru vers le nid en agitant les bras et en criant très fort. Je ne pouvais même pas lancer une pierre ! Les animaux devaient être repus car ils ont déguerpi sauf un oiseau qui m'a blessé d'un coup de patte à la poitrine et au bras avant de s'envoler. L'ennui, c'est que moi, j'avais déjà été piqué par un oursin justement de ce côté-là. J'ai fait une mauvaise réaction. J'avais très mal et j'ai senti la fièvre monter très vite. Je n'ai eu que le temps de me réfugier sous ma cape et j'ai commencé à délirer. J'ai vaguement entendu arriver les dromadadaires. On me cherchait mais je ne pouvais ni bouger ni appeler. Les gardes sont repartis. Je crois que je suis resté dans le désert le reste de la journée et la nuit. Le lendemain, j'allais mieux. J'ai bu un peu d'eau et j'ai mangé les fruits. J'ai voulu ramasser quelques œufs mais les gardes avaient rebouché le trou et posé dessus de grosses pierres. Enfin comme ça l'endroit est repérable. Puis j'ai retrouvé le bon chemin qui était tout proche et je me suis mis en route. Je te raconte pas le calvaire ! Ce qui aurait dû me prendre deux heures m'a demandé la matinée.
-Mais c'était le jour de notre arrivée, à Maître Ndiapo et à moi ! On aurait dû te rencontrer en route. On t'aurait aidé.
-En fait, vous me suiviez de peu. Vous m'avez rattrapé à la Porte et c'est seulement à ce moment-là que je vous ai reconnus. Sans mes lunettes, je ne distingue que des silhouettes. Sans rire Malfoy, quand je t'ai vu, toi, je n'en croyais pas mes yeux. J'ai cru que la fièvre revenait et que j'avais des hallucinations ! J'étais sous ma cape et je ne pouvais pas l'enlever devant le garde. Pas question qu'on connaisse mon secret. Je vous ai suivis mais vous avez pris une carriole taxi. Je tenais à peine sur mes jambes. Je suis quand même arrivé à la case hôtel. Je t'ai vu sortir de ta chambre. J'y suis entré et je me suis endormi comme une masse sur ton lit, enveloppé dans ma cape. Je me suis réveillé en vous entendant discuter, maître Ndiapo et toi. J'ai écouté votre conversation. C'était pour moi très instructif. Je me suis manifesté seulement quand tu as commencé à te déshabiller. Heu …
Harry rougit, baissa un peu la tête et sourit. Draco se sentit pâlir mais son visage demeura sans expression.
-Hmm … Moi aussi j'ai cru à une hallucination. Ah Potter ! Tu ne changeras jamais. J'avais dit à Maître Ndiapo que je ne voulais pas avoir affaire à toi, qu'il t'arrivait toujours des ennuis, que tu n'étais qu'un piège à embrouilles. Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ? C'est quoi ton plan pourri ?
-Simple. Trouver l'antidote. Guérir et partir d'ici.
-Simple ? Bravo pour la simplicité !
-Tu peux déjà prévenir Maître Ndiapo. Il t'a acheté une chauve-souris magique non ? Et tu as bien de la chance ! C'est hors de prix ces bestioles ! Mais ce n'est pas aussi pratique que nos hiboux. Elles ne connaissent qu'un chemin, toujours le même. Il l'a bien emmenée chez lui ? Quand doit-elle revenir ?
-Demain matin. Bon, je préviens Maître Ndiapo. Et pour les œufs d'oursins, tu as prévu quoi ? On peut en acheter ? En troquer ?
-Ah non. Les guérisseurs d'ici n'en ont pas l'usage, enfin je ne crois pas … Il faut que Maître Ndiapo aille en chercher dans le désert. Il connaît l'endroit.
-C'est du vol Potter. Les œufs éclos vaudront très cher et ils ne nous appartiennent pas.
-Tu es bien scrupuleux Malfoy ! Je t'ai connu moins rigoriste … sans offense bien sûr ! Mais qui veut la fin veut les moyens. Les oiseaux en ont déjà volé quelques-uns. Maître Ndiapo mettra un beau cadeau dans le nid. Les guérisseurs de Ghanzi croiront à une intervention magique. C'est un troc comme tu dis. Ne me dis pas que tu es aussi à cheval sur les principes quand tu négocies des diamants !
-Et bien si Potter. Je travaille pour une Maison renommée, pas question de transactions douteuses. Mais je me range à ton idée. Il nous faut ces œufs. Et ensuite ?
-Maître Ndiapo est un grand guérisseur. En plus des œufs, il lui faudra la liste de tout ce que je peux toucher, manger et boire. Il fera les mélanges et préparera plusieurs sortes de potions, ou des onguents peut-être comme lorsqu'il a soigné l'homme qui avait été piqué par un scarabée venimeux. Je les testerai jusqu'à ce qu'il ait trouvé la bonne préparation.
-Petit détail Potter. Comment te fera-t-il parvenir ses essais de remèdes ?
-Par ta chauve-souris Malfoy ! Le Réducto, il connaît. Avec ta baguette, il suffira d'un Expenso et tout rentrera dans l'ordre.
-Il faudra plus de trois jours à Maître Ndiapo pour fabriquer un antidote. Tu te souviens de nos essais en cours de potions ? Enfin pour toi, ça pouvait durer des semaines.
-Trois jours ? Tu pars quand ?
-Au plus tard à la fin de la semaine Potter. Je suis supposé être en vacances au Botswana, je me demande encore comment je me suis retrouvé dans cette galère ! Et je te signale que ma vraie destination, c'était une croisière aux Iles Caraïbes. Il ne me reste même pas dix jours avant de reprendre mon travail. Je ne vais pas m'attarder ici pour te faire plaisir … sans offense bien sûr !
-Oh merde ! Je n'avais pas pensé à ça ! Il est vrai qu'avec les sortilèges d'Oubli de Maître Félaro, je ne vois pas le temps passer … Et Offentsé ? Il peut sûrement communiquer avec son père … Enfin je suis sûr qu'il n'a pas de chauve-souris, les étudiants n'ont pas le droit d'en avoir … De toute façon, il me faudrait ma baguette magique pour le sortilège. On en revient au même point. Qu'est-ce que tu proposes ?
-D'aller dormir Potter. Tu sais depuis combien de temps tu me racontes ta vie ? Plus de deux heures. Ta cape te donne peut-être de la force mais moi, je suis vanné. La nuit nous portera conseil et demain matin Uuuiiu sera de retour. Maître Ndiapo aura peut-être eu une idée.
-Uuuiiu ? Tu parles chauve-souris toi ?
-Tu parles bien Fourchelange ! … Allez Potter ! Vire tes fesses de là, continua-t-il en se relevant. Il est tard. Viendras-tu demain soir au dîner de la Grande Maîtresse ? On pourrait jouer la comédie des ex-ennemis qui se retrouvent par hasard. On raconterait Poudlard et ses merveilles …
Harry était en train de se redresser en veillant à ne rien toucher d'autre que le tissu soyeux de sa cape. Il avait remis à ses pieds ses dures socques de bois. Il entendait Malfoy qui évoquait leur jeunesse avec, dans son ancienne voix traînante, une note d'amertume profonde. Lui avait depuis longtemps dépassé le stade des tristes et douloureux souvenirs. Il se tourna vers le jeune homme blond tout en passant la cape au dessus de sa tête et en l'ajustant sur ses épaules. Mais un bout du tissu était resté coincé sous l'une de ses socques. Au moment où il disparaissait, il se sentit trébucher et basculer en avant. Instinctivement, il tendit la main, se raccrocha à Malfoy et lui tomba dans les bras.
o – o – o – o
Un choc … Un silence … Parce que le temps s'arrête …
Et puis deux tambours qui battent sourdement tdoum tdoum …
Deux cœurs qui s'accordent tdoum tdoum ...
Qui s'accélèrent tdoum tdoum tdoum tdoum …
Dans la poitrine de Draco.
Il a fermé les yeux. Un corps masculin collé contre son corps. Deux mains qui se cramponnent à ses épaules. Et dans ses oreilles le sang qui pulse tdoum tdoum tdoum tdoum
Comme il y a si longtemps … Avant … Une seule fois … Jamais oubliée … tdoum tdoum
Dans la poitrine de Harry.
Il est si bien. C'est chaud, c'est doux, c'est confortable. Deux mains qui se crispent sur ses hanches. Dans son cou, le sang qui tambourine tdoum tdoum tdoum tdoum
Des mois que personne ne l'a pris dans ses bras. C'est si bon, même avec l'impalpable barrière de la cape d'invisibilité …
Tdoum tdoum
Dans le Grand Sablier, le Temps qui s'écoule …
Juste pour quelques battements de cœur … joués ensemble … dans la musique de la vie …
Puis ils se séparent. Sans brusquerie. Comme à regrets. Les instants magiques ont ceci de commun avec les rêves. Ils arrivent et ils partent sans retour.
« Désolé, souffle Harry.
-Toujours aussi maladroit, grince Draco. Mais c'est dit sans méchanceté.
Il est immobile au milieu de la chambre. Un « A demain » murmuré. La porte qui s'entrouvre et se referme. Il est seul. Cette nuit, il repenserait à la seule fois où un garçon l'avait tenu dans ses bras. Où son corps avait frémi et s'était enchanté. Où pour lui le paradis s'était entrouvert.
C'était à Poudlard, l'année de la Coupe de feu. Il venait d'avoir quinze ans. Kristoff en avait dix-huit. Il faisait partie de la délégation bulgare conduite par Victor Krum. Il repartait le lendemain pour Durmstrang sur leur étrange bateau sous-marin.
Il lui avait donné rendez-vous sous les branches basses du hêtre tortueux, près du lac. Il était si beau, si mystérieux, si charmeur. Il n'avait rien dit, il l'avait juste pris dans ses bras et il l'avait serré si fort.
Puis il l'avait embrassé.
Draco n'avait jamais oublié ce baiser. Parce que ce soir-là, il avait compris qui il était vraiment.
Il était un Malfoy. Il avait été envoyé comme toute sa famille dans la prestigieuse Maison Serpentard et il en était fier. Les filles de son âge fantasmaient sur sa prestance, sur ses yeux gris et sur ses « cheveux de lune ». Les plus grandes lui coulaient en douce des regards d'invite. Il était Sang Pur, riche et fils unique. Son père cherchait déjà pour lui la fiancée idéale.
Et il préférait les garçons.
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