Chapitre 10 Le lendemain matin, Julien avait ouvert les yeux avant que son réveil ne sonne. Il en profita pour vite l’éteindre afin de ne pas éveiller le petit ange qui dormait encore. Il le regarda dormir un moment avant de se lever pour se préparer. Le mouvement du lit, lorsque le jeune homme le quitta, éveilla Tristan. Ils se saluèrent tout deux et le frère de Lucie fit la moue, embarrassé d’avoir rejoint son ami pendant la nuit. Il redoutait un peu la réaction qu’il allait avoir. « Comment tu te sens ? » demanda Julien. « Tu n’es pas fâché ? » questionna le blond sans même prendre la peine de répondre. « Pourquoi je le serais ? Parce que tu es venu me rejoindre discrètement cette nuit ? » Le jumeau hocha simplement la tête en guise de réponse, ce qui fit sourire son ami. « Bien sûr que non, je ne suis pas fâché. Je n’ai aucune raison de l’être. Je t’ai déjà dit que je serai toujours là pour toi. Mais je vais quand même prévenir François, il n’a pas l’air d’être quelqu’un de jaloux mais je préfère néanmoins le mettre au courant. » « Je suis désolé », souffla Tristan, espérant ne pas avoir causé d’ennui à Julien par pur égoïsme. Ce dernier entamait à peine sa relation avec le professeur Nelson, il s’en serait voulu d’être la cause de leur première dispute. « Il ne faut pas mon ange, on ne fait rien de mal il comprendra. Ce n’est plus un gamin. Je suis sûr qu’au contraire il s’en fait aussi beaucoup pour toi, comme nous tous », le rassura son ami. « Il est gentil. C’est bien, au moins il prendra bien soin de toi. » « Oui, j’en suis sûr. Repose-toi encore un peu. Je dois y aller mais Lucie va rester près de toi toute la journée », conclut l’étudiant avant d’embrasser le front de son ange et d’aller se préparer. Lorsqu’il rejoignit la cuisine, Lucie et Hélène l’attendaient déjà devant le petit déjeuner. Il mangea avec elles en les rassurant sur l’état du jeune homme qui s’était rendormi à l’étage. Il prévint également qu’il serait en retard le soir, vu qu’il désirait rendre visite à Camille avant de rentrer. Durant la journée, Julien n’eut pas l’occasion de croiser son petit ami en dehors des cours. Dès qu’ils furent terminés, il se dirigea automatiquement vers la bibliothèque, espérant l’y trouver, mais sans succès. C’est à ce moment que son portable sonna ; François voulait le prévenir qu’il l’attendait déjà chez sa grand-mère. L’étudiant se rendit donc vers la maison de cette dernière. Une fois sa destination atteinte, Julien salua la vieille dame et s’excusa encore pour la journée épouvantable qu’elle avait dû passer dimanche. Elle lui répéta qu’il ne devait pas s’inquiéter avec ça et qu’il n’avait aucune raison de s’excuser. Elle demanda ensuite des nouvelles de son ami et lui fit savoir par la même occasion que ce dernier était le bien venu chez elle, s’il le désirait. Julien la remercia chaleureusement et lui promit de faire part de son offre à Tristan. François, se sentant délaissé, finit par protester. « Et moi, tu m’ignores ? Je n’ai pas droit à un bonjour de ta part ? » plaisanta-t-il. « Mais je vous ai déjà salué à l’entrée de l’auditorium, Monsieur Nelson… » taquina le jeune homme. Le professeur se fit faussement boudeur et Julien l’attira à lui pour un doux baiser, afin de se faire pardonner. Camille gloussa en les regardant s’asticoter comme deux gamins. Elle n’avait jamais vu son petit fils se comporter de cette façon et cela lui plaisait beaucoup. Pour elle, c’était la preuve qu’il se sentait bien et libre avec l’étudiant. C’est vrai qu’elle n’était pas habituée aux relations homosexuelles, de son temps c’était tabou. Mais à l’heure actuelle ce n’était plus le cas, ou beaucoup moins, et elle acceptait cela. Surtout que seul le bonheur de François lui importait. « À propos, comment ça se fait que tu ne sois pas à la bibliothèque ? » demanda l’étudiant. « À partir d’aujourd’hui, quelqu’un d’autre sera de garde le lundi, mercredi et vendredi. J’aurai plus de temps à moi comme ça. Et à toi si tu le veux. » « Bien sûr que je veux ! » s’anima le jeune homme, ce qui amusa son aîné. « Pour l’instant, j’ai rendez-vous avec la directrice de l’orphelinat. Tu veux bien m’y accompagner ? » « … Oui… si tu veux… » répondit Julien en se demandant bien ce que son petit ami allait faire là. Il ajouta « Avant qu’on ne parte, je voudrais juste te dire une petite chose. Tristan est venu me rejoindre dans mon lit cette nuit. Il ne s’est rien passé bien sûr, mais je voulais que tu le saches. J’aimerais qu’il n’y ait jamais de secret entre nous. » « Merci, j’apprécie que tu me le dises. Je suis tout à fait d’accord avec toi, j’aimerais aussi qu’on puisse tout se dire et qu’on ne se cache jamais rien. Et ne te tracasse pas pour moi, j’ai confiance en toi et je sais que ton ami a besoin de toi, surtout en ce moment. Tu es l’homme qu’il aime, mais aussi son meilleur ami, c’est normal qu’il cherche du réconfort à tes côtés. Essaie juste de rester clair, du point de vue de ton attitude je veux dire. Je ne dis pas ça pour moi mais pour lui, ça serait moche qu’il se fasse de fausses idées et voit autre chose dans l’apaisement que tu lui apportes. » « Merci d’être aussi compréhensif François. Il est comme mon petit frère et ça ne changera jamais. Et il en est bien conscient ne t’en fais pas. Ça ne t’embête pas alors, si je le laisse encore un peu dormir avec moi, tant qu’il ne va pas mieux ? » « Non ça ne m’embête pas, mais il ne faudrait pas qu’il s’y habitue trop non plus, hein ! » sourit le professeur en lui faisant un clin d’oeil. « Tu es vraiment incroyable, moi je crois que ça me rendrait dingue ! » avoua l’étudiant. « Tu ne me ferais pas confiance ? » « Si, bien sûr, mais je serais quand même jaloux. Je crois que je n’arriverais pas à faire autrement. » François ne put s’empêcher de sourire à cette remarque. Dans un sens, ça lui faisait plaisir d’entendre ça. Peut être aurait-il dû lui dire aussi qu’il serait jaloux ? Même si ce sentiment n’était pas dans sa nature. Non, il devait rester honnête. Ne jamais lui mentir et il espérait que Julien en ferait autant. Monsieur Nelson signala qu’il était temps de partir pour ne pas arriver en retard à son rendez-vous. Il quittèrent Camille en l’embrassant chacun à leur tour et se mirent en route. Sur le chemin, François expliqua la raison de cet entretien à son petit ami. Il connaissait bien la directrice de l’établissement. Sachant qu’ils avaient besoin d’aide là-bas et recherchaient quelqu’un, il l’avait appelée dès la première heure pour discuter d’un poste éventuel pour Lucie. Le professeur apprit à Julien qu’il avait promis à la jeune fille de l’aider à trouver un petit boulot. « C’est génial ! Tu sais, si c’est pour travailler avec des gosses Tristan serait encore beaucoup mieux. Il adore les enfants et ça lui ferait beaucoup de bien au moral », s’enthousiasma Julien. « Comme je ne connais que Lucie, c’est à elle que j’ai pensé en premier. Mais tu les connais mieux que moi, c’est pour ça que je t’ai demandé de m’accompagner. » L’orphelinat n’était pas très attrayant à première vue, c’était un vieux bâtiment prolongé par un grillage qui entourait une petite cour. Heureusement que les grilles avaient été peintes de toutes les couleurs, ça égayait un peu. François rassura Julien en lui disant que l’intérieur était très bien, ainsi que le jardin se situant à l’arrière. En effet, la porte d’entrée passée, l’endroit était très chaleureux et accueillant. Une fois à l’intérieur, l’enseignant fit les présentations entre son élève et la directrice des lieux, madame Silva. Il promit à cette dernière de passer voir les enfants avant de partir, ils étaient toujours très heureux de recevoir de la visite. « Julien est l’ami de la jeune fille dont je vous ai parlé. D’après lui, le frère de celle-ci conviendrait encore mieux pour ce poste. Il s’entend remarquablement bien avec les enfants », expliqua le professeur. « J’aimerais les rencontrer tous les deux pour pouvoir en juger par moi-même. Mais je ne prendrai aucune autre candidature avant de les avoir vus. Je serais ravie de pouvoir vous rendre ce service. Faites les venir le plus vite possible. J’ai deux places de disponibles, un mi-temps et un temps plein. Mais si j’ai bien compris ils sont étudiants, donc, on verra lequel d’entre eux convient le mieux », conclut la directrice. François et Julien la remercièrent et avant de repartir, ils passèrent voir les enfants qui se trouvaient au réfectoire. L’étudiant sourit lorsqu’il découvrit les lieux. Les enfants avaient insistés pour que les tables soient alignées de la même façon que dans « Harry Potter », même les couleurs des différentes maisons du livre avaient été respectées. L’étudiant apprit alors que François passait leur rendre visite de temps en temps, il venait parfois leur lire des histoires ou leur apporter quelques cadeaux pour les fêtes. Le jeune homme était en admiration devant son petit ami, apporter un peu d’amour aux orphelins il trouvait ça génial. Il se dit que c’était peut être lié au fait que François n’avait plus de parents. Même si Julien lui avait dit qu’il attendrait qu’il ait envie de lui en parler, le jeune homme était curieux de savoir ce qui lui était arrivé par le passé. La première pensée qu’il avait eue en le voyant avec les enfants était qu’il avait peut être lui-même vécu à l’orphelinat, puis il s’était ravisé en se disant qu’il avait Camille, donc que ça ne devait pas être ça. De retour chez les Polet, l’enseignant expliqua la situation aux jumeaux. Ils étaient partants tous les deux et vraiment très content que monsieur Nelson cherche à les aider aussi rapidement. Le moral de Tristan remontait déjà un peu rien qu’à l’idée de peut être avoir la chance de travailler avec des enfants. Au plus vite il s’occuperait l’esprit, au mieux ça serait. Il ferait tout son possible pour obtenir ce poste. Le jour de l’entrevue, la directrice décida de les voir séparément. Après s’être tous trois salués, elle commença par faire entrer le jeune homme dans son bureau pendant que Lucie attendait à l’extérieur. L’endroit était très ordonné et amical, à l’image de la personne qui l’utilisait. Cette dernière devait avoir une soixantaine d’années, de premier abord elle avait l’air dur et sévère mais en fait, elle était très gentille et compréhensive. Bien sûr, elle avait l’autorité nécessaire pour diriger ce genre d’établissement. Les murs de la pièce étaient tapissés de photos et dessins des petits pensionnaires. Cela plut beaucoup à Tristan et Madame Silva s’amusa de son regard émerveillé. « Monsieur Nelson m’a parlé de vous et de ce qui vous arrive. Il parait que vous aimez beaucoup les enfants ? » questionna la responsable des lieux. « Oui, je les adore. J’avais d’ailleurs hésité entre les études de psychologie de l’enfant et de pédiatrie. Mais je souhaitais dans tout les cas choisir un domaine qui me permettrait de travailler avec eux dans l’avenir », expliqua Tristan. « C’est très bien ça. Vu la situation… allez-vous poursuivre vos études ? » « Si vous me donnez la chance de pouvoir travailler ici à temps plein, non, je les arrêterai. J’aurais un travail qui me plaît. Et j’avoue que maintenant je n’ai plus vraiment les moyens de les continuer. J’aimerais beaucoup pouvoir me lancer dans la vie professionnelle et ainsi être capable de subvenir à mes besoins seul », argumenta le jeune homme. Son attitude était calme et posée, cela plaisait beaucoup à madame Silva. « Verriez-vous un inconvénient à suivre des cours du soir deux jours par semaine ? Cela en supplément des journées complètes de travail du lundi au vendredi ? » « Non aucun, je comprends très bien. Je n’ai pas d’expérience avec les enfants, même si je les adore. Il est normal que j’apprenne ce qui est nécessaire pour pouvoir travailler à leur contact au mieux et selon leurs besoins. » « Bien, vous me plaisez Tristan. Mais que les choses soient claires, si ça s’arrange entre vos parents et vous, ce que je vous souhaite de tout cœur, il n’est pas question de changer d’avis. Je n’ai pas l’intention de vous former pour devoir recommencer avec quelqu’un d’autre dans quelques temps. Nous sommes d’accord ? » demanda la directrice, question qui n’en était pas vraiment une. « Tout à fait. Ils ne reviendront jamais sur leur décision mais sachez que même s’il n’y avait pas eu cet incident entre eux et moi, et que j’avais eu l’opportunité de venir travailler ici, j’aurais accepté tout de suite », la tranquillisa le jumeau. « Très bien, dans ce cas je vous prends à l’essai pendant un mois et nous discuterons de votre contrat définitif à ce moment là. J’aimerais que vous commenciez dès lundi, à huit heures. » « Je serai là sans faute », s’anima le garçon, avant de tempérer son enthousiasme pour demander « Est-ce que Monsieur Nelson vous a parlé de la raison du rejet de mes parents ? » « En effet. Ne vous inquiétez pas, vos préférences m’importent peu, ce qui compte pour moi c’est que vous faisiez votre travail correctement », le rassura-t-elle. « Merci beaucoup ! Je ne vous décevrai pas ! » promit-il. Tristan quitta la pièce et céda la place à sa sœur. Cette dernière tenait absolument à poursuivre ses études, mais obtient quand même le mi-temps qui concordait avec ses horaires. Elle travaillerait de dix-huit à vingt heures en semaines, pour aider au moment du repas des enfants, et le samedi de onze à vingt heures. Les jumeaux rentrèrent heureux d’avoir trouvé un job si rapidement. Ils n’oublièrent pas de grandement remercier monsieur Nelson, grâce à qui cela avait été possible. Tout s’était passé tellement vite qu’ils avaient encore du mal à réaliser. Le lendemain, désireux de se réconcilier avec Simon, Lucie et son frère passèrent chez lui. Il n’était pas question de perdre leur belle amitié. Les choses s’arrangèrent assez facilement, le fait que le jeune homme ne sache rien refuser à Lucie aidait beaucoup. Il n’avait pas vraiment été fâché mais plutôt surpris. Il s’était aussi senti trahi, car apparemment il était le seul à ne pas être dans le secret. Il accepta l’homosexualité de Tristan, même s’il n’arrivait pas à comprendre cette préférence. En ce qui concernait Julien, il restait sceptique. Après ce qu’il avait subi, il ne comprenait pas qu’il puisse s’intéresser à un homme. Mais il était son meilleur ami et Simon serait à ses côtés au cas où ça se passerait mal. Quelques jours plus tard, ils passèrent tous la soirée chez Julien, Simon et François y compris. Le professeur observait Tristan, il pouvait voir à quel point l’abandon de ses parents faisait encore souffrir le garçon. « Tristan, tu finiras par te sentir mieux avec le temps tu sais. Tu n’oublieras jamais, mais ça ira mieux. Petit à petit ta vie se reconstruira sur de nouvelles bases. Déjà avec ton travail, ça t’aidera beaucoup tu verras », tenta l’enseignant pour lui remonter le moral. « Merci, je sais bien tout ça mais pour le moment ce n’est pas évident. Vous n’avez plus que votre grand-mère je crois ? Mais ce n’est pas tout à fait pareil, je peux croiser mes parents n’importe quand, ils ne sont pas morts. » « Les miens non plus, je suis juste mort pour eux. Je n’ai même jamais existé en fait », répondit monsieur Nelson très calmement. Cette révélation leur fit à tous l’effet d’une grande claque, ils ne s’attendaient pas à une telle réponse. Il restèrent bouche bée un moment et un grand froid traversa l’échine de chacun. Toutefois, le masque de douleur couvrant le visage de François les retint d’ajouter quoi que ce soit. Julien serra son petit ami contre lui mais ne posa aucune question, il savait qu’il n’était pas encore prêt à en parler et certainement pas devant tout le monde. François essaya de ne plus penser à ses tristes souvenirs, il ne voulait pour rien au monde se mettre à pleurer devant eux. Julien, qui s’en rendit compte, changea de sujet. Le professeur apprécia beaucoup le geste, ainsi que la discrétion dont Julien faisait preuve. Qu’est-ce qu’il pouvait l’aimer ! Ils parlèrent alors de la soirée costumée qui précéderait Noël. Ils s’y rendraient tous. Et même si François ne pouvait pas passer toute la soirée avec eux, il ferait de son mieux pour rester en leur compagnie le plus longtemps possible. Simon serait l’invité de Lucie et Tristan celui de Julien, et tant pis pour les rumeurs. Il n’y en aurait probablement pas, car tout le monde les savait inséparables. La seule question qui se posait de plus en plus chez les autres élèves était ce changement d’attitude chez Julien. Lui qui passait d’une conquête à l’autre, c’était terminé. Ils ne comprenaient vraiment pas ce qui se passait. Cela ne faisait pas si longtemps que le jeune homme et son professeur étaient ensemble, mais depuis que l’étudiant se posait des questions sur la nature de ses sentiments, il s’était assagi. Même avant qu’il ne commence à être troublé à vrai dire, plutôt depuis la confession de Tristan. Ce n’était pas si évident pour François et son élève de dissimuler leur secret, ils espéraient que cela ne viendrait pas à s’apprendre, mais ne se faisaient pas trop d’illusion non plus. A suivre… |