Voilà le nouveau chapitre de La Liberté des Rêveurs. Il m'a fallu deux semaines pour réussir à le sortir de ma tête. J'espère qu'il plaira :) Merci à celles (et ceux, peut-être?) qui prennent le temps de la lire, un immense merci aux reviewers qui me donnent le courage de continuer, même lorsque j'ai l'impression d'être dans l'impasse et que l'inspiration me fuit, la vilaine. Un remerciement particulier à Deria (ffnet), fidèle lectrice depuis le premier chapitre, et ses reviews enthousiastes qui font chaud au coeur.
Dans ce chapitre, un peu moins de magie, sans doute, mais j'espère néanmoins qu'il vous plaira.
Alice Saturne, à votre service.
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Février: L'Air
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« …incompréhensible… guérison… »
Ce fut une voix inconnue qui tira Gabrielle du sommeil. Elle ouvrit précautionneusement les yeux. Le plafond de sa chambre l'accueillit, rassurant dans sa familiarité.
La voix d'un homme la fit sursauter.
« Ne bouge pas. »
Un visage se pencha sur elle. De grosses lunettes rondes, un visage creusé de rides, des sourcils broussailleux. Elle ouvrit la bouche pour tenter de parler, mais sa gorge desséchée la rappela à l'ordre.
L'homme l'aida à se redresser et approcha un verre d'eau de sa bouche.
« Bois ça. Doucement, ne t'étouffe pas. »
Gabrielle obtempéra et ne put retenirr un soupir de soulagement lorsque l'eau froide calma sa gorge irritée.
« Gabrielle. »
La voix de Luna était tremblante et enrouée, et Gabrielle détourna la tête. Elle ne voulait pas voir Luna, elle ne voulait pas se trouver face à sa propre culpabilité. Elle avait failli tuer la jeune femme. A cette pensée, ses yeux se remplirent de larmes. Elle prit une inspiration tremblotante, déterminée à ne pas céder à l'envie de pleurer comme une adolescente en faute.
Une main fraîche se posa sur son menton et la força à tourner la tête. Luna était pâle, les yeux rougis et cernés. Gabrielle ne parvint pas à retenir ses larmes plus longtemps. Elle éclata en sanglots.
« Luna, je suis désolée, je suis désolée, je ne voulais pas… »
Luna lui posa un doigt sur la bouche pour la faire taire.
« Non, Gabrielle, c'est de ma faute. J'aurais dû me rendre compte que tu n'étais pas dans ton état normal. La Magie du Feu est la plus difficile. Si j'avais passé plus de temps avec toi ces derniers temps, j'aurais remarqué que tu n'étais pas dans ton état normal… » Les yeux de Luna s'étaient aussi emplis de larmes. « C'est à moi de m'excuser, Gabrielle. Cela ne se reproduira plus. Je me suis comportée de façon terriblement égoïste depuis ton arrivée. Je… »
Luna se tut et regarda Gabrielle d'un air suppliant, le menton tremblant.
Gabrielle, ne sachant pas quoi répondre à ça, hocha faiblement la tête. Un raclement de gorge sonore les fit sursauter.
« Allons, allons, mesdames, vous vous embrasserez plus tard. » Gabrielle se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux. L'homme continua d'un ton bourru. « Luna, tu devras t'assurer que la jeune fille prend bien les potions que je lui ai prescrites, et ce, tous les jours pendant deux semaines. Celle-ci – il agita une grosse fiole contenant un liquide violet –aidera à stabiliser sa magie après le choc subi et celle-ci –il pointa du doigt une bouteille opaque posée sur la table de nuit –facilitera la guérison d'éventuelles blessures internes. »
Il agita le doigt en direction de Gabrielle d'un air sévère.
« Tu as été extrêmement chanceuse, jeune fille. Ta Magie Originelle t'a guérie sans aide extérieure. C'est très rare, et ne t'attends pas à ce que ça arrive tous les jours. La prochaine fois, tes jolis bras ne s'en sortiront pas sans cicatrices. » Gabrielle observa ses bras qui, en effet, ne portaient pas une trace des brûlures qu'elle avait subies. « On ne plaisante pas avec la Magie des Eléments, bon sang de bois. » bougonna l'homme dans sa barbe.
Luna se précipita vers lui et le serra dans ses bras. L'homme eut l'air stupéfait et un peu gêné. Il tapota maladroitement le dos de Luna.
« Allons, allons. Tout va bien, elle ne risque plus rien. Je t'avais bien dit que ça ne valait pas la peine de te mettre dans un état pareil, ma jolie. »
Luna le lâcha et laissa échapper un rire tremblant.
« Merci beaucoup Spencer, merci pour tout. Je te revaudrai ça. »
« Mais non, gamine, mais non. Tu sais très bien que je n'ai jamais besoin de rien. Je reviendrai dans deux semaines pour vérifier quelques petites choses. »
Il s'apprêta à partir, mais s'arrêta net sur le seuil de la porte. Il se tourna vers Gabrielle.
« Pas de Magie Originelle pendant ces deux semaines, jeune fille. Et pour l'amour du ciel, résous tes problèmes en parlant, pas en balançant des boules de feu ! »
Gabrielle ne put s'empêcher d'éclater de rire devant l'expression outrée du vieil homme.
« Promis ! » répondit-elle.
Lorsqu'il fut parti, le silence retomba sur la pièce. Gabrielle prit une grande inspiration.
« Luna, je – » Luna leva la main pour l'interrompre.
« Chut… nous aurons tout le temps de parler durant ces deux semaines. Ne te force pas à me donner des explications. Je sais être patiente. Je vais nous préparer à manger. Je suis allée te racheter des cigarettes quand Spencer s'occupait de toi. Elles sont dans le tiroir de la table de nuit. »
Gabrielle hocha la tête, incapable de formuler à voix haute toute la gratitude qu'elle ressentait. Luna dût la percevoir quand même, car elle lui adressa un sourire radieux avant de s'avancer pour l'embrasser sur le front, un geste à la fois si chaste et si intime Gabrielle sentit le sang lui monter aux joues et son cœur s'emballer.
« Repose-toi, Gabrielle. Je te réveillerai quand tout sera prêt. »
Elle sortit de la chambre sans un bruit. Gabrielle, incapable de se rendormir, tenta de chasser de son esprit les évènements de la veille. La culpabilité qui l'avait désertée l'espace de quelques minutes revint la frapper en plein fouet. Elle avait failli tuer Luna, la personne qui était devenue –sans même qu'elle ne s'en rende compte –une des personnes qui comptaient le plus pour elle.
Elle s'assit sur son lit, et ouvrit le tiroir de sa table de nuit, souriant lorsqu'elle vit les paquets de cigarettes soigneusement rangés dans le fond. Luna était si différente de toutes les personnes qu'elle avait rencontrées auparavant… A la fois attentive et lointaine, vulnérable et solide. Elle possédait cette aura de calme qui l'éloignait du reste du monde, sans l'en couper totalement. Gabrielle songea qu'elle avait manqué de causer la perte de cette femme magnifique, et son estomac se retourna.
Elle alluma une cigarette sans se soucier d'ouvrir la fenêtre. L'âcreté de la fumée lui fit tourner la tête l'espace d'une seconde, mais la sensation s'évanouit aussi vite qu'elle était arrivée, la laissant légèrement étourdie.
Ce soir-là, en contemplant les volutes blancs de la fumée de sa cigarette, Gabrielle décida que plus jamais elle ne ferait de mal à Luna Lovegood.
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xXx
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« Mon père était directeur du Chicaneur.»
Un doux sourire étirait les lèvres de Luna. La jeune femme était allongée sur le tapis, le visage éclairé par les flammes de la cheminée. Couchée sur le ventre, Gabrielle contemplait le foyer, tentant de réprimer les souvenirs que le spectacle évoquait en elle. Elle tourna la tête pour observer Luna, qui venait juste de briser le silence de la soirée. Une expression énigmatique flottait sur son visage.
« C'est quoi Le Chicaneur ? »
« Un journal. C'était le travail de toute sa vie. Mon père…mon père était un utopiste. Tout le monde le prenait pour un doux dingue, et il l'était probablement, à certain niveau. Mais il croyait en l'humanité, et il m'a transmis cette foi. Lorsqu'il est mort, l'année dernière, son journal s'est éteint avec lui. »
« Et ta mère ? »
Luna se tut longuement. Gabrielle commençait à penser qu'elle ne répondrait pas à la question lorsqu'elle reprit d'une voix paisible.
« Ma mère est morte quand j'avais neuf ans. Je me rappelle peu d'elle, mais je me souviens d'une femme très douce. Mon père l'aimait à la folie. Elle était brillante, vraiment, mais elle passait son temps à faire des expériences sans se soucier de se protéger. Elle était beaucoup trop distraite pour ça. Un jour, alors que je jouais dans le salon, j'ai entendu une explosion. Lorsque je suis allée voir dans son atelier, elle était sur le sol, morte. »
Le sang de Gabrielle se figea dans ses veines.
« Oh, Luna, je suis désolée… »
Luna tourna la tête vers elle et sourit.
« C'était il y a longtemps. Je ne suis pas triste, tu sais. Je l'ai été pendant longtemps, mais je sais qu'elle a été heureuse. Beaucoup de gens vivent une très longue vie, sans jamais connaître le bonheur. Ma mère a eu cette chance. »
Gabrielle contempla le profil de Luna, pensive.
« Je suis heureuse. »
Luna tourna la tête vers elle avec une expression de surprise ravie.
« Vraiment ? »
Gabrielle hocha la tête en silence. Une ombre passa sur le visage de Luna.
« Si tu es heureuse, que s'est-il passé la semaine dernière ?» Elle soupira, « Gabrielle, que s'est-il passé avec ta Magie ? Il est temps que nous en parlions. Je ne pourrai pas t'aider si tu ne t'ouvres pas. »
Gabrielle se figea. Jusqu'ici, le sujet avait été soigneusement évité, et elle avait nourri l'espoir qu'il ne reviendrait pas sur le tapis.
« Je… »
Les mots moururent dans sa gorge. Elle ne savait pas comment exprimer la masse des émotions qui bourdonnaient dans sa poitrine, elle ne savait pas par où commencer.
Elle tourna la tête pour regarder Luna. La jeune femme fixait le plafond d'un air concentré, comme si elle avait devant elle une énigme particulièrement difficile. La lumière émanant de la cheminée s'accrochait dans les boucles lâches de ses cheveux, et les flammes se reflétaient dans ses yeux limpides. Sans réfléchir, Gabrielle posa sa main sur la joue de Luna. L'espace de quelques secondes, la jeune femme ne bougea pas, le regard toujours perdu dans les méandres des branches couvrant le plafond. Puis, lentement, elle tourna la tête vers Gabrielle, sans que son expression ne perde son intensité recueillie. Gabrielle ne put retenir un soupir surpris lorsque son regard plongea dans celui de Luna. Les yeux de Luna, si bleus, si transparents, si lumineux. Je pourrais me noyer dans ces yeux, songea Gabrielle.
Son cœur accéléra subitement, et une bouffée de détermination la prit par surprise. Si elle ne pouvait pas expliquer ce qu'elle ressentait à Luna avec des mots, elle le ferait par ses gestes.
Sans se laisser le temps de penser à ce qu'elle allait faire, elle prit une profonde inspiration, se pencha, et posa ses lèvres sur celles de Luna, à peine un frôlement, à peine un baiser. Durant une seconde, plus rien ne bougea. Le cœur de Gabrielle marqua une halte. Les crépitements du feu se perdirent dans un bourdonnement de silence. Le monde était réduit à ses lèvres posées sur celle de Luna, immobiles, chaudes.
Luna répondit au baiser.
Le monde se remit abruptement en marche, tournant sur lui-même comme une toupie. Alors que la jeune femme posait le bout de ses doigts sur la nuque de Gabrielle, celle-ci sentit les picotements familiers de la Magie qui traversait son corps comme un courant électrique. Gabrielle ne s'inquiéta pas. La vague de Magie la submergea, à la fois rassurante et fébrile, tournoyant dans sa poitrine. Sans réfléchir, Gabrielle déplia ses paumes, laissa la Magie s'en évader sans retenue, et une rafale gifla ses joues sans douleur, comme une caresse un peu trop prononcée. La sensation qui l'envahit la fit presque suffoquer par sa puissance. Elle était complète, comme si une pièce du puzzle de ses émotions venait de se remettre à sa place. Et soudain, tout était clair.
Elle quitta à regret les lèvres de Luna. La jeune femme avait les joues rouges, ses yeux bleus à demi clos. La rafale se transforma en brise, effleura sa peau comme des doigts invisibles, et une sensation de plénitude grisante l'envahit.
« Je crois que tu viens de trouver ton élément, Gabrielle. »
Gabrielle hocha lentement la tête, sans un mot, la gorge nouée par l'émotion.
Dans la cheminée, les flammes frémirent, agitées par un souffle invisible.
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à suivre...
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N'hésitez pas à reviewer! Si vous avez des questions ou des suggestions, je suis prête à les écouter et à y répondre, et si vous avez aimé, même un petit mot me fera plaisir!
A bientôt,
Alice Saturne. |