Chamane 9 Kristoff de Durmstrang
Draco avait mal dormi. Il s'était réveillé à plusieurs reprises. Des rêves le hantaient.
… Kristoff, le beau ténébreux de Durmstang, qui l'avait choisi, lui, entre tous les garçons de Poudlard, qui le regardait avec des yeux brillants et lui envoyait pendant les cours des petits mots spirituels ou des dessins qui le faisaient rire. Qui lui souriait toujours en passant, la tête un peu baissée, l'air mystérieux. Qui le frôlait quelquefois au hasard des couloirs.
Kristoff que les filles de Poudlard suivaient des yeux avec envie et qui ne leur accordait même pas un regard. Le beau brun sportif, qui plongeait et nageait dans le lac même en plein hiver, qui rivalisait à la course avec Victor Krum, qui aurait pu être choisi par la Coupe de Feu pour être le champion de son école.
Kristoff, aimé de tous ses camarades qui le regardaient parfois avec une sorte d'indulgence amusée. Bien sûr, un garçon pas comme les autres.
… Le rendez-vous que Draco avait fini par accepter, par curiosité, parce que quinze ans, c'est l'âge des expériences inédites. Et puis cette atmosphère de secret, d'interdit, l'attirait. Dans le parc, les branches basses du hêtre tortueux avaient vu passer bien des amoureux. Qu'est-ce qu'on ressentait à la nuit tombée quand on rencontrait sous son feuillage une personne qu'on trouvait attirante ? Il avait toujours pensé qu'il y donnerait rendez-vous à une fille, une de celles qui depuis quelque temps lui tournaient autour. Au lieu de ça, il avait accepté d'y rencontrer un garçon. C'était le dernier soir, ça ne portait pas à conséquence. Et puis il en avait envie, vraiment envie. Ce n'était qu'une expérience.
… Elle avait été inoubliable et pourtant il s'était passé si peu de chose. Une étreinte, quelques mots, un baiser. Ce n'était pas ainsi que Draco avait imaginé la chose. Bien sûr, il était au courant pour le sexe. Ses hormones le travaillaient depuis un moment. La branlette, il connaissait. Et il avait entendu pas mal d'histoires salaces, comme il s'en raconte entre garçons, dans les salles communes des quatre Maisons ou dans les vestiaires de Quidditch. Ça concernait les filles, enfin les gonzesses, les nanas, les pisseuses, le vocabulaire était fleuri. Mais aussi les homos, les pédés, les tapettes, ça ne volait pas haut non plus.
Il s'était fait la main sur Pansy Parkinson qui en pinçait pour lui. Juste des caresses sur ses seins et sur ses fesses, agrémentées de quelques baisers dans le cou. Mais bah, ça ne l'enchantait pas plus que ça. Il n'avait jamais touché ou même regardé un garçon. Mais il avait bien sûr remarqué les œillades et les attentions de Kristoff, le beau brun de Durmstrang. Il n'avait pas osé y répondre, pour des tas de raisons plutôt confuses. Jusqu'à cette invitation pour le dernier soir, glissée dans sa main à la fin du dernier cours en commun.
Il avait hoché la tête pour donner son accord. Naturellement, personne dans son dortoir n'était au courant. Il était remonté vers la Grande Salle en prétendant avoir oublié son livres de runes anciennes. Le portail était grand ouvert. La nuit était tombée. Il avait hésité : j'y vais j'y vais pas ? Finalement, il s'était avancé vers l'arbre. Kristoff était déjà là, ombre noire éclairée par un sourire et des mains fines et pâles. Draco ne savait pas trop comment prendre ce premier – et dernier – rendez-vous avec lui. Dans son idée, ils allaient s'asseoir au pied du tronc, ils parleraient de ceci ou de cela. Le beau jeune homme le prendrait peut-être par les épaules. Un simple geste d'amitié.
En tous cas, Draco le repousserait s'il tentait des baisers ou des caresses. Il voulait juste lui dire adieu. Kristoff avait été si gentil avec lui au courant de l'année ! Ça le changeait agréablement de ses passes d'armes avec le Balafré, sa Belette et sa Sang-de-Bourbe ! Dire que cet avorton avait été choisi comme deuxième champion de Poudlard au mépris de tous les règlements ! A ce compte-là, pourquoi pas Kristoff pour Durmstrang et une des compagnes glousseuses et maniérées de Fleur Delacour pour BeauxBâtons !
Mais le beau jeune homme brun l'avait regardé venir vers lui avec des yeux charmeurs. Il l'avait pris par les épaules. Il n'avait rien dit, il l'avait simplement attiré contre lui avec douceur et en souriant il lui avait caressé d'un doigt la joue et le menton. Puis il l'avait serré dans ses bras, si fort que le jeune adolescent blond en avait eu le souffle coupé. Kristoff était plus grand que lui. Draco lui arrivait à l'épaule. Sa tête était posée à la base de son cou. Il sentait son souffle dans ses cheveux. Tout son corps s'appuyait sur le corps de son compagnon d'un soir. Sur ses cuisses fermes, contre sa poitrine et son ventre plat, et juste à la hauteur de son bas-ventre, il y avait cette bosse dure, ce sexe masculin qui répondait au sien. Un corps d'homme. Une expérience. Et une révélation.
Draco l'avait compris immédiatement. Il aimait ça. Rien à foutre de Pansy et des autres filles, pourtant jolies, qui lui faisaient des avances. Leurs attributs féminins et surtout leur parfum lui déplaisaient et leurs mains frôleuses encore plus. Là, sous le hêtre, dans les bras de Kristoff, il était bien. Il s'était juste un peu raidi au début de l'étreinte puis avec un soupir, il s'était laissé aller, regrettant déjà de ne pas avoir goûté à ce plaisir plus tôt dans l'année. Il avait été bien bête ! Les yeux fermés, il écoutait son compagnon murmurer à son oreille, parfois en anglais, parfois en bulgare.
« Enfin ! Je te tiens dans mes bras, mon beau démon blond. Tu m'as fait languir. Mais tu n'étais pas encore prêt. Trop jeune, trop soumis à des modèles stéréotypés. Tu n'avais pas conscience de ta vraie nature. Tu es homo comme moi, comme beaucoup d'autres. Auras-tu le courage d'afficher tes préférences ? Je crois plutôt que tu préféreras te cacher derrière des apparences. Si le fait de m'avoir connu te fait seulement réfléchir à ce que sera ta vie, alors ma longue attente aura servi à quelque chose. Quoi que tu fasses, tu es des nôtres. Je t'aime, Draco. Je t'aime, petit frère. Je peux t'embrasser ? Juste une fois, j'en ai tellement envie. »
Ses bras s'étaient desserrés. Ils s'étaient regardés un long moment, les yeux dans les yeux. Kristoff s'était penché vers lui doucement, en souriant toujours, et il avait juste posé ses lèvres sur celles de Draco. Puis voyant que le jeune homme blond se laissait faire, il avait commencé un vrai baiser. Il avait été agréablement surpris en sentant son jeune compagnon se tendre vers lui et répondre à son invite, un peu maladroitement mais sans réticences. La bouche de Draco s'était ouverte presque aussitôt, laissant un libre accès à sa langue. Pour lui, c'était une découverte agréable ... non, plus que ça ... une révélation merveilleuse. Il n'aurait jamais cru …
Soudain le baiser s'était fait passionné, irrésistible. Ils avaient senti la chaleur les envahir en même temps. Kristoff avait pris le visage de Draco en coupe et ses mains étaient chaudes et enveloppantes. Celles de Draco s'étaient glissées sur la nuque de son compagnon et sous le hêtre tortueux qui avait vu défiler tant de couples, ce n'étaient plus deux amis qui se disaient au revoir mais deux amoureux qui se dévoraient à pleine bouche.
Le premier, Kristoff avait senti l'évolution. Il avait commencé le baiser mais c'étaient les lèvres de Draco qui tout à coup devenaient insistantes. Les mains sur sa nuque se faisaient dures et à son tour, la langue de jeune homme blond passait la barrière des dents, entrait dans la bouche de son partenaire, s'enroulait, caressait, aspirait … Ils ne se séparèrent que quand le souffle leur manqua. Ils restèrent serrés l'un contre l'autre, haletants, presque épuisés, légèrement désorientés. Où étaient-ils ? Qu'est-ce qui s'était passé ?
« Petit démon, tu caches bien ton jeu, pensait le jeune homme brun entre deux bouffées de chaleur. Ainsi tu es dominant. Ça ne m'étonne pas finalement. Sang Pur, orgueilleux, solitaire aussi ... En lutte constante avec Harry Potter parce que c'est le seul ici qui puisse rivaliser avec toi … Ton adversaire désigné. Plus peut-être. Si, comme le pense Igor Karkaroff notre mentor, le plus grand des Mages Noirs est de retour, ton avenir s'annonce difficile. La supériorité des Sangs Purs … Où cela va-t-il nous mener ? A la guerre ?
« Il m'a embrassé. Et j'ai aimé ça. J'ai répondu à son baiser. Je suis homo, comme lui ! … Mais non, c'est impossible ! Je suis normal, hétéro, comme tout le monde … Ah non pas tout le monde ! Il y a ce grand Serdaigle là, je ne connais pas son nom, il est gay lui ! Il le montre clairement. Ceux de sa Maison ont l'air de l'accepter mais il y en a qui se moquent de lui derrière son dos. Et dans la salle commune de Serpentard, on en entend de belles sur son compte ! Mais je ne suis pas comme lui ! Je ne porte pas de petits foulards de soie ! Je ne marche pas comme une fille ! Et je ne fais pas des manières avec mes mains en buvant mon thé ! Je suis un Malfoy ! Ce qui s'est passé avec Kristoff, ça ne compte pas ! Si ça se trouve, il m'a jeté un sortilège ! Pour pouvoir m'embrasser ! Non ! Je ne veux pas … »
Kristoff sentit le raidissement soudain de Draco. Il soupira et desserra aussitôt son étreinte. C'était fini. L'adolescent blond le rejetait et entrait dans le déni. Il se passerait sans doute beaucoup de temps avant qu'il n'accepte sa différence. S'il l'acceptait un jour !
« Que puis-je faire pour toi, petit frère, pensa-t-il avec tristesse. Dommage que ce soit le dernier soir, j'aurais aimé t'aider, t'initier peut-être ? Mais c'est trop tard … ou trop tôt, je ne sais pas. Je peux juste essayer de te rassurer, de t'empêcher d'avoir honte … »
« Draco, dit-il doucement, ne crains rien. Il ne s'est rien passé, tu vas rentrer dans ton dortoir et demain, tu auras oublié. Tous les jeunes gens doivent faire des expériences. Celle-ci en est une. Tu y repenseras peut-être plus tard, quand tu seras devenu un adulte beau et fort. Avec plaisir, avec dégoût ou avec indulgence. En tous cas, moi, je suis heureux de t'avoir connu. Adieu Draco, mon bel ange blond, et merci pour le baiser. Reminiscere longitamus !
Le sortilège devait atténuer le souvenir, lui faire prendre l'aspect d'un simple rêve. Mais il ne l'effaçait pas. Dans certaines circonstances, tout pouvait réapparaître. Et c'était ce qui se passait cette nuit-là pour Draco Malfoy. Il revoyait nettement la scène sous le grand arbre, il retrouvait les sensations éprouvées dans les bras de Kristoff et son corps s'éveillait de nouveau au désir sexuel alors qu'il était resté en sommeil depuis la grande bataille, depuis Azkaban. C'était tout juste s'il flirtait de temps en temps avec les copines de Lizzie.
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Il avait tout de même été l'amant occasionnel d'une Colombienne de Muso, une veuve à la mi-trentaine épanouie, qui lui avait littéralement jeté le grappin dessus. Enfin disons qu'il avait passé quelques nuits dans son lit, répondant à ses invites parce qu'il était un homme et que c'était ce qu'elle attendait de lui mais il n'y avait guère mis de passion. Ils étaient allés ensemble à quelques réceptions, elle paradait à son bras mais il gardait un air assez froid et hautain. Il gagnait bien sa vie même s'il n'était pas riche. Il ne tenait pas à passer pour un gigolo.
Enfin dans le cercle fermé des gens fortunés de Muso, tout le monde connaissait le goût prononcé de Maria-Luisa, la belle veuve, pour les beaux jeunes hommes, surtout les blonds ! C'était une femme-couguar, libre et indépendante. Son défunt mari, un gros planteur de café, lui avait laissé après sa mort accidentelle, une belle fortune à dépenser et elle ne s'en privait pas. Quelque part dans son subconscient, Draco se rassurait en sa compagnie. Il était dans un pays assez machiste et se conduisait donc comme le voulait la tradition. Il n'y trouvait pas une satisfaction totale. D'ailleurs, lors de leur dernière rencontre, la belle dame lui avait dit d'un ton mi-figue mi-raisin : « La prochaine fois, je te présenterai à mon jeune frère, il te plaira sûrement.» Mais il n'y aurait pas de prochaine fois, Merlin merci !
Ici, à Ghanzi, Draco se méfiait des sorcières tout en les trouvant belles et hardies. Il déclinait aimablement leurs avances. Et voilà qu'il flashait pour la première fois depuis Poudlard sur le corps d'un homme ! Le corps presque nu de HARRY POTTER ! Dans son rêve, son cauchemar plutôt, le baiser donné autrefois à Kristoff se prolongeait par la vision de deux corps enlacés, deux corps masculins au sexe dressé, à la peau luisante de sueur, à la chevelure contrastée, blonde et brune mélangée … Mais la brune, ce n'était pas celle, bien disciplinée, du jeune homme de Durmstrang, c'était celle, tout ébouriffée, de son ennemi de toujours, le Griffondor détesté de sa jeunesse. Il entendait des soupirs, des cris étouffés, des râles de plaisir …
Il s'éveilla en sursaut et se redressa brusquement. La chambre était silencieuse. Il n'y avait personne dans son lit. Il était en Afrique, pas en Angleterre. Il retomba sur son coussin en maudissant Zabini, Ndiapo, Lovegood, et les foutues circonstances qui l'avaient amenées en ce lieu, justement là où se trouvait Potter. Un Potter qu'il avait déjà vu nu sous une douche, environné de gouttes d'eau scintillantes. Un Potter maintenant en perdition, qu'il devait sauver – et il ne savait pas comment ! - Un Potter à qui il ne devait rien, à qui il n'avait pas pensé depuis longtemps et qui se retrouvait encore une fois en travers de son chemin ! Saloperie de vie !
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Draco se leva de méchante humeur et dut se contenter de l'eau fraîche du pichet dans le coin toilette pour calmer son érection matinale, conséquence à ses cauchemars nocturnes. Il trouva la petite chauve-souris magique accrochée devant la fenêtre de sa chambre. Elle portait, attaché sur son dos, un petit étui contenant un message écrit par Gammla. « Elle connaît ma maison, tu peux la renvoyer ce soir si tu as du nouveau. » Eh bien du nouveau, il y en avait, avec cette histoire d’œufs d'oursins racontée par Potter ! Draco remit la réponse à plus tard. Il donna à la petite bête sa ration d'insectes séchés, elle se suspendit au toit par la griffe de son pouce, s'enroula dans ses ailes et s'endormit.
Au petit déjeuner, les habituelles dames de compagnie de la Grande Maîtresse rôdèrent un peu autour de Draco. Il les ignora, il n'était pas d'humeur à faire des amabilités. Mais ce fut un adolescent qui s'installa sans façon à sa table. Draco se raidit et fronça les sourcils. Se pourrait-il qu'on cherche à le séduire d'une nouvelle façon ? Mais non. Le jeune garçon expliqua tout de go qu'il venait d'arriver à Ghanzi-Sa avec sa mère pour un cycle d'études de douze lunes et qu'il avait entendu parler de lui. De ses cheveux ! « Encore ! » pensa Draco avec une mauvaise humeur croissante. Il s'apprêtait à rembarrer vertement le jeune importun mais un sourire de celui-ci le désarma.
L'adolescent était très beau, il avait la peau claire et une coiffure très élaborée, faite de fines tresses ornées de perles et de brins de laine colorés. Il expliquait dans un anglais très correct qu'il était depuis peu élève d'un sorcier expert en magie capillaire et qu'il avait besoin d'une « tête » pour un test de ses connaissances en coiffure. Tout à coup, Draco se mit à rire. Cette proposition saugrenue tombait à pic pour le sortir de ses pensées moroses. Se faire coiffer, pourquoi pas ? Il n'avait rien de prévu dans la matinée, il ne verrait Potter que l'après-midi. Il donna son accord. Tout heureux, le jeune garçon fit signe à sa mère qui discutait avec d'autres femmes. Elle s'approcha.
C'était une femme superbe, à la peau d'un noir profond, mise en valeur par son magnifique boubou d'un vert clair aux motifs argentés. « Les couleurs de Serpentard ! » se dit Draco en souriant intérieurement. Décidément, la matinée mal commencée s'éclaircissait. Elle avait un visage de reine égyptienne avec des yeux noirs légèrement étirés vers les tempes, un nez droit et des lèvres roses. Elle devait venir d'une autre région que les sorcières de Ghanzi. D'ailleurs le jeune garçon s'adressa à elle dans un langage autre que le twsana'. Elle sourit et hocha la tête pour donner son accord. Elle n'agissait pas comme les libres sorcières de la cité. Elle ne tentait pas de le séduire. Draco lui en fut reconnaissant. Il partit donc avec l'apprenti coiffeur vers un quartier de la ville qu'il ne connaissait pas.
« Je m'appelle Iméo, bavardait l'adolescent. Maître Kori m'a accepté comme élève. C'est ma mère qui m'a enseigné l'art de la coiffure. Il me reste à apprendre la coupe sans ciseaux, le défrisage et le lissage, les huiles et teintures et l'utilisation des plumes et des fleurs. Je dois aussi chercher ma pierre pour mon bâton sorcier. Ne craignez rien. Aujourd'hui, je dois seulement composer une coiffure de fête sans rien utiliser d'autre qu'un peigne et la magie que je possède déjà. Elle n'est pas très grande mais l'art de la coiffure est dans ma famille depuis les temps anciens. Ce sera un plaisir de travailler avec vos cheveux. J'avais remarqué leur texture et surtout leur couleur dès votre entrée dans la case restaurant. Que faites-vous à Ghanzi-Sa ? On ne voit pas souvent d'homme blond par ici.
-Je suis de passage, répondit Draco que le babillage de l'adolescent amusait. Je suis venu voir un ancien camarade, Harry Potter.
-Oh ! Harry Potter ? L'homme qui a été piqué par un oursin des sables ? On dit qu'il a les cheveux longs parce que personne ne peut les lui couper. Je suis sûr que ma mère pourrait le faire. Elle peut coiffer les gens sans les toucher, juste avec sa magie. Elle est belle ma mère, pas vrai ? Elle aime beaucoup les hommes blonds. Mon père est un sorcier sweden … suédois. Mes deux jeunes sœurs aussi ont la peau claire. Un Français et un Italien de passage dans notre ville. Seul mon frère aîné est noir comme elle. C'est son premier enfant, du temps où elle était mariée avec un sorcier de notre pays. Mais elle a divorcé après la naissance. C'est la coutume chez nous. Les femmes se marient, elles offrent un fils à leur époux et ensuite elles sont libres de faire ce qu'elles veulent, rester ou partir. Mais ne vous en faites pas. Ma mère n'en a pas après vous. Vous êtes trop jeune. Et puis, elle dit que maintenant, elle a assez d'enfants …
Draco n'écoutait que d'une oreille. Il observait avec curiosité le quartier qui semblait se consacrer uniquement à la beauté. Chaque boutique présentait des produits pour la toilette, des savons, des fards, des bijoux, de longues écharpes brodées et des chapeaux de toutes sortes, des accessoires divers, peignes d'écaille, brosses en soie, éponges végétales venues de mers lointaines ... Il y avait des tissus légers aux couleurs vibrantes qui s'agitaient d'un mur à l'autre des ruelles. Un entêtant parfum de musc et de fleurs flottait partout et toutes les personnes présentes paraissaient belles et joyeuses. Des groupes se formaient et obstruaient le passage, ça palabrait dans tous les cons, Iméo se faufilait dans la foule et Draco le suivait, le sourire aux lèvres.
Il arrivèrent dans une petite cour carrée, devant une porte où pendait un rideau de grosses perles brunes. Elles tintèrent musicalement quand ils entrèrent. C'était le salon de coiffure de Maître Kori, une vaste pièce ronde sans fenêtres, agrandie magiquement et éclairée par de gros globes lumineux flottant en l'air. Ça ne ressemblait à rien de ce que Draco connaissait en la matière. Pas de grands fauteuils, de miroirs aux murs ou de séchoirs alignés l'un à côté de l'autre. Juste des murs blancs, un toit pointu en paille, une petite cheminée où brillaient quelques braises et, éparpillés dans la pièce, plusieurs gros poufs de cuir colorés. Au centre, un bassin de bois surélevé contenait une eau claire et frémissante
Le salon était vide à l'exception d'un homme d'un certain âge assis en tailleur près de l'entrée sur une sorte d'estrade surélevée. Iméo le salua et fit les présentations en utilisant la langue anglaise :
« Voici Maître Kori qui a accepté d'être mon professeur. Maître, ce monsieur veut bien me servir de modèle pour ma démonstration de coiffure. Etes-vous d'accord ?
L'homme leva les yeux vers Draco. Il laissa passer un temps de silence puis il sourit.
-Le voyageur aux cheveux d'argent brillant au soleil ? Tu ne pouvais pas mieux choisir Iméo. Comment devons-nous te nommer ? ajouta-t-il en s'adressant à son visiteur. Le nom est le premier lien entre des personnes qui doivent se faire confiance.
Se souvenant qu'ici, on n'utilisait les patronymes que pour les célébrations, le jeune homme répondit en souriant à son tour :
-Je m'appelle Draco.
-Hé bien Draco, je te félicite pour ton courage. Confier ta magnifique chevelure aux mains d'un apprenti coiffeur est peut-être imprudent … Mais je te rassure tout de suite, ajouta-t-il en voyant le jeune homme froncer les sourcils, tu ne cours aucun danger. Dans notre Confrérie, nous prêtons serment de ne causer à nos clients aucun dommage. Tu sortiras d'ici avec exactement le même nombre de cheveux. Ils auront la même couleur et seront coiffés à ta convenance. Sommes-nous d'accord ?
Maître Kori souriait, Iméo avait l'air inquiet, comme s'il craignait maintenant le départ de son invité. Mais Draco se sentait tout à coup de très bonne humeur, l'effet salon de coiffure sans doute. Il hocha la tête. Avec un sourire jusqu'aux oreilles, Iméo l'installa sur un pouf au bord du bassin et entreprit de lui laver les cheveux. L'eau était juste à la bonne température, le shampoing agréablement parfumé et les mains de l'adolescent d'une douceur sans pareille. Draco avait fermé les yeux, il ne s'était pas senti aussi bien depuis très longtemps. Tous ses soucis, tous ses problèmes s'en allaient avec la mousse qui flottait sur le bassin et s'évacuait ensuite en tourbillonnant. Il se rendait vaguement compte que le jeune apprenti utilisait aussi une certaine forme de magie mais ne s'en formalisa pas.
Puis il eut droit à une véritable séance d'essayage qui lui rappela le temps où autrefois, quand il était fier et riche, il choisissait des vêtements dans les boutiques sorcières du Chemin de Traverse. Selon les directives de Maître Kori, Iméo brossait, tressait, bouclait, méchait, aplatissait ou ébouriffait ses cheveux de ses mains habiles et lui composait en quelques minutes diverses coiffures toutes plus extravagantes les unes que les autres. Draco se regardait ensuite dans un petit miroir ovale à peine plus grand que la main mais qui montrait magiquement la tête sous tous ses angles, et il partait le plus souvent d'un grand éclat de rire. Les chefs-d’œuvre du jeune artiste ne convenait pas du tout à son fin visage mais ce n'était pas le but de l'exercice. Iméo faisait surtout la démonstration de son savoir et de sa dextérité et Maître Kori semblait apprécier.
Au bout d'une heure, le rideau de perles tinta à la porte du salon et une petite dame entra. Vraiment petite, de la taille d'une enfant de dix ans à peine, mais avec le visage lisse et serein d'une femme d'un certain âge. Elle laissa retomber le rideau de perles et s'arrêta. Ce devait être quelqu'un d'important car Maître Kori se leva aussitôt et la salua. Iméo, interrompu au milieu d'une phrase, avait la bouche ouverte et le peigne en suspens au dessus de la tête de Draco. Il y eut palabre à l'entrée, l'adolescent se reprit et se pencha pour murmurer à l'oreille de Draco :
-C'est la troisième cousine d'une tante de ma mère. Je vais loger chez elle pendant mon apprentissage. Je ne savais pas qu'elle devait venir au salon, elle a tant d'occupations !
Et comme Draco le regardait avec un air d'interrogation, il ajouta comme si c'était une évidence :
-C'est Ama Zié, la Gardienne des abeilles.
Draco ne savait pas ce qu'il voulait dire par là Mais il se leva à son tour et salua pendant qu'Iméo saisissait la main de la petite dame et y posait son front en signe de profond respect en murmurant :
-Ama Zié, c'est un grand honneur !
Puis se souvenant sans doute que sa parente ne parlait pas l'anglais, il continua en employant le tswana'. La petite dame regardait Draco en souriant, le jeune homme rougit en se demandant quelle sorte de coiffure Iméo venait de lui faire mais elle fit un petit geste de la main et prononça quelques mots. Il reconnut immédiatement l'expression qu'il avait déjà entendue plusieurs fois à propos de la couleur de ses cheveux Mais elle ajouta quelque chose que l'adolescent traduisit aussitôt :
-Ama dit que vos cheveux sont comme le miel de calamandier. Les abeilles viennent juste de terminer la récolte.
Draco comprit alors que la petite dame s'occupait des ruches de Ghanzi-Sa. Ce devait être un poste important vu le respect dont on l'entourait. Il se rassit, Maître Kori fit signe à Iméo de continuer son travail, l'Ama s'installa à ses côtés et ils se mirent à palabrer en désignant de temps en temps le jeune garçon de la main. Ils devaient mettre au point les modalités de son apprentissage. Iméo ne bougeait pas, ne parlait pas, la visite de sa parente semblait le stupéfier. Draco lui tapota le bras et lui dit à voix basse :
-Si le test est terminé, peux-tu me coiffer plus simplement ? Je suis invité ce soir chez la Grande Maîtresse. Je ne voudrais pas avoir un nid d'oiseau sur la tête comme Harry Potter dans sa jeunesse.
-Oh ! Harry Potter, dit Iméo en revenant sur terre. J'en parlerai à ma mère.
Il reprit son peigne et quand Draco se regarda dans le petit miroir, il découvrit une coiffure simple mais élégante, exactement ce qu'il souhaitait. Pendant ce temps, la palabre se terminait, l'Ama des abeilles se tourna vers eux et prononça quelques mots. Iméo eut l'ait content. Il répondit en twana' puis il dit à Draco d'un ton réjoui :
-Ama Zié et Maître Kori se sont mis d'accord. Ah ! Demain matin, vous êtes invité à visiter le rucher et à goûter les miels de la nouvelle récolte. C'est un grand honneur ! Je vous y conduirai moi-même ! …
Comment faire comprendre à l'enthousiaste adolescent que Draco comptait partir le plus vite possible de Ghanzi pour regagner Londres ? D'autant qu'il refusa la pièce que le jeune homme voulait lui donner en paiement de son travail !
-Non non, c'est moi qui vous suis redevable ! En échange, ma mère s'occupera des cheveux de votre ami. Vous verrez ! Ça lui fera sûrement plaisir !
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