"Gentil d'avoir gardé le silence jusqu'ici, l'elfe.."
Les pupilles de l'humain ne me quittent plus, je remarque nettement ses muscles trembler imperceptiblement. De quoi? Haine? Peur? Je ne vois que ces deux sentiments là comme origine des subtiles changements de comportements du guerrier.
Je ne répond pas. Nous nous éloignons doucement l'un de l'autre, dans une parfaite étude circulaire de notre adversaire, chacun plongé dans le creux de ses pensées mais prêt à bondir au moindre tressaillement.
Qui es-tu donc, Humain? Qui es-tu pour moi? Qui étais-je pour toi? Une simple connaissance, ou davantage?
Les circonstances de notre rencontre me ressurgissent violement au visage en même temps que la dague de mon humain. Mais ce n'est pas moi qui en suis la cible, une ombre sombre dans un râle juste derriere moi.J'ai tout juste le reflexe d'arrêter ma lame alors que je comprend la situation, bondissant sur le côté pour voir la forme encore chaude s'écrouler sur le sol poussiéreux de la ville. J'ai cru un instant observer un transfert de chaleur entre le futur cadavre et le bras de mon vis-à-vis. J'écarte rapidement cette pensée parasite, il y a plus urgent.
L'homme m'observe d'un air cynique.
"Quoi? Dois-je te remercier?" Lui lance-je d'un ton entre mépris et ironie.
"Ca pourrait effectivement être une option très agréable."
Cet homme possède assurément un sourire qui fait froid dans le dos...
"Pff, je m'en serais très bien occupé moi-même, humain!"
"Hum? Humain?"
Sans se départir de sa position sur le qui-vive, l'homme brun m'observe en fronçant les sourcils. Par..n'importe quelle divinité, quel imbécilé!
Je me mords sans douceur la lèvre inférieure pour retenir un soupir agacé envers moi-même.
Moi qui voulait tenter d'en savoir plus sans avouer ma faiblesse d'esprit, c'était foutu! Cet humain avait directement sauté sur l'erreur, et ce malgré l'adrénaline qui devait encore couler dans ses veines, notre récent combat, la mort de son homologue...
Un maîtrise de soi exemplaire. Un parfait assassin, capable de tout quelle que soit la circonstance.
"N'est-ce donc pas ta race? Ou crois-tu donc ne plus en faire parti? Tu me sembles pourtant en posséder tous les attributs.."
Répliquais-je, moqueur et sur la défensive.
L'assassin tiqua un instant, infîme, avant de remonter ses murailles. Ah! Un fin sourire étire mes lèvres sur mon masque noir. Malgré ma défaillante mémoire, il semblerait que je sache par instinct comment déstabiliser cet homme de pierre.
"Autant que toi et la tienne, Drow."
Hum. Deuxième erreur.Mon regard aurait davantage dut refléter ironie ou agacement que réflexion à cette réplique, je le sens. Les prunelles de l'humain me renvoient sa propre réflexion.
Mais pourtant, cette seule phrase de cet humain qui me connaissait ouvre une myriade de possibilité sur mon moi passé..et mon moi présent. Ironie? Attaque? Déclamation? La porte est entre-ouverte.
"Tu es encore plus déglingué qu'habituellement, Do'Urden. Si l'on ommet le fait que tu sois en vie plutôt que la forme de cadavre dans laquelle je t'avais laissé.."
Ses dagues se sont légèrement abaissées, son sourire au contraire s'est encore accentué. Son ton est nonchalent, semblant sous-entendre une rencontre lassante, un sujet ennuyant. Mais je devine aisément la perche tendue sous la force de son regard qu'il ne dissimule même pas. Et pourtant, je plonge.
" Comment..?"
Laisse-je échapper avant de serrer violement lèvres et poings. Trop tard. Si lui observe à peine l'évolution de mes expression sous les rares rayons de Lune, moi je vois tout de lui.
"Vraiment, vraiment plus déglingué que ton état normal, et c'est peu dire.."
Il s'avance d'un pas, je recule. Involontairement. Son sourire s'agrandit.
"Dis-moi, tu sais qui je suis au moins?"
Je reprend du poil de la bête, sentant l'adrénaline me parcourir. Les babines quelques peu retroussées, je regagne mon espace perdu, me heurtant presque à l'humain, sentant son souffle à quelques centimètres dans la nuit.
"Je doute que ma considération de ta personne ne te convienne vraiment, comment souvent."
Du bluff. Je ne sais pas du tout ce que je raconte. Simple déduction de ses paroles, de son ton de conversation vis à vis de moi. Qui que soit cet humain pour moi, ami, ennemi, rival, conccurent ou que sais-je, je sens que je ne dois pas perdre face à lui. Et je n'en ai pas envie. J'ai bien trop souvent courbé l'échine récemment.
Ricannement de l'humain, qui termine rapidement en franc éclat de rire.
J'hausse un sourcil, quelque peu vexé sans trop savoir pourquoi.
"Que fais-tu ici?"
Le revoilà calme à nouveau, le regard sérieux et sombre.
"Je profite du clair de Lune pour paraître moins bronzé, je pensais que c'était évident."
Il écarte mes parôles d'un revers de la main.
"Te fous pas de moi! Dans cette ville! Dans ce quartier! Je comprend maintenant l'origine des deux souriceaux morts de l'autre ruelle."
Il semble terminer sa phrase dans son esprit.
Il a fait le lien entre ma lame, moi, et le sang versé plus tôt dans la nuit. C'est donc bien un trio naturel.. Pourtant rien que d'y repenser, je sens la bile me monter à la gorge.
"Tu es bien la preuve que je ne suis pas le seul meurtrier du coin, il me semble."
Réplique-je pour masquer mon désagrément.
"Bien sûr."
Je n'aime pas son ton. Je ne suis vraiment pas, ou plus, habitué que l'on joue ainsi avec moi, que l'on éprouve envers ma peau autre chose qu'haine et peur. Je ne sais pas dans quelle catégorie ranger cet humain et je n'aime pas cela. Je n'ai plus envie d'être patient.
"Tu as quelques chose à dire, alors vas-y! Tu m'agaces à tourner ainsi autour du pot!"
"Moi? Mais n'est-ce pas toi qui n'arrêtes pas de me balader, Do'Urden?"
Il semble réfléchir quelques instants, avant de sourire et de reprendre.
"Ne devrais-tu pas tout simplement être satisfait que nous puissions discuter si longuement pour une fois? Je suis d'ailleurs étonné que tu ne m'en es pas déja fait la remarque... "
Ricane t-il doucement en s'adossant tranquillement au mur de pierre, bordé d'ombre.
Cet homme m'agace.
"Si parler te semble bien plus incongru qu'essayer de nous écharper, je ne peux rien pour toi, encore une fois."
Cette fois, aucun autre résultat qu'un haussement d'épaules.
"Il faut croire que tout le monde évolue... Perdre les prochaines heures a essayer de te vaincre ne m'interesse guère..."
Prochaines heures? Une tournure de phrase assurément.
J'hausse les épaules. Maintenant que l'adrénaline est retombée, la fatigue de ces derniers jours m'envahit, je sentirais presque mes membres s'engourdir un à un... Le temps de notre début de combat me semble bien loin..et pourtant j'ai toujours du mal à me dire que ce simple humain m'a quasiment battu..et que cela semble être une affaire commune.
Jusque là je n'ai croisé aucun être vivant apte à me fournir de véritables difficultés à lui seul. Alors cet humain, aveugle dans la nuit? Son passé commun avec le mien expliquerait-il cette incongruité? Ou serait-il quelque chose dépassant l'apparence qu'il arbore? J'ai l'impression que les réponses se bousculent dans mon esprit..Aussi vraies que trompeuses.Tant d'ombres silencieuses, de fausses promesses et de trappes.
Je ne peux avoir confiance en moi. Dois-je avoir confiance en cet homme qui n'a, malgré son apparente attitude, toujours pas rangé ses armes?
"J'y vais."
"Hein?"
"Je n'ai pas que ça à faire, jouer les Drowsitter toute la nuit, l'Elfe. Je travaille."
"Excuse moi alors de te faire perdre ton temps...."
Un fin sourire se dessine sur ses lèvres avant qu'il ne disparaisse dans l'ombre sans que je ne le retienne.
Je me sens perdu, le cimeterre pendant le long de mon bras engourdi, ne comprenant pas la réaction de l'humain. Tant d'émotions! De sous-entendus! Pour..Rien?
Si proche et si loin? Tel un papillon, je suis attiré par les flammes de mon passé! Moi qui avait décidé de laisser mon nouveau-moi s'épanouir, voilà cette ombre ricanante qui ressurgit, aussi sombre que ma peau!! Impossible de passer outre dorénavant, je sens ma curiosité et mon interet bien trop éveillés.. Ainsi que de bien mauvais pressentiments.
Dans un élan de rage désespérée j'heurte violement une pierre du pied... Et me stop immédiatement.
Aucune douleur.
De suite je me rend compte que mon bras n'est pas juste engourdis par la force de la passe d'arme...Et que je comprend trop tard.
Apeine ai-je le temps de me rendre compte de l'absence de réaction croissante du reste de mon corps que je me sens tomber. Glisser contre le pavé et remarquer l'approche d'une ombre au sourire qui m'exaspère déja, avant de sombrer dans l'inconscience.
Il semblerait que je n'ai guère le choix de me conforter ou non à mon passé au final. La décision n'aura pas été mienne.
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