Chapitre 14 François se rendit à la soirée costumée en compagnie de son frère. Comme ce dernier était ami avec Julien, c’était la parfaite excuse pour pouvoir passer toute la fête ensemble. Ethan était content, il allait enfin rencontrer les fameux amis dont il entendait parler sans arrêt. Il n’en avait toujours pas eu l’occasion. Il était surtout impatient de faire la connaissance de Lucie, elle avait l'air d'avoir un caractère bien trempé, comme le sien. Julien lui avait assuré qu'il s'entendrait probablement avec tout le monde. Il l’espérait en tout cas, ça l’aiderait à se rapprocher de son frère. Il avait toujours eu pas mal de copains mais pas d’amitié aussi solide et durable que celle qui liait les amis de son aîné. Visiblement ça ne leur avait posé aucun problème de faire une petite place à François alors pourquoi pas à lui ? Le quatuor inséparable arriva en premier. Lucie était déguisée en petit chaperon rouge, Simon en militaire et Julien en pirate. Tristan, lui, incarnait une superbe noble du dix-huitième siècle, il portait même la perruque et le rembourrage, rien ne manquait. Si Lucie avait opté pour le même costume, on ne les aurait pas distingués. Les deux frères arrivèrent une heure plus tard, alors que les quatre autres dansaient déjà. Julien avait invité son ange à danser, histoire de faire comprendre à Simon qu’il était grand temps qu’il fasse pareil avec la sœur de son cavalier. Pour son costume, Ethan avait choisi la facilité. N’aimant pas beaucoup se déguiser, il avait simplement exagéré un peu sa tenue de motard. François quant à lui s’était glissé dans les collants de Peter Pan. Il y avait des accoutrements en tout genre. Beaucoup de gothique lolitas et de fans de Final Fantasy apparemment. Certaines personnes furent priées de rentrer se rhabiller. Il ne fallait pas trop exagérer non plus. Un étudiant avait même tenté de venir en tenue d’Adam ! Le professeur et son cadet se dirigèrent vers leurs amis, sitôt le barrage de curieux que formaient quelques collègues et élèves franchi. Comme de juste, ceux-ci se demandaient qui était le jeune homme qui accompagnait l’enseignant. Dès qu’Ethan aperçut Tristan, il l’enleva à Julien. Cette fille était tout à fait à son goût et par la même occasion, cela permettrait au couple d’être un peu ensemble. Il ferait la connaissance des fameux amis plus tard. À moins que cette beauté soit justement Lucie ? Visiblement, elle n’avait pas l’air d’avoir envie de parler. Autant laisser planer le mystère pour le moment. Le jumeau était un peu perdu, il ne savait pas trop comment réagir face à l’attitude on ne peut plus audacieuse de ce bel inconnu. Mais comme il lui plaisait, il décida d’en profiter et se laisser entraîner sur la piste de danse. Julien ne manqua pas de faire discrètement une remarque à François. Il lui avoua qu’il le rendait fou dans son collant et qu’il se ferait un plaisir de le lui enlever plus tard... Il n’eut pas le temps de pouvoir profiter de la gêne de son amant qu’ils furent interrompus par Lucie. « Qui c’est le mec qui danse avec mon frère ? » demanda-t-elle, ne les ayant pas vu arriver. « Le mien », répondit l’enseignant, ravi de cette intervention. « On n'a même pas eu le temps de lui dire que c’était ton jumeau, il a flashé et l’a embarqué. C’est que c’est un fonceur le frère de mon chéri », expliqua l’étudiant, s’amusant du dit chéri qui regardait dans tous les sens de peur que quelqu’un ait entendu. Décidément, Julien avait l’intention de le taquiner toute la soirée. « Quand il se rendra compte qu’il danse avec un mec, j’espère qu’il ne le prendra pas trop mal. Tristan a l’air enchanté lui en tous cas », énonça la sœur. Le couple la rassura sur la personnalité du motard. Il y avait probablement peu de personnes aussi ouvertes que lui. Tout avait toujours l’air de lui sembler normal. La jeune fille, ravie d’apprendre cela, l’envisagea sous un autre angle, peut-être que son frère lui plairait réellement… Alors qu’ils dansaient toujours de leur côté, Ethan ne put s’empêcher de dire à Tristan qu’il n’était vraiment pas bavard. S’il savait pourquoi ! se disait le jumeau. Il ne répondit pas mais redressa la tête, qu’il avait jusqu’alors nichée dans le cou de son partenaire. Il lui sourit en posant son doigt contre ces lèvres qu’il convoitait. Il craignait bien trop que sa voix le trahisse et que ce bon moment ne prenne fin. Prenant ce geste pour une invitation, car le blond avait mis beaucoup de sensualité dans son attitude, le frère de François n’y alla pas par quatre chemins et l’embrassa avec fougue. Tristan fut surpris par la violence de ce baiser mais se laissa faire avec plaisir. Après tout, ce serait peut être le seul qu’ils échangeraient. Une fois que les douze coups de minuit auraient sonné, ça serait terminé pour Cendrillon… Ils se quittèrent un instant, la jeune noble désignant d’un geste l’endroit où elle voulait se rendre. Il n’allait pas attendre derrière la porte comme un idiot, il lui embrassa la main en lui disant qu’il l’attendrait auprès de son cavalier précédent et ils se séparèrent. « Waow, cette fille sait embrasser ! » s’exclama le jeune homme en rejoignant les autres. François, Lucie et Simon étaient morts de rire mais Julien, lui, ne riait pas du tout. Voyant le regard assassin qu’il adressait à Ethan, l’hilarité s’estompa. Et la jeune fille, ne voulant pas que la situation dégénère, décida de faire les présentations. « Salut, moi c’est Lucie et lui c’est Simon. Toi c’est Ethan c’est ça ? Hé ben, tu ne perds pas de temps ! T’es du genre rapide. » « Bah… pourquoi attendre ? Elle est canon et elle n'avait pas l’air contre, en plus… Pourquoi tu me regardes comme ça Julien ? Ne me dis pas que tu avais des vues sur cette fille, mon frère ne serait pas heureux ! » plaisanta le cadet. « Ce n’est pas une fille. C’est Tristan, le jumeau de Lucie. C’est un garçon sensible et fragile, ne joue pas avec lui. Je doute que tes pratiques lui conviennent », agressa l’étudiant. L’image furtive du blond en pleine fessée avait traversé l’esprit de Julien. Il savait son ami bien trop fragile pour ça, pas question que le motard joue avec lui. « Un mec ? Ben merde, j’avais pas remarqué. Le costume est très réussi. C’est vrai que maintenant que je te regarde, Lucie, vous vous ressemblez beaucoup. En tout cas, lui il savait très bien que j’étais un mec et ça n’a pas eu l’air de lui poser un problème. Il m’a l’air assez grand pour savoir ce qu’il fait », gronda Ethan qui n’avait pas du tout apprécié l’attaque du petit ami de son frère. Ils avaient tout deux haussé le ton et François essaya de les calmer, ils n’étaient pas là pour se disputer. Le motard, étant du genre bagarreur, avait bien envie d’en coller une à Julien mais il s’apaisa en voyant le couple regarder Lucie avec inquiétude. Elle était devenue toute pâle et tremblante. « Trouve-le tout de suite ! Il a un problème, je le sens. Il ne va pas bien », paniqua-t-elle en agrippant le bras d’Ethan. Ce dernier courut immédiatement en direction des toilettes, pendant que Simon prenait la jumelle dans ses bras. Son état lui rappelait que la dernière fois qu’il l’avait vue comme cela, ils étaient revenus en catastrophe de leur sortie pour trouver Tristan en plein désarroi. Julien voulut suivre le cadet de son amant mais celui-ci l’en empêcha. Il lui demanda de laisser faire son frère, de lui faire confiance et l’étudiant se résigna. Le professeur pensait que ce ne serait pas une mauvaise chose que Tristan s’attache un peu à quelqu’un d’autre que Julien. Il ne comprenait d’ailleurs pas l’attitude possessive que son petit ami venait d’avoir. Ce n’était pas parce que son cadet avait eu une relation hors norme par le passé, que ça faisait de lui une brute sans cœur. Tristan, lui, était terrorisé. Trois types l’avaient coincé dans les toilettes et s’étaient enfermés avec lui. Il comprenait très bien ce qui allait se passer. Il suffisait de voir les rictus cruels qu’affichaient ses agresseurs. Qui plus est, ils avaient l’air saouls ce qui n’arrangeait rien. Il n’arrivait même pas à appeler à l’aide tellement il était tétanisé. De toute façon avec le bruit que faisait la musique, personne ne l’entendrait. Ils commencèrent par lui arracher sa perruque. Là, pris de panique il se mit à se débattre mais l’un d’entre eux le frappa en plein visage, avec une force telle que le jumeau en tomba sur le carrelage. Il était déjà au bord de l’évanouissement, sans savoir si c’était dû à la peur ou au coup qu’il venait de recevoir. Mais cela ne l’empêcha pas de les entendre déverser leur haine sur lui. Ils étaient dégoûtés qu’il ose s’afficher habillé de la sorte, une petite salope qui n’attendait que de se faire sauter. Puisque c’était ce qu’il voulait, il allait voir ce qu’il allait prendre. Sur ces mots, ils lui arrachèrent ses vêtements. Tristan pleurait, il ne voyait vraiment pas comment il allait pouvoir se sortir de ce pétrin. Arrivé devant les toilettes Ethan trouva porte close, bloquée de l’intérieur. Entendant des pleurs, il la défonça avec colère, elle ne mit pas bien longtemps à céder. Il trouva sa belle en larmes sur le sol, son costume déchiré. Un hématome était déjà bien visible sur sa pommette. Le motard vit rouge et fonça dans le tas. Un seul coup de poing en assomma un. Un des deux autres prit peur face à la rage du nouvel arrivant et tenta de se justifier en lui disant que le blond s’était moqué de lui mais Ethan n’étant plus lui-même, ne l’entendit même pas et le cogna comme un malade. Le troisième prit la fuite, ce garçon était complètement dingue. Le type au sol commençait vraiment à perdre pas mal de sang, il était dans les vapes mais le cadet de François ne s’arrêta que lorsqu’il entendit Tristan hurler et supplier d’arrêter. Le jumeau avait été soulagé de l’intervention du motard, mais là, il lui faisait vraiment peur. Il allait le tuer s’il continuait. Se rendant enfin compte que c’était lui qui terrorisait le blond en ce moment, il se calma et s’approcha de la petite forme tremblante et recroquevillée sur elle-même. Tristan pleurait de plus en plus, il avait eu très peur et n’arrivait pas à se calmer. Heureusement ces types n’avaient pas eu le temps de faire autre chose que l’insulter et lui arracher ses vêtements. Ça l’avait suffisamment marqué comme ça. Ethan ôta sa veste et enveloppa le jumeau dans celle-ci, avant de le soulever pour le porter. Le blond était tout à fait en état de marcher mais le geste protecteur du motard lui plut beaucoup, il nicha alors son visage dans le creux du coup de son sauveur. Sa sœur et ses amis arrivèrent lorsqu’ils quittèrent les lieux, ayant eu vent de ce qui s’était passé par les curieux qui avaient assistés à la scène. Julien et Lucie crurent qu’ils allaient devenir fous lorsqu’ils comprirent ce qui s'était passé. Julien, qui avait même imaginé bien pire, se mit à trembler. Son ange, qui avait redressé la tête à l’arrivée de ses proches, remarqua tout de suite la terreur dans les yeux de son ami et s’empressa de le rassurer en chuchotant qu’ils n’avaient pas eu le temps de lui faire du mal. Rien que ces quelques paroles lui semblèrent être un effort surhumain, il était épuisé. Ses muscles qui étaient jusqu’alors tendus à l’extrême se relâchaient enfin. Julien voulu le prendre dans ses bras, mais la façon dont il s’agrippait à Ethan l’en dissuada. Il se sentait visiblement très bien où il était. Le motard resserra son étreinte, considérant déjà Tristan comme sien. Il était clair que pour chacun d’entre eux, la soirée était bel et bien finie. Ils se rendirent tous ensemble chez François pour y passer la nuit. Ils entrèrent en silence pour ne pas éveiller Camille et Ethan emmena Tristan dans sa chambre où il le déposa sur le lit. Voyant que Julien était déjà prêt à monter sur ses grands chevaux, il l’informa qu’il dormirait dans le salon avec Simon. Lucie dormirait dans sa chambre, avec son frère. Comme le blond demanda tout de suite à rester seul avec sa sœur, ils les laissèrent et préparèrent leur propre nuit. Le professeur et l’étudiant rejoignirent leur chambre. Par chance il avait été prévu que Julien dorme là, il n’aurait pas aimé devoir réveiller sa mère pour la mettre au courant des derniers évènements. Simon et Ethan, eux, préparèrent le canapé, qui heureusement s’ouvrait en lit. Le futur professeur de sport expliqua ce qui liait Tristan et Julien mais il avoua également qu’il ne comprenait pas pourquoi son ami avait eu une réaction aussi vive à leur baiser. Le motard lui expliqua qu’il avait entretenu une relation SM avec son ex et que Julien, étant au courant, voulait probablement protéger son ami. Il rassura Simon, figé de surprise, en lui expliquant qu’il ne forçait ses partenaires en rien et qu’il n’avait vraiment aucune intention de faire du mal à leur Tristan. Ils discutèrent une bonne partie de la nuit, se trouvèrent pas mal de goûts en commun et s’entendirent vraiment très bien. D’ailleurs l’idée que Lucie lui passe les menottes n’était pas pour déplaire à Simon… Dire qu’il n’était même pas capable de se déclarer. Dans la chambre de François, Julien pleurait. Penser que son ange avait été à deux doigts de se faire violer était trop insupportable pour lui. Bien sur, ça lui remémorait son propre viol, ce qui n’arrangeait rien. Il avait peur également que le blond se soit déjà attaché à Ethan. Il se liait facilement. Et que ce dernier l’ait défendu et ait accepté facilement le fait qu’il soit un garçon déguisé en fille sans se fâcher suffirait sûrement. Sans compter que visiblement, il l’attirait déjà dès le départ. L’étudiant était persuadé que ça ne pourrait pas marcher entre eux, ils étaient trop différents et il ne voulait pas que Tristan souffre. François essaya d’apaiser ses craintes et lui dit aussi qu’être différent n’était pas forcément un mal. Que dans tous les cas c’était à eux d’en décider, qu’ils n’avaient pas le droit de s’en mêler. Et comme rien ne s’arrangerait cette nuit de toute façon, que la meilleure chose à faire pour l’instant c’était de dormir. Dans la chambre d’ami, Lucie berçait Tristan depuis leur retour. Son petit frère avait l’air tellement heureux lorsqu’il dansait avec Ethan, pourquoi avait-il fallu que la situation dégénère… « Tu es sûr que ces salauds ne t’ont pas fait de mal ? Tu as dit ça mais tu as un beau bleu », questionna la jumelle. « Ils n’ont pas eu le temps, Ethan s’est jeté sur eux. Il cogne vachement fort. Il m’a fait peur tu sais, même si j’étais très heureux qu’il me défende. Quand je l’ai vu arriver, j’ai eu peur qu’en s’apercevant que j’étais un mec qu’il s’y mette avec eux. Pourquoi ça gêne tant tout le monde que je sois gay ? Je ne fais de mal à personne. D’accord j’ai embrassé Ethan sans qu’il sache que j’étais un mec, ce n’était pas très honnête de ma part mais c’est pas un crime. Et puis, il est le seul que ça aurait pu embêter, je ne vois pas en quoi ça regarde les autres… » s’énerva le blond. « Calme-toi mon bébé, je sais bien que tu n’as rien fait de mal. D’ailleurs c’est lui qui t’a embrassé et pas toi. En plus, il a précisé que tu embrassais très bien… » tenta Lucie, qui savait très bien que son frère allait se focaliser là-dessus maintenant qu’elle lui tendait la perche. « Il a dit ça ? Mais il ne savait pas que j’étais un mec… » « Il ne le savait pas quand il l’a dit, mais je lui ai dit qui tu étais avant qu’il ne te rejoigne pour te venir en aide. Et sache que dès qu’il a su que tu étais en danger, il a couru vers toi sans hésiter une seconde. ça n’a vraiment pas l’air de lui poser le moindre problème que tu ne sois pas une fille », rassura la jeune fille. « Il me plait vraiment beaucoup tu sais. » « Je crois que c’est réciproque. Tu lui parleras demain. Tu devrais te reposer maintenant et oublier ce qui s’est passé. » « Je parlerai aussi à Julien, ce qui a failli se passer a dû lui rappeler de mauvais souvenir… » s’inquiéta le jumeau. « François est là pour veiller sur lui. Ne t’inquiète pas, dors maintenant », conclut la jumelle avant d’embrasser son frère et de lui souhaiter une bonne nuit. Il se blottit dans ses bras et n’eut aucune difficulté pour trouver le sommeil. À suivre… |