Après une heure de réflexion dans la forêt, je rentrais chez moi, les images et la voix de A dans la tête toutes les minutes. Je voulais le voir, et lui parler, savoir pourquoi il me parlait, qui il était… Je m'étonnais à vouloir rencontrer cet homme, moi qui ne suis pas du tout sociable. Je me glissais sous une douche brûlante, et j'allais me coucher, trop secoué pour avaler quoi que ce soit. Mais comme la veille, je n'arrivais pas à trouver le sommeil.
J'allumais donc mon ordinateur et ouvrais le dossier de A. J'observais les images, les unes après les autres, et je regardais de près les détails de ses mains, ses bras et sa taille. Après dix minutes à repérer détail sur détail, je conclus que A était bien l'homme des photos. Et je regardais en détail les traits de son visage, aussi délicats et fins que le reste de son corps. Le plus étonnant chez lui était le vert intense de ses yeux, qui pétillaient de malice sur toutes les photos, et le rouge feu et sang de ses cheveux, coiffés d'une étrange façon. C'était un beau garçon, qui me semblait agréable. Sous ses yeux brillants, deux petites marques noires s'étalaient sur ses joues.
Quand je me rendis compte que ces marques avaient exactement la même forme que ma cicatrice, cette dernière se remit à brûler. Je devais absolument le rencontrer. J'entendais sa voix quand j'étais en danger non ? Alors je devais me mettre en danger.
La forme étant complètement revenue en moi, je courais presque dans la cuisine. Une fois en bas, je fis en sorte que le plus gros de mes couteaux me tombe dessus. Comme je l'avais espéré, la voix de A me parla, une demi-seconde avant que le couteau ne tombe.
"Au-dessus de toi, Roxas !"
J'avais eu raison, il me parlait quand j'étais en danger. Alors je mis une veste, et je sortis dans la nuit noire. Sa voix agissait comme une drogue sur mon corps et mon cerveau, j'avais besoin de l'entendre encore et encore. Alors je retournais dans la forêt, et je cherchais un arbre qui me ferait tomber, et le plus haut serait le mieux. Je montais sur un vieil arbre, et mon pied dérapa. Je glissais, et je tombais sur le dos, mon visage écorché se mettant à saigner. Mais A ne m'avait pas parlé. Allons Roxas, soit imaginatif, il faut que tu trouve plus dangereux…
L'idée me vint quand j'entendis le vent. La falaise. Un sourire s'étira sur mon visage tandis que je courais vers la plage. Je ne m'y aventurais pas d'habitude, le vent est trop fort et la falaise très abrupte. Mais la, j'avais besoin de A, de sa voix, et de savoir qui il était.
Alors je courais, et une fois arrivé la bas, le vent me fouetta le visage, mêlé des odeurs de la mer agitée. Sa force me fit vaciller, alors que j'étais encore sur la large partie de la falaise. Pour l'entendre, je devais avancer, alors un pas après l'autre, je mettais ma vie en danger.
"Roxas, arrête, c'est trop dangereux !"
Ca y est, A était là, et je n'étais pas encore très loin.
Plus j'avançais, plus je l'entendais. Sa voix était vibrante de peur, et j'avais l'impression qu'il était effrayé à ma place.
"Je t'en supplie Roxas, tu va te tuer !"
J'étais arrivé au bord de la falaise, et mes bras écartés comme des voiles me déstabilisaient encore plus. Un pas de plus et je chutais. Je ne voulais pas détruire ma vie, mais plus j'approchais, plus sa voix criait dans ma tête, et j'en voulais encore.
J'avançais mon pied, lentement, et quelques morceaux de pierres se détachèrent et se fracassèrent dans l'eau.
"Non, Roxas, je t'en prie…"
Sa voix suppliante, sa proximité grandissante… C'était tellement agréable…
Un dernier pas… Ce pas fut le seul que je n'aurais pas du faire. Le bout de la falaise se détacha et je tombais avec lui. J'eus l'impression que mon cœur resta en haut et que mon corps sombrait. A hurlait dans ma tête, et moi je hurlais par-dessus lui. Je m'étais tué pour lui, mais après tout, il était le seul qui s'était intéressé à moi, durant ma vie entière, et qui avait voulu me protéger.
Merci A, d'avoir fait attention à moi…
Mes yeux se fermaient, le vent me ballottant comme une poupée de chiffon, et je sentais l'eau se rapprocher. J'entendis la si belle voix de A dans ma tête une dernière fois, avant de sombrer dans l'inconscience, qui j'en suis persuadé, sera ma dernière.
"Ho, Roxas, tu ne peux rien faire tout seul, tu as toujours besoin d'aide…"
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